Fil d'Ariane
Rohingyas : il faut faire plus pour que les militaires du Myanmar rendent des comptes, selon l'ONU
A l’occasion du sixième anniversaire de la crise des réfugiés Rohingyas, le chef des droits de l’homme de l’ONU a appelé la communauté internationale à faire davantage pour que l'armée du Myanmar rende des comptes pour les crimes qu'elle a commis et que justice soit rendue.
Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), les militaires ont mené des campagnes répétées de persécution contre les Rohingyas, qui ont conduit le pays à la crise humanitaire et des droits de l’homme qu’il connaît aujourd’hui. Il y a six ans cette semaine, l’armée du Myanmar a lancé une nouvelle campagne brutale dans le cadre d’une persécution de plusieurs décennies de la minorité musulmane Rohingya dans l’État de Rakhine.
« Face à l’impunité dont jouissent les militaires du Myanmar pour les crimes passés et présents commis à l’encontre des Rohingyas et d’autres groupes, j’appelle les États à soutenir pleinement les efforts internationaux en cours en matière d’obligation de rendre des comptes », a affirmé dans un communiqué, Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.
Il demande à la communauté internationale de redoubler d’efforts pour inverser la tendance au Myanmar et faire en sorte que les responsables rendent des comptes et que la justice soit rendue.
Traversées maritimes dangereuses entre le Myanmar et le Bangladesh
A noter que le Mécanisme d’enquête indépendant des Nations Unies pour le Myanmar (IIMM), a reproché à la junte militaire au pouvoir, dans un rapport paru mardi 8 août 2023, d’avoir commis des « crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans le pays, avec des attaques généralisées et systématiques contre des civils », mentionnant même une « augmentation spectaculaire ».
Depuis le coup d’État de février 2021, plus de 3.000 personnes sont mortes et plusieurs centaines de milliers d’autres ont été déplacées, a dévoilé l’IIMM dans son rapport. En cause, un gouvernement militaire notamment reconnu coupable de bombardements aériens aveugles, de massacre de civils, de torture et de violences sexuelles.
Dans ce qui est qualifié « d’opération génocidaire contre les Rohingyas », les services du Haut-Commissaire Türk estiment que près de 10.000 hommes, femmes, garçons, filles et nouveau-nés ont été tués. Plus de 300 villages ont été détruits et plus de 700.000 personnes ont fui vers le Bangladesh en peu de temps.
Au total, plus d’un million de Rohingyas ont fui les persécutions et la discrimination systématique pour demander l’asile international au Bangladesh, et plus de 100.000 autres sont détenus dans des camps de déplacés fermés à l’intérieur du Myanmar. Signe de leur désespoir, des milliers d’autres continuent de tenter des traversées maritimes dangereuses entre le Myanmar et le Bangladesh, qui se terminent trop souvent dans la tragédie.
Aucune volonté de s’attaquer à la discrimination systématique
« Ayant passé de nombreuses années à tenter d’alléger le sort des Rohingyas, mon souhait le plus cher est qu’ils puissent rentrer chez eux dans la dignité et la liberté, et qu’ils soient dûment reconnus comme faisant partie de la diversité de la population du Myanmar », a ajouté M. Türk, relevant que « leurs droits humains doivent être pleinement respectés et leur sécurité garantie ».
Ce n’est pas le cas actuellement, compte tenu des conditions précaires qui règnent dans l’État de Rakhine, a-t-il fait valoir. « En outre, l’armée n’a montré aucune volonté de s’attaquer à la discrimination systématique à l’encontre des Rohingyas ».
Face à ces crises concurrentes, l’ONU exhorte la communauté internationale à ne pas oublier les Rohingyas ni leur communauté d’accueil au Bangladesh. Les appels humanitaires en faveur des Rohingyas, tant au Myanmar que dans les camps du Bangladesh, ont besoin d’un soutien et d’un financement accrus. Parallèlement, les pays tiers devraient étendre les programmes de réinstallation des Rohingyas ou fournir une protection temporaire, en particulier dans la région.
Mettre fin à la « paralysie de l’indifférence »
De son côté, un expert des Nations Unies a appelé les dirigeants mondiaux à mettre fin à « la paralysie de l’indifférence » et à prendre des mesures pour que les architectes et les auteurs de cette violence rendent des comptes, tout en soutenant les réfugiés et les personnes déplacées.
« La responsabilité de l’immense souffrance des Rohingyas commence au plus haut niveau. Min Aung Hlaing, qui a mené la campagne génocidaire, est aujourd’hui à la tête d’une junte militaire illégale et illégitime qui s’en prend aux populations civiles dans tout le Myanmar. Il doit être traduit en justice et répondre de ses crimes », a déclaré Tom Andrews, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.
Si la responsabilité des crimes commis à l’encontre des Rohingyas incombe entièrement à l’armée du Myanmar, la communauté internationale a également failli à ses responsabilités envers les Rohingyas, a-t-il fait valoir, regrettant que le Conseil de sécurité n’ait toujours pas saisi la Cour pénale internationale (CPI) de la situation au Myanmar.
Le PAM contraint de réduire les rations
De plus, certains pays continuent de vendre des armes aux militaires qui ont attaqué et assassiné les Rohingyas et qui s’en prennent maintenant aux populations civiles dans tout le pays.
« Les nations qui soutiennent les droits de l’homme n’ont pas pris les mesures coordonnées nécessaires pour priver la junte militaire du Myanmar de ce dont elle a besoin pour poursuivre ses attaques : de l’argent, des armes et de la légitimité », a regretté M. Andrews.
Sur le plan humanitaire, le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint de réduire considérablement les rations dans les camps du Bangladesh en raison de la baisse des contributions financières des pays donateurs.
« Leurs enfants ne peuvent se contenter de discours politiques ou de résolutions des Nations Unies qui ne mènent nulle part. Ils ont besoin et méritent que le monde mette fin à la paralysie mortelle de l’indifférence », a conclu l’expert indépendant, rappelant que « les Rohingyas en ont assez des promesses creuses ».