Fil d'Ariane
Grèce : des experts de l’ONU dénoncent les retours forcés délibérés de migrants
Des experts indépendants des Nations Unies* ont fustigé, mercredi, des pratiques « déshumanisantes » et une « politique délibérée » de retour forcé de migrants et réfugiés d’origine africaine en Grèce.
Les experts de l’ONU ont exhorté Athènes à adopter des politiques et des pratiques sûres et impartiales en matière de protection des frontières. Ils ont ainsi condamné l’absence d’obligation de reddition des comptes pour les violations impliquant des membres des forces de l’ordre grecques.
La menace d'hommes masqués
Ils ont demandé des informations détaillées au gouvernement grec le 7 août dernier et exprimé leur profonde inquiétude concernant les incidents survenus en avril et les allégations de violations des droits de l’homme et d’abus.
En effet, douze demandeurs d’asile originaires de Somalie, d’Érythrée et d’Éthiopie, hommes, femmes et enfants, dont un nourrisson de six mois, fuyant la guerre et la répression, qui avaient déjà atteint le territoire grec, ont été rassemblés par des hommes masqués, dépouillés de leurs biens et emmenés de force au port de Mytilène, à Lesbos, le 11 avril dernier.
Certains d’entre eux ont déclaré qu’ils étaient arrivés sur l’île à bord d’un bateau de passeurs la veille.
L’incapacité à fournir une aide rapide et efficace aux migrants en détresse
« La violence, qui a été filmée, vérifiée et rapportée par les médias, a mis en évidence l’exclusion raciste et la cruauté des pratiques de protection des frontières de l’Europe », ont déclaré dans un communiqué les experts, demandant instamment à la Grèce de prendre « des mesures pour garantir une enquête transparente et impartiale sur les allégations de violations des principes de non-refoulement et de non-discrimination et du droit à la vie impliquant des membres des forces de l’ordre grecques, y compris les garde-côtes, et des violences aux frontières ».
Le rôle du racisme et du racisme systémique dans le traitement des demandeurs d’asile doit être pris en compte dans tout examen sérieux de ces pratiques
Les défenseurs des droits humains se sont inquiétés de la passivité des forces de l’ordre, notamment « leur incapacité à fournir une assistance rapide et efficace aux migrants en détresse ».
Alors que l’enquête est en cours, les experts font état « de preuves d’une politique délibérée et coordonnée de retour forcé et d’autres pratiques déshumanisantes de contrôle des frontières de la part de la Grèce », qui vont au-delà de la dissuasion et sont en contravention avec ses obligations internationales.
« Le rôle du racisme et du racisme systémique dans le traitement des demandeurs d’asile doit être pris en compte dans tout examen sérieux de ces pratiques », ont-ils fait valoir.
Pour les experts, ces 12 derniers mois ont été parmi les « plus meurtriers » pour les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants d’origine africaine et d’autres personnes en voyage, en particulier le long des routes maritimes et terrestres dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, et dans les traversées périlleuses du Sahara et de la Méditerranée.
Des expulsions collectives et arbitraires
Plus largement, les experts se sont inquiétés de « l’expulsion collective, arbitraire et illégale des demandeurs d’asile ». Selon eux, ces renvois forcés sont également contraires à la recommandation du Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale, qui demande aux États de « veiller à ce que les non-ressortissants ne fassent pas l’objet d’expulsions collectives ».
L’absence de voies de migration régulières, associée à des politiques migratoires restrictives, à une rhétorique xénophobe et à de nombreux autres facteurs favorisant la migration et le déplacement des personnes en mouvement, notamment le changement climatique et les conflits, qui ont des racines historiques profondes dans les pratiques coloniales, ont souvent pour effet d’aggraver ces dangers et ces risques plutôt que de les atténuer.
*Outre les cinq membres du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, le communiqué a été endossé par Felipe González Morales, Rapporteur spécial sur les migrants ; Ashwini. K.P., Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie; et Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires.
NOTE :
Les Experts indépendants, Rapporteurs spéciaux et les groupes de travail font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'établissement des faits et de suivi du Conseil. Les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales sont des experts indépendants en matière de droits de l'homme nommés par le Conseil des droits de l'homme pour s'occuper soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation. Ils travaillent à titre individuel et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail.