Fil d'Ariane
Afghanistan : plus de 200 anciens fonctionnaires tués depuis l’arrivée au pouvoir des Talibans
Au moins 218 exécutions extrajudiciaires d’anciens fonctionnaires et membres des forces de sécurité afghanes ont eu lieu depuis que les Talibans ont pris le contrôle du pays il y a deux ans, ont annoncé mardi dans un rapport les Nations Unies, dénonçant l’impunité prévaut pour ces violations des droits de l’homme.
Les groupes les plus visés par les Talibans sont les anciens membres de l’armée, de la police et des services de renseignement, selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) et la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).
Des violations ont été enregistrées dans les 34 provinces, le plus grand nombre se trouvant dans les provinces de Kaboul, de Kandahar et de Balkh.
La MANUA et le HCDH ont recensé au moins 800 violations des droits de l’homme à l’encontre d’anciens responsables du gouvernement afghan et des forces de sécurité entre le 15 août 2021, date à laquelle les Talibans ont pris le pouvoir, et la fin du mois de juin 2023. Il s’agit entre autres, des cas d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations et de détentions arbitraires, de tortures, de mauvais traitements et de disparitions forcées perpétrés.
Des abus malgré l’annonce d’une « amnistie générale »
« Le rapport de la MANUA dresse un tableau inquiétant du traitement réservé aux personnes affiliées à l’ancien gouvernement et aux forces de sécurité afghanes depuis la prise de contrôle du pays par les Talibans. D’autant plus qu’on leur avait assuré qu’ils ne seraient pas pris pour cible, il s’agit d’une trahison de la confiance de la population », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
« Des personnes ont été détenues par les forces de sécurité de facto (talibanes), souvent brièvement, avant d’être tuées. Certains ont été emmenés dans des centres de détention et tués pendant leur détention, d’autres ont été emmenés dans des lieux inconnus et tués, leurs corps étant soit jetés, soit remis à des membres de leur famille », indique le rapport. Et ce, malgré l’annonce par les autorités de facto d’une « amnistie générale » pour les anciens fonctionnaires du gouvernement et les anciens membres des forces de défense et de sécurité nationales afghanes.
Lors des entretiens menés par la MANUA, des personnes ont décrit des cas de torture et de mauvais traitements perpétrés par des membres des forces de sécurité de facto, notamment des passages à tabac à l’aide de tuyaux et de câbles, des menaces verbales et des abus.
La MANUA a également entendu des membres de familles dont les proches avaient été arrêtés ou portés disparus et dont les corps avaient été retrouvés des jours, voire des mois plus tard.
Majorité des abus au cours des quatre premiers mois de la prise du pouvoir
Dans certains cas, les personnes n’ont jamais été retrouvées. L’ancienne directrice de la prison pour femmes de Herat, Alia Azizi, n’est jamais rentrée de son travail le 2 octobre 2021. On ne sait toujours pas où elle se trouve.
La majorité des violations ont eu lieu au cours des quatre mois qui ont suivi la prise du pouvoir par les Talibans, la MANUA ayant enregistré près de la moitié des exécutions extrajudiciaires d’anciens fonctionnaires et de membres des forces de sécurité afghanes au cours de cette période. Mais les violations des droits se sont poursuivies même après cela, avec 70 exécutions extrajudiciaires enregistrées en 2022, ajoute le rapport.
Le rapport fait état d’au moins 33 violations des droits de l’homme à l’encontre d’anciens policiers dans la province méridionale de Kandahar, ce qui représente plus d’un quart de toutes les violations des droits de l’homme à l’encontre d’anciens membres de la police dans l’ensemble du pays.
Le document fait état d’au moins 14 cas de disparition forcée d’anciens fonctionnaires et membres des forces de sécurité afghanes.
Même dans les quelques cas isolés où une enquête a été annoncée par les autorités de facto, les progrès manquent de transparence et de responsabilité. L’impunité prévaut
« L’annonce d’une amnistie générale par les Talibans en août 2021 a été une étape bienvenue, mais elle n’est toujours pas pleinement respectée et les violations des droits de l’homme restent impunies », a regretté la Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan et cheffe de la MANUA, Roza Otunbayeva.
L’ONU regrette la prévalence de l’impunité
La Mission onusienne a recensé plus de 424 arrestations et détentions arbitraires d’anciens fonctionnaires et membres des forces de sécurité afghanes, et plus de 144 cas de torture et de mauvais traitements, notamment des passages à tabac à l’aide de tuyaux et de câbles, des menaces verbales et d’autres formes d’abus.
Or à ce jour, les efforts déployés par les autorités de facto pour enquêter sur les incidents décrits dans le rapport de la MANUA et demander des comptes à leurs auteurs ont été extrêmement limités.
Même dans les quelques cas isolés où une enquête a été annoncée par les autorités de facto, les progrès manquent de transparence et de responsabilité. L’impunité prévaut.
Le rapport de la MANUA appelle donc les autorités de facto à clarifier les termes de l’amnistie générale, à veiller à ce qu’elle soit respectée et à mener des enquêtes criminelles crédibles et transparentes sur les violations présumées des droits de l’homme commises à l’encontre d’anciens représentants du gouvernement et de membres des forces de défense et de sécurité nationales afghanes.
« Les autorités de facto doivent faire preuve d’un véritable engagement en faveur de l’amnistie générale. Il s’agit d’une étape cruciale pour garantir de réelles perspectives de justice, de réconciliation et de paix durable en Afghanistan », a conclu la cheffe de la Mission onusienne.