Aller au contenu principal

Jordanie : l’ONU s’inquiète d’une nouvelle loi restreignant les activités en ligne

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a exprimé mardi sa préoccupation concernant une nouvelle loi en Jordanie qui restreint et criminalise indûment les activités en ligne des individus et des organisations.

« Il ne fait aucun doute que la cybercriminalité doit être combattue et réglementée. Cependant, nous avons de sérieuses inquiétudes concernant une nouvelle loi sur la cybercriminalité qui doit bientôt entrer en vigueur en Jordanie », a déclaré une porte-parole du HCDH, Liz Throssell, lors d’un point de presse à Genève.

La nouvelle loi impose des sanctions pour la publication de contenu susceptible d'offenser les responsables des forces de l’ordre. Selon le HCDH, « cela pourrait faire taire les critiques et saper la responsabilité publique ». La loi pénalise également le contournement des adresses IP et autorise la suppression ou le blocage de contenus par les autorités sans contrôle judiciaire approprié.

Parmi les cyber-infractions larges et vaguement définies dans la législation figurent « la promotion, l'incitation, l'aide ou l'incitation à l'immoralité », « la diffamation » ; « l’incitation à la sédition ou l’atteinte à l'unité nationale » ; et « le mépris des religions ». L’ONU estime que ces formulations ciblent le contenu de l'expression en ligne, sont ouvertes à une large interprétation et ne respectent pas les exigences du droit international des droits de l'homme en matière de légalité, de but légitime, de nécessité et de proportionnalité pour les restrictions au droit à la liberté d'expression.

Peines de prison

La loi prévoit des peines de prison allant d'une semaine à trois ans et des amendes allant de 423 dollars à 105.000 dollars (300 dinars jordaniens à 75 000 JD), selon l'infraction.

« Nos préoccupations concernant la loi sont d'autant plus grandes que les intimidations, le harcèlement et les arrestations de militants augmentent dans un espace civique de plus en plus restreint en Jordanie. La précédente loi sur la cybercriminalité de 2015, que cette législation remplace, a été utilisée pour arrêter de nombreux militants des droits de l'homme et journalistes pour 'diffamation' », a souligné Liz Throssell.

Un cas récent est celui du journaliste satirique Ahmed Hassan Al-Zoubi qui, le 9 août, a été condamné à une peine d'un an de prison en vertu de la loi en vigueur pour avoir publié en décembre dernier sur Facebook un message critiquant la gestion par les autorités d'une grève des camionneurs.

« Nous reconnaissons la nécessité pour les États de prendre des mesures pour lutter contre la cybercriminalité, mais la protection de la sécurité en ligne et la garantie des libertés en ligne doivent être traitées comme des objectifs complémentaires », a dit la porte-parole du HCDH. « Une stratégie contre la cybercriminalité doit être fondée sur le droit international des droits de l'homme et être claire et axée sur les principaux cybercrimes, et éviter d'établir des infractions fondées sur le contenu de l'expression en ligne ».

Loi adoptée rapidement

L'adoption rapide de la législation - présentée au Parlement le 15 juillet, adoptée le 2 août et approuvée par le Roi le 12 août - soulève des inquiétudes quant à la transparence et à la participation, selon le HCDH, qui exhorte les autorités jordaniennes à reconsidérer cette législation en vue d'assurer le respect du droit international des droits de l'homme, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui est en vigueur pour la Jordanie.

« Nous exhortons les autorités à s'appuyer sur l'expertise disponible, notamment auprès de spécialistes en informatique, d'experts juridiques et d'organisations de la société civile concernées, ainsi que du Bureau des droits de l'homme des Nations Unies, pour élaborer une législation qui traite les cybermenaces légitimes tout en protégeant les droits fondamentaux de l'homme », a conclu la porte-parole.