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Quatre mois de guerre au Soudan : l’ONU et ses partenaires intensifient leur appel à la paix et à l’aide

Quatre mois après le début de la guerre au Soudan qui a entraîné une hausse de l’insécurité alimentaire, des morts et des blessés, ainsi que des violences sexuelles, une vingtaine de chefs d’agences des Nations Unies et d’autres organisations internationales ont lancé mardi un appel à la paix, à l’accès à l’aide humanitaire et au respect des droits de l’homme dans ce pays.

« Depuis quatre mois, le peuple soudanais est plongé dans une guerre qui détruit sa vie et sa patrie et viole ses droits fondamentaux », ont déclaré ces hauts responsables d’organisations humanitaires et d’agences onusiennes dans un communiqué commun. « Les gens meurent parce qu’ils n’ont pas accès aux services de santé et aux médicaments. Et maintenant, à cause de la guerre, les enfants du Soudan dépérissent par manque de nourriture et d’alimentation ».

« Chaque jour où les combats se poursuivent, les Soudanais sont privés de la paix qu’ils chérissent, de la vie à laquelle ils ont droit et de l’avenir qu’ils méritent », ajoute le communiqué, relevant que la communauté internationale n’a pas d’excuse pour attendre, avec « plus de 6 millions de Soudanais qui sont à deux doigts de la famine ».

Cet appel intervient alors que le plan de financement de 2,57 milliards de dollars pour l’aide humanitaire au Soudan n’a reçu que 651 millions de dollars. 

Des réfugiés du Soudan dans un camp temporaire au Tchad.
© UNHCR/Jutta Seidel
Des réfugiés du Soudan dans un camp temporaire au Tchad.

Une guerre « désastreuse et insensée »

Alors que le conflit entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF) se poursuit à travers le pays, les combats ont fait près de 4.000 morts, a dénoncé mardi le chef des droits de l’homme de l’ONU.

Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, la guerre « désastreuse et insensée » au Soudan est « née d’une volonté de pouvoir aveugle ». Le conflit a conduit à la destruction de maisons familiales, d’écoles, d’hôpitaux et d’autres services essentiels, mais aussi des déplacements massifs de population, ainsi que des violences sexuelles, dans des actes qui peuvent être assimilés à des crimes de guerre.

Le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a des motifs raisonnables de croire que les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide ont commis de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et que les auteurs de ces actes doivent être tenus pour responsables, a affirmé M. Türk. 

Il s’est dit très préoccupé par le fait que la situation « chaotique », enlisée dans l’impunité, est prête à être exploitée par d’autres acteurs armés opportunistes et des groupes de miliciens, ce qui pourrait entraîner une nouvelle escalade de la violence.

En attendant, les zones les plus touchées par les combats sont Khartoum et les villes voisines, El Obeid dans le Nord-Kordofan, et la région du Darfour, en particulier le Darfour occidental, où le conflit a été caractérisé par des attaques contre des civils en raison de leur appartenance ethnique.

Bien qu’il soit difficile d’établir un nombre exact de victimes en raison de l’intensité des combats et du fait que les dépouilles de nombreuses personnes tuées n’ont pas été recueillies, identifiées ou enterrées, des chiffres provisoires indiquent que plus de 4.000 personnes ont été tuées jusqu’à présent, dont des centaines de civils. Parmi elles, 28 travailleurs humanitaires et sanitaires et 435 enfants. « On pense que le nombre réel de victimes est beaucoup plus élevé », a précisé Liz Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat lors d’un point de presse à Genève. 

« De nombreux civils auraient été tués dans la région de Khartoum alors qu’ils résistaient aux tentatives des forces de sécurité de piller leurs maisons ou de violer les femmes de leurs familles », a ajouté M. Türk, relevant que « dans la région d’El Geneina, au Darfour occidental, des personnes ont été tuées dans leurs maisons ou alors qu’elles tentaient de se mettre à l’abri ailleurs dans El Geneina ou sur la route vers le Tchad ». 

Les services du Haut-Commissaire Türk ont également reçu des informations crédibles faisant état de 32 incidents de violence sexuelle à l’encontre de 73 victimes au 2 août. Cela inclut au moins 28 incidents de viol. « Des hommes portant l’uniforme de RSF ont été impliqués dans au moins 19 incidents en tant qu’auteurs ».

Plus de 70% des déplacés internes originaires de Khartoum

Le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a également reçu des témoignages faisant état d’homicides illégaux, de détentions arbitraires et de disparitions forcées, entre autres violations. 

« Les parties au conflit doivent enquêter sur toutes les violations commises pendant le conflit », a conclu M. Türk, exhortant également la communauté internationale à accroître la pression politico-économique pour « cesser immédiatement les combats ».

De son côté, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU note que les besoins humanitaires augmentent chaque jour. Les partenaires humanitaires ont apporté une aide vitale à environ 2,9 millions de personnes dans tout le pays entre avril et le 15 juillet 2023.

À ce jour, la guerre a déplacé près de 4,2 millions de personnes, dont quelque 3,2 millions déplacés internes.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ces personnes ont été déplacées dans l’ensemble des 18 États. Environ 71% des 3,2 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays sont originaires de Khartoum.

Des sages-femmes d'un hôpital soutenu par l'UNFPA au Soudan avant la crise (photo d'archives).
© UNFPA
Des sages-femmes d'un hôpital soutenu par l'UNFPA au Soudan avant la crise (photo d'archives).

120 jours de terreur 

Alors que le conflit se poursuit, la crise a exposé davantage de femmes et de filles - environ 4,2 millions - au risque de violence sexiste, a alerté pour sa part le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA). Selon cette agence onusienne, le risque de violence sexuelle est particulièrement élevé lorsque les femmes et les filles se déplacent à la recherche d’endroits plus sûrs, tant à l’intérieur du Soudan qu’au-delà des frontières. 

« Les femmes et les filles du Soudan ont vécu 120 jours de terreur », a dit lors d’une conférence de presse à Genève, Laila Baker, Directrice régionale de l'UNFPA pour les pays arabes. « Cela doit cesser... maintenant ! Le corps des femmes est le champ de bataille d’une guerre déclenchée par les hommes. Il est scandaleux que nous continuions à voir les femmes et les jeunes filles traitées comme un butin de guerre sexuel ».

Les prestataires de services affirment avoir constaté une augmentation de 50% des cas de violence sexiste signalés depuis que le conflit a éclaté. Mais ces données sont probablement la « partie émergée de l’iceberg ». D’autant que les violences sexuelles sont très peu signalées, ce qui limite l’accès des survivantes aux conseils médicaux et aux services juridiques, entraînant des souffrances indicibles et l’impunité des auteurs.

Pour l'UNFPA, l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de terreur est « odieuse ». « Ces crimes doivent faire l’objet d’une enquête et leurs auteurs doivent être traduits en justice », a insisté Mme Baker. Même avant le conflit, plus de 3 millions de femmes et de filles au Soudan risquaient d’être victimes de violences sexistes. Depuis, ce chiffre est passé à environ 4,2 millions de personnes.

53 attaques contre les soins de santé

Le conflit au Soudan a eu aussi des effets dévastateurs sur la vie des gens, leur santé et leur bien-être. Selon l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU, environ 67% des hôpitaux sont hors service dans les zones les plus touchées.

Au cours de ces quatre mois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a vérifié 53 attaques contre les soins de santé, qui ont tué 11 personnes, en ont blessé 38 et, avec d’autres perturbations. Ces incident ont empêché des dizaines de milliers de personnes d’avoir accès aux soins. 

La situation de la santé publique au Darfour est particulièrement préoccupante. Selon l’OMS, l’escalade du conflit a conduit plus de 350.000 personnes à fuir vers le Tchad, dont beaucoup souffrent de traumatismes. « De nombreux hôpitaux seraient inaccessibles et l’insécurité empêche l’acheminement de l’aide humanitaire en toute sécurité », a affirmé la Dre Margaret Harris, porte-parole de l’OMS. 

Plus de 40% du pays est confronté à la faim et environ un tiers des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique, ce qui les rend encore plus vulnérables aux maladies. Des centres de stabilisation nutritionnelle ont été fournis pour aider à traiter 26.000 enfants souffrant de malnutrition sévère. 

Sur le terrain, l’OMS collabore avec les autorités sanitaires et les partenaires humanitaires pour soutenir les soins de santé là où c’est possible, en livrant 200 tonnes de fournitures médicales aux hôpitaux de 14 États.