Fil d'Ariane
Soudan : la faim menace 20 millions de personnes dans un contexte de conflit et de difficultés économiques
Plus de 20 millions de Soudanais sont confrontés à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë, a averti jeudi une agence des Nations Unies, relevant que plus de six millions de personnes au Soudan, soit 13% de la population, sont au bord de la famine.
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) met donc en garde contre l’escalade de la crise alimentaire au Soudan. Alors que le conflit et le déclin économique continuent de ravager le pays, le besoin en soutien humanitaire urgent et intensifié aux communautés rurales devient impérieux.
Selon les dernières prévisions du cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), plus de 20,3 millions de personnes, soit plus de 42% de la population du pays devraient faire face à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë (phase 3 ou supérieure de l’IPC) entre juillet et septembre 2023. En comparaison avec l’analyse de l’IPC en mai 2022, le nombre de personnes à un niveau élevé d’insécurité alimentaire a presque doublé.
Plus de 6 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire d’urgence
« Le conflit a eu des conséquences dévastatrices sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle et le bien-être de millions de personnes. Les familles sont confrontées à des souffrances inimaginables et il est vital que la FAO intervienne pour soutenir plus d’un million d’agriculteurs afin de produire, cette saison, suffisamment de nourriture pour les Soudanais », a déclaré dans un communiqué, Abdulhakim Elwaer, Sous-directeur général de la FAO et représentant régional pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.
Avec 14 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire de crise (phase 3 de l’IPC) et près de 6,3 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire d’urgence (phase 4 de l’IPC), la situation est critique. Les États les plus sévèrement touchés sont ceux en proie au conflit en cours ; Khartoum, le Kordofan du Sud et le Kordofan Occidental, le Darfour Central, le Darfour Oriental, le Darfour du Sud et le Darfour Occidental notamment, où plus de la moitié de la population est confrontée à une faim sévère.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les violences ont causé des déplacements à grande échelle de près de 3 millions de personnes à travers le pays et ont forcé plus de 900.000 personnes à se réfugier dans les pays voisins. Les infrastructures critiques et les établissements de santé ont subi des dommages considérables, ce qui a exacerbé davantage l’insécurité alimentaire et la malnutrition. « Les perturbations du marché et la flambée des prix des produits alimentaires ont compliqué la lutte de la population pour accéder aux biens et aux services essentiels », a précisé la FAO.
Situation inquiétante au Darfour, Kordofan et Khartoum
Par ailleurs, les prévisions pour la période allant d’octobre 2023 à février 2024 brossent un tableau inquiétant, avec environ 15 millions de personnes susceptibles d’être en situation d’insécurité alimentaire élevée (Phase 3 de l’IPC) voire des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë. Selon la FAO, il s’agit du chiffre « le plus élevé jamais enregistré et qui coïncide avec la saison des récoltes du pays ».
Le Darfour, le Kordofan et Khartoum devraient enregistrer le plus grand nombre de personnes en phase 3 de l’IPC (Crise) et phase 4 de l’IPC (Urgence). Au cours de cette période, les récoltes de millet et de sorgho devraient légèrement augmenter, ce qui permettra de reconstituer les stocks des ménages, d’améliorer la santé du bétail et d’accroître la production laitière.
Cette amélioration pourrait, toutefois, être insuffisante pour couvrir les besoins alimentaires croissants, en particulier dans les États fortement tributaires de l’agriculture pluviale. Le coût élevé des intrants agricoles (graines, outils, engrais), de la main-d’œuvre, et la perturbation des activités agricoles menacent la production agricole et exacerbent la crise alimentaire.
Réponse de la FAO
« L’agriculture est une bouée de sauvetage. Alors que la principale campagne agricole commence, une action urgente est nécessaire pour prévenir une détérioration supplémentaire de la situation de la sécurité alimentaire, sauver des vies et assurer des moyens de subsistance », a affirmé le Représentant de la FAO au Soudan, Hongjie Yang.
En dépit des conditions de sécurité complexes, l’Organisation a fourni plus de 8.800 tonnes de graines de céréales (sorgho et millet) et d’okra, au profit de plus d’un demi-million de ménages agricoles à travers le pays. La campagne urgente de distribution de graines tend à atteindre un million d’agriculteurs à temps pour la saison de plantation, afin d’assurer une production céréalière suffisante pour couvrir les besoins de 19 millions de personnes sur une année.
Les efforts déployés par la FAO pour combattre la crise alimentaire sont, toutefois, entravés par des ressources limitées. L’Organisation a urgemment besoin de 65 millions de dollars américains pour atteindre plus de 6 millions de personnes.
Il s’agit également de fournir aux ménages agropastoraux des graines de qualité, de restaurer et améliorer l’accès des ménages pastoraux au lait, protéger le bétail des ménages vulnérables grâce à la vaccination des animaux. Ces fonds permettront de fournir du matériel de pêche et des équipements pour soutenir les moyens de subsistance des ménages vulnérables pratiquant la pêche.