Fil d'Ariane
Ukraine : les dernières attaques marquent un « tournant calamiteux », selon l’ONU
La récente vague d'attaques russes dévastatrices ayant visé Odessa et d'autres villes portuaires ukrainiennes marque un « tournant calamiteux » dans une guerre qui dure depuis 15 mois, a estimé mercredi un haut responsable de l'ONU devant le Conseil de sécurité.
La réunion du Conseil a été convoquée à la suite des frappes de missiles dimanche qui ont endommagé la cathédrale de la Transfiguration, vieille de plusieurs siècles, la première et la plus importante église orthodoxe d’Odessa.
D'autres monuments du centre-ville, un site protégé du patrimoine mondial de l’UNESCO, ont également été endommagés lors de l'attaque, qui a fait un mort et plusieurs blessés.
La culture visée
Khaled Khiari, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l'Asie et le Pacifique aux Départements des affaires politiques et de consolidation de la paix et des opérations de paix, a noté que ce n'était pas la première attaque contre la culture et le patrimoine ukrainiens.
Depuis le début de la guerre, l'agence culturelle des Nations Unies, l'UNESCO, a vérifié les dommages causés à 274 sites culturels en Ukraine, dont 117 sites religieux.
« Comme l'a déclaré le Secrétaire général ce weekend, nous sommes préoccupés par la menace que cette guerre représente de plus en plus pour la culture et le patrimoine ukrainiens, et nous exhortons la Fédération de Russie à cesser immédiatement les attaques contre les biens culturels protégés par des instruments normatifs internationaux largement ratifiés », a-t-il souligné.
Les installations portuaires touchées
L'attaque a été précédée de plusieurs nuits successives de frappes de missiles et de drones contre Odessa et d'autres villes du sud de l'Ukraine, notamment Mykolaïv et Chornomorsk, à la suite de l'effondrement de l'Initiative de la mer Noire sur les exportations de céréales, négociée par l'ONU. Trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres ont été blessées.
M. Khiari a rappelé que la cheffe des affaires politiques de l'ONU et le Coordinateur humanitaire avaient averti le Conseil la semaine dernière que les attaques contre les installations portuaires ukrainiennes de la mer Noire pourraient avoir des effets considérables sur la sécurité alimentaire mondiale.
« Nous avons maintenant vu des rapports inquiétants faisant état de nouvelles frappes russes contre les infrastructures portuaires, y compris les installations de stockage de céréales, dans les ports de Reni et d'Izmail sur le Danube - une route clé pour l'expédition de céréales ukrainiennes, à proximité des frontières de l'Ukraine avec la Moldavie et la Roumanie », a-t-il dit.
Cibler délibérément les infrastructures qui facilitent l'exportation de nourriture vers le reste du monde pourrait mettre la vie de millions de personnes en danger, a-t-il ajouté, appelant à la fin immédiate des attaques.
Dernières « victimes » de la guerre
« A la suite du retrait de la Russie de l'Initiative de la mer Noire, ces dernières attaques signalent un tournant calamiteux pour les Ukrainiens et le monde », a estimé M. Khiari. « Les villes portuaires qui permettent l'exportation de céréales, comme Odessa, Reni et Izmail, sont une bouée de sauvetage pour beaucoup. Maintenant, ce sont les dernières victimes de cette guerre brutale et insensée ».
M. Khiari a également souligné le besoin désespéré de financement pour soutenir les opérations humanitaires en Ukraine. Alors que l'ONU et ses partenaires ont atteint quelque 7,3 millions de personnes au cours du premier semestre de l'année, un plan d'intervention de 3,9 milliards de dollars est financé à moins de 30%.
Réunion sur la religion
Le Conseil de sécurité a tenu une autre réunion plus tôt mercredi sur les persécutions présumées concernant l'Église orthodoxe ukrainienne.
La Russie avait demandé la réunion, après avoir soulevé la question pour la première fois en janvier lorsqu'elle a allégué que l'Ukraine tentait de « détruire » l'Église, qui est affiliée à l'Église orthodoxe russe.
Nihal Saad, porte-parole du Haut-Représentant de l'Alliance des civilisations des Nations Unies (UNAOC), qui promeut le dialogue interculturel, a déclaré que la politisation de la religion dans le contexte de la guerre en Ukraine alimente les tensions intercommunautaires, attise la peur et déclenche la violence.
Elle a souligné que les restrictions à la liberté de religion et à la sécurité des communautés religieuses, tant sur le territoire contrôlé par le gouvernement ukrainien que dans les zones occupées par la Russie, sont un sujet de grave préoccupation.
Citant des rapports de l'ONU sur les droits de l'homme, elle a noté que les incidents de violence contre les membres et les sympathisants de l'Église orthodoxe ukrainienne ont augmenté entre février et avril de cette année.
En avril, plusieurs conseils municipaux et régionaux ont également interdit les activités orthodoxes ukrainiennes, et il y a eu une recrudescence des discours de haine et plusieurs incidents violents.
Dans les zones sous contrôle russe, les troupes ont perpétré des actions contre le clergé et les membres des communautés gréco-catholiques et chrétiennes évangéliques ukrainiennes, notamment des disparitions forcées, des détentions arbitraires, des tortures et des déportations illégales pendant la période du 1er août 2022 au 1er janvier 2023.
Les autorités russes ont également perquisitionné, saccagé et fermé trois lieux de culte appartenant à la communauté baptiste dans la ville de Melitopol, prétendument en raison des prétendus liens de la communauté avec des services de renseignement étrangers.
Rôle des chefs religieux
Mme Saad a exhorté les deux parties à respecter et à défendre la liberté de religion ou de conviction. « Cibler les acteurs religieux et les communautés confessionnelles à travers l'Ukraine est à courte vue, mal calculé et contre-productif », a-t-elle déclaré.
« Le rôle des chefs religieux dans le maintien de la solidarité entre les lignes œcuméniques est crucial pour préserver le tissu social d'une Ukraine unifiée et sera un facteur clé dans la consolidation de la paix si et quand la guerre prendra fin », a-t-elle ajouté.
Avant le début de la réunion, la Russie a exprimé son désaccord car l'un des deux intervenants non onusiens qu'elle avait proposés, un prêtre orthodoxe, n'a pas été invité à participer.
Le Royaume-Uni, qui assure la présidence tournante du Conseil de sécurité ce mois-ci, a déclaré que la Russie avait été invitée à limiter la participation à un seul intervenant.
La Russie a appelé à un vote de procédure pour adresser une invitation à l'orateur, qui n'a pas été acceptée. Le pays a déclaré qu'il ne parlerait pas lors de la réunion suivante en signe de protestation.