Fil d'Ariane
L’aggravation de l’insécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel inquiète l’ONU
Le Conseil de sécurité a examiné mardi la situation politique, sécuritaire et humanitaire en Afrique de l’Ouest et au Sahel, en écoutant le Représentant spécial du Secrétaire général pour ces régions, Leonardo Santos Simaõ, et le Président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO), Omar Alieu Touray.
Si les deux responsables onusiens, qui se sont appuyés sur le dernier rapport relatif aux activités du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), ont salué la tenue dans le calme de plusieurs élections, ils ont exprimé leur préoccupation quant à l’aggravation de l’insécurité et de la situation humanitaire. Sur ce dernier point, le rapport indique que le nombre de personnes déplacées dans le Sahel et les pays côtiers a atteint 6,3 millions.
Retrait de la MINUSMA
Les membres africains du Conseil ont fait entendre leur voix, tandis que les pays occidentaux et la Fédération de Russie ont affiché leurs divergences de vues sur les solutions à privilégier pour sécuriser le Sahel, cela dans le contexte de préparation du retrait, fixé à la fin de l’année, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), à la demande de Bamako.
M. Simaõ a estimé que les élections qui se sont déroulées au Bénin, en Gambie, en Guinée-Bissau, en Mauritanie, au Nigéria et en Sierra Leone sont autant d’avancées vers le renforcement de la démocratie représentative dans ces pays.
Indiquant que l’UNOWAS a soutenu ces différents processus électoraux par ses activités de médiation et, qu’aux côtés de la CEDEAO, il améliore ses partenariats dédiés au renforcement de l’Etat de droit dans la région, le Représentant spécial a toutefois regretté la sous-représentation des femmes dans la vie politique des pays concernés. Il a appelé leurs autorités politiques à promouvoir l’application des instruments en vigueur sur l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes.
Pour la CEDEAO, le retour à l’ordre constitutionnel est urgent dans les pays de la région dirigés par un régime militaire, le Conseil de sécurité devant les accompagner sur cette voie. M. Touray a mis l’accent sur le fait que cette militarisation régionale va de pair avec l’accroissement de l’insécurité. Selon lui, devant l’expansion des activités terroristes et le nombre croissant de victimes, les initiatives pour répondre aux défis de l’insécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel devraient être regroupées dans les actions de la CEDEAO.
Remaniement du mandat de la Force en attente de la CEDEAO
Il a indiqué à ce propos que les chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO viennent de décider de faciliter ce processus en remaniant le mandat de la Force en attente de la Communauté et en actualisant leur plan d’action 2020-2024 pour la lutte contre le terrorisme. Les acteurs concernés de la CEDEAO comptent renforcer le mandat de la Force en attente par le déploiement d’une brigade de 5.000 hommes et de « troupes à la demande », ces options ayant été discutées avant les décisions du Conseil de sécurité concernant le retrait de la MINUSMA, a-t-il précisé.
La crise au Sahel est la somme de circonstances complexes, et sa résolution nécessite un appui concret, réaliste et à long terme à la région et au-delà - Leonardo Santos Simaõ
M. Simaõ a soutenu cette approche, en ajoutant que l’action de la Force multinationale mixte déployée dans le bassin du lac Tchad a permis d’améliorer de façon significative la situation dans une zone particulièrement vaste. À cette aune, il a demandé le soutien du Conseil à l’Initiative d’Accra, laquelle vise à intensifier les efforts régionaux pour faire face à la menace croissante des violences. Concernant le retrait de la MINUSMA, le Représentant spécial a assuré qu’en attente d’un plan opérationnel détaillé du Conseil, l’UNOWAS continuera, aux côtés de la CEDAO, d’aider à la préparation de la clôture de la Mission.
Sur ce dernier point, la France a souligné l’importance d’un retrait en bon ordre et en toute sécurité des Casques bleus, issus pour près de moitié des États membres de la CEDEAO, et la nécessaire coopération du Mali avec l’ONU pour y parvenir. Dans son rapport, le Secrétaire général indique qu’au mois de mars, le Bureau a effectué des visites techniques au Mali –où pas moins de 126 attentats ont été commis en début d’année– pour, en coopération avec la Mission, l’équipe de pays des Nations Unies et les institutions publiques, « nouer le dialogue avec des acteurs travaillant sur les questions de la cohésion sociale, de l’autonomisation des femmes et de l’accès aux terres ».
M. Simaõ a annoncé qu’il se rendra dans les plus brefs délais à Bamako afin d’échanger avec les autorités, les partenaires et les représentants de l’ONU sur ces thèmes. « La crise au Sahel est la somme de circonstances complexes, et sa résolution nécessite un appui concret, réaliste et à long terme à la région et au-delà pour que puisse être instaurée une paix durable », a-t-il déclaré.
La France, rejointe par les États-Unis et le Royaume-Uni, a exprimé sa conviction que les mercenaires du groupe russe Wagner représentent une menace déstabilisatrice au Sahel, dénonçant les graves violations des droits humains dont ils se rendent coupables « sous couvert de lutte contre le terrorisme ».
La Russie n’a pas réagi à ces propos, se contentant de réaffirmer son engagement à aider les pays de la région à trouver des « solutions africaines à des problèmes africains ». S’agissant du retrait de la MINUSMA, elle a estimé que le transfert prévu de certaines responsabilités politiques de la Mission à l’UNOWAS devra s’effectuer selon les conditions identifiées par le Mali, les autorités du pays continuant selon elle à faire tout leur possible pour y restaurer l’ordre constitutionnel.