Fil d'Ariane
L'héritage de Mandela se perpétue en soutenant les droits des prisonniers
Adamu* a été condamné à deux ans de prison pour vol au Nigéria, Denny purge une peine de cinq ans en Indonésie et Lauro José dos Santos a purgé une peine de 12 ans au Brésil, mais les efforts de réforme en cours, fondés sur les « Règles Nelson Mandela » et une série de programmes soutenus par les Nations Unies, les aident, ainsi que les prisonniers du monde entier, à bénéficier d'une seconde chance à leur sortie de prison.
Selon un nouveau rapport des Nations Unies publié mardi, près de 12 millions de personnes sont emprisonnées dans le monde, dont près d'un tiers en attente de jugement, alors que les prisons sont surpeuplées dans la moitié des pays. À l'occasion de la Journée internationale Nelson Mandela, qui a été célébrée le 18 juillet, ONU Info s'est penché sur certains efforts en cours.
L'héritage de l'ancien Président sud-africain, qui a été incarcéré pendant 27 ans sous le régime de l'apartheid, se perpétue, notamment en soutenant les droits des prisonniers.
Les Règles Mandela
Les mots de M. Mandela résonnent encore aujourd'hui parmi les détenus et le personnel pénitentiaire du monde entier : « On dit que personne ne connaît vraiment une nation tant qu'il n'a pas été à l'intérieur de ses prisons. Une nation ne devrait pas être jugée sur la façon dont elle traite ses citoyens les plus hauts placés, mais ses citoyens en bas de l'échelle ».
On dit que personne ne connaît vraiment une nation tant qu'il n'a pas été à l'intérieur de ses prisons - Nelson Mandela
Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a déclaré mardi que M. Mandela « était un colosse par le courage et la conviction, un dirigeant aux réalisations immenses et à l'humanité extraordinaire, un géant de notre temps, dont le meilleur moyen d'honorer l'héritage est d'agir ».
Du Honduras à l'Iran, dans le contexte des rapports actuels sur les violations des droits de l'homme commises à l'encontre de détenus, ainsi que de la montée de l'extrémisme violent et du recrutement de terroristes derrière les barreaux dans certains pays, de nouvelles initiatives de réforme pénitentiaire sont mises en œuvre dans toutes les régions du monde.
Elles sont guidées par les « Règles Nelson Mandela » ou, comme elles sont officiellement connues, par l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, qui offre un modèle de bonne gestion des prisons pour le XXIe siècle.
Les prisonniers comptent
Le thème de la Journée Mandela de cette année a été « Les prisonniers comptent », et les Règles Mandela servent de guide. Ces règles offrent des repères clairs aux responsables des établissements pénitentiaires en matière de sûreté, de sécurité et de traitement humain des détenus. En tant que gardien de ces règles, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) s'efforce de promouvoir et de soutenir leur adoption dans le monde entier.
Qu'il s'agisse d'offrir des cours gratuits d'auto-apprentissage en ligne ou d'équiper les centres de formation d'ordinateurs portables et de services Internet, l'ONUDC et ses partenaires s'efforcent également d'impliquer la communauté dans la réadaptation et la réinsertion des détenus.
À Yola, au Nigéria, où la population carcérale a augmenté de plus de 25% depuis 2000, l'agence a organisé une plateforme pour les dirigeants communautaires et l'administration pénitentiaire nigériane afin de favoriser une approche plus intégrée de la réinsertion des détenus.
Initiatives mondiales
De manière plus générale, l'initiative de réinsertion des détenus de l'agence onusienne couvre l'éducation, la formation professionnelle et l'emploi pendant l'incarcération. L'objectif est de contribuer à leur employabilité après leur libération, réduisant ainsi les risques de récidive.
Selon l'agence, les prisonniers sont souvent une population oubliée et de nombreux membres de la société les considèrent comme distincts du reste de la population. Or, ils sont un produit de la société et en font toujours partie, et la grande majorité des détenus finissent par être libérés.
« Ce qui arrive aux personnes en cours d'emprisonnement nous affecte tous à bien des égards : la sécurité publique, notre santé, les finances de notre communauté, la cohésion sociale et, en fin de compte, la dignité humaine de chacun d'entre nous », selon l'ONUDC. « Lorsque nous réduisons l'ampleur de l'emprisonnement, que nous améliorons les conditions carcérales et que nous renforçons les perspectives de réinsertion sociale, nous nous en portons tous mieux. Les prisonniers sont importants ».
Combattre l'extrémisme violent
Un effort de cinq ans avec l'ONUDC et ses partenaires a touché des milliers de détenus au Kazakhstan, en Tunisie et en Ouganda dans le but de prévenir la propagation de l'extrémisme violent en milieu carcéral.
« Les prisons jouent un rôle crucial pour relever ce défi en assurant la garde en toute sécurité des prisonniers extrémistes violents, en prévenant la radicalisation vers la violence dans les prisons, en dissuadant les détenus de recourir à la violence à l'avenir et en préparant les personnes libérées à la réinsertion dans la communauté », selon l'agence.
Parmi les succès de cet effort, l’on compte la formation de plus de 6.500 agents pénitentiaires, le lancement du tout premier centre de recherche tunisien sur l'extrémisme violent dans les prisons et la mise en place de programmes de réhabilitation et de réinsertion pour les détenus, allant de l'initiation à l'informatique à la fabrication de meubles.
L'effort conjoint a également soutenu les prisons pendant la pandémie de COVID-19, notamment en partageant des documents d'orientation, en fournissant du matériel médical et en vaccinant plus de 12.000 prisonniers, membres du personnel pénitentiaire et membres de leur famille en Ouganda.
Donner une deuxième chance
Pour certains prisonniers, les résultats sont à la hauteur de ces efforts. Adamu, originaire du Nigéria, a appris la fabrication de chapeaux en prison et a continué à exercer ses talents après sa libération. Il est aujourd'hui un employeur qui fabrique des chapeaux appréciés par les chefs traditionnels locaux.
Denny, qui en est à la moitié de sa peine de cinq ans en Indonésie, est impatient de sortir et de trouver un emploi dans un café. Il consacre ses journées à la formation professionnelle et aux études religieuses.
« Ma principale motivation aujourd'hui est de devenir une meilleure personne qu'avant », a-t-il déclaré, ajoutant que jusqu'à ce jour, il se concentrera sur la préparation de cappuccinos parfaits dans le cadre de cours de barista.
Lorsque M. dos Santos a quitté en 2019 la prison brésilienne où il était détenu, il a demandé de l'aide. Il l'a obtenue auprès du Bureau social, soutenu par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
« Je suis arrivé ici et j'ai remarqué que les portes étaient ouvertes », a-t-il déclaré en décrivant sa première visite. « Ils m'ont très bien traité et m'ont montré qu'il y avait une deuxième chance ».
* Les noms ont été modifiés pour protéger leur vie privée
Les prisons d'aujourd'hui
Le rapport de l'ONUDC donne un aperçu des personnes détenues en prison, y compris les données les plus récentes. En voici les grandes lignes :
- Depuis 2000, la population carcérale mondiale a augmenté de plus de 25%.
- Un prisonnier sur trois dans le monde est détenu sans avoir été reconnu coupable par une cour de justice.
- Dans un pays sur cinq, selon les données disponibles, le nombre de prisonniers dépasse de plus de 150% la capacité d'accueil des prisons.
- L'Amérique du Nord, l'Afrique subsaharienne et l'Europe de l'Est ont connu des baisses à long terme allant jusqu'à 27% des taux d'emprisonnement depuis 2000, tandis que l'Amérique latine, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont connu une croissance allant jusqu'à 68% au cours des deux dernières décennies.
- La plupart des personnes détenues en prison dans le monde sont des hommes (93%).
- Au cours des 20 dernières années, le nombre de femmes incarcérées a augmenté de 33%, tandis que le nombre d'hommes détenus a augmenté de 25%.