Fil d'Ariane
Des enfants séparés de force de leurs mères à Al Hol en Syrie, dénonce une experte de l’ONU
Une experte indépendante de l'ONU a exprimé vendredi sa profonde inquiétude face au traitement d’enfants détenus dans le nord-est de la Syrie dans des conditions proches de celles d’une prison.
Fionnuala Ni Aolain, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits humains et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, est la première experte indépendante des droits humains à avoir accès aux installations d'Al Hol et d'Al Raj, ainsi qu'à d'autres lieux de détention.
Après sa visite de six jours dans le nord-est de la Syrie, Mme Ni Aolain a déclaré que les conditions dans les deux camps constituaient une détention massive arbitraire et indéfinie sans perspective de procédure légale ou judiciaire pour les personnes détenues.
Détention d’enfants
« J'ai pu observer notamment la détention arbitraire massive d'enfants, la détention au secret, les disparitions, la discrimination structurelle et systématique de personnes détenues sur la base de leur nationalité », a-t-elle déclaré aux journalistes.
L'experte, qui a été nommée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en juin 2017, a dit également avoir été témoin de la pratique systématique de la séparation des garçons de leur mère dans les camps – « le plus souvent au milieu de la nuit ou sur le marché ». « « Chaque femme à qui j'ai parlé a clairement indiqué que c'était l'enlèvement de leurs enfants qui causait le plus d'anxiété, le plus de souffrance, le plus de tort psychologique ».
La politique est basée sur l’idée non prouvée que les enfants de sexe masculin représentent un risque lorsqu'ils deviennent adolescents.
Peur « palpable »
« La peur des garçons de moins de 10 ans (d'être emmenés) est palpable », a-t-elle souligné, après avoir rencontré un grand nombre de garçons traumatisés et leurs mères.
S'exprimant à Genève, l'expert s'est dit alarmée par le fait que la violence et l'insécurité envahissent les centres de détention, où quelque 56.000 extrémistes présumés et familles de combattants présumés de Daech seraient détenus.
Huit personnes sur 10 ont moins de 12 ans, dont « un enfant de deux ans », a-t-elle souligné.
Mme Ní Aoláin a également réitéré ses inquiétudes concernant les pratiques de détention au secret et de disparitions, y compris visant des enfants dans la prison de Gweiran Sina'a / Panorama, ainsi qu'une épidémie de tuberculose confirmée, aggravant la crise sanitaire dans l'établissement.
La principale préoccupation de Mme Ní Aoláin était la détention massive et indéfinie d'enfants qui constitue une « violation absolue du droit international ».
En visitant des sites de détention à Qamishli, Gweiran, Al Hol et Al-Malikiyah, Mme Ni Aolain a insisté sur le fait qu'un accès significatif aux lieux de détention était essentiel pour garantir que les violations graves des droits humains puissent être identifiées, signalées et prévenues - y compris dans les sites de haute sécurité.
L'experte a également fait part de ses inquiétudes concernant l'absence totale d'accès de la soi-disant « annexe » à Al Hol, où elle a déclaré avoir vu des femmes visiblement malades. L'établissement abrite des milliers de ressortissants de pays tiers détenus pour des raisons de sécurité présumées.
Plaidoyer pour le rapatriement
La Rapporteure spéciale des Nations Unies a appelé les 57 pays dont les ressortissants sont détenus dans le nord-est de la Syrie à respecter leurs obligations fondamentales en matière de droits humains en rapatriant leurs ressortissants.
À ce jour, 36 pays ont procédé à des rapatriements depuis 2019, mais au rythme actuel, il faudra au moins 20 ans avant que tous les détenus puissent rentrer chez eux.
Étant donné que 77% des personnes rapatriées sont des femmes et des enfants, l'experte a noté que la plupart des pays ne rapatriaient pas d'hommes adultes.
Le rapatriement est crucial pour toutes les personnes encore détenues dans le nord-est de la Syrie, a poursuivi Mme Ni Aolain, car elles ont été privées « de la capacité fondamentale de vivre une vie digne en détention, y compris l'accès à l'eau, à la nourriture et aux soins de santé ». Elle a mis en garde contre l'impact de l'inaction.
NOTE :
Les Rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'établissement des faits et de suivi du Conseil. Les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales sont des experts indépendants en matière de droits de l'homme nommés par le Conseil des droits de l'homme pour s'occuper soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation. Ils travaillent à titre individuel et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail.