Fil d'Ariane
Le Conseil de sécurité appelé à s’attaquer au « crime le plus passé sous silence et le moins condamné »
La communauté internationale doit agir maintenant pour protéger les générations futures du fléau des violences sexuelles liées aux conflits, a déclaré vendredi au Conseil de sécurité la haute responsable de l'ONU chargée de la question, Pramila Patten.
« Chaque nouvelle vague de conflits apporte avec elle une marée montante de tragédie humaine, y compris de nouvelles vagues du crime le plus ancien, le plus passé sous silence et le moins condamné », a-t-elle déclaré.
La réunion du Conseil chargée d'examiner la mise en œuvre de ses résolutions sur les violences sexuelles liées aux conflits a été convoquée par le Royaume-Uni, qui assure la présidence tournante ce mois-ci.
Fléau en RDC
Mme Patten a présenté les données de son dernier rapport, publié le mois dernier, qui documente 2.455 cas de viols de guerre commis en 2022 et vérifiés par l'ONU. Les femmes et les filles représentaient 94% de ces cas, et 6% concernaient des hommes et des garçons.
La République démocratique du Congo (RDC) était à nouveau le pays avec le plus grand nombre de cas, soit 701. L'experte de l'ONU s'est rendue dans le pays en juin et a été horrifiée par les témoignages de femmes et de filles, dont beaucoup avaient été très récemment violées.
« Beaucoup d'entre elles ont souligné le risque quotidien de violence sexuelle lorsqu'elles menaient des activités de subsistance autour des camps, comme chercher de la nourriture, ramasser du bois ou de l'eau. Imaginez simplement faire face à la réalité chaque jour que vous êtes susceptible d'être violée, sans avoir le choix », a-t-elle dit aux membres du Conseil.
Visite en Ukraine
Mme Patten a également effectué sa première visite sur le terrain en Ukraine l'année dernière. Elle a été frappée à la fois par la fréquence des violences sexuelles dans les zones de conflit et par la vulnérabilité des femmes et des enfants contraints de fuir vers des pays comme la Pologne et la Moldavie.
« J'ai été témoin de première main du tribut extraordinaire payé par des femmes, des enfants et des personnes âgées, y compris de leur vulnérabilité face à des individus sans scrupules et à des réseaux criminels pour qui le déplacement massif rapide et sans précédent de personnes n'est pas une tragédie mais une opportunité de traite et d'exploitation sexuelle », a-t-elle dit.
L'impunité reste impunie
Le rapport annuel de Mme Patten a également détaillé les horreurs commises dans d'autres pays, comme Haïti, l'Éthiopie et l'Iraq. De graves allégations de violences sexuelles liées au conflit au Soudan ont également fait surface depuis que les combats ont éclaté en avril.
Le rapport démontre également clairement les effets de l'impunité, a-t-elle déclaré. Près de 50 parties, pour la plupart des acteurs non étatiques, sont répertoriées pour avoir commis systématiquement des violences sexuelles. Plus de 70% figurent sur la liste depuis cinq ans ou plus.
« La réalité est que tant que nous n'augmentons pas efficacement le coût et les conséquences pour avoir commis, ordonné ou fait l’apologie de la violence sexuelle, nous n'endiguerons jamais la vague de ces violations », a-t-elle dit.
Détermination et ressources
Mme Patten a appelé à davantage de volonté politique et de ressources. Elle a dit qu'il y a plus de connaissances aujourd'hui sur ce qui motive la violence sexuelle, qui sont les auteurs et la réponse requise par les survivants.
Il est essentiel que les efforts de prévention soient fondés sur ces connaissances accrues, a-t-elle souligné, précisant que cela est au cœur d'une stratégie lancée par son bureau en septembre dernier.
Elle a indiqué que la communauté internationale doit assurer la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité tout en adaptant ses actions aux conflits actuels et aux nouveaux défis mondiaux, tels que les cybermenaces et l'insécurité liée au climat.
« Le moment est venu de redoubler d'efforts sur les cadres institutionnels et de reddition des comptes mis en place par les résolutions successives », a-t-elle affirmé. « Nous devons agir de toute urgence, et avec une détermination soutenue, pour sauver les générations futures de ce fléau ».