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Soudan du Sud : des experts de l’ONU appellent à la fin des attaques contre les civils et à une transition pacifique

Après près de cinq ans de retard dans la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé de 2018, les dirigeants politiques doivent saisir l’occasion de mener le Soudan du Sud vers la paix, la transformation démocratique et la prospérité, ont indiqué vendredi des experts indépendants de l’ONU.

Selon la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur le Soudan du Sud, le temps est limité pour faire fonctionner la transition politique. A ce sujet, les membres de la commission rappellent les principales tâches en suspens, notamment la mise en place d’une armée nationale unifiée, qui a commencé en 2022.

Il s’agit aussi de la rédaction d’une Constitution qui doit être achevée avant les élections ; et la mise en place de trois mécanismes de justice transitionnelle, dont aucun n’est en place malgré les travaux préparatoires. Avec autant de points en suspens, « l’intérêt international s’est émoussé et doit être revigoré pour soutenir ces processus », ont alerté les experts à la fin de leur 11e visite dans ce pays.

En attendant, « la souffrance à travers le pays reste immense », a affirmé l’un des trois experts de la commission, Barney Afako. Une façon d’inviter les dirigeants politiques à « réorienter leurs priorités et travailler ensemble pour mettre fin aux violences inutiles et protéger les droits humains des Sud-Soudanais ». « Sans un changement d’approche, la transition vacillera », a-t-il mis en garde.

Des femmes et des enfants font la queue dans un site d'enregistrement à Pagak, dans l'Etat du Nil Supérieur, au Soudan du Sud (photo d'archives).
© UNICEF/Ricardo Pires
Des femmes et des enfants font la queue dans un site d'enregistrement à Pagak, dans l'Etat du Nil Supérieur, au Soudan du Sud (photo d'archives).

Des histoires horribles d’attaques vicieuses

En août 2022, les parties à l’Accord revitalisé de 2018 ont accepté une prolongation de la transition de deux ans, repoussant ainsi les élections prévues à la fin de 2024. Et lors de la visite du pape François au début du mois, le Président Salva Kiir s’est aussi engagé à reprendre les « pourparlers de paix de Rome » avec les groupes armés non parties à l’accord de 2018.

Bien que la période de transition ait été prolongée, il reste énormément de travail à faire pour faire avancer le processus de paix. « Les Sud-Soudanais attendent désespérément que leurs dirigeants fassent preuve d’une plus grande énergie et d’une plus grande détermination à l’égard des droits de l’homme », a ajouté M. Afako.

Lors de leur visite entamée le 14 février dernier, les experts de la Commission ont visité l’État du Haut-Nil, où les Nations Unies gèrent un site de protection des civils qui peine à accueillir des dizaines de milliers de nouveaux arrivants fuyant la violence. Ils ont rencontré des victimes et des survivants de la violence dans le Haut-Nil, qui ont témoigné « des histoires horribles d’attaques vicieuses ».

Des familles effrayées se sont cachées dans les buissons pendant des jours et ont dû parcourir des kilomètres pour se mettre en sécurité. « Les récits des survivants sont horribles. De nombreuses personnes rencontrées par la Commission ont été victimes d’attaques répétées. Dans le même temps, les personnes responsables des crimes sont en liberté »,  a fait valoir l’un des experts, Andrew Clapham.

Une liste confidentielle de responsables présumés des crimes

Ces témoignages confirment des informations sur des attaques généralisées contre des civils recueillies l’année dernière dans plusieurs États, notamment dans le sud de l’État d’Unité, où des responsables gouvernementaux ont mené les attaques. Les conflits dans l’État du Nil supérieur et dans le nord de l’État de Jonglei ont impliqué de multiples groupes armés, avec une réponse minimale de l’État, malgré des mois d’attaques généralisées contre la population civile.

Les exécutions extrajudiciaires se sont également poursuivies, impliquant de hauts responsables de l’État, qui ont bénéficié de l’impunité même lorsque les crimes ont été filmés. Mais la Commission continue d’identifier les personnes responsables de crimes graves.

Elle tient toujours une liste confidentielle de noms et préserve les preuves à leur encontre qui pourraient être utilisées pour de futures poursuites par la Cour hybride ou d’autres mécanismes appropriés de reddition des comptes. « Nous identifierons certaines personnes qui portent la responsabilité de certains événements couverts par notre rapport dans le prochain rapport destiné aux Nations Unies, et nous espérons que le gouvernement prendra des mesures pour qu’elles rendent des comptes », a fait remarquer M. Clapham.

Les experts de la Commission présenteront son rapport sur la situation des droits de l’homme au Soudan du Sud au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en mars 2023, à Genève.