Fil d'Ariane
En Afghanistan, l’exemption humanitaire nous aide à sauver des vies – ONU
Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence en Afghanistan a informé le Conseil de sécurité sur les progrès de l’aide à la population afghane et confirmé l’impact de l’exemption humanitaire des sanctions qui frappent ce pays.
Devant le Conseil de sécurité, Martin Griffiths a dressé un tableau poignant du sort de la population afghane.
« Quatre-vingt-dix-sept pour cent d’entre eux vivent dans la pauvreté, et les deux tiers de la population ont besoin d’aide humanitaire pour survivre, a-t-il rappelé. Vingt millions de personnes sont confrontées à une faim aiguë. La moitié de la population a un besoin urgent d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Et 1,1 million d’adolescentes restent interdites d’école ».
Aux conséquences du conflit, qui a contraint 7 millions de ressortissants afghans à quitter leur patrie, et forcé le déplacement de 3,4 millions de personnes à l’intérieur du pays, s’ajoutent la pauvreté tenace, la chute de l’économie et l’instabilité politique. Mais l’Afghanistan doit également affronter, outre les terribles rigueurs de l’hiver, une crise climatique qui s’aggrave, a-t-il rapporté, « alors qu’une troisième sécheresse consécutive augure de nouveaux déplacements de population, de plus de maladies et de morts ».
Face à cette situation, le coordonnateur des secours d’urgence a souligné la mobilisation de la communauté humanitaire dans le pays et a reconnu nombre de progrès : d’une part, l’intensification de l’aide, soutenue par la réponse rapide et généreuse des donateurs, a permis d’atteindre 25 millions de personnes dans 34 gouvernorats.
Ensuite, la facilité de trésorerie de l’ONU a permis de mobiliser 1,8 milliards de dollars pour l’aide humanitaire, avec des effets positifs immédiats sur l’économie via le paiement des salaires du personnel public, l’embauche de dizaines de milliers de personnes dans des organisations humanitaires partenaires et les créations d’emplois locaux.
Une protection juridique qui permet à l'ONU d'agir à grande échelle
Martin Griffiths a particulièrement souligné les bienfaits de l’exemption humanitaire, adoptée par le Conseil de sécurité en décembre 2021, qui autorise, en dépit des sanctions, la fourniture de fonds ou de biens à des personnes ou entités dans le cadre de programmes humanitaires ou de besoins essentiels de la population. « Cette protection juridique nous permet de travailler à grande échelle et donne le droit à nos partenaires commerciaux de verser des fonds aux ministères concernés. Pour être clair, cela nous aide à sauver des vies, a-t-il déclaré.
Le coordonnateur a particulièrement insisté devant le Conseil sur les contreparties positives du paiement de taxes et redevances aux autorités Afghanes, rappelant que ces contributions évitent la suspension de l’aide et peuvent contribuer à l’efficacité du travail humanitaire.
En s’acquittant de ces obligations fiscales, l’ONU a ainsi pu acheminer 1, 1 million de tonnes d’aide dans le pays, assurer 4000 vols intérieurs transportant 24000 travailleurs humanitaires en divers points d’Afghanistan, et pu utiliser le matériel de communication par satellite de l’Etat afghan dans les zones reculées dénuées de réseau suffisant.
Il a par ailleurs préconisé de nouveaux accords de partenariat entre les organisations humanitaires et les autorités de facto, à l’instar de l’accord passé entre le HCR et le ministère des réfugiés, qui évite l’ingérence des autorités dans les activités humanitaires.
Eviter le détournement de l'aide
Martin Griffiths a tenu à rassurer les membres du Conseil sur les garde fous et garanties associées à ces paiements aux autorités. « L’exemption humanitaire n’est en aucun cas une carte blanche qui nous permettrait d’opérer sans contrôles », a-t-il insisté, rappelant que 98% des 66 organisations qui acquittent ces paiements sont des ONG nationales et internationales dont les versements restent modiques.
Il a par ailleurs détaillé le mécanisme de prévention et de détection des fraudes, destiné à éviter le détournement de l’aide, qui préconise les contrats directs avec les entreprises de service public plutôt qu’avec les ministères de tutelle, et les fournitures et paiements directs au personnel local, ainsi que les vérifications approfondies des états de service des partenaires contractuels, notamment quant au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme.
Ingérences, obstacles bancaires et défi financier
Toutefois, malgré les rapports constructifs de l’ONU avec les autorité afghane, Martin Griffiths a déploré les ingérences et les restrictions dont sont victimes les acteurs humanitaires. « Ils ont arrêté des membres du personnel, tenté d’influencer ou de contrôler la réponse humanitaire a-t-il rappelé, et restreint la liberté de mouvement et la participation des femmes à l’action humanitaire ».
Autre défi : les mesures d’atténuation des risques mises en place par les banques, qui, en dépit de l’exception humanitaire aux sanctions, limitent toujours gravement les transferts de fonds vers l’Afghanistan.
Le Coordonnateur a aussi évoqué « le défi financier qui se profile à l’aube de 2023 », la diminution, « malgré des demandes mondiales pressantes, du financement des opérations humanitaires en Afghanistan, dont les besoins sont estimés à 4,6 milliards de dollars ».
Enfin, il a regretté le manque de progrès dans le redémarrage des initiatives de développement urgentes, une carence qui à ses yeux risque de détériorer davantage la situation des populations et d’augmenter encore les besoins d’aide d’urgence. « Les partenaires de développement sauvent aussi des vies, a-t-il rappelé au Conseil de sécurité, et les programmes humanitaires ne peuvent et ne doivent pas être vus comme le seul moyen d’atténuer l’extraordinaire souffrance des Afghans »