Fil d'Ariane
Face au fléau des féminicides, l’ONU appelle à une action transformatrice
Chaque heure en moyenne plus de cinq femmes, ou filles, ont été tuées par un membre de leur propre entourage en 2021, selon une nouvelle étude publiée mercredi par deux agences des Nations Unies à l’approche de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, qui est commémorée le 25 novembre.
Ce rapport d’ONU Femmes et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime que ces chiffres sont « un brutal rappel du fait que la violence à l’égard des femmes et des filles constitue l’une des atteintes les plus fréquentes aux droits de la personne dans le monde ».
Dans un message, le Secrétaire général de l’ONU António Guterres, a observé que « cette discrimination, cette violence et ces abus visant la moitié de l'humanité ont un coût élevé ». « Cela limite la participation des femmes et des filles dans tous les domaines de la vie, nie leurs droits et libertés fondamentaux et bloque la reprise économique égale et la croissance durable dont notre monde a besoin », a-t-il ajouté.
Mettre en oeuvre des plans d’action
Selon le chef de l’ONU, une « action transformatrice » est nécessaire pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes et des filles. Il a encouragé les gouvernements à concevoir, financer et mettre en œuvre des plans d'action nationaux pour lutter contre ce fléau. Il a estimé qu’il fallait impliquer la société civile à chaque étape de la prise de décision et faire en sorte que toutes les lois « mises en œuvre et respectées », afin que les survivantes puissent voir leurs droits à la justice et au soutien respectés.
Il a également exhorté tout le monde à soutenir les campagnes publiques qui remettent en question les normes patriarcales et promeuvent différentes formes de masculinités qui rejettent la misogynie et la violence.
« J'appelle les gouvernements à augmenter de 50% le financement des organisations et mouvements de défense des droits des femmes d'ici 2026 », a-t-il déclaré.
Le foyer n’est même pas un lieu sûr
D’après le rapport d’ONU Femmes et d’ONUDC, sur l’ensemble des femmes et des filles tuées intentionnellement l’année dernière, environ 56% l’ont été par un conjoint intime ou un autre membre de leur famille (45.000 sur 81.000), ce qui prouve que le foyer n’est même pas un lieu sûr pour bon nombre d’entre elles. Comparativement, seulement 11% des homicides contre des hommes sont perpétrés dans la sphère privée.
« Chaque donnée statistique de féminicide n’est que l’histoire d’une femme ou d’une fille que la vie n’a pas favorisée. Mais ces pertes peuvent être évitées – et les outils et les connaissances pour y arriver existent déjà. Les organisations de défense des droits des femmes sont déjà en train d’analyser les données et plaident pour un changement de politique et une plus grande redevabilité », a déclaré la Directrice exécutive d’ONU Femmes, Sima Bahous.
« Nous avons dorénavant besoin d’une action concertée impliquant l’ensemble de la société, qui permettra aux femmes et aux jeunes filles de se sentir en sécurité, chez elles, dans la rue et où que ce soit, et de l’être véritablement », a-t-elle ajouté.
Selon la Directrice exécutive d’ONUDC, Ghada Waly, « aucune femme, aucune fille ne devrait craindre pour sa vie parce qu’elle est une femme ou une fille ».
« Pour mettre fin à toutes les formes d’atteinte à la vie des femmes et des filles uniquement pour des raisons de genre, il nous faut dénombrer chaque victime, partout dans le monde, et améliorer la compréhension des risques et des facteurs du féminicide afin de concevoir des réponses plus efficaces de prévention et de justice pénale », a-t-elle ajouté.
Ampleur du phénomène sans doute supérieur aux chiffres enregistrés
Les chiffres de cette année montrent également qu’au cours de la dernière décennie, le nombre total de femmes et des filles tuées intentionnellement, n’a guère changé, soulignant ainsi l’urgence qui s’attache à prévenir ce fléau et à y faire face par des actions plus affirmées.
Les chiffres demeurent alarmants, mais le fait est que l’ampleur réelle de ce phénomène est possiblement bien plus grande. Trop de victimes du féminicide ne sont toujours pas recensées, compte tenu notamment des incohérences dans les définitions et les critères appliqués par les pays : pour environ 40% des femmes et filles intentionnellement tuées en 2021, il n’y a pas assez d’informations pour qualifier ces cas de féminicide, en particulier lorsque les faits se sont produits dans un lieu public.
Mais des disparités existent aussi au niveau régional : si le féminicide est un problème qui concerne tous les pays du monde, le rapport montre qu’en chiffres absolus, l’Asie a enregistré le plus grand nombre de meurtres liés au sexe dans la sphère privée en 2021, et que les risques que les femmes et les filles soient tuées par leur partenaire intime ou un quelconque autre membre de leur famille étaient plus élevés en Afrique.
Cette même année, le taux de crimes liés au genre dans la sphère privée était estimé à 2,5 pour 100.000 femmes en Afrique, contre 1,4 dans les Amériques, 1,2 en Océanie, 0,8 en Asie et 0,6 en Europe.
Parallèlement, les observations font apparaître que le début de la pandémie de COVID-19 en 2020 a coïncidé avec une augmentation notable des crimes liés au genre dans la sphère privée en Amérique du Nord et, dans une certaine mesure aussi, en Europe occidentale et méridionale.
Toutefois, les crimes fondés sur le genre, ainsi que d’autres formes de violence à l’égard des femmes et des filles, ne sont pas inévitables.
Ils peuvent et doivent être empêchés et pour ce faire il convient de combiner une série de mesures :
- Identifier le plus tôt possible les femmes victimes de violence
- Permettre à ces femmes d’accéder à un soutien et à une protection adéquats
- Garantir que les forces de l’ordre et la justice répondent mieux à leurs besoins
- Axer les efforts sur la prévention de base en s’attaquant aux causes profondes de cette violence, notamment en faisant évoluer les formes de masculinité et les normes sociales néfastes, en gommant les inégalités structurelles entre les sexes et en éliminant les stéréotypes de genre
- Compiler plus de données sur les féminicides afin d’éclairer l’élaboration de politiques et de programmes visant à prévenir et à éliminer les violences à l’égard des femmes et des filles.
16 jours d'activisme
Le rapport servira de référence tout au long des 16 journées d’activisme contre la violence basée sur le genre : cette campagne globale démarrera le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et se poursuivra jusqu’au 10 décembre, Journée des droits de l’homme.
À l’occasion de cette campagne annuelle « Tous UNiS » du Secrétaire général de l’ONU, une multitude d’événements sont organisés dans le monde en vue d’accélérer les efforts visant à mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles.
Autour du thème de cette année « Tous UNiS ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ! », un appel est lancé aux gouvernements et aux partenaires pour qu’ils montrent leur solidarité envers les mouvements et les activistes plaidant pour les droits des femmes, et chacun est invité à se joindre à l’élan mondial pour mettre fin, une fois pour toutes, à la violence à l’égard des femmes.
Le Président de l'Assemblée visite un centre pour les victimes d'abus
De son côté, le Président de l'Assemblée générale des Nations Unies, Csaba Kőrösi, s'est rendu au Manhattan Family Justice Center à New York, où il a rencontré des dirigeants locaux et des organisations communautaires qui aident les survivantes de violences domestiques et sexistes
Une haute responsable de la mairie de New York, Cecile Noel, a noté qu’il s’agit de situations compliquées et qu'en moyenne, il faut sept tentatives pour quitter une relation de violence domestique.
« Mettez ce que vous possédez dans un sac en plastique et partez. C'est essentiellement ce que nous leur demandons de faire », a-t-elle expliqué.
Le Manhattan Family Justice Center met en relation les survivantes et leurs enfants avec des organisations qui fournissent notamment une assistance juridique civile et pénale.
La ville de New York compte 54 refuges pour les survivantes de violences domestiques ou sexistes, qui accueillent quelque 4.000 familles – distinctes de la population de sans-abri, qui a dépassé les 60.200 personnes en septembre.