Fil d'Ariane
Aucune crise des réfugiés ne doit être oubliée, plaide le HCR
Dans un entretien accordé à ONU Info Genève, une porte-parole du HCR en France, Céline Schmitt, rappelle que de nombreuses situations requièrent la pleine attention de la communauté internationale et une aide humanitaire d’urgence.
Les exemples sont malheureusement nombreux : le Sahel, l’Afghanistan, le Venezuela, la République démocratique du Congo, le Myanmar ou encore la région du Tigré, en Ethiopie. Sur chacun de ces territoires, le nombre de personnes déplacées augmente, tiré par la résurgence et la persistence des conflits armés, les conséquences de la pandémie de Covid-19 ou encore l’insécurité alimentaire liée à l’inflation mondiale.
100 millions de déplacés dans le monde
Au total, plus de 100 millions de personnes sont déplacées de force, selon le dernier décompte mondial du HCR. Cela représente « 100 millions de drames humains et 100 millions de rêves pour reconstruire l’avenir », selon Céline Schmitt. Car derrière ce nombre se cache en effet plus de 1% des vies humaines sur la planète, soit l’équivalent du 14e pays le plus peuplé du monde (devant le Vietnam ou l’Iran).
L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie a contribué à ce bilan, alors que plus de 7 millions de citoyens ont franchi les frontières avec un pays voisin. Mais cette crise a engendré un élan de générosité de la société civile et des Etats : l’appel de fonds éclair pour l’Ukraine de l’ONU a déjà récolté près de 70% des fonds nécessaires d’après le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Un manque de financement très préoccupant
Or, ce qui préoccupe le plus le Haut-Commissariat aux réfugiés, c’est le manque de ressources limitant l’acheminement d’aide et de protection pour les personnes se trouvant dans les zones négligées.
« Les situations oubliées sont souvent les plus sous-financées », dénonce la porte-parole au micro d’Alexandre Carette pour ONU Info. Selon Céline Schmitt, le HCR a du mal à mobiliser les donneurs publics et privés en Afrique, en Asie ou encore en Amérique latine. Ainsi, les appels de fonds pour certaines zones n’atteignent même pas 20% du montant complet requis. Et à l’échelle internationale, 48% des besoins - soit 4,4 milliards de dollars - n’ont pas pu être financés en 2021, selon un rapport de l’agence.
Cela se répercute très concrètement sur l’apport d’aide humanitaire. « Sans ces fonds, nous ne pouvons ni proposer d’abri aux personnes déplacées, ni leur fournir des produits de première nécessité, ni assurer la protection des victimes de violences sexuelles, ni permettre l’accès à l’école pour les plus jeunes », dénonce-t-elle. Cela met donc en péril le travail du HCR, gardien de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951.
Une situation partagée par le Programme alimentaire mondial (PAM), l’agence onusienne luttant contre la faim dans le monde. Celle-ci a ainsi dû réduire ses rations jusqu’à 50% en Afrique de l’Est, faute de moyens financiers. Cela limite la lutte contre l’insécurité alimentaire mondiale, engendrant un risque de famine et de déplacement accru.
Le changement climatique, facteur de risques supplémentaires
Face à la multiplication des défis, Céline Schmitt pointe les conséquences dévastatrices du changement climatique. Selon elle, les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont le plus sévèrement affectées par le réchauffement de la planète et les aléas météorologiques croissants.
A titre d’exemple, le Sahel comptabilise plus de 4,6 millions de personnes forcées de quitter leur foyer. Or, c’est aussi une région où la hausse des températures est 1,5 fois plus rapide que la moyenne mondiale. Les risques s’additionnent : les violences ne sont plus le seul facteur de départ.
« Ce sont donc les personnes déjà déracinées qui font le plus face au changement climatique », résume la porte-parole du HCR, en évoquant le Burkina Faso, le Mali ou encore le Niger. Au total, en 2021, 23 millions de citoyens étaient concernés par cette situation selon le Centre de surveillance des déplacements internes (IDMC). La majorité des individus étaient déplacés à l’intérieur de leur propre pays, plaçant les communautés d’accueil dans une situation de pression accrue.
Quelles sont les solutions ?
« Les solutions sont politiques », affirme Céline Schmitt. Tandis que les travailleurs humanitaires vont poursuivre leur assistance auprès des personnes réfugiées, tous les acteurs institutionnels doivent se mobiliser pour trouver des réponses efficaces. Parmi les solutions durables que défend le HCR figurent les retours volontaires, l’intégration locale et la réinstallation par voie légale.
Près de 2 millions d’individus auraient besoin de cette dernière procédure, d’après la représentante de l’agence. Céline Schmitt appelle aussi à développer des « couloirs universitaires » pour les jeunes réfugiés souhaitant poursuivre leurs études, ainsi qu’à soutenir la mobilité au sein du secteur privé. « L’accès au travail est la clé pour être autonome », affirme-t-elle.
C’est pourquoi « la société civile et les entreprises ont un vrai rôle à jouer ». Alors que le nombre de déracinés augmente, les besoins comptabilisés par le HCR sont en hausse simultanée. Il faudrait donc que la solidarité publique et privée en faveur des réfugiés ukrainiens « soit globale et se propage, y compris pour les crises oubliées », selon Céline Schmitt.
La porte-parole tient à rester optimiste, en rappelant que de telles solutions peuvent être concrétisées. C’est le cas en Côte d’Ivoire, où 96% des personnes forcées de fuir vers le Libéria entre 2002 et 2007 - soit 310.000 citoyens - ont finalement pu rentrer volontairement chez elles.
Un succès, célébré par le Haut-Commissaire aux réfugiés Filippo Grandi, lors de sa visite dans le pays. « Quel bonheur d’être avec des réfugiés ivoiriens dans leur voyage de retour du Libéria à la Côte d’Ivoire ! Rien n’est plus émouvant pour nous au HCR que d’accompagner la fin d’un exil » a-t-il ainsi déclaré. Cet exemple de coopération et d’accueil pourrait donc servir dans le reste du monde.
Un article produit par Aurore Bourdin, ONU Info Genève