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La Francophonie, un outil au service du multilatéralisme à l’ONU

L'accès à l'interprétation dans différentes langues de l'ONU permet de promouvoir le multilinguisme.

Alors que la semaine de la Francophonie se termine, le français reste un élément essentiel et indispensable du multilinguisme aux Nations Unies, affirment les Représentants permanents de l’Espagne et de la France à l’ONU Genève.

Dans un entretien accordé à ONU Info Genève, l’Espagnole et francophile Aurora Diaz-Rato Revuelta estime que la capacité de s’exprimer dans des langues différentes va bien au-delà d’un outil de travail : c’est une valeur ajoutée pour la coopération internationale.

« La langue est une façon de structurer le cerveau et de se représenter le monde. Le système doit refléter la diversité de ces visions », explique celle pour qui le multilinguisme est une composante fondamentale du pilier des droits de l’homme permettant de se rapprocher des peuples avec lesquels les diplomates travaillent.

« L’hégémonie de l’anglais n’aurait pas permis de refléter la diversité de la société internationale présente à l’ONU », insiste-t-elle.

Un constat que rejoint son homologue français Jérôme Bonnafont. Le Représentant permanent de la France signale qu’au-delà de la langue française, c’est bien la question du multilinguisme qui doit être ardemment défendue. Il souligne d’ailleurs que le Secrétaire général António Guterres s’exprime régulièrement en anglais, mais aussi en français, en espagnol, en chinois ou encore en portugais.

« Cet acte est un plaidoyer pour le multilinguisme et un message politique », d’après M. Bonnafont. Il ajoute qu’à Genève, la responsabilité est d’autant plus importante étant donné que le siège européen des Nations Unies se situe dans « une ville qui s’inscrit dans la tradition francophone depuis la création de la Société des Nations ».

Mme Diaz-Rato Revuelta insiste d'ailleurs pour que les exigences linguistiques soient respectées lors du recrutement des fonctionnaires de l’ONU.

Aujourd’hui, le personnel de l’Office des Nations Unies à Genève est originaire de plus d’une centaine de pays et parle près de 70 langues. En 2020, près de 50% des réunions tenues au Palais des Nations ont bénéficié de l'interprétation en trois langues, tandis que 34% ont pu être suivies dans les six langues officielles.

 

Une solidarité politique depuis 1996

Le monde compte aujourd’hui 321 millions de francophones. Avec une hausse de 83% de ses locuteurs depuis 2005, selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le français se positionne désormais comme la cinquième langue la plus parlée après l’anglais, le mandarin, l’hindi et l’espagnol.

Pour le Représentant de l’OIF à Genève, Georges Nakseu Nguefang, la Francophonie est « un espace jeune, plein de vitalité, qui devrait accueillir jusqu’à 700 millions de locuteurs à l’horizon 2060 ».

Slogan adopté à l'occasion d'un débat interactif sur le multilinguisme

M. Bonnafont ajoute que la Francophonie représente « l’héritage d’une culture, d’une civilisation, d’une histoire, au service d’un projet, le multilatéralisme », inscrit dans la Charte des Nations Unies.

Alors que l'espace linguistique francophone comprend aujourd’hui 32 pays, M. Bonnafont évoque l’intérêt de partager une langue pour transcender les identités régionales et défendre des valeurs communes.

Selon lui, il ne s’agit pas d’afficher une vision unique, mais de former une communauté de pays capables de collaborer et de communiquer ensemble. « La Francophonie est une solidarité politique », structurée au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie au Sommet de Hanoï dès 1996.

Capable de s’exprimer en faveur de la paix et de la démocratie, l’institution s’est récemment illustrée sur le conflit en Ukraine en adoptant, lors de sa 40e conférence ministérielle, une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat et sans condition.

5 principes pour défendre le multilinguisme

L’avenir de la langue française dans les institutions internationales doit se concevoir de manière « volontaire et optimiste », selon M. Bonnafont.

Il appelle à ne pas se résigner aux limites du système actuel, en proposant cinq principes de bon usage du multilinguisme à destination de chaque diplomate : « ta langue tu honoreras », « celle des autres tu respecteras », « les règles tu suivras », « des moyens tu exigeras » ainsi que « les sciences et la technologie tu exploreras ».

Le Représentant permanent de la France incite chacun à défendre sa langue avec fierté, tout en prêtant attention à celle de ses collègues pour éviter toute cacophonie. Enfin, il explique que l’intelligence artificielle devrait permettre de démultiplier les capacités de traduction et d’interprétation du système. Un travail précieux, soutenu par l’ensemble de la francophonie, mais aussi l’hispanophonie, la russophonie et la lusophonie, en vue de tendre vers un multilatéralisme équilibré.

Ecouter l’intégralité du podcast « Les invités de la semaine » d’ONU Info Genève, avec les ambassadeurs espagnol et français, Aurora Diaz-Rato Revuelta et Jérôme Bonnafont.