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Holocauste : l’importance du devoir de mémoire face au « désintérêt croissant des nouvelles générations »

Jean et Marie, un couple de rescapés interviewés par Sophie Nahum pour son projet documentaire "Les Derniers"
Jean et Marie, interviewés pour le projet documentaire "Les Derniers" de Sophie Nahum

C’est un message d’alerte, de vigilance et d’espoir que porte la réalisatrice française Sophie Nahum à travers sa série documentaire « Les Derniers », dont des épisodes ont été diffusés dans le cadre de Ciné ONU Genève, mercredi 26 janvier, à l’occasion de la 77e commémoration de l’Holocauste.

Alors que 44 % des jeunes juifs européens auraient été victimes d’antisémitisme, selon une étude de la Commission Européenne réalisée en 2021, la réalisatrice dénonce le regain de négationnisme et le « déni du danger » au sein de la société. 

Sophie Nahum a décidé dès 2017 de recueillir les témoignages de rescapés de la Shoah, dont la plupart sont aujourd’hui âgés de plus de 90 ans, après avoir pris conscience que les jeunes n’auraient bientôt plus la possibilité d’écouter leur histoire et d’échanger avec eux.

Devoir mémoriel

Selon elle, les nouvelles générations ne semblent pas concernées par la mémoire de la Shoah, voire en auraient « marre » d’entendre parler de ce sujet, a-t-elle déploré lors du débat sur l’importance du devoir mémoriel et la sensibilisation des nouvelles générations, suivant la diffusion de ses interviews avec Jean et Marie, Lucette, et Robert.

Les jeunes auraient « l’impression que c’est du passé, que ça ne les concerne pas », dit-elle, avant de rajouter qu’ils seraient lassés par le devoir mémoriel.

Or, Sophie Nahum rappelle que les témoignages des survivants de l’Holocauste, sont, au contraire, une chance pour alerter sur ce que l’être humain est capable d’infliger à celui considéré comme étranger. 

Son travail documentaire s’attache, depuis 5 ans, à créer du lien entre les anciens déportés et le jeune public, en pointant à la fois « le pire et le meilleur de l’Homme ».

La série « Les Derniers » relate les histoires individuelles de rescapés de l’Holocauste, en interrogeant les conditions de vie dans les camps nazis mais aussi la difficile reconstruction après-guerre.

La réalisatrice Sophie Nahum interviewant un survivant de l'Holocauste
La réalisatrice Sophie Nahum interviewant un survivant de l'Holocauste

Après plus de 80 rencontres, Sophie Nahum souhaitait souligner le caractère héroïque de ces femmes et de ces hommes qui se sont tus pendant des décennies et ont eu le courage de reprendre leur vie. S’il a parfois fallu attendre plus de 40 ans pour qu’ils acceptent de témoigner, leurs propos sont indispensables pour sensibiliser à la lutte contre l’antisémitisme.

Surtout, il est urgent de porter leurs voix et leurs messages après leur disparition. « Dans peu de temps, on ne sera plus là, et c’est vous qui serez les seuls » à pouvoir témoigner, affirme ainsi un rescapé interrogé.

260 000 survivants aujourd'hui

Lors de la séance Ciné ONU, Sophie Nahum a annoncé la création d’une plate-forme recensant les témoignages des survivants de l’Holocauste. Elle a, par ailleurs, fait écho au travail du centre israélien Yad Vashem.

Effectivement, Yoni Berrous, responsable chez Yad Vashem des programmes pédagogiques destinés aux enseignants francophones, a rappelé que chaque histoire était unique par sa géographie, ses souffrances et ses conséquences. Il a souligné l’intérêt de recueillir les propos d’un maximum de survivants, dont le nombre aujourd’hui est estimé à quelque 260 000 dans le monde.

C’est d’ailleurs, a-t-il rappelé, la mission du mémorial, créé en 1953 à Jérusalem, qui vise à poursuivre le travail de documentation et de pédagogie autour de l’Holocauste à travers le monde.

Pour ce faire, Yoni Berrous a insisté sur la collaboration essentielle avec une diversité d’acteurs, parmi lesquels des éducateurs, des artistes, des policiers, des journalistes et des politiques, afin de faire perdurer la mémoire de l’Holocauste. « Si la haine a contaminé chaque niveau de la société, il nous faut y répondre de la même manière. »

Pour lui, cette lutte pour prévenir les crimes contre l’humanité et empêcher de nouveaux génocides fait partie « de l’ADN de l’ONU ». Une vision renforcée par la mise en place du Programme de communication des Nations Unies sur l’Holocauste il y a 15 ans. Ce programme comprend notamment l’organisation de commémorations annuelles, d’expositions, des projections ainsi que la création de contenus pédagogique et d’un podcast récoltant les témoignages de personnes déportées.

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Sophie Nahum était récemment l’invitée d’ONU Info Genève. Retrouvez tous les podcast ici