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Cisjordanie : la mort d’un détracteur de l’Autorité palestinienne porte les marques d'un acte criminel (experts)

Des experts indépendants des droits de l'homme de l'ONU ont appelé, mardi, à la fin des attaques contre les personnes critiques de l’Autorité palestinienne (AP) et à ce que les responsables soient arrêtés.

Trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont exprimé de sérieuses inquiétudes concernant un certain nombre d'attaques des forces de sécurité palestiniennes contre des détracteurs de l’AP, y compris la mort en détention, apparemment à la suite de coups, d'un commentateur bien connu de la politique palestinienne et candidat de l'opposition.

« La mort de Nizar Banat en Cisjordanie occupée peu après son arrestation nocturne le 24 juin par les forces de sécurité palestiniennes a toutes les caractéristiques d'un acte criminel », ont déclaré Michael Lynk, Morris Tidball-Binz et Irene Khan qui sont Rapporteurs spéciaux respectivement sur la situation des droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967 ; sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; et sur la promotion et la protection de la liberté d'opinion et d'expression.

Les premiers rapports indiquent que M. Banat a été sauvagement battu avec des matraques en acier lors de son arrestation à son domicile par les forces de sécurité palestiniennes. Après avoir été emmené par les forces de sécurité, il est décédé quelques heures plus tard sous leur garde.

« Sa mort doit faire l'objet d'une enquête d'une manière véritablement impartiale et transparente et conformément au protocole du Minnesota sur les enquêtes sur les décès potentiellement illégaux », ont souligné Mme Khan, MM. Lynk et Tidball-Binz.

« Si l'enquête révèle que sa mort était un homicide, les responsables doivent être tenus pleinement responsables, quel que soit leur rang ou leur commandement et des réparations intégrales doivent être accordées à la famille de M. Banat », ont ajouté les trois experts. Ils demandent à ce que les conclusions de l'enquête, y compris les résultats de l'autopsie du corps de M. Banat, soient publiées dans leur intégralité.

M. Banat était un commentateur régulier sur les réseaux sociaux palestiniens, adressant ses vives critiques à un éventail de personnalités de la vie politique palestinienne. Il a soulevé des questions concernant des allégations de corruption, la gestion de la pandémie de Covid-19 et les relations en matière de sécurité entre l’AP et l'armée israélienne et l'abus de l'autorité publique. Il a également été candidat de l'opposition aux élections palestiniennes récemment reportées.

Les forces de sécurité palestiniennes ont arrêté M. Banat à plusieurs reprises. Son domicile dans le village de Dura avait récemment été la cible de tirs d'agresseurs inconnus et il avait reçu des menaces de mort.

« Les critiques publiques de M. Banat, aussi dures soient-elles, étaient protégées par les droits humains fondamentaux que sont la liberté d'expression et d'association », ont déclaré les experts qui ont rappelé que l'Autorité palestinienne a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit le droit d'avoir des opinions sans ingérence et la liberté d'exprimer des informations et des idées de toutes sortes.

« La capacité des critiques à exercer ces libertés et à demander des comptes aux gouvernements et aux autorités publiques est un moyen essentiel de mesurer la quantité ou le peu de libertés publiques dont bénéficie la société », ont souligné Mme Khan, MM. Lynk et Tidball-Binz.

Manifestations en Cisjordanie : usage excessif de la force par les forces de sécurité

Après la mort de M. Banat, des manifestations ont eu lieu à Ramallah et dans d'autres villes de Cisjordanie avec des manifestants exigeant justice et responsabilité. Les manifestations ont rencontré - ce qui semble être - une force injustifiée et excessive de la part des forces de sécurité palestiniennes.

« Nous sommes extrêmement préoccupés par l'usage excessif de la force par les forces de sécurité palestiniennes contre les manifestants, y compris les allégations d'attaques menées par des personnes sans uniforme et le ciblage des femmes présentes dans les manifestations », ont déclaré les experts.

Plusieurs jours avant la mort de M. Banat, les forces palestiniennes ont arrêté Issa Amro, un défenseur des droits humains à Hébron internationalement reconnu, après que ce dernier a écrit un article sur les réseaux sociaux critiquant l’AP. Il a été libéré le lendemain. Ces dernières années, M. Amro a été régulièrement harcelé, détenu et soumis à des accusations de sécurité par l'armée israélienne et l’AP.

« L'obligation de respecter, protéger et réaliser les droits de l'homme incombe à l'autorité compétente exerçant le pouvoir », ont rappelé les Rapporteurs spéciaux. « Malgré une occupation dure par Israël, la société civile palestinienne a parfaitement le droit d'exiger que ses propres dirigeants politiques et sécuritaires tiennent leurs promesses solennelles de respecter les engagements internationaux en matière de droits humains », ont-ils affirmé.

NOTE :

Les rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des Procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.