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Droit de vote : les Genevois veillent à ne laisser personne de côté

Down Syndrome person in UN assembly

Dimanche 29 novembre, les Genevois ont veillé à ne laisser personne de côté en accordant la jouissance de leurs droits politiques aux personnes placées sous curatelle et jugées incapables de discernement. Une rectification bienvenue à quelques jours de la célébration de la Journée internationale des personnes handicapées, le 3 décembre.

Lundi 30 novembre, à l’ouverture de la treizième session de la Conférence des Etats parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, à New York, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, soulignait que « la réalisation des droits des personnes handicapées est essentielle pour tenir la promesse fondamentale du Programme 2030: ne laisser personne de côté ».  La veille, les Genevois ont clairement choisi de soutenir cette promesse.

La votation populaire par laquelle, avec près de 75% des voix, les citoyens du canton de Genève viennent de décider que les personnes placées sous curatelle et jugées incapables de discernement recouvrent immédiatement leur droit de vote et d’éligibilité aux niveaux local et cantonal entérine le souhait du Parlement cantonal genevois de mettre en œuvre l’article 29 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, à laquelle la Suisse a adhéré en 2014. 

Cet article stipule que les Etats parties s’engagent « à faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et publique sur la base de l’égalité avec les autres, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, et notamment qu’elles aient le droit et la possibilité de voter et d’être élues ». 

Une avancée particulièrement importante eu égard au système suisse de démocratie directe

Cette avancée majeure du canton de Genève est une première, inédite en Suisse. 

« Avoir une votation sur un aspect pratique de la Convention, comme la participation à la vie publique, est déjà en soi un élément positif », souligne Harumi Fuentes, du secrétariat du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, l’organe onusien chargé de veiller au respect de la Convention. « Un autre aspect positif réside dans le fait que c’est avec un résultat largement favorable, plus de 74% des voix, que cette initiative a été approuvée », ajoute-t-elle, avant de faire observer qu’« en termes de sensibilisation à ces problématiques, cela est également utile ».

« Cette reconnaissance du droit de vote pour les personnes handicapées est d’autant plus importante ici, en Suisse, que rares sont les pays où la population a la possibilité de se prononcer par votation sur autant de sujets et qu’il est donc particulièrement important que chaque personne puisse participer librement à la vie politique et publique », fait également observer Mme Fuentes depuis Genève, où siège le secrétariat du Comité, au sein du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies.

La Suisse bientôt à l’examen du Comité des droits des personnes handicapées

À l’approche de l’examen du rapport initial présenté par la Suisse au Comité des droits des personnes handicapées – examen initialement prévu pour cette année mais reporté sine die en raison de la crise sanitaire –, le résultat de cette votation constitue incontestablement une évolution bienvenue, qui pourrait bien inspirer d’autres cantons de la Confédération helvétique, alors que des initiatives allant dans le même sens semblent émerger dans ceux de Fribourg, de Vaud, du Valais et de Neuchâtel. 

« La Suisse figure parmi les pays que le Comité a prévu d'examiner dans l'année à venir, mais cela pourrait être décalé si la session de mars prochain du Comité se fait en ligne, comme cela risque d'être le cas », indique Mme Fuentes.

Pour l’heure, ce sont près de 1200 personnes qui, dans le canton genevois, vont maintenant bénéficier de cette reconnaissance de leurs droits politiques aux plans cantonal et communal. La votation de ce 29 novembre marque donc la fin de l’alinéa 4 de l’article 48 de la constitution genevoise de 2012, relatif à la titularité des droits politiques, qui prévoyait jusqu’ici que « les droits politiques des personnes durablement incapables de discernement [puissent] être suspendus par décision d’une autorité judiciaire ». 

Reste que, comme le rappelle le rapport initial présenté par la Suisse au Comité, en vertu de l’alinéa 1 de l’article 136 de la Constitution fédérale helvétique, « le droit de vote au niveau fédéral est garanti aux personnes majeures, de nationalité suisse, qui ne sont pas sous curatelle pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit ». 

Lorsqu’ils se pencheront sur le rapport suisse, les experts du Comité ne devraient pas manquer de commenter le résultat de la votation de ce dimanche 29 novembre. On peut d’ores et déjà observer que le groupe de travail pré-session du Comité a adopté l’an dernier une liste de points à traiter par la Suisse en vue de l’examen de son rapport initial, dans laquelle il appelle notamment le pays à fournir des renseignements sur « les mesures prises pour veiller à ce que les élections fédérales, cantonales et communales soient accessibles à toutes les personnes handicapées » et sur « le nombre de personnes handicapées réputées juridiquement incapables de voter ». 

Avoir un handicap n’empêche pas d’avoir une opinion, ont pour leur part tranché les Genevois dimanche dernier.