Fil d'Ariane
Examen du Suriname au Comité des droits de l’homme : les experts saluent l’abolition de la peine de mort, mais soulèvent des préoccupations concernant notamment la situation des peuples autochtones et tribaux et celle des détenus et prisonniers
Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par le Suriname au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Un expert a relevé que le présent dialogue intervient au moment où l'économie du Suriname va se développer avec l'exploitation des réserves de pétrole et d'autres ressources naturelles, et alors que des élections nationales sont prévues en 2025. Ces développements soulèvent des défis, a-t-il souligné, citant notamment l'aggravation des inégalités, des effets contrastés pour les peuples autochtones et la nécessité de doter de ressources suffisantes les institutions juridiques indépendantes essentielles à l’application du Pacte. Cet expert a félicité l'État partie pour le fait que ses deux plus hautes juridictions – la Cour de justice et la Cour constitutionnelle – donnent un effet direct au Pacte. Il a aussi salué l’abolition de la peine de mort dans le Code pénal en 2015 et dans le Code pénal militaire en 2021. L’expert a cependant souligné qu’après avoir examiné le cadre juridique relatif à l’état d’urgence, le Comité estimait qu'il n'est pas possible de déterminer si le Gouvernement est empêché de suspendre, dans une telle circonstance, des droits que l'article 4.2 du Pacte considère comme indérogeables.
Un autre expert a relevé qu’aucune disposition du Code pénal surinamais ne définissait la torture comme un crime.
Ce même expert a dit prendre note des efforts législatifs déployés par le pays pour faire respecter les droits des peuples autochtones et tribaux. Il s’est dit toutefois préoccupé par la longueur et le manque d'inclusivité des processus prévus dans ce contexte et s’est interrogé sur la représentation des populations tribales et autochtones dans les postes de décision politique. L’expert a fait état d’une pratique persistante consistant à accorder des permis d'extraction de ressources naturelles sur des terres occupées par des peuples autochtones et tribaux sans leur consentement libre, préalable et éclairé. Il a rappelé que le Suriname avait été condamné par la Cour interaméricaine des droits de l'homme pour l'absence persistante de reconnaissance juridique de la personnalité juridique, de la juridiction et des droits territoriaux des peuples indigènes et tribaux.
Des explications ont par ailleurs été demandées sur les événements survenus dans le village de Pikin Saron en mai 2023. Un expert a voulu savoir si les manifestations contre les autorisations d’exploitation forestière à Pikin Saron étaient à nouveau permises.
Une experte s’est pour sa part enquise des mesures prises pour remédier à la discrimination structurelle à l’encontre des peuples autochtones et tribaux, de même qu’à la discrimination envers les requérants d’asile.
Cette experte a d’autre part indiqué que le Comité avait reçu de nombreuses informations fiables sur l’intimidation à l’encontre de journalistes et médias qui publient au sujet de la corruption au plus haut niveau de l’État.
Une autre experte a indiqué que le Comité était informé que des détenus et prisonniers au Suriname ont subi des traitements cruels et inhumains, les victimes et les familles étant souvent réduites au silence par les autorités. De plus, dans une enquête réalisée en 2018, 86% des détenus interrogés disaient ne pas se sentir en sécurité en prison. En outre, les personnes arrêtées et les personnes condamnées sont logées dans le même établissement, ce qui est contraire à l'article 10 du Pacte, a souligné l’experte, qui a aussi demandé ce qui était fait pour remédier au problème de la surpopulation carcérale. Il a par ailleurs été jugé préoccupant que les procureurs de districts et les inspecteurs de police puissent autoriser la détention de personnes au secret.
Un expert a pour sa part jugé préoccupante la pratique des mariages d'enfants au Suriname. Il a en outre relevé que, selon des informations, le Suriname est un pays d'origine et de destination pour des femmes, des hommes et des enfants soumis à la traite sexuelle et au travail forcé à l'intérieur du pays – en particulier des femmes et des filles originaires du Brésil, de Cuba, de la République dominicaine, d'Haïti et du Venezuela.
Présentant le rapport de son pays, M. Kenneth Amoksi, Ministre de la justice et de la police du Suriname, a d’abord affirmé que le cadre constitutionnel et juridique de son pays respectait les principes du Pacte. Il a ensuite décrit le processus en cours de rédaction du projet de loi relatif à l'institut national des droits de l'homme, qui met l’accent sur l'indépendance de l'institution sur la base des Principes de Paris.
La corruption constitue une menace importante pour l'état de droit et la confiance du public, a poursuivi M. Amoksi, avant d’indiquer que pour lutter contre ce fléau, le Gouvernement a notamment créé en mai 2023 une Commission indépendante de lutte contre la corruption.
M. Amoksi a d’autre part précisé que selon la Constitution du Suriname, l'état d'urgence pouvait être déclaré en cas de guerre, de danger de guerre, de loi martiale ou de tout autre état d'exception ou pour des raisons de sécurité de l'État, d'ordre public et de moralité ; les droits mentionnés dans la Constitution peuvent alors être soumis par la loi à des restrictions imposées pendant une certaine période, en fonction de la situation, a-t-il précisé.
Le chef de la délégation surinamaise a ensuite fait part de l’engagement de son pays à éliminer la discrimination sous toutes ses formes : à ce titre, les politiques et lois protègent les individus contre la discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle et d'autres statuts, a-t-il indiqué.
M. Amoksi a d’autre part souligné que le traitement des détenus et des prisonniers au Suriname s'inspirait autant que possible des normes internationales, les réformes se concentrant sur l'amélioration des conditions de détention et la réduction de la surpopulation carcérale. Il a par ailleurs assuré le Comité de la résolution de son pays à éliminer toutes les formes d'esclavage, de servitude, de trafic d'êtres humains et de traite des êtres humains. M. Amoksi a également assuré que la liberté d'expression était une pierre angulaire de la démocratie au Suriname ; il a fait valoir que, selon Reporters sans frontières, le Suriname a fait des progrès remarquables dans le classement international de la liberté de la presse, passant de la quarante-huitième position à la vingt-huitième en 2024.
Enfin, M. Amoksi a fait savoir que les populations tribales et autochtones étaient consultées lors de la prise de décision dans tous les domaines qui concernent leurs droits. Ainsi, des krutus (ou débats communautaires) sont-ils organisés pour entendre les souhaits des communautés en ce qui concerne, par exemple, les concessions, l'eau et l'électricité.
Outre M. Amoksi et plusieurs de ses collaborateurs, la délégation surinamaise était également composée de M. Aroen Kumar Jadoenathmisier, Représentant permanent du Suriname auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants des Ministères des affaires étrangères et de l’intérieur.
Des enquêtes administratives sont en cours au sujet de l’attribution de titres fonciers et de la démarcation de terres appartenant à des peuples autochtones, a notamment indiqué la délégation au cours du dialogue.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Suriname et les publiera à l’issue de sa session, le 23 juillet prochain.
Le Comité examinera le rapport de la République arabe syrienne à partir de 15 heures cet après-midi.
Examen du rapport du Suriname
Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique du Suriname (CCPR/C/SUR/4), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, M. KENNETH AMOKSI, Ministre de la justice et de la police du Suriname, a d’abord affirmé que le cadre constitutionnel et juridique de son pays respectait les principes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Constitution consacre les droits et libertés fondamentaux, fournissant une base solide pour leur protection et leur promotion, tandis que des réformes récentes sont venues renforcer les libertés civiles et garantir que les droits des citoyens sont protégés contre toute violation. Le pays a aussi adopté des mécanismes de révision et d'interprétation de la Constitution, qui permettent d'adapter le système juridique à l'évolution des normes internationales en matière de droits de l'homme, a expliqué M. Amoksi.
Le Ministre a ensuite décrit le processus en cours de rédaction du projet de loi relatif à l'institut national des droits de l'homme, qui met l’accent sur l'indépendance de l'institution sur la base des Principes de Paris. Il a aussi fait état de l’évaluation, en janvier 2024, du programme d'aide juridique et de la formulation de recommandations pour l'améliorer.
La corruption constitue une menace importante pour l'état de droit et la confiance du public, a poursuivi M. Amoksi. Pour lutter contre ce fléau, le Gouvernement a créé une Commission indépendante de lutte contre la corruption en mai 2023, a-t-il indiqué. La loi anticorruption, a-t-il précisé, prévoit des déclarations de patrimoine obligatoires pour les fonctionnaires, tandis que le futur programme de protection des dénonciateurs devrait encourager les citoyens à signaler les activités de corruption sans crainte de représailles.
M. Amoksi a d’autre part précisé que selon la Constitution du Suriname, l'état d'urgence pouvait être déclaré en cas de guerre, de danger de guerre, de loi martiale ou de tout autre état d'exception ou pour des raisons de sécurité de l'État, d'ordre public et de moralité ; les droits mentionnés dans la Constitution peuvent alors être soumis par la loi à des restrictions imposées pendant une certaine période, en fonction de la situation.
M. Amoksi a ensuite fait part de l’engagement de son pays à éliminer la discrimination sous toutes ses formes : à ce titre, les politiques et lois protègent les individus contre la discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle et d'autres statuts, a-t-il indiqué. Le Ministre a aussi précisé que l'égalité des sexes était une pierre angulaire du programme du Gouvernement en matière de droits de l'homme, de même que la lutte contre la violence fondée sur le sexe, en particulier la violence domestique.
M. Amoksi a d’autre part souligné que le traitement des détenus et des prisonniers au Suriname s'inspirait autant que possible des normes internationales, les réformes se concentrant sur l'amélioration des conditions de détention et la réduction de la surpopulation carcérale par des peines alternatives et des programmes de déjudiciarisation bénéficiant aux délinquants non violents.
M. Amoksi a par ailleurs assuré le Comité de la résolution de son pays à éliminer toutes les formes d'esclavage, de servitude, de trafic d'êtres humains et de traite des êtres humains. À cet égard, le renforcement des cadres juridiques et des sanctions pour les délits de traite garantit que les auteurs sont poursuivis et tenus pour responsables, a-t-il précisé.
Le Ministre a ensuite affirmé que l’accès à la justice et l'indépendance judiciaire sont des éléments fondamentaux du système juridique surinamais, de même que le respect des droits de la défense et de l'équité procédurale. Il a mentionné l'utilisation de mécanismes alternatifs de résolution des conflits afin d’apporter des solutions rapides aux litiges et de réduire la charge pesant sur le système judiciaire.
M. Amoksi a d’autre part assuré que la liberté d'expression était une pierre angulaire de la démocratie au Suriname. Ainsi, selon Reporters sans frontières, le Suriname a fait des progrès remarquables dans le classement international de la liberté de la presse, passant de la quarante-huitième position à la vingt-huitième en 2024, a fait valoir le Ministre. Il a, de plus, indiqué que des garanties juridiques facilitaient l'exercice du droit de réunion pacifique, les forces de l'ordre étant formées à la gestion des rassemblements et manifestations dans le respect des droits de l'homme et dans l’optique de réduire le recours à la force.
Enfin, M. Amoksi a fait savoir que les populations tribales et autochtones étaient consultées lors de la prise de décision dans tous les domaines qui concernent leurs droits. Ainsi, des krutus (ou débats communautaires) sont-ils organisés pour entendre les souhaits des communautés en ce qui concerne, par exemple, les concessions, l'eau et l'électricité.
Questions et observations des membres du Comité
M. LAURENCE R. HELFER, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport du Suriname, a relevé que le présent dialogue intervient au moment où l'économie du Suriname va se développer avec l'exploitation des réserves de pétrole et d'autres ressources naturelles, et alors que des élections nationales sont prévues en 2025. Ces développements soulèvent des défis, a souligné l’expert, citant notamment l'aggravation des inégalités, des effets contrastés pour les peuples autochtones et la nécessité de doter de ressources suffisantes les institutions juridiques indépendantes essentielles à l’application du Pacte.
M. Helfer a félicité l'État partie pour le fait que ses deux plus hautes juridictions – la Cour de justice et la Cour constitutionnelle – donnent un effet direct au Pacte et aux observations générales du Comité. Il a aussi salué l’abolition de la peine de mort dans le Code pénal en 2015 et dans le Code pénal militaire en 2021. M. Helfer a cependant souligné qu’après avoir examiné le cadre juridique relatif à l’état d’urgence, le Comité estimait qu'il n'est pas possible de déterminer si le Gouvernement est empêché de suspendre, dans une telle circonstance, des droits que l'article 4.2 du Pacte considère comme indérogeables.
M. Helfer a demandé quand le Gouvernement entendait ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui vise l’abolition de la peine de mort.
M. Helfer a constaté que les procédures judiciaires au Suriname sont parfois retardées faute de traducteurs, de psychologues et d'autres experts nécessaires pour certaines affaires, en particulier celles concernant des crimes transfrontaliers. Il a aussi relevé que le système judiciaire manquait de juges pour être pleinement opérationnel. L’expert a suggéré que le Gouvernement fasse connaître à la population les décisions de justice et les résultats des efforts de décentralisation du système judiciaire.
M. RODRIGO A. CARAZO, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport du Suriname, a notamment voulu savoir comment l’indépendance opérationnelle et financière de l'institution nationale des droits de l'homme était assurée dans le projet de loi mentionné par le chef de la délégation, et si ce projet tenait compte des besoins des peuples autochtones et tribaux. À ce propos, l’expert a demandé des explications sur les événements survenus dans le village de Pikin Saron en mai 2023.
M. Carazo a d’autre part relevé qu’aucune disposition du Code pénal surinamais ne définissait la torture comme un crime.
M. Carazo a ensuite demandé s’il existait au Suriname un mécanisme habilité à recevoir les plaintes pour torture ou mauvais traitement. Il a également voulu savoir si les manifestations contre les autorisations d’exploitation forestière à Pikin Saron étaient à nouveau permises.
M. Carazo a dit prendre note des efforts législatifs déployés par l'État partie pour faire respecter les droits des peuples autochtones et tribaux. Il s’est dit toutefois préoccupé par la longueur et le manque d'inclusivité des processus prévus dans ce contexte et s’est interrogé sur la représentation des populations tribales et autochtones dans les postes de décision politique.
M. Carazo a aussi fait état d’une pratique persistante consistant à accorder des permis d'extraction de ressources naturelles sur des terres occupées par des peuples autochtones et tribaux sans leur consentement libre, préalable et éclairé. Il a rappelé que le Suriname avait été condamné par la Cour interaméricaine des droits de l'homme pour l'absence persistante de reconnaissance juridique de la personnalité juridique, de la juridiction et des droits territoriaux des peuples indigènes et tribaux.
M. Carazo a par la suite demandé si le Suriname était conscient de la nécessité, dans le contexte de l’exploitation prévisible d’hydrocarbures, d’inscrire dans la loi les droits des peuples autochtones et tribaux. Plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations Unies se sont dit préoccupés par l’octroi à des tiers de terres appartenant à des peuples autochtones, a-t-il rappelé.
MME HÉLÈNE TIGROUDJA, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport du Suriname, a fait état d’informations crédibles et concordantes selon lesquelles la lutte contre la corruption dans les plus hautes sphères de l’État se heurtait à plusieurs obstacles, notamment du fait que la loi anticorruption ne serait pas mise en œuvre de manière concrète. Le Comité a aussi reçu de nombreuses informations fiables sur l’intimidation à l’encontre de journalistes et médias qui publient au sujet de la corruption au plus haut niveau de l’État.
Mme Tigroudja a ensuite demandé ce qui était fait pour sensibiliser contre la discrimination fondée sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle dans la société, de même que pour reconnaître l’identité des personnes transgenres. L’experte a aussi voulu savoir quelles mesures étaient prises pour remédier à la discrimination structurelle à l’encontre des peuples autochtones et tribaux, de même qu’à la discrimination envers les requérants d’asile, toutes deux mentionnées par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale en 2022.
S’agissant du droit de réunion pacifique, Mme Tigroudja a notamment estimé que la base juridique des arrestations et détentions de personnes après les manifestations de février 2023, de même que le nombre de personnes concernées, n’étaient pas clairs. Certains des leaders des manifestations sont poursuivis au pénal sur la base de plusieurs motifs (vandalisme, sédition, perturbation de l’ordre public), de sorte qu’il est difficile pour le Comité de s’assurer que ces arrestations et condamnations sont bien conformes à l’article 21 du Pacte, a indiqué l’experte. Ces poursuites judiciaires auraient dissuadé des personnes de manifester par la suite, a fait remarquer Mme Tigroudja.
Pour sa part, MME MARCIA V.J. KRAN, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport du Suriname, a prié la délégation de décrire les mesures prises pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire dans les procès très médiatisés et pour empêcher les interventions de la branche politique du Gouvernement, et de dire comment le Gouvernement faisait en sorte que toutes les personnes impliquées dans des violations flagrantes des droits de l'homme répondent de leurs actes, y compris l'ancien Président Bouterse, condamné pour la torture et l'exécution extrajudiciaire de quinze opposants politiques en 1982.
Mme Kran a ensuite prié la délégation de dire comment le Suriname allait remédier à l'absence de règles claires régissant l'accès à un avocat ; faire en sorte que toute personne arrêtée ou détenue soit présentée à un juge dans les 48 heures et, dans le cas des mineurs, dans les 24 heures ; et garantir aux personnes privées de liberté l’accès aux soins de santé mentale.
Le Comité, a poursuivi Mme Kran, est informé que des détenus et prisonniers au Suriname ont subi des traitements cruels et inhumains, les victimes et les familles étant souvent réduites au silence par les autorités. De plus, dans une enquête réalisée en 2018, 86% des détenus interrogés disaient ne pas se sentir en sécurité en prison. En outre, les personnes arrêtées et les personnes condamnées sont logées dans le même établissement, ce qui est contraire à l'article 10 du Pacte, a souligné l’experte, qui a aussi demandé ce qui était fait pour remédier au problème de la surpopulation carcérale.
Mme Kran a par ailleurs jugé préoccupant que les procureurs de districts et les inspecteurs de police puissent autoriser la détention de personnes au secret.
M. IMERU TAMERAT YIGEZU, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport du Suriname, a demandé quand serait adoptées les lois destinées à garantir une égalité effective entre les hommes et les femmes dans la loi, y compris s’agissant du respect du principe de salaire égal pour un travail de valeur égale. L’expert a par ailleurs jugé préoccupante la pratique des mariages d'enfants au Suriname : 8,8% des femmes âgées de 20 à 24 ans déclarent en effet avoir été impliquées dans un mariage ou une union avant l'âge de 15 ans, et 36% avant l'âge de 18 ans, a-t-il déploré.
M. Yigezu a ensuite relevé que, selon des informations, le Suriname est un pays d'origine et de destination pour des femmes, des hommes et des enfants soumis à la traite sexuelle et au travail forcé à l'intérieur du pays – en particulier des femmes et des filles originaires du Brésil, de Cuba, de la République dominicaine, d'Haïti et du Venezuela. Il a demandé si les policiers et fonctionnaires de justice étaient formés pour identifier et protéger les victimes et victimes potentielles de la traite.
L’expert a aussi voulu savoir quelles mesures le Suriname prendrait pour lever les obstacles à l'accès à l'enregistrement des naissances et pour que, lorsqu'une personne est apatride, elle puisse jouir des mêmes droits et du même traitement que les ressortissants surinamais.
M. Yigezu a constaté des progrès certains au Suriname en matière de lutte contre la traite des êtres humains. Il a demandé si les centres d’accueil étaient adaptés aux besoins des victimes de la traite.
L’expert a par ailleurs insisté sur le fait que le Pacte impose que tout enfant né dans un État partie soit enregistré à l’état civil.
Réponses de la délégation
La délégation a décrit la composition et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, précisant qu’aucun projet de révision à cet égard n’était envisagé.
La délégation a ensuite souligné que le Suriname, qui est un État démocratique, disposait d’un cadre régissant l’état d’urgence et que même pendant la pandémie de COVID-19, le pays n’avait adopté aucune loi contrevenant à ses obligations. L’application de l’état d’urgence pendant la pandémie de COVID-19 n’a entraîné aucune violation du Pacte, a par la suite insisté la délégation.
L’ancien Président Bouterse a été condamné à vingt ans de privation de liberté par la Haute cour militaire, a par ailleurs rappelé la délégation. M. Bouterse ayant réussi à s’échapper, le parquet a alerté Interpol, a-t-elle expliqué, avant d’ajouter que les services concernés continuent d’enquêter sur cette affaire. Le parquet agit en toute indépendance du Gouvernement, a tenu à préciser la délégation.
La loi contre la corruption a été promulguée en 2017 mais n’est appliquée que depuis 2022, avec la création de la Commission de lutte contre la corruption, a poursuivi la délégation. La Commission dispose de locaux ; elle coopère avec le Ministère de la justice et avec les institutions anticorruption françaises. Plusieurs condamnations de notables ont été prononcées sur la base du Code pénal avant même la création de la Commission, a fait observer la délégation.
Concernant la future institution nationale des droits de l’homme, la délégation a indiqué que le projet de loi en la matière tenait compte des critères d’indépendance financière et institutionnelle de l’institut, de sa structure, ainsi que de la compétence de ses membres. Les peuples autochtones et les communautés tribales ont eu l’occasion de formuler des commentaires au sujet du projet de loi – commentaires dont les autorités ont tenu compte, a assuré la délégation.
La délégation a ensuite donné d’autres renseignements concernant l’autonomie financière et administrative de la future institution nationale des droits de l’homme et la nomination de ses membres – lesquels devront notamment refléter la diversité du pays, a-t-elle affirmé. L’institution pourra recevoir des plaintes et effectuer à tout moment des visites de centres de détention, a précisé la délégation.
Le projet de loi sur l’information publique qui est à l’examen autorisera les journalistes et les employés des médias à interpeller le Gouvernement au sujet de ses activités, a d’autre part fait savoir la délégation.
Les journalistes sont libres de mener leurs enquêtes au Suriname et de questionner les institutions, a par la suite assuré la délégation. Un projet de loi sur l’accès à l’information publique est actuellement en consultation, a-t-elle indiqué.
Toute manifestation doit être annoncée au préalable à la police afin qu’elle puisse prendre les mesures de sécurité nécessaires, a par ailleurs indiqué à la délégation.
La loi sur l’égalité au travail a été adoptée en 2022, a par ailleurs rappelé la délégation. L’inspection du travail est chargée des plaintes pour inégalité de traitement et harcèlement au travail, entre autres, a-t-elle souligné. La loi du Suriname sanctionne le harcèlement sexuel et l’exploitation au travail, a par la suite ajouté la délégation.
L’âge minimum du mariage est de 15 ans pour les filles et 17 ans pour les garçons ; le projet de nouveau code de la famille porte cet âge à 18 ans pour les deux sexes, a précisé la délégation.
La délégation a par la suite fait mention d’une réforme du Code civil en vue de le mettre en conformité avec celui des Pays-Bas.
Le Code pénal a été révisé pour que toute personne arrêtée ait accès au juge d’instruction dans les 48 heures suivant son arrestation, a d’autre part souligné la délégation. Elle a ajouté que le Ministère de la justice a créé un service gratuit d’avocats commis d’office, accessible sur l’ensemble du territoire.
Toute personne qui s’estime victime de mauvais traitement de la part de la police peut déposer plainte auprès d’une autorité chargée de cette question, qui transmettra le dossier à la justice, a d’autre part indiqué la délégation.
Le Gouvernement informe le public au sujet du travail du Comité, le Suriname ayant ratifié le Protocole facultatif créant la procédure de plainte devant le Comité, a ajouté la délégation. Certains crimes sont poursuivis d’office, y compris le crime de torture, a-t-elle précisé.
Concernant les garanties procédurales, la délégation a souligné que chaque prison était dotée d’un médecin habilité à transférer les détenus vers un établissement civil si nécessaire. En outre, chaque personne détenue peut recevoir des visites quotidiennes de son avocat, a-t-elle ajouté. Le processus de décentralisation de la justice au niveau des districts s’est accompagné de mesures en faveur de l’aide juridictionnelle gratuite, a également souligné la délégation. Le Ministère de la justice est par ailleurs en train d’équiper toutes les salles d’interrogatoires et les commissariats de police de systèmes de vidéosurveillance, a-t-elle précisé.
Des pavillons réservés aux détenus mineurs sont en cours de construction dans les prisons, afin que les jeunes ne soient plus détenus avec des adultes, a ensuite indiqué la délégation. Les autorités détiennent séparément les personnes en détention provisoire et les détenus condamnés, a-t-elle ajouté.
Il n’y a pas de disparition de personnes dans le système judiciaire surinamais, a par ailleurs assuré la délégation. La détention incommunicado est soumise au contrôle du procureur, a-t-elle souligné.
La délégation a d’autre part assuré que toute naissance d’enfant né de parents résidant valablement au Suriname était enregistrée dans le registre de district, y compris pour ce qui concerne les migrants et demandeurs d’asile. Lorsque des parents ne sont pas dûment enregistrés auprès des autorités, cela empêche cependant leurs enfants de bénéficier de tous leurs droits, a-t-elle expliqué.
La loi interdit les châtiments corporels à l’école et dans toutes les institutions de prise en charge, a par ailleurs souligné la délégation en réponse à la question d’un expert. Chaque cas dénoncé donne lieu à une enquête approfondie, a-t-elle ajouté.
Les candidatures aux élections doivent être soutenues par les partis politiques, a rappelé la délégation en réponse à des questions sur la participation des peuples autochtones et tribaux aux prises de décisions politiques. Des enquêtes administratives sont en cours au sujet de l’attribution de titres fonciers et de la démarcation de terres appartenant à des peuples autochtones, a d’autre part indiqué la délégation.
La délégation a donné d’autres explications concernant l’organisation du pouvoir judiciaire.
Les victimes de traite des êtres humains ont elles aussi droit à l’aide juridictionnelle, a souligné la délégation, avant d’ajouter que les fonctionnaires de police reçoivent des formations à la lutte contre la traite.
La délégation a d’autre part indiqué que deux organisations non gouvernementales géraient des foyers d’accueil pour victimes de violence familiale.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
CCPR24.025F