Fil d'Ariane
Des experts du CERD discutent du développement du droit international des droits de l’homme avec le juge Patrick Robinson de la Cour internationale de Justice
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a tenu cet après-midi une réunion avec le juge Patrick Robinson de la Cour internationale de Justice (CIJ) pour discuter de l’évolution du droit international des droits de l’homme après la Seconde Guerre mondiale.
Le juge Robinson a déclaré que le plus grand développement du droit international après la Seconde Guerre mondiale a été la croissance d’un corpus juridique affirmant les droits fondamentaux de l’homme fondés sur le respect de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine. Le grand nombre de traités relatifs aux droits de l’homme et d’instruments internationaux adoptés depuis 1945 fait partie intégrante de cette évolution, a-t-il souligné.
Le juge Robinson a indiqué que l’impact le plus important de cette évolution était le passage d’une vision du droit international centrée sur l’État à une vision plus axée sur l’individu. Ce changement reflète l’impact de la croissance des droits de l’homme fondamentaux.
M. Robinson a ensuite longuement évoqué la question de l’individu en tant qu’objet du droit international au travers de nombreux exemples. Il a fait observer qu’à travers les âges, y compris à l’époque où l’esclavage transatlantique était pratiqué, il y avait un fort courant promouvant le « principe d'humanité » qui exigeait le respect de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine. Il a cité des traités et des décisions historiques reconnaissant le principe d’humanité, tels que le traité de Gand de 1814 entre les États-Unis et le Royaume-Uni et la déclaration de Vienne de 1815 concernant l’abolition du commerce des esclaves, ou encore le dictum du juge Story dans l’affaire La Jeune Eugénie.
Le juge Robinson a relevé que le Comité se devait d’assurer le développement continu de ce corpus juridique et que c’était là une tâche difficile mais noble. Il a exprimé l’espoir que le Comité réussisse dans cette tâche.
Au cours de la séance, M. Robinson a répondu aux questions des experts du Comité concernant notamment les implications pratiques du « principe d’humanité », la résurgence de la xénophobie et d’autres intolérances et les droits des peuples autochtones.
Le Comité tiendra sa prochaine réunion publique demain, vendredi 28 avril, à 16 heures, pour clore sa 109ème session.
Déclaration d’introduction
PATRICK ROBINSON, juge à la Cour internationale de Justice (CIJ) a déclaré que le plus grand développement du droit international après la Seconde Guerre mondiale a été la croissance d’un corpus de droit affirmant les droits fondamentaux de l’homme fondés sur le respect de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine. Le grand nombre de traités relatifs aux droits de l’homme et d’instruments internationaux adoptés depuis 1945 fait partie intégrante de cette évolution, a-t-il souligné.
Il a ensuite présenté six instruments fondamentaux adoptés entre 1945 et 1950 : la Charte des Nations Unies de 1945, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Statut de Nuremberg et les Principes de Nuremberg, la Convention sur le génocide (1948), et la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.
M. Robinson a ensuite rappelé qu’en 1966, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et qu’aujourd’hui, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est le traité relatif aux droits de l’homme le plus mis en œuvre dans le monde.
Ces développements conduisent ensuite, après 1950, à une pléthore de traités et d’instruments relatifs aux droits de l’homme, parmi lesquels la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a poursuivi le juge Robinson. Ces instruments ultérieurs ont tous été adoptés et mis en œuvre sur la base du principe du respect de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine, a-t-il souligné. La croissance d’un corpus juridique mettant l’accent sur le respect de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine a été le plus grand développement du droit international depuis 1945, a-t-il insisté.
L’impact le plus important de cette évolution a été le passage d’une vision du droit international centrée sur l’État à une vision plus axée sur l’individu, remettant en question l’opinion classique selon laquelle les États sont les seuls sujets de droit international, a indiqué le juge. Ce changement reflète l’impact de la croissance des droits fondamentaux, a-t-il souligné, faisant observer qu’après 1945, les individus ont fait des progrès significatifs en droit international, en pouvant notamment intenter des actions contre des États.
M. Robinson a ensuite longuement évoqué la question de l’individu en tant qu’objet du droit international au travers de nombreux exemples. Il a fait observer qu’à travers les âges, y compris à l’époque où l’esclavage transatlantique était pratiqué, il y avait un fort courant promouvant le « principe d'humanité » qui exigeait le respect de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine. Il a cité des traités et des décisions historiques reconnaissant le principe d’humanité, tels que le traité de Gand de 1814 entre les États-Unis et le Royaume-Uni et la déclaration de Vienne de 1815 concernant l’abolition du commerce des esclaves, ou encore le dictum du juge Story dans l’affaire La Jeune Eugénie.
Le juge Robinson a relevé que le Comité se devait d’assurer le développement continu de ce corpus juridique et que c’était là une tâche difficile mais noble. Il a exprimé l’espoir que le Comité réussisse dans cette tâche.
Questions et commentaires des experts du Comité
Plusieurs membres du Comité ont ensuite posé des questions relatives à l’ancienneté du « principe d’humanité » et ont évoqué la question de l’illégalité de l’esclavage compte tenu des normes internationales de l’époque et l’implication que cette question pourrait avoir sur la justice réparatrice.
Un expert du Comité a remercié le juge Robinson d’avoir partagé son point de vue sur l’ère postérieure à 1945 et a noté que c’était une époque historique dans l’histoire de l’humanité – une époque au cours de laquelle le Conseil de tutelle avait vu le jour. Cet expert a insisté sur la nécessité de disposer aujourd’hui d’un droit international intelligent en matière de droits de l’homme, qui permette d’examiner les questions importantes relatives aux droits de l’homme et de rendre justice.
Un expert du Comité a relevé que l’on assistait depuis un certain temps à un retour du nationalisme et à une résurgence de la xénophobie et d’autres intolérances connexes. Il a souhaité savoir comment il était possible de trouver un équilibre entre la reconnaissance des revendications des peuples autochtones et la préservation de la stabilité des États.
Un autre expert du Comité a fait observer que l’apartheid avait été déclaré crime contre l’humanité et crime de guerre et a souhaité savoir pourquoi aucune personne ni aucun État n’avaient été inculpés pour ce crime.
Un membre du Comité a demandé comment, de l’avis du juge Robinson, les organes conventionnels pouvaient contribuer à l’application effective du droit international relatif aux droits de l’homme.
Un expert a voulu savoir si les obligations des États en matière de réparations comprenaient des obligations à l’égard des particuliers et des autres États.
La Présidente du Comité, MME VERENE ALBERTHA SHEPHERD, s’est notamment enquise du rôle des excuses dans l’application du droit relatif aux droits de l’homme.
Réponses du juge Robinson
LE JUGE ROBINSON a déclaré qu’à l’époque de l’esclavage transatlantique, il existait un principe juridique d'« humanité » qui avait été transgressé et que cela impliquait que la pratique de l’esclavage transatlantique constituait une violation du droit international ouvrant droit à des réparations – réparations dont le juge a souligné qu’elles pouvaient inclure la restitution, l’indemnisation et la présentation d’excuses. La pratique de l’esclavage transatlantique, qui est un comportement fautif, ne peut servir de base à aucune législation rendant cette pratique légale, a-t-il en outre souligné.
La recrudescence du nationalisme a eu des répercussions sur les droits des peuples autochtones, qui ne doivent pas être ignorés, a poursuivi le juge, rappelant que dans de nombreuses régions des Caraïbes, les peuples autochtones ont été anéantis. Les peuples autochtones doivent pouvoir jouir des droits que leur confère le droit international, a-t-il insisté.
Le juge a d’autre part souligné que le droit international contre l’apartheid est applicable en dehors de l’Afrique du Sud ; il a jugé regrettable que ce droit n’ait pas été appliqué en dehors de ce pays et a indiqué qu’il appartient aux parties concernées de porter les affaires concernant l’apartheid devant la Cour pénale internationale.
Certes, les organes de traité ne peuvent agir que dans le cadre de leur champ de compétence, mais ils se doivent d’utiliser pleinement leurs compétences, a plaidé le juge.
La discrimination raciale et la xénophobie sont en contradiction fondamentale avec les droits de l’homme et le Comité doit s’y attaquer pleinement, a par ailleurs souligné le juge Robinson.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
CERD23.008F