Fil d'Ariane
Conseil des droits de l’homme : Mme Ní Aoláin plaide pour des moratoires sur les systèmes d’armes létales autonomes et sur l’usage des technologies de reconnaissance biométrique à distance dans les espaces publics
Le Conseil des droits de l’homme a engagé ce matin un dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Mme Fionnuala Ní Aoláin. Auparavant, c’est en entendant plusieurs délégations* que le Conseil a achevé son dialogue, entamé hier matin, avec la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, Mme Nazila Ghanea.
Présentant son rapport intitulé « Impacts du développement, de l'utilisation et du transfert de nouvelles technologies dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et de la lutte et de la prévention de l'extrémisme violent sur les droits de l'homme », Mme Ní Aoláin a souligné que le monde est conscient des risques posés par les nouvelles avancées technologiques, en particulier celles développées dans le but déclaré de faire progresser la sécurité et de lutter contre le terrorisme. La Rapporteuse spéciale a présenté trois tendances qui caractérisent, selon elle, l’utilisation des nouvelles technologies dans la lutte contre le terrorisme. La première est l’utilisation du terrorisme comme justification politique pour adopter des technologies à haut risque ; la deuxième a trait à l’absence d’analyse et de pratique cohérentes des droits de l’homme dans la mise au point, l’utilisation et le transfert de nouvelles technologies ; la troisième concerne le passage prévisible et insidieux de l’utilisation exceptionnelle initiale de nouvelles technologies dans des contextes de sécurité étroits à une utilisation générale, en important et en normalisant l’utilisation de ces technologies dans la vie quotidienne.
Dans ce contexte, la Rapporteuse spéciale a notamment plaidé pour un moratoire sur la vente, le transfert et l’utilisation des systèmes d’armes létales autonomes le temps d’œuvrer à une interdiction totale. La réglementation de l’intelligence artificielle ne doit faire l’objet d’aucune exemption au titre de la sécurité nationale, a-t-elle ajouté, avant de plaider également pour un moratoire sur l’usage des technologies de reconnaissance biométrique à distance dans les espaces publics.
Mme Ní Aoláin a également rendu compte de la visite qu’elle a effectué aux Maldives en mai 2022, après quoi les Maldives ont fait une déclaration en tant que pays concerné, avant que de nombreuses délégations** n’engagent le dialogue avec la Rapporteuse spéciale.
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit achever son dialogue avec Mme Ní Aoláin, avant d’entamer un dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Fin du dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction
Aperçu du dialogue
La communauté internationale assiste à une aggravation de la situation en ce qui concerne l’exercice du droit à la liberté de religion ou de conviction et le rapport de Mme Ghanea donne à cet égard un aperçu de ce qui est fait pour défendre ce droit, a-t-il été souligné. Malgré les multiples instruments et conventions internationaux existants qui reconnaissent ce droit, beaucoup de personnes à travers le monde en sont toujours privées, a-t-il été déploré.
La Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction a été appelée à accorder davantage d’attention aux situations spécifiques et à encourager les États à s'acquitter de leur obligation de respecter les opinions et les sentiments des croyants. A été jugée particulièrement alarmante la recrudescence, sous couvert du droit à la liberté d’expression, d’actes liés à la diffamation religieuse et à la discrimination fondée sur la religion. La communauté internationale continue trop souvent d’être témoin de pratiques qui utilisent la religion pour justifier des actions violentes et des violations des droits, a-t-il également été déploré.
Plusieurs questions ont été posées à la Rapporteuse spéciale concernant le rôle que les médias peuvent jouer pour promouvoir le droit à la liberté de religion ou de conviction.
Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont mis l’accent sur les persécutions dont font l’objet les minorités religieuses.
*Liste des intervenants : Kazakhstan, Italie, Malte, Niger, Saint-Siège, Géorgie, Algérie, Afghanistan, Australie, Mauritanie, Malawi, Croatie, Mauritanie, Yémen, État de Palestine, Azerbaïdjan, Bolivie, Hongrie, Arabie saoudite, Cuba, Roumanie, Irlande, Iran, Ukraine, Ghana, Cambodge, Liban, Bélarus, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Libye, Commission nationale indépendante des droits de l'homme du Burundi, Commission nationale des droits de l'homme du Qatar, Christian Solidarity Worldwide, World Evangelical Alliance, Alliance Defending Freedom, Congrès juif mondial, Coordination des Associations et des Particuliers pour la Liberté de Conscience , Swedish Association for Sexuality Education, British Humanist Association, Humanists International, Conscience and Peace Tax International, Minority Rights Group.
Réponses et remarques de conclusion de la Rapporteuse spéciale
MME NAZILA GHANEA, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a souligné qu’il est important de garantir la liberté de religion ou de conviction car il s’agit d’un droit que l’on acquiert à la naissance.
La Rapporteuse a par ailleurs déploré que les droits des acteurs de la société civile soient bafoués alors que ces derniers jouent un rôle essentiel pour défendre la liberté de religion ou de conviction.
Mme Ghanea a en outre dénoncé les actes de profanation du Coran et a jugé urgent de renforcer au plus vite la liberté de religion ou de conviction à travers le monde. Le présent dialogue a attiré l’attention sur les nombreux actes islamophobes et de haine commis à l’encontre des musulmans, a-t-elle relevé, avant de souligner les persécutions subies par d’autres minorités à travers le monde.
Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste
Le Conseil est saisi du rapport de Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste (A/HRC/52/39, à paraître en français), intitulé « Impacts du développement, de l'utilisation et du transfert de nouvelles technologies dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et de la lutte et de la prévention de l'extrémisme violent sur les droits de l'homme », ainsi que du rapport sur la visite de la Rapporteuse spéciale aux Maldives (A/HRC/52/39/Add1, à paraître en français).
Présentation des rapports
Présentant son rapport, MME FIONNUALA NÍ AOLÁIN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a relevé les difficultés qui se posent actuellement à son mandat dans le contexte des ressources limitées dont disposent les procédures spéciales.
S’agissant de son rapport annuel, elle a, dans un premier temps, reconnu la capacité des nouvelles technologies à transformer positivement des vies et à améliorer la pleine réalisation des droits de l’homme, de l’égalité et de la dignité des êtres humains, ainsi que le potentiel important que les nouvelles technologies ont pour combler les lacunes en matière de droits de l’homme pour les plus marginalisés et les plus vulnérables.
Néanmoins, a-t-elle poursuivi, le monde est conscient des risques posés par les nouvelles avancées technologiques, en particulier celles développées dans le but déclaré de faire progresser la sécurité et de lutter contre le terrorisme. Mme Ní Aoláin a ensuite présenté trois tendances qui caractérisent, selon elle, l’utilisation des nouvelles technologies dans la lutte contre le terrorisme. La première est l’utilisation du terrorisme comme justification politique pour adopter des technologies à haut risque. Cela comprend la pratique consistant à appliquer des exemptions relatives à la sécurité nationale et/ou à la lutte contre le terrorisme dans la législation régissant les technologies émergentes. La deuxième tendance a trait à l’absence d’analyse et de pratique cohérentes des droits de l’homme dans la mise au point, l’utilisation et le transfert de nouvelles technologies. La référence superficielle aux droits de l’homme est une caractéristique dans ce domaine, a déploré la Rapporteuse spéciale. Le résultat a été l’échec lamentable de la réglementation des technologies à haut risque, avec des conséquences négatives à l’échelle mondiale pour les droits de l’homme et l’état de droit international. La troisième tendance concerne le passage prévisible et insidieux de l’utilisation exceptionnelle initiale de nouvelles technologies dans des contextes de sécurité étroits à une utilisation générale, en important et en normalisant l’utilisation de ces technologies dans la vie quotidienne. Pour inverser ces tendances, il faut réglementer, a insisté la Rapporteuse spéciale, en indiquant que son rapport contient des conseils concrets à l’intention des États à cet égard.
Mme Ní Aoláin a ensuite présenté plus en détail la manière dont les nouvelles technologies initialement déployées pour des circonstances exceptionnelles sont sous-réglementées et passent rapidement d’applications marginales à des applications générales : du « mandat biométrique » à la collecte de données des passagers aériens, en passant par l’adoption de logiciels espions. La Rapporteuse spéciale a ajouté que son rapport traite aussi assez longuement de l’utilisation de systèmes aériens sans pilote – ou drones. La capacité des drones à faire partie de systèmes d’armes létaux autonomes est un sujet de grave préoccupation, a-t-elle souligné. Mme Ní Aoláin a souligné qu’en l’absence de protections adéquates, la récolte de données biométriques est largement généralisée et donc à la merci à la fois d’une protection insuffisante de l’État et d’une manipulation par des tiers.
La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté une série de recommandations, visant notamment l’adoption d’une législation nationale qui accompagne la collecte de données dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et qui protège les droits de tous ceux – à savoir en fait nous tous – dont les données sont collectées, utilisées, transférées et stockées ou la surveillance indépendante de la collecte de données. Elle a plaidé pour un moratoire sur la vente, le transfert et l’utilisation des systèmes d’armes létales autonomes le temps d’œuvrer à une interdiction totale. La réglementation de l’intelligence artificielle ne doit faire l’objet d’aucune exemption au titre de la sécurité nationale, a-t-elle ajouté, avant de plaider également pour un moratoire sur l’usage des technologies de reconnaissance biométrique à distance dans les espaces publics.
S’agissant de la visite qu’elle a effectuée aux Maldives en mai 2022, Mme Ní Aoláin a notamment recommandé que des mesures concrètes soient prises en vue d’un rapatriement plus poussé pour les enfants et les femmes des Maldives qui sont privés arbitrairement de liberté dans le nord-est de la Syrie. Elle a également insisté sur la nécessité de soutenir et de protéger la société civile, en particulier les femmes défenseures des droits de l’homme, dans l’espace numérique, et d’apporter secours et réparation aux familles de ceux qui ont disparu ou ont été profondément blessés par la violence extrémiste.
Pays concerné
Les Maldives ont indiqué que depuis que le Président Ibrahim Mohamed Solih a pris ses fonctions en 2018, les Maldives ont déployé de nombreux efforts pour renouer avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme et s’acquitter de leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme. Le Gouvernement a pris des mesures importantes pour s’attaquer au problème de l’extrémisme, a ajouté la délégation maldivienne.
Les Maldives souscrivent à l’avis de la Rapporteuse spéciale selon lequel il est nécessaire d’assurer la sécurité des acteurs de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme dans le pays. À cette fin, le Gouvernement maldivien a promulgué en 2022 une nouvelle loi sur les associations qui vise à renforcer la gouvernance de la société civile et des organisations non gouvernementales, a fait valoir la délégation. Le Gouvernement s’est également efforcé de renforcer le système de justice pénale, a-t-elle ajouté, attirant en particulier l’attention sur la promulgation d’une nouvelle loi sur la preuve, entrée en vigueur en janvier dernier, qui révise la loi obsolète sur la preuve qui datait de 1976. En outre, la Commission présidentielle sur les décès et les disparitions, ainsi que l’expertise de partenaires internationaux soutiennent le service de police des Maldives dans le cadre d’un programme de protection des témoins, a ajouté la délégation.
Prenant note des préoccupations exprimées par la Rapporteuse spéciale concernant la mise en œuvre du processus de rapatriement [Ndlr : de Maldiviens se trouvant dans le nord-est de la Syrie], les Maldives ont indiqué que le Centre national de réadaptation fonctionnera comme un centre administratif pour la réadaptation et la réinsertion des enfants, des femmes et autres adultes désignés comme victimes, sur la base des évaluations.
Aperçu du dialogue
Plusieurs délégations ont d’emblée réaffirmé leur position ferme contre le terrorisme et l’extrémisme violent, quelle qu’en soit la source, ainsi que leur condamnation de tous les actes de terrorisme sous toutes ses formes et leur rejet de toute justification ou motif pour de tels actes. L’attention a été attirée sur l’impact dévastateur du terrorisme sur les États et sa capacité à saper les progrès réalisés par les sociétés. Le terrorisme est un obstacle à la pleine jouissance des droits de l’homme, y compris au droit fondamental à la vie, a-t-il été rappelé.
Un certain nombre de délégations ont plaidé pour que la communauté internationale accorde davantage d’attention aux défis liés au terrorisme, en particulier face aux menaces nouvelles et émergentes que posent les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, et face à la multiplication des attentats terroristes fondés sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ou perpétrés au nom d’une religion ou d’une conviction.
Une délégation a invité les États à appuyer pleinement les efforts internationaux visant à lutter contre le terrorisme et ses sources de financement. Il a été demandé que tous les États travaillent ensemble pour faire face à la menace du terrorisme sous toutes ses formes.
De nombreuses délégations ont rappelé qu’il est crucial d’assurer le plein respect des droits de l’homme et de l’état de droit dans le contexte des efforts de lutte contre le terrorisme. Toute mesure prise pour lutter contre le terrorisme doit être conforme au droit international – y compris au droit international relatif aux droits de l’homme, aux réfugiés et au droit international humanitaire – et ne doit pas restreindre indûment l’espace civique, a-t-il été souligné. Une approche fondée sur les droits de l’homme est une condition préalable à une lutte efficace contre le terrorisme, a insisté une délégation.
Si plusieurs délégations ont reconnu la capacité des nouvelles technologies à améliorer la pleine réalisation des droits de l’homme, elles n’en ont pas moins partagé la préoccupation de la Rapporteuse spéciale selon laquelle l’utilisation abusive de ces technologies peut avoir de graves répercussions négatives sur la jouissance des droits de l’homme. A en outre été regrettée l’utilisation croissante de ces technologies modernes par les groupes terroristes qui visent à nuire à la société. Il est essentiel d’aborder et d’atténuer les risques pour les droits de l’homme associés à ces technologies, ont insisté certains intervenants. Pour ce faire, une délégation a plaidé pour la mise en place de mécanismes nationaux et internationaux visant à assurer le respect des droits de l’homme dans le contexte des activités des entreprises du secteur technologique, notamment par la mise en place de mécanismes obligatoires de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme qui évitent les répercussions négatives sur les individus et les communautés.
Plusieurs délégations ont présenté les mesures prises par leur pays afin de lutter contre le terrorisme tout en protégeant les droits de l’homme.
Plusieurs appels ont également été lancés afin que les femmes et les enfants étrangers qui se trouvent en Syrie soient rapatriés par leur pays d’origine.
**Liste des intervenants : Union européenne, Mexique (au nom d’un groupe de pays), Oman (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Côte d’Ivoire (au nom du Groupe des pays africains), Équateur, Irlande, Royaume-Uni, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Suisse, Tunisie, États-Unis, Burkina Faso, Chine, Luxembourg, Inde, Belgique, Costa Rica, Togo, Indonésie, Fédération de Russie, Cameroun, Maroc, Venezuela, Iraq, Arménie, France, Afrique du Sud, Espagne, Égypte, Niger, Libye, Géorgie, Algérie, Afghanistan, Malawi, Yémen, Panama, Cuba, Iran, Syrie, Bénin, Pakistan, Ukraine, Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Tchad, Nigéria, Commission du parlement ukrainien pour les droits de l’homme.
Réponses de la Rapporteuse spéciale
MME NÍ AOLÁIN s’est dite vivement préoccupée par les menaces directes et indirectes à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des membres de la société civile, ainsi que par les cas de harcèlement – notamment administratif – à l’encontre des syndicats, des dirigeants religieux, des personnalités publiques ou de simples citoyens qui sont pris pour cible au prétexte de la lutte contre le terrorisme. Dans certains cas, toutes les organisations de la société civile sont muselées sous prétexte de la législation antiterroriste, s’est-elle inquiétée. Pour soutenir ces personnes, la compassion ne suffit pas : il faut leur apporter un appui par le droit, a souligné la Rapporteuse spéciale.
Mme Ní Aoláin a rappelé la nécessité urgente de rapatrier les enfants et les femmes étrangers qui se trouvent dans le nord-est dans la Syrie, où la situation est intolérable.
La Rapporteuse spéciale a en outre déclaré qu’il fallait que chaque État règlemente l’utilisation des drones dans sa législation nationale.
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