Fil d'Ariane
Le Conseil des droits de l’homme examine des rapports sur la détention arbitraire et sur l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme a examiné, ce matin, le rapport relatif aux activités du Groupe de travail sur la détention arbitraire en 2021, avant d’engager son dialogue avec l’Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme, Mme Claudia Mahler.
Présentant le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire, dont elle est membre, Mme Elina Steinerte a rappelé que le Groupe de travail avait fêté son trentième anniversaire en 2021. Elle a fait savoir que cette année-là, les États concernés avaient répondu en temps utile aux communications et demandes d'information du Groupe de travail dans environ 53 % des cas. Le Groupe note avec inquiétude que le taux de réponse en ce qui concerne sa procédure de suivi a diminué par rapport à l'année précédente, des réponses ayant été reçues dans seulement environ 40% des cas en 2021, contre environ 58% en 2020, a indiqué l’experte. Elle a en outre appelé les États à s'abstenir de tout acte d'intimidation ou de représailles à l'encontre des personnes ayant coopéré avec le Groupe de travail.
S’agissant de la détention secrète, a poursuivi Mme Steinerte, le Groupe de travail a constaté avec regret que les pratiques de transferts forcés ainsi que de détention secrète et au secret se sont poursuivies. En ce qui concerne la prévention de la torture, a-t-elle ajouté, le Groupe de travail a pris note de la présentation des Principes relatifs aux entretiens efficaces dans le cadre d'enquêtes et de collecte d'informations, ou « Principes de Méndez », qui donnent des orientations concrètes sur la conduite d'un interrogatoire en vue de recueillir des informations précises et fiables, plutôt que des aveux.
Mme Steinerte a aussi rendu compte de la visite du Groupe de travail aux Maldives, après quoi les Maldives ont fait une déclaration en tant que pays concerné.
De nombreuses délégations* ont ensuite participé à la discussion avec Mme Steinerte. Les États ont été appelés à mieux coopérer avec le Groupe de travail, en répondant à ses avis, appels urgents et demandes de visite, et en appliquant ses recommandations. Cette coopération passe aussi par l’absence de représailles contre des personnes ayant fait l’objet d’un avis du Groupe de travail, ont souligné plusieurs orateurs.
Présentant son rapport, l’Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme a pour sa part indiqué qu’elle y examine les droits fondamentaux des personnes âgées privées de liberté dans trois situations spécifiques : lorsque les personnes âgées commettent une infraction légale ou pénale ; lorsqu'elles sont détenues en raison de leur statut migratoire ; ou lorsqu'elles sont sous le contrôle et la surveillance d'institutions, de dispositifs de soins ou sous tutelle légale dans le cadre de soins.
Les détentions - notamment dans les prisons, les centres de détention provisoire, les postes de police, les institutions et hôpitaux psychiatriques ou encore les centre de détentions pour migrants et les centres de soins de santé mentale - doivent être proportionnées à la poursuite d’un objectif légitime, a souligné l’Experte indépendante. Elle a rappelé que les détentions sont considérées comme arbitraires lorsqu'elles sont injustifiées, disproportionnées ou discriminatoires, ou lorsqu'une procédure régulière n'a pas été respectée.
Par ailleurs, dans le contexte des détentions liées à la migration, la privation de liberté, y compris pour les personnes âgées, doit être une mesure de dernier recours. Le fait pour les États de ne pas fournir de soins ni d'assistance particuliers aux personnes âgées détenues dans ce contexte peut rendre leur détention illégale, a indiqué Mme Mahler.
Lorsque les personnes âgées sont privées de liberté dans le contexte des soins, les États doivent prendre des mesures appropriées pour assurer la protection de leur droit à la liberté, y compris de la part d’acteurs non étatiques et dans des cadres privés, a d’autre part souligné Mme Mahler, avant de préciser que le droit à la liberté personnelle pour les personnes âgées doit être compris dans ce contexte comme le droit d’une personne à l’autonomie et à l’indépendance.
L’âgisme et la discrimination liée à l’âge est l’une des causes sous-jacentes à la plupart des situations de privation de liberté des personnes âgées, a poursuivi Mme Mahler. Cette attitude persiste aujourd’hui encore et entraîne des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires qui entravent le droit des personnes âgées à la liberté personnelle, a-t-elle déploré.
Mme Mahler a ensuite rendu compte de la visite qu’elle a effectuée en Finlande, après quoi la Finlande a fait, en tant que pays concerné, une déclaration, suivie d’une intervention de l’institution nationale finlandaise des droits de l’homme.
Plusieurs délégations** ont engagé le dialogue avec Mme Mahler.
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit achever son dialogue avec Mme Mahler, avant d’engager son dialogue avec l’Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable.
Dialogue avec le Groupe de travail sur la détention arbitraire
Le Conseil est saisi du rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire (A/HRC/51/29), y compris la relation de sa visite de travail aux Maldives (A/HRC/51/29/Add.1).
Présentation
Présentant ce rapport, MME ELINA STEINERTE, membre du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a précisé qu’il portait sur les dernières activités du Groupe de travail, qui a célébré son trentième anniversaire en 2021. Cette année-là, pendant la pandémie de COVID-19, le Groupe de travail a adopté 85 avis dans le cadre de sa procédure ordinaire, concernant la détention de 175 personnes dans 42 pays. Il a transmis 53 appels urgents à 31 gouvernements et, dans un cas, à d'autres acteurs, ainsi que 206 lettres d'allégation et autres lettres à 101 gouvernements et, dans trois cas, à d'autres acteurs, concernant au moins 682 personnes identifiées.
En 2021, les États concernés ont répondu en temps utile aux communications et demandes d'information dans environ 53 % des cas où le Groupe de travail a adopté un avis. Le Groupe de travail note avec inquiétude que le taux de réponse en ce qui concerne sa procédure de suivi a diminué par rapport à l'année précédente, des réponses ayant été reçues dans seulement environ 40% des cas en 2021, contre environ 58% en 2020, a précisé Mme Steinerte. Elle a appelé les États à prévenir et s'abstenir de tout acte d'intimidation ou de représailles à l'encontre des personnes ayant coopéré avec le Groupe de travail.
D’autre part, le Groupe de travail a continué à explorer diverses questions relatives à la détention arbitraire, a poursuivi l’experte. S’agissant d’abord de la détention secrète, il a constaté avec regret que les pratiques de transferts forcés ainsi que de détention secrète et au secret se sont poursuivies. Le Groupe de travail appelle les États à s'abstenir de procéder à des transferts forcés et à des détentions secrètes en contournant les procédures régulières établies par le droit international des droits de l'homme et en ignorant les garanties contre la détention arbitraire.
En outre, le Groupe de travail a été attentif aux cas où les violations de l'interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements entraînent une violation de l'interdiction absolue de la détention arbitraire, et vice versa. Il a pris note de la présentation des Principes relatifs aux entretiens efficaces dans le cadre d'enquêtes et de collecte d'informations ou « Principes de Méndez », qui donnent des orientations concrètes sur la conduite d'un interrogatoire en vue de recueillir des informations précises et fiables, plutôt que des aveux. Les mesures visant à éliminer la possibilité d'extorquer des aveux par la torture et les mauvais traitements pourraient minimiser l'occurrence des situations de détention arbitraire, a fait remarquer Mme Steinerte.
Le Groupe de travail accueille aussi favorablement le rapport sur la privation de liberté des personnes âgées, établi par l'Experte indépendante sur la jouissance de tous les droits de l'homme par les personnes âgées, a en outre indiqué Mme Steinerte. Les personnes âgées risquent d’être privées de leur liberté dans le contexte de la justice pénale, ainsi que dans d’autres cadres, tels que les procédures d'immigration ou les contextes de soins de santé et d'aide sociale. Le Groupe de travail recommande des adaptations pour assurer la mise en œuvre des droits des personnes âgées, tels que le droit à l'assistance juridique et le droit de contester la légalité de leur détention.
Le Groupe de travail réitère en outre son appel aux États afin qu’ils appliquent les recommandations formulées dans son étude (présentée en 2001) sur la détention arbitraire liée aux politiques en matière de drogues, a ajouté l’experte.
Toujours en 2021, le Groupe de travail a effectué une visite aux Maldives, a d’autre part indiqué Mme Steinerte. Il y a identifié des évolutions positives, notamment le travail de la Commission des droits de l'homme ; la réforme du service de police ; l'autorégulation de la profession juridique par le Conseil du barreau des Maldives ; les initiatives visant à remédier aux violations passées des droits de l'homme ; et la coopération avec les mécanismes internationaux des droits de l'homme.
Parallèlement, le Groupe de travail a constaté des difficultés dans le système de justice pénale maldivien, telles que le grand nombre de personnes en détention provisoire et la durée excessive de celle-ci, ainsi que des difficultés dans la mise en œuvre du droit à l'assistance juridique et des retards excessifs dans les procédures pénales. Le Groupe de travail a observé une surpopulation dans la plupart des lieux de détention du pays. Il a noté une approche punitive des infractions liées à la drogue, qui entraîne l'incarcération de nombreuses personnes qui auraient pu recevoir un traitement plus efficace dans le cadre de programmes communautaires volontaires.
D’autres préoccupations du Groupe de travail concernent la lutte contre le terrorisme, l’immigration et les pratiques régissant l’admission de personnes dans des institutions de santé mentale. Parmi ses recommandations, le Groupe de travail encourage les Maldives à devenir partie à plusieurs instruments relatifs aux droits de l'homme et à adopter des pratiques offrant une plus grande protection contre la détention arbitraire.
Pays concerné
Les Maldives ont salué le rapport présenté par le Groupe de travail à l’issue de sa visite dans l’archipel. La délégation maldivienne a réaffirmé l’engagement de son Gouvernement à collaborer avec les institutions internationales des droits de l’homme, ce dont témoigne l’invitation ouverte lancée par le pays aux procédures spéciales.
Le Gouvernement s’efforce constamment d’améliorer les conditions de détention, d’éliminer les cas de détention arbitraire et de défendre les bonnes pratiques dans les établissements de privation de liberté, a poursuivi la délégation. Il a beaucoup progressé depuis quatre ans pour faire face aux lacunes constatées lors d’un audit mené en 2019 dans les services, infrastructures et ressources humaines, a-t-elle indiqué.
Le Gouvernement s’efforce en outre de remédier à la surpopulation carcérale, a ajouté la délégation. Réduire les cas de détention préventive, comme le suggère le Groupe de travail, pourrait contribuer à résoudre la situation, a-t-elle reconnu, avant de préciser qu’une révision des procédures et un amendement apporté en 2020 à la loi de procédure pénale exigent désormais que la décision de maintenir un accusé en détention préventive fasse l’objet d’un réexamen judiciaire tous les 30 jours. En outre, les autorités travaillent actuellement à la fermeture du centre de détention qui pose le plus de problèmes, à savoir la prison de Male, et deux nouvelles unités sont en cours de développement dans la prison de Maafushi pour accueillir 70 détenus qui y seront transférés. En outre, un nouveau complexe carcéral est également en cours de développement, qui devrait accueillir environ 529 prisonniers et comprendra une unité spécialement destinée aux femmes et aux personnes ayant des besoins spéciaux.
La délégation a aussi fait état de l’application de programmes de réinsertion de personnes rapatriées de zones de conflit, notamment de mineurs, grâce à des amendements apportés à la loi contre le terrorisme.
Aperçu du débat
Plusieurs intervenants ont déploré la persistance de la pratique des détentions arbitraires, y compris des détentions secrètes, et en particulier l’utilisation de la détention arbitraire comme moyen de pression politique visant à faire taire les voix dissidentes, réprimer les défenseurs des droits et réduire l’action de la société civile. La détention de migrants et de demandeurs d'asile d'une manière qui viole le droit international des droits de l'homme a elle aussi été dénoncée.
Une ONG a regretté que les États invoquent de plus en plus souvent la sécurité nationale pour ignorer les normes en matière de droits de l'enfant et pour recourir, à leur encontre, à des mesures extrêmes et illégales telles que la détention secrète, les transferts forcés ou l'isolement cellulaire.
La recevabilité devant les tribunaux de preuves obtenues par la torture risquant de conduire à des situations de détention arbitraire, des délégations se sont félicitées de la présentation des Principes de Méndez et ont appelé les États à les intégrer dans les programmes de formation des autorités chargées de l’application des loi.
Des délégations ont décrit les mesures prises par leur pays pour se doter de mécanismes indépendants de recours ou de surveillance pour prévenir les cas de détention arbitraire.
Les 85 avis rendus par le Groupe de travail en 2021 rappellent l’importance du travail que les États doivent accomplir collectivement pour faire cesser la détention arbitraire, a-t-il été souligné à plusieurs reprises. Plusieurs intervenants ont regretté le faible taux de réponses aux communications du Groupe de travail. Les États ont été appelés à mieux coopérer avec le Groupe de travail, en répondant à ses avis, appels urgents et demandes de visite, et en appliquant ses recommandations. Cette coopération passe aussi par l’absence de représailles contre des personnes ayant fait l’objet d’un avis du Groupe de travail, ont souligné plusieurs orateurs.
Les personnes âgées privées de liberté peuvent se trouver en situation de vulnérabilité, voire de vulnérabilités multiples et croisées, a relevé une délégation : par conséquent, comme le préconise le Groupe de travail, des adaptations sont nécessaires pour garantir la mise en œuvre de leurs droits essentiels, a-t-elle souligné.
Plusieurs délégations ont réfuté des affirmations concernant leur pays figurant dans le rapport du Groupe de travail ou déploré que ce dernier n’ait pas tenu compte d’informations communiquées par leurs gouvernements. Certains ayant dénoncé une sélectivité voire une politisation de ses travaux, le Groupe de travail a été appelé à vérifier minutieusement la crédibilité et l'authenticité des informations sur lesquelles se fondent ses communications et à éviter d'adopter des avis négatifs concernant ces communications sur la base de sources d'information non fiables. Des délégations se sont dites préoccupées par ce qu’elles ont considéré comme une utilisation abusive des procédures spéciales du Conseil par certaines parties comme outil de ciblage politique.
Ont en outre été dénoncés, pendant ce débat, de nombreux cas de détention arbitraire ou de torture dans de nombreux pays, régions ou territoires à travers le monde.
*Liste des intervenants : Union européenne, Pologne (au nom d'un groupe de pays), Lettonie (au nom d'un groupe de pays), France, Égypte, Afghanistan, Maroc, Bahreïn, Luxembourg, Costa Rica, Cuba, État de Palestine, Irlande, Iraq, Venezuela, Afrique du Sud, Fédération de Russie, Chine, Pays-Bas, Nigéria, Cameroun, États-Unis, Indonésie, Royaume-Uni, Pakistan, Bénin, Bolivie, Bélarus, Ukraine, Yémen, République-Unie de Tanzanie, Belgique, Grèce, Botswana, Malawi, Organisation de la coopération islamique, Iran, Cambodge, Rwanda, Tunisie et Koweït.
La Commission nationale indépendante des droits de l'homme du Burundi et les organisations non gouvernementales ci-après ont aussi fait des déclarations : Fédération internationale des journalistes,Freedom Now, Lawyers' Rights Watch Canada, Right Livelihood Award Foundation, Al-Haq – Law in the Service of Man, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Freedom House, Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Helsinki Foundation for Human Rights et Defence for Children International .
Réponses et remarques de conclusion
MME STEINERTE a indiqué que le Groupe de travail se félicitait de l’invitation lancée par le Gouvernement des Maldives aux procédures spéciales et que, pendant sa propre visite dans ce pays, le Groupe de travail avait eu accès à tous les centres de privation de liberté.
D’une manière générale, le Groupe de travail est très préoccupé par les informations faisant état de représailles contre des personnes s’étant adressées à lui, a d’autre part fait savoir l’experte. Le Groupe de travail travaille pour les personnes du monde entier, indépendamment de savoir si un État a ratifié ou non tel ou tel traité, a-t-elle en outre précisé.
Mme Steinerte a par ailleurs recommandé que les États ancrent leurs politiques de la lutte contre les drogues dans les droits de l’homme.
Dans le contexte de la pandémie, le Groupe de travail a déjà recommandé aux États de renoncer à placer des personnes âgées de plus de 60 ans en détention, a également rappelé Mme Steinerte.
Toute détention secrète équivaut de fait à une détention arbitraire, en particulier parce que la personne concernée ne peut contester sa détention devant une instance de recours, a ensuite rappelé Mme Steinerte.
Concernant la méthode, Mme Steinerte a précisé que le Groupe de travail invitait chaque État concerné à réagir, dans les soixante jours, aux allégations le concernant dont le Groupe de travail est saisi. Or, de nombreux États ne profitent pas de ce délai ou alors n’apportent pas de réponses circonstanciées, a-t-elle regretté.
Dialogue avec l’Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme est saisi du rapport de l’Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme (A/HRC/51/27).
Présentation
Présentant ce rapport, MME CLAUDIA MAHLER, Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme, a indiqué qu’elle y examinait les droits fondamentaux des personnes âgées privées de liberté dans trois situations spécifiques : lorsque les personnes âgées commettent une infraction légale ou pénale ; lorsqu'elles sont détenues en raison de leur statut migratoire ; ou lorsqu'elles sont sous le contrôle et la surveillance d'institutions, de dispositifs de soins ou sous tutelle légale dans le cadre de soins.
Mme Mahler a reconnu que le droit à la liberté individuelle est un droit humain fondamental pour les personnes âgées, mais que certaines personnes peuvent en être privées dans des circonstances clairement établies. Toutefois, les détentions - notamment dans les prisons, les centres de détention provisoire, les postes de police, les institutions et hôpitaux psychiatriques ou encore les centre de détentions pour migrants et les centres de soins de santé mentale - doivent être proportionnées à la poursuite d’un objectif légitime, a souligné l’Experte indépendante. Elle a rappelé que les détentions sont considérées comme arbitraires lorsqu'elles sont injustifiées, disproportionnées ou discriminatoires, ou lorsqu'une procédure régulière n'a pas été respectée. Une personne âgée peut être considérée comme privée de liberté lorsqu'elle est confinée dans un espace spécifique ou placée dans une institution publique ou privée sans autorisation de sortie à son gré, contre sa volonté ou sans son consentement libre et éclairé, a indiqué l’Experte indépendante.
Dans le contexte de la justice pénale, Mme Mahler a invité les États à protéger et respecter les droits de l'homme des personnes âgées, à veiller à ce qu'elles soient traitées avec dignité pendant leur détention et à ce que leurs besoins spécifiques liés à leur âge, leur état de santé et leur handicap soient pris en considération. Par ailleurs, dans le contexte des détentions liées à la migration, la privation de liberté, y compris pour les personnes âgées, doit être une mesure de dernier recours. Le fait pour les États de ne pas fournir de soins ni d'assistance particuliers aux personnes âgées détenues dans ce contexte peut rendre leur détention illégale, a indiqué Mme Mahler.
Lorsque les personnes âgées sont privées de liberté dans le contexte des soins, les États doivent prendre des mesures appropriées pour assurer la protection de leur droit à la liberté, y compris de la part d’acteurs non étatiques et dans des cadres privés, a d’autre part souligné Mme Mahler, avant de préciser que le droit à la liberté personnelle pour les personnes âgées doit être compris dans ce contexte comme le droit d’une personne à l’autonomie et à l’indépendance. Mme Mahler a en outre rappelé que la Convention relative aux droits des personnes handicapées offre un cadre juridique solide applicable aux personnes âgées handicapées privées de liberté. Respecter le consentement libre et éclairé d’une personne quant à son choix de traitement, de services et de soins est essentiel pour prévenir la privation de liberté des personnes âgées, a insisté l’Experte.
L’âgisme et la discrimination liée à l’âge est l’une des causes sous-jacentes à la plupart des situations de privation de liberté des personnes âgées, a poursuivi Mme Mahler. Cette attitude persiste aujourd’hui encore et entraîne des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires qui entravent le droit des personnes âgées à la liberté personnelle, a-t-elle déploré.
Abordant la question des soins, Mme Mahler a estimé que le manque de politiques publiques en faveur des personnes âgées et l'abandon par les familles contribuent à la privation de liberté. Dans le contexte des soins, cette privation est souvent justifiée comme étant dans le meilleur intérêt de la personne âgée, mais elle s’appuie en fait sur des stéréotypes âgistes et capacitistes. Par ailleurs, les données collectées sur la privation des libertés des personnes âgées dans le cadre de soins demeurent rares et inégalement collectées dans de nombreux pays. En l'absence de lois et de politiques mettant en œuvre des mécanismes de suivi qui permettront d'évaluer et de déterminer le statut de privation de liberté de ces personnes au cas par cas, les réalités vécues par les personnes âgées resteront invisibles, a averti Mme Mahler.
Etant donné l’absence d’instrument international global de droits de l’homme portant sur les personnes âgées, les cadres juridiques et politiques nationaux ne répondent pas efficacement aux besoins spécifiques des personnes âgées, a souligné l’Experte indépendante, plaidant pour que les lois respectent l’autonomie et l’indépendance de ces personnes. S’agissant de la justice pénale, Mme Mahler a dit avoir identifié des pratiques prometteuses pour offrir des solutions alternatives aux personnes âgées condamnées pour des délits mineurs, telles que l'assignation à résidence avec surveillance électronique pour les personnes de plus de 70 ans. Elle a estimé que des pratiques de contrôle et un accès à la justice devraient également être mis à la disposition des personnes âgées en situation de privation de liberté.
Mme Mahler a ensuite fait état de sa première visite officielle en Finlande en octobre 2021. Elle a remercié le Gouvernement finlandais pour son excellente coopération, avant de souligner que le pays disposait d’un système de protection sociale complet et de relever que les services de soins et les services sociaux faisaient actuellement l’objet de réformes majeures. Ainsi, le Gouvernement devrait-il être en mesure d’adapter la législation dans les domaines de la capacité juridique, de la santé et de la protection sociale et d’adopter le changement de paradigme consistant à considérer les personnes âgées comme des détenteurs de droits. Les objectifs pour l’avenir devraient être l’inclusion de la diversité des personnes âgées et une approche centrée sur la personne, a-t-elle précisé.
Subsiste pour la Finlande un besoin urgent de garanties juridiques pour les services destinés aux personnes âgées dans le domaine de la santé et des services sociaux, a insisté l’Experte indépendante.
Mme Mahler a par ailleurs rappelé avoir effectué récemment une visite au Nigéria et a indiqué qu’elle prépare une visite au Bangladesh, prévue pour novembre prochain. Elle a également remercié la République dominicaine pour avoir accepté qu’elle y effectue une visite en 2023 et a remercié la République de Moldova pour avoir réitéré son intérêt à la recevoir.
Suite à l’impact dramatique de la pandémie de COVID-19 sur les droits des personnes âgées, il reste crucial pour les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de continuer à recueillir des informations de première main et d'échanger sur les leçons pratiques qui peuvent être tirées, a conclu Mme Mahler.
Pays concerné
La Finlande a dit apprécier l’initiative prise par l’Experte indépendante d’effectuer une visite dans ce pays. Cette visite a permis d’échanger des informations et des points de vue sur la mise en œuvre des lois et des politiques de promotion et de protection des droits de l’homme des personnes âgées en Finlande. L’Experte indépendante s’est concentrée sur la discrimination et l’intersectionnalité, la protection sociale, les soins, l’éducation, la numérisation et le droit à l’autodétermination, a souligné la délégation finlandaise.
Le Gouvernement finlandais est pleinement engagé à garantir les droits de l’homme des personnes âgées, a poursuivi la délégation, avant de souligner que le rapport sur la politique de droits de l’homme présenté au Parlement en décembre dernier donne la priorité au renforcement de la non-discrimination, de l’égalité des sexes et du droit de participation. La Finlande poursuit ses efforts pour inclure les personnes âgées dans le cadre d’un système de protection sociale complet et inclusif, a ajouté la délégation. Par ailleurs, le Gouvernement poursuit son processus de rédaction législative afin de renforcer le droit à l’autodétermination des personnes âgées.
L’institution nationale des droits de l'homme de la Finlande a indiqué que les droits des personnes âgées étaient l’une de ses priorités. Le rapport de l’Experte indépendante devrait produire des retombées positives s’agissant de la question des droits de l'homme des personnes âgées en Finlande, a-t-elle assuré, avant de relever que ce rapport aborde un large éventail de questions pertinentes, parmi lesquelles l'effet marginalisant de la numérisation, la prise en charge, ou encore la violence et les mauvais traitements.
Aperçu du débat
Plusieurs délégations ont salué le rapport de l’Experte indépendante et ont détaillé les politiques prises par leur Gouvernement pour garantir et protéger les droits de l’homme des personnes âgées.
La violence et la discrimination à l’égard des personnes âgées passent souvent inaperçues ou ne sont pas reconnues comme telles, a-t-il été relevé. C’est pourquoi, a indiqué une délégation, il est urgent de prendre des mesures ciblées pour sensibiliser les familles, les institutions, les médecins, le personnel soignant et le public.
Plusieurs délégations ont soutenu l’appel de l’Experte indépendante en faveur de l’abrogation des lois et réglementations justifiant la privation de la liberté des personnes âgées sur la base de leur âge ou de leurs besoins réels ou supposés en matière de soins. Il est indispensable que la communauté internationale reconnaisse et codifie le droit à la liberté personnelle et à la sécurité des personnes âgées, a-t-il été souligné. Les personnes âgées jouissent des mêmes droits que les autres personnes en vertu du droit international des droits de l'homme et la perte de liberté fondée sur l'âge ne peut être tolérée, a insisté un orateur.
Par ailleurs, d’aucuns ont estimé que la privation de liberté des personnes âgées dans le contexte de l’immigration devrait être strictement interdite.
Enfin, une délégation a jugé nécessaire de maintenir les personnes âgées dans leur communauté, dans leur environnement familial, afin de leur assurer une vie digne. Il est essentiel de veiller à ce que les personnes âgées puissent bénéficier de leur pleine liberté, de leur liberté de choix et du droit de voir leurs traditions culturelles et spirituelles et leurs croyances préservées, a-t-il été ajouté.
**Liste des intervenants : Union européenne, Brésil (au nom d'un groupe de pays), État de Palestine (au nom du groupe des États arabes), Côte d'Ivoire (au nom du groupe des États africains), Argentine (au nom d'un groupe de pays), Arabie saoudite (au nom d’un groupe de pays), Ordre souverain de Malte, Qatar, Libye, Israël, Djibouti, Égypte, France, Slovénie, Sénégal, Équateur, Costa Rica, Inde.
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HRC22.089F