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À l’issue de l’examen du rapport initial de Singapour, un expert du CRPD déplore que le pays ne semble pas avoir l’intention de changer son approche du handicap

Compte rendu de séance

S’agissant des droits des personnes handicapées, Singapour a fait des efforts substantiels dans de nombreux domaines, notamment dans l’éducation, l’emploi et les soins de santé. Mais comme le reconnaît lui-même l’État partie, de grands efforts doivent encore être déployés.  La mise en œuvre de la Convention commence par la reconnaissance de toutes les personnes handicapées, y compris celles ayant une déficience intellectuelle et psychosociale, en tant que personnes égales devant la loi, égales dans leur capacité d’avoir des droits et dans leur capacité d’agir. Or, la délégation singapourienne a clairement indiqué que le pays n’avait pas l’intention de changer son approche du handicap. 

C’est ce qu’a observé un membre du Comité des droits des personnes handicapées à l’issue de l’examen, hier après-midi et ce matin, du rapport initial soumis par Singapour au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées

La Convention exige de Singapour qu’elle réévalue fondamentalement son approche et la repense sur la base de l’égalité réelle de toutes les personnes handicapées, a insisté cet expert.  Ce n’est pas facile ; cela commence par la volonté de toutes les personnes impliquées de réexaminer de manière critique un large éventail de certitudes apparemment immuables, a souligné l’expert, avant de relever que la délégation n’avait pas ici fait preuve de cette volonté.

À l’ouverture du dialogue noué entre les membres du Comité et la délégation singapourienne venue présenter le rapport, une experte du Comité a relevé que le pays n’avait pas adopté de cadre juridique pour éliminer la discrimination fondée sur le handicap.  En outre, Singapour n’a pas de définition officielle du handicap, a-t-elle également déploré, regrettant que face au handicap, un discours de charité soit pratique courante dans la société singapourienne.  En outre, le handicap psychosocial n’est pas reconnu, de sorte que les personnes ayant un handicap psychosocial continuent d’être exclues et n’ont pas accès aux services publics traditionnels ni aux services spécifiquement destinés aux personnes handicapées, a ajouté l’experte. Les lois singapouriennes continuent de défendre le système de prise de décision par substitution, de tutelle et d’hospitalisation involontaire, ainsi que les traitements forcés dans les hôpitaux psychiatriques et les autres hôpitaux, a-t-elle également souligné.

Plusieurs membres du Comité ont en outre fait part de leurs inquiétudes s’agissant de l’application de la peine de mort à Singapour.

Présentant le rapport de son pays, M. Eric Chua, Secrétaire parlementaire principal du Ministère du développement social et familial et du Ministère de la culture, de la communauté et de la jeunesse, a déclaré que l’inclusion des personnes handicapées à Singapour est un travail continu en cours. Singapour est fermement convaincue que tous les enfants, y compris les enfants handicapés, doivent avoir accès à une éducation qui développe leur potentiel et leur donne les moyens de participer de manière significative à la société, a-t-il assuré. Depuis 2016 (date de la soumission du rapport initial), la Loi sur l’enseignement obligatoire a été modifiée pour étendre l’enseignement obligatoire aux élèves ayant des handicaps modérés à graves et d’autres besoins de développement et d’apprentissage, afin de garantir que tous les enfants en âge de scolarité aient accès à l’éducation, a fait valoir le chef de la délégation. 

S’agissant de l’accès à l’emploi, Singapour s’efforce de créer des possibilités pour les personnes handicapées d’avoir un emploi significatif, tout en s’efforçant d’éliminer les obstacles à l’accès de ces personnes à l’emploi, a poursuivi M. Chua. Singapour a investi dans l’accessibilité de ses infrastructures publiques, a-t-il par ailleurs fait valoir. Aujourd’hui, a-t-il précisé, environ 79% des bâtiments ouverts au public et plus de 99% de tous les autres espaces publics ont atteint une accessibilité de base.

Le pays doit néanmoins en faire davantage, a reconnu le chef de la délégation singapourienne. Pour lutter contre la discrimination sur le lieu de travail, les lignes directrices antidiscriminatoires en matière d’emploi vont être inscrites dans une loi, en offrant des recours individuels aux employés qui ont été victimes de discrimination en milieu de travail et en élargissant la gamme de mesures d’application de la loi qui peuvent être prises contre les employeurs ayant des pratiques discriminatoires. Singapour reconnaît par ailleurs la nécessité de renforcer les services et l’accessibilité pour permettre aux personnes handicapées de vivre de manière autonome dans la communauté, a ajouté M. Chua.

Mme Yong Yong, Avocate et Présidente d’un groupe représentant les personnes handicapées de Singapour, a complété cette présentation en évoquant l’évolution de sa situation de femme handicapée à Singapour.  L’année 2004 a marqué un tournant pour la politique en faveur des personnes handicapées à Singapour, a-t-elle expliqué ; à partir de ce moment, un changement délibéré et systématique des politiques a radicalement modifié le paysage pour les personnes handicapées, même s’il est encore nécessaire de faire plus. L’emploi continue par exemple de présenter des défis pour de nombreuses personnes handicapées, a-t-elle souligné.

La délégation singapourienne était également composée, entre autres, de M. Umej Singh Bhatia, Représentant permanent de Singapour auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère du développement social et familial, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la santé, du Ministère des affaires intérieures, du Ministère de la main-d’œuvre, du Ministère de la justice, du Procureur général, et des services de transport public.

Le Comité adoptera ultérieurement à huis clos ses observations finales sur le rapport de Singapour et les rendra publiques à l’issue de sa session.

 

Le Comité doit clore ses travaux vendredi 9 septembre prochain après-midi, date de sa prochaine séance publique.

Examen du rapport

Le Comité était saisi du rapport initial de Singapour (CRPD/C/SGP/1) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

M. Eric Chua, Secrétaire parlementaire principal du Ministère du développement social et familial et du Ministère de la culture, de la communauté et de la jeunesse de Singapour, a d’emblée déclaré que l’inclusion des personnes handicapées à Singapour est un travail continu en cours.

S’agissant de l’éducation, Singapour est fermement convaincue que tous les enfants, y compris les enfants handicapés, doivent avoir accès à une éducation qui développe leur potentiel et leur donne les moyens de participer de manière significative à la société. Depuis 2016 (date de la soumission du rapport initial), le pays a élargi la gamme de services d’intervention précoce financés par le Gouvernement pour les enfants d’âge préscolaire ayant des besoins de développement et a augmenté les subventions pour maintenir les frais à un niveau abordable. La Loi sur l’enseignement obligatoire a également été modifiée pour étendre l’enseignement obligatoire aux élèves ayant des handicaps modérés à graves et d’autres besoins de développement et d’apprentissage, afin de garantir que tous les enfants en âge de scolarité aient accès à l’éducation. 

S’agissant de l’accès à l’emploi, Singapour s’efforce de créer des possibilités pour les personnes handicapées d’avoir un emploi significatif, tout en s’efforçant d’éliminer les obstacles à l’accès de ces personnes à l’emploi, a poursuivi M. Chua. En 2021, le Gouvernement a introduit le crédit d’habilitation à l’emploi, offrant aux employeurs de Singapouriens handicapés admissibles des compensations salariales allant jusqu’à 20 % du salaire mensuel de chaque employé admissible. Le pays a ainsi soutenu environ 6400 employeurs qui employaient plus de 9700 Singapouriens handicapés en 2021, a précisé le Secrétaire parlementaire.

Singapour a investi dans l’accessibilité de ses infrastructures publiques, a par ailleurs fait valoir M. Chua. Dans le système de transport public, tous les bus publics sont accessibles en fauteuil roulant, toutes les gares ont des itinéraires accessibles aux fauteuils roulants, et tous les échangeurs d’autobus et 98% des arrêts de bus sont sans obstacle. Aujourd’hui, environ 79 % des bâtiments ouverts au public et plus de 99 % de tous les autres espaces publics ont atteint une accessibilité de base, a insisté M. Chua.

Le pays doit néanmoins en faire davantage, a affirmé le chef de la délégation singapourienne. Pour lutter contre la discrimination sur le lieu de travail, les lignes directrices antidiscriminatoires en matière d’emploi vont être inscrites dans une loi, en offrant des recours individuels aux employés qui ont été victimes de discrimination en milieu de travail et en élargissant la gamme de mesures d’application de la loi qui peuvent être prises contre les employeurs ayant des pratiques discriminatoires.

Singapour reconnaît par ailleurs la nécessité de renforcer les services et l’accessibilité pour permettre aux personnes handicapées de vivre de manière autonome dans la communauté, a indiqué M. Chua. Le Gouvernement travaillera avec les personnes handicapées et les organisations de personnes handicapées pour concevoir et mettre en œuvre des modèles alternatifs de logement et de soins qui permettent aux personnes handicapées de vivre, de participer et de vieillir sur place dans la communauté.

Dans le domaine de la sensibilisation, une campagne (baptisée « Voir le vrai moi ») encourage le public à voir les personnes handicapées pour ce qu’elles sont, au-delà de leur handicap. En 2019, Singapour a lancé les prix Goh Chok Tong Enable pour reconnaître les personnes handicapées qui ont apporté une contribution importante à la société, a ajouté M. Chua.

Mme Yong Yong, Avocate et Présidente d’un groupe représentant les personnes handicapées de Singapour, a évoqué sa situation de femme handicapée à Singapour. Elle a indiqué être née avec un type d’atrophie musculaire. Elle a expliqué être allée dans une école ordinaire, être devenue avocate et avoir effectué deux mandats de députée. Elle a également été présidente d’une organisation de personnes handicapées pendant douze ans avant d’en devenir conseillère auprès de son conseil d’administration.

Elle a relevé qu’à l’époque, pour ses parents, il était très compliqué de la prendre en charge car il y avait en effet peu de ressources pour les personnes handicapées. Si la vie était dure pour les personnes valides, en raison de la crise économique, elle était pire pour les personnes handicapées, a-t-elle souligné. L’infrastructure scolaire n’était pas du tout accessible et les transports en commun n’étaient quasiment pas accessibles.  L’année 2004 a marqué un tournant pour la politique en faveur des personnes handicapées à Singapour, a-t-elle expliqué. À partir de ce moment, un changement délibéré et systématique des politiques a radicalement modifié le paysage pour les personnes handicapées, même s’il est encore nécessaire de faire plus. L’emploi continue par exemple de présenter des défis pour de nombreuses personnes handicapées, a fait observer l’oratrice.

En peu de temps, a-t-elle affirmé, Singapour a construit beaucoup de bonnes choses et mis en œuvre des politiques importantes, mais les mentalités, les attitudes et l’ouverture du cœur et de l’esprit sont des choses qui demanderont du temps et des efforts continus. Il faudra un effort collectif dans ce domaine, a-t-elle conclu.

Questions et observations des membres du Comité

Mme Saowalak THONGkUAY, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de Singapour, a rappelé que Singapour a signé la Convention en 2013.  Le Comité reconnaît les divers efforts déployés par le Gouvernement singapourien pour promouvoir les droits de l’homme des personnes handicapées – efforts dont témoigne notamment la ratification du Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, a-t-elle déclaré.

Toutefois, Singapour n’a pas encore ratifié le Protocole facultatif à la Convention (qui institue une procédure de plaintes individuelles devant le Comité) et n’a pas non plus retiré ses réserves à la Convention. Le pays n’a par ailleurs pas adopté de cadre juridique pour éliminer la discrimination fondée sur le handicap, a déploré l’experte.

Singapour n’a pas de définition officielle du handicap, a également relevé Mme Thongkuay, regrettant que face au handicap, un discours de charité soit pratique courante dans la société singapourienne. Les organismes de services sociaux, pour la plupart dirigés par des personnes non handicapées, refusent la participation significative de toutes les personnes handicapées en tant que titulaires de droits, a-t-elle déploré.

En outre, le handicap psychosocial n’est pas reconnu, de sorte que les personnes ayant un handicap psychosocial continuent d’être exclues et n’ont pas accès aux services publics traditionnels et aux services spécifiquement dédiés aux personnes handicapées, a fait observer l’experte. Les lois singapouriennes continuent de défendre le système de prise de décision par substitution, de tutelle et d’hospitalisation involontaire, ainsi que les traitements forcés dans les hôpitaux psychiatriques et les autres hôpitaux, a-t-elle déploré.

Le Comité s’inquiète également du fait que les femmes et les filles handicapées, ainsi que les enfants handicapés, fassent l’objet d’interventions caritatives et médicales, a indiqué Mme Thongkuay. Le Comité réaffirme ainsi que ces personnes devraient pouvoir vivre libres et indépendantes dans l’exercice de leur autonomie sexuelle ou dans leur recherche d’un traitement médical. Elles devraient également jouir d’un accès égal à la justice. En outre, les personnes handicapées à Singapour subissent d’importantes inégalités économiques en raison du manque d’accès au travail, à l’emploi et à l’éducation. L’accès aux services sociaux est encore trop limité, a insisté l’experte.

Les personnes ayant un handicap intellectuel et les personnes autistes sont confinées à domicile et se voient refuser l’accès aux services publics et au régime de protection sociale, a poursuivi Mme Thongkuay. Il s’agit là d’une conséquence négative de l’absence de législation globale sur l’accessibilité couvrant tous les aspects de cette question et prévoyant des sanctions efficaces en cas de non-respect de sa mise en œuvre. 

Enfin, l’experte a fait part des inquiétudes du Comité s’agissant de de la peine de mort ou encore de l’absence d’aménagements procéduraux individualisés et appropriés pour les personnes handicapées.

M. Markus Schefer, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Singapour, a lui aussi fait part des craintes du Comité concernant l’application de la peine de mort à Singapour et a rappelé qu’en vertu de de la Convention et d’autres bases juridiques, il existe une jurisprudence abondante s’agissant de cette question – une jurisprudence qui prévoit notamment que la peine de mort n’est pas autorisée, entre autres, contre les personnes ayant une déficience intellectuelle et psychosociale, et se limite aux crimes les plus graves impliquant un meurtre intentionnel.  Sur la base de ce consensus juridique, dans une lettre envoyée en novembre 2021, le Président du Comité a appelé l’État partie à ne pas exécuter M. Nagaenthran Dharmalingam, une personne ayant une déficience intellectuelle qui a été reconnue coupable d’infractions à la législation relative aux stupéfiants, a indiqué M. Schefer, précisant que le Président du Comité avait notamment demandé à Singapour de commuer cette peine de mort et d’abolir la peine de mort pour les personnes souffrant de déficiences intellectuelles et psychosociales. Toutefois, l’État partie a procédé comme prévu et a exécuté M. Nagaenthran Dharmalingam, a déploré l’expert.

Le 12 mai 2022, a poursuivi M. Schefer, six rapporteurs spéciaux ont exhorté Singapour « à établir immédiatement un moratoire officiel sur toutes les exécutions en vue d’abolir complètement la peine de mort ».  Aussi, l’expert a-t-il demandé à la délégation si Singapour avait pris les mesures recommandées par le Président du Comité, notamment pour ce qui est d’abolir la peine de mort pour les personnes souffrant de déficiences intellectuelles et psychosociales et de la limiter aux infractions les plus graves impliquant un homicide intentionnel, et d’imposer un moratoire sur la peine de mort jusqu’à ce que ces nouvelles règles entrent en vigueur.

M. Schefer s’est par ailleurs inquiété d’indications laissant entendre que la liberté d’expression et la participation politique sont sérieusement restreintes à Singapour. Il a relevé le ton parfois obséquieux du rapport alternatif, qui soulève la question de savoir si les auteurs de ce rapport alternatif étaient sous pression pour limiter leurs critiques. Il a en outre relevé les résultats des dernières élections, qui ont vu le parti au pouvoir obtenir près de 90% des voix, « un résultat rarement vu dans les républiques démocratiques ayant de solides garanties de liberté d’expression et de participation ».

Dans ce contexte, l’expert a demandé à la délégation si Singapour envisage de réévaluer fondamentalement son approche en matière de liberté d’expression et de participation des personnes handicapées, en permettant à ces personnes et à leurs organisations représentatives de s’attaquer librement à toutes les questions et à tous les obstacles auxquels elles sont confrontées, sans crainte de répression ni de représailles.

Une autre experte a évoqué la loi sur les prisons, adoptée pour la première fois en 1933 et révisée en 2000.  Cette loi, a-t-elle fait observer, contient des dispositions non conformes à la Convention, comme l’article qui permet au Ministre de l’intérieur d’ordonner le renvoi de tout prisonnier atteint de la lèpre vers un hôpital ou un lieu spécifié par le Directeur des services médicaux. L’experte a en outre relevé que la loi sur les maladies infectieuses, adoptée pour la première fois en 1977 et révisée en 2003, permet au Directeur des services médicaux d’ordonner à toute personne soupçonnée d’avoir la lèpre, ou à tout contact de cette personne, d’être isolée dans un hôpital ou un autre endroit pendant une période de temps et à des conditions que le Directeur peut lui-même déterminer. L’experte a souhaité savoir quand ces lois allaient être amendées pour être mises en conformité avec la Convention.

Un expert a demandé à la délégation d’expliquer comment Singapour met en œuvre les dispositions de la Convention relatives à l’égalité, en particulier l’interdiction de toute forme de discrimination fondée sur le handicap et la garantie aux personnes handicapées d’une protection juridique égale et efficace contre la discrimination.

Un autre membre du Comité a de son côté affirmé que le maintien des réserves à la Convention s’agissant de l’égalité des personnes handicapées devant la loi, quelle que soit leur déficience, témoigne du refus de l’État partie d’adhérer à l’esprit de Convention et d’adopter le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme.

La privation de la capacité juridique fondée sur le handicap est une discrimination fondée sur le handicap, mais elle est aussi le levier de diverses formes de discrimination à l’égard des personnes handicapées, notamment par l’institutionnalisation, la privation de liberté, le manque d’accès à la justice, la ségrégation sociale, la violence et les abus, y compris le déni du droit d’obtenir des aides pour prendre des décisions, a insisté cet expert.

Un membre du Comité s’est inquiété de certaines allégations laissant entendre que la loi sur la protection contre les mensonges et la manipulation en ligne et la loi sur l’ingérence étrangère visaient de facto à réduire au silence la société civile, y compris les personnes handicapées, en particulier celles qui collaborent avec des organisations internationales.

Une experte a demandé comment les représentants des personnes handicapées sont inclus dans la conception, la mise en œuvre, l’évaluation et le suivi des stratégies et des politiques de réduction des risques de catastrophes.

Un autre expert s’est enquis des mesures prises par l’État partie pour abolir les régimes de prise de décision médicale par substitution, de prise de décision par procuration et de tutelle, ainsi que des mesures prises pour abolir la détention involontaire et la fourniture de soins médicaux sans le consentement de la personne handicapée concernée.

Un membre du Comité a demandé des informations sur les mesures prises en droit et dans la pratique pour veiller à ce que les personnes handicapées, y compris les enfants souffrant de handicaps psychosociaux et/ou intellectuels, ne soient pas soumises à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris les châtiments corporels dans les établissements d’enseignement.

 

Une experte a demandé si la ligne d’assistance nationale contre les violences et le harcèlement sexuels était pleinement accessible à toutes les personnes handicapées, quelle que soit leur déficience.

Un expert s’est enquis des mesures mises en place pour garantir l’accès des personnes handicapées à des aides et des services de mobilité de haute qualité, y compris l’utilisation libre d’animaux d’assistance dans tous les domaines de la vie.

Cet expert a en outre indiqué que le Comité était informé de la création de nouvelles grandes institutions telles que le foyer St Andrew’s Adult Home ouvert en 2019 à Sengkang et pouvant accueillir jusqu’à 200 résidents autistes. Aussi, l’expert a-t-il voulu savoir si les personnes autistes avaient le droit à Singapour de vivre de manière indépendante dans la communauté, sur un pied d’égalité avec les autres, et de recevoir le soutien communautaire requis pour garantir ce droit. Il a en outre souhaité savoir si Singapour a l’intention de réorienter ses allocations budgétaires de la poursuite de l’institutionnalisation des personnes handicapées, y compris les personnes autistes, vers l’arrêt de l’institutionnalisation des personnes handicapées, en investissant dans leur autonomisation et le soutien nécessaire dans les communautés.

Une experte a regretté le manque d’informations accessibles sur les droits des personnes handicapées dans le domaine de la santé, surtout pour ce qui est de la santé sexuelle et reproductive. Elle s’est enquise des mesures adoptées pour que les personnes malentendantes et malvoyantes aient accès à une information accessible et puissent ainsi communiquer avec le personnel soignant afin d’éviter de reproduire le système caritatif des soins.

Un expert a regretté la persistance à Singapour de l’accès limité à la couverture sanitaire et de la discrimination en matière d’accès aux soins de santé pour toutes les personnes handicapées, y compris les autistes et les personnes souffrant de handicaps psychosociaux. Il s’est enquis des mesures prises pour remédier à cette situation.  L’expert s’est également enquis des mesures prises pour mettre en œuvre un mécanisme de plainte pour les personnes handicapées qui sont victimes, de la part de compagnies d’assurance privées, de discrimination fondée sur le handicap en matière d’accès aux soins de santé.  Qu’en est-il des mesures prises en vue de lever la réserve que le pays a émise à l’égard de l’article 25 de la Convention, concernant l’interdiction de la discrimination fondée sur le handicap par les assureurs privés, a demandé une experte ?

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué veiller à la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions de la Convention dans sa législation.  À Singapour, toutes les personnes, notamment les personnes handicapées, sont égales devant la loi et la loi protège toutes les personnes contre la discrimination quel qu’en soit le motif, a affirmé la délégation. La Constitution prévoit que toute personne qui estime être victime de discrimination du fait de la législation ou d’une décision administrative en raison de son handicap peut saisir les tribunaux et demander un examen judiciaire de son cas, a ajouté la délégation, rappelant notamment que les personnes ayant des revenus limités ont accès à l’aide juridictionnelle.

Pour lutter contre les discriminations à l’encontre des personnes handicapées, Singapour privilégie des approches ciblées selon les contextes et les secteurs : éducation, emploi ou encore accessibilité de l’information, a précisé la délégation.

Des changements législatifs ont été opérés pour protéger et promouvoir les droits des personnes handicapées, a d’autre part fait valoir la délégation, évoquant notamment les amendements apportés à la législation afin de mettre en œuvre les dispositions du Traité de Marrakech.

Une loi a été promulguée pour répondre aux besoins des personnes ayant un handicap mental, a également indiqué la délégation.

Pour ce qui est d’une loi globale contre la discrimination, la délégation a estimé que l’arsenal législatif actuel du pays était suffisant pour mettre en œuvre la Convention et qu’il n’était donc pas nécessaire de prévoir une nouvelle législation pour la mise en œuvre globale de la Convention.

S’agissant des réserves que le pays maintient à l’égard de certaines dispositions de la Convention, Singapour applique le principe d’accès non discriminatoire aux soins de santé et devrait donc lever la réserve dans ce domaine [réserve au paragraphe e) de l’article 25] lorsque la législation le permettra, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que Singapour veillait à la participation des personnes handicapées dans les affaires politiques et publiques notamment par l’exercice de leur droit de vote. Pour maintenir le secret du scrutin, les personnes handicapées ne peuvent être aidés que par un fonctionnaire électoral assermenté. La délégation a indiqué que Singapour ne comptait pas lever sa réserve à l’alinéa iii) du paragraphe a) de l’article 29 de la Convention dans ce domaine. 

Pour ce qui est de la troisième réserve émise par le pays à l’égard du paragraphe 4 de l’article 12 de la Convention – que le pays n’a pas l’intention de lever – la délégation a expliqué qu’à Singapour, une personne n’est pas privée de sa capacité juridique en raison du fait qu’elle n’a pas toute sa capacité mentale ; la loi prévoit que toutes les personnes, y compris celles qui ont un handicap intellectuel, sont considérées en mesure de prendre une décision, sauf s’il est prouvé le contraire, l’objectif étant alors d’éviter que les personnes prennent des décisions déraisonnables en raison de leur handicap, a expliqué la délégation.

À ce stade, a ajouté la délégation, Singapour n’a pas non plus l’intention de ratifier le Protocole facultatif à la Convention, car les autorités estiment que le pays est déjà doté de mécanisme de plaintes individuelles, notamment dans le domaine des discriminations sur les lieux de travail.

Le plan-cadre pour l’autonomisation vise l’autonomisation de toutes les personnes handicapées, y compris les personnes autistes, a poursuivi la délégation, avant de rappeler que le premier plan-cadre avait été élaboré en 2007 et que le dernier en date définit une aspiration collective en faveur de l’inclusion des personnes handicapées. Ce dernier comprend 29 recommandations, parmi lesquelles la fourniture d’une formation tout au long de la vie, le soutien aux employeurs et aux employés, ou encore la conception de logements accessibles pour les personnes handicapées.

S’agissant de la participation des personnes handicapées, Singapour suit une approche multisectorielle et souhaite impliquer toutes les personnes concernées dans ses politiques, a assuré la délégation. Des consultations publiques sont ainsi menées auprès des organisations de personnes handicapées pour toutes les grandes politiques qui les concernent, notamment dans les domaines du transport ou du logement, a-t-elle fait valoir. 

La définition du handicap dans la législation singapourienne est conforme à la Convention, a par ailleurs déclaré la délégation.

La loi sur les adultes vulnérables protège les personnes qui s’avèrent incapable de se protéger contre la maltraitance, la négligence ou l’autonégligence et permet de demander une ordonnance judicaire aux fins de leur protection, a d’autre part expliqué la délégation.

Différents mécanismes prévoient la prise en compte de l’avis des enfants handicapés avant que ne soient prises des décisions les concernant. Lorsque les enfants sont en mesure de s’exprimer, leur avis est pris en compte dans le cadre des procédures judiciaires qui les concernent, a indiqué la délégation.  Elle a en outre fait part de l’existence d’un Conseil de la jeunesse qui permet de prendre en compte l’avis des jeunes s’agissant des grandes politiques nationales ; ces consultations ont lieu en ligne avec, notamment, une interprétation en langues des signes et différents outils destinés à favoriser la participation des enfants handicapés.

La délégation a indiqué que la prévalence de la lèpre avait sensiblement baissé à Singapour et qu’il n’y avait aucune discrimination à l’encontre des personnes atteintes de la lèpre, notamment dans le domaine de l’accès aux soins.

Tous les enfants handicapés peuvent accéder sans difficulté aux soins de santé de Singapour grâce aux services communautaires ou aux hôpitaux du pays, a d’autre part déclaré la délégation.

Le droit international n’interdit pas la peine de mort, a ensuite déclaré la délégation. En outre, il n’y a pas de consensus international sur la définition des « délits les plus graves », a-t-elle ajouté. La peine capitale relève des droits souverains de chaque État. À Singapour, elle est utilisée dans les circonstances les plus restreintes (homicides et trafic de stupéfiants). Il n’y a pas d’inégalité entre les personnes handicapées et les autres s’agissant du droit à la vie, a ajouté la délégation, soulignant que la peine capitale ne viole pas ce principe. Un accusé handicapé qui risque la peine capitale peut obtenir une aide juridictionnelle gratuite et des aménagements sont également mis à disposition dans le cadre de la procédure pénale. L’état mental de l’accusé est également dument pris en compte. Une personne accusée d’un crime passible de la peine de mort peut être acquittée s’il est avéré qu’elle n’est pas en possession de toutes ses capacités mentales ou ne comprend pas la nature de ses actes ; si sa responsabilité ne peut être établie, sa sentence sera commuée en prison à vie, a expliqué la délégation.

S’agissant du cas de Nagaenthran Dharmalingam, la délégation a expliqué qu’au cours des audiences, la Cour suprême avait conclu que cette personne ne pouvait pas être considérée comme souffrant de troubles mentaux. Les tests de QI auxquels l’accusé avait été soumis ne permettaient pas de conclure à l’irresponsabilité de la personne ; il a donc été estimé que les preuves fournies par les psychiatres prouvaient que cette personne n’était pas handicapée sur le plan intellectuel.

Toutes les personnes qui encourent la peine de mort et qui n’ont pas les ressources financières suffisantes peuvent avoir accès à l’aide juridictionnelle, a rappelé la délégation.  Le bureau du Défenseur public est en train d’élaborer un plan pour élargir les conditions de l’aide juridictionnelle, afin de l’étendre notamment aux personnes handicapées, sans condition de revenus, a indiqué la délégation.

Dans les procédures judiciaires, la situation mentale de l’accusé est toujours prise en compte, a insisté la délégation. Des programmes de réinsertion sont prévues pour les personnes handicapées, a-t-elle ajouté.  Depuis le début de cette année, environ 5% des prévenus ont bénéficié d’un traitement médical pour la prise en charge de leur état mental ; le plus souvent, il s’agissait de troubles de l’humeur ou de légers disfonctionnements, a indiqué la délégation.   

S’agissant plus généralement des personnes handicapées dans les prisons, la délégation a souligné que tous les détenus peuvent être pris en charge par des psychiatres ou du personnel spécialisé en santé mentale et peuvent aussi, dans certains cas, être transférés dans les hôpitaux psychiatriques. Le traitement psychiatrique peut être administré de manière forcée si le détenu présente un risque pour lui-même ou pour les autres, a indiqué la délégation. 

La délégation a par ailleurs relevé que toutes les personnes qui subissent un traitement forcé voient leurs droits respectés et que de nombreux garde-fous encadrent cette pratique.  À Singapour, il n’y a pas d’administration forcé de traitements, sauf dans le cas où il y a danger pour la personne.

En ce qui concerne les questions d’éducation, la délégation a notamment expliqué que dans toutes les écoles de Singapour, on trouve un membre du personnel spécialement formé aux besoins spécifiques des enfants handicapés. Des dispositifs d’aide spécifiques sont proposés gratuitement à ces enfants afin qu’ils puissent suivre l’enseignement dans les écoles ordinaires, a souligné la délégation.

S’agissant des châtiments corporels à l’école, la délégation a assuré qu’ils sont très rares et toujours infligés en dernier recours dans le cas de comportements graves de la part des élèves. Dans le cas où l’étudiant n’est pas capable de comprendre l’impact de son acte, il n’y a pas de recours aux châtiments corporels. Dans les écoles spéciales pour les personnes handicapées, il n’y a pas de châtiments corporels, a insisté la délégation.

La délégation a indiqué que depuis plusieurs années, il y avait un profond changement de culture au sein de la population singapourienne s’agissant de la vision du handicap et des personnes handicapées.

La délégation a par ailleurs assuré que c’est toujours l’intérêt supérieur des personnes handicapées qui prévaut dans toutes les décisions qui les concernent.

S’agissant des protocoles d’urgence pour les personnes handicapées en cas de catastrophes, la délégation a assuré que la question de la sécurité des personnes handicapées est une priorité dans les plans d’urgence. Par exemple, des lignes d’urgence spécialement conçues pour les personnes malentendantes ont été ouvertes. En cas de catastrophe ou d’attaque terroriste, une application permet d’informer immédiatement les personnes handicapées.

La délégation a par ailleurs indiqué que le taux d’emploi des personnes handicapées avait augmenté ; il était de 31% en 2021. Cependant, Singapour reconnaît que davantage devrait être fait pour améliorer l’accès des personnes handicapées à l’emploi. Un programme a été lancé en 2014 qui propose notamment une formation gratuite sur la recherche d’emploi à l’intention des personnes handicapées. Entre 2014 et 2021, plus de 3500 personnes ont pu accéder à de nouveaux emplois grâce à ce programme, a fait valoir la délégation.

S’agissant de l’accès aux assurances, tous les résidents à Singapour bénéficient d’une couverture médicale, quelle que soit leur pathologie préexistante, a assuré la délégation. Le Gouvernement propose une protection financière en cas de handicap grave et tous les résidents nés après 1980 sont couverts par ce régime, ceux qui sont nés avant 1980 pouvant recevoir des aides d’autres mécanismes, a expliqué la délégation. Il existe par ailleurs des assurances privées qui viennent prolonger ce système. Le Gouvernement va davantage contrôler les assurances afin de remédier aux dysfonctionnements et aux manquements, a indiqué la délégation.

La délégation a expliqué que Singapour est déterminée à assurer la participation pleine et entière des personnes handicapées dans la vie politique et les affaires publiques. Les personnes handicapées ont les mêmes droits que tous de créer des organisations et de s’affilier, par exemple, à un parti politique. Depuis 2014, deux personnes handicapées ont été nommées au Parlement. En outre, deux jeunes leaders handicapés siègent au Conseil national de la jeunesse, a fait valoir la délégation.

Remarques de conclusion

M. CHUA a déclaré que bien que Singapour ait apporté des améliorations significatives en éliminant des obstacles et en créant des possibilités pour les personnes handicapées dans de nombreux domaines, il y a encore place à l’amélioration. Dans ce cadre, les questions et commentaires du Comité ont été très utiles pour mettre en évidence les domaines d’amélioration potentiels. Singapour s’est engagée à construire une société inclusive où les personnes handicapées sont en mesure de poursuivre leurs aspirations et de réaliser leur potentiel, a ajouté le chef de la délégation.

Singapour continuera de veiller notamment à ce que les écoles, les lieux de travail et les espaces publics soient accessibles aux personnes handicapées et à assurer l’accessibilité des transports en commun, de l’information et des communications, a ajouté M. Chua.  L’inclusion des personnes handicapées à Singapour est un travail en cours, a-t-il insisté. Il a souhaité rassurer le Comité sur le fait que Singapour est pleinement déterminée à éliminer les obstacles qui empêchent les personnes handicapées de participer pleinement à la vie quotidienne, et à bâtir une société inclusive où les personnes handicapées puissent réaliser leur plein potentiel.

M. SCHEFER a estimé que le dialogue avait atteint son objectif en fournissant au Comité un aperçu des nombreux efforts déployés par Singapour pour mettre en œuvre la Convention. Singapour a fait des efforts substantiels dans de nombreux domaines, notamment dans l’éducation, l’emploi et les soins de santé. Comme le reconnaît l’État partie, de grands efforts doivent néanmoins encore être déployés, a souligné l’expert.

La mise en œuvre de la Convention commence par la reconnaissance de toutes les personnes handicapées, y compris celles ayant une déficience intellectuelle et psychosociale, en tant que personnes égales devant la loi, égales dans leur capacité d’avoir des droits et dans leur capacité d’agir. Néanmoins, la délégation a clairement indiqué que Singapour n’avait pas l’intention de changer son approche, a regretté M. Schefer, ajoutant que la Convention exige de Singapour qu’elle réévalue fondamentalement son approche et la repense sur la base de l’égalité réelle de toutes les personnes handicapées. Ce n’est pas facile ; cela commence par la volonté de toutes les personnes impliquées de réexaminer de manière critique un large éventail de certitudes apparemment immuables, a souligné l’expert, avant de relever que la délégation n’avait pas ici fait preuve de cette volonté.  L’expert a déclaré qu’il pourrait ajouter un large éventail d’autres questions discutées, de l’éducation séparée à l’institutionnalisation en passant par les traitements forcés, mais qu’il s’abstiendrait, considérant qu’il n’était pas en mesure de convaincre la délégation.

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