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Examen du rapport du Bélarus devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturelles : la situation de la société civile, mais aussi l’impact des mesures coercitives unilatérales sont au cœur des débats

Compte rendu de séance

 

Selon les informations reçues par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, plus de trois cents organisations non gouvernementales au Bélarus ont été dissoutes de manière forcée, ou sont en voie de l’être. En outre, parmi les informations parvenues au Comité, figurent celles relatives à des « violations graves et massives » commises contre les manifestants pacifiques ; à des licenciements massifs dans plusieurs secteurs ; à des détentions dans des conditions inhumaines et dégradantes ; ou encore au refus de fournir des soins médicaux à des détenus. C’est ce qu’a indiqué une experte du Comité lors de l’examen, cette semaine, du rapport présenté par le Bélarus au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Dans ce contexte, l’experte a souligné que les activités des organisations non gouvernementales et de la société civile étaient cruciales pour protéger les droits humains.

Si les membres du Comité ont fait observer que le Bélarus connaît des problèmes de discrimination et d’inégalité entre les groupes de minorités, entre les hommes et les femmes, ainsi qu’entre les régions rurales et urbaines, c’est néanmoins la question des sanctions imposées par le pays dans le cadre de mesures coercitives unilatérales qui a particulièrement été débattue durant le dialogue qui s’est nouée entre les experts et la délégation bélarussienne.

Le Ministre adjoint des affaires étrangères du Bélarus, M. Sergei Aleinik, a ainsi souligné que son pays entendait « continuer à se développer malgré les nouveaux défis qui se présentent, tels que les conséquences dévastatrices de la réponse mondiale à la pandémie de COVID-19 ; les mesures coercitives unilatérales illégales et le chantage aux sanctions économiques, qui sont activement utilisés par les pays occidentaux ; ainsi que la guerre de l'information et la désinformation ».

« Aucune quantité de bonnes intentions, qui ont tendance à être de la pure propagande », ne saurait justifier l’imposition de mesures coercitives unilatérales, a déclaré le Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, M. Yury Ambrazevich, à l’issue de l’examen du rapport de son pays. Il a rappelé que le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme avait donné des exemples concrets de l'impact de telles mesures sur la réalisation des droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels. « Sans abdiquer notre responsabilité en tant qu'État partie de mettre en œuvre le Pacte, nous sommes en droit d'attendre une évaluation publique de principe de la part des organes de traités des droits de l'homme, y compris du Comité, condamnant clairement et sans équivoque la pratique qui consiste à imposer des mesures coercitives unilatérales aux États », a insisté M. Ambrazevich.

Même si les sanctions ont des effets indéniables sur la vie économique, le Comité n’est pas le lieu pour discuter des sanctions, a estimé une experte du Comité. Il ne faut pas confondre les « sanctions » édictées par le Conseil de sécurité et les « mesures coercitives unilatérales » appliquées par certaines puissances, a pour sa part souligné un autre membre du Comité. Quoi qu’il en soit, il faut aussi aborder les raisons qui motivent de telles mesures, a fait remarquer un autre expert : dans le présent contexte, les mesures en cause visent explicitement à sanctionner des personnes pour des violations des droits de l’homme et pour l’instrumentalisation de migrants, a-t-il rappelé.

Un membre du Comité a pour sa part rappelé que le Pacte demande une réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels et a fait observer que cet objectif ne peut être atteint par un État privé de ressources ; aussi, est-il normal que cet État demande l’aide de la communauté internationale, a affirmé cet expert.

Dans le cadre de la présentation du rapport bélarussien, M. Aleinik a notamment mis en avant les résultats obtenus par son pays, notamment au regard de son indice de développement humain. Il a en outre indiqué que le Bélarus a entrepris un renouvellement complet de la réglementation de différents domaines des relations sociales et que cette transformation culminera par un référendum qui se tiendra le 27 février, au cours duquel le peuple se prononcera sur des amendements proposés à la Constitution.

Outre M. Aleinik, la délégation bélarussienne comprenait des représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de la santé, de l’éducation, de la justice et du travail et de la protection sociale. Elle comprenait également, entre autres, des représentants de la Cour constitutionnelle, du Conseil des Ministres, ainsi que du monde académique et scientifique.

 

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité examinera le rapport de la République tchèque.

 

Examen du rapport

Le Comité était saisi du sixième rapport périodique du Bélarus (E/C.12/BLR/7), qui a été établi sur la base d’une liste de points à traiter préalablement soumise au pays par le Comité.

Présentation

Le rapport a été présenté par M. SERGEI ALEINIK, Ministre adjoint des affaires étrangères du Bélarus, chef de la délégation bélarussienne. M. Aleinik a d’abord souligné que son pays remplissait ses obligations en matière de présentation de rapports aux organes de traités dans les délais impartis, et qu’il n’y avait actuellement aucun retard ou arriéré de la part du Bélarus vis-à-vis des organes de traités. En outre, a-t-il ajouté, le Bélarus n'a émis aucune réserve à l'égard des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

M. Aleinik a ensuite assuré que le Bélarus accordait une grande attention aux droits protégés par le Pacte. C’est ainsi que, dans l'indice de développement humain, le Bélarus se situe dans la catégorie des pays dont le niveau de développement humain est très élevé – au 53e rang –, tandis qu’il est l'un des 22 pays au monde où l'indice de développement humain des femmes est égal ou supérieur à celui des hommes. De plus, selon la méthodologie de l'Organisation internationale du Travail (OIT), le taux de chômage en 2020 était de 4%, l'un des plus bas non seulement dans la Communauté des États indépendants, mais aussi par rapport à certains pays occidentaux, a fait valoir le Ministre adjoint. Il a aussi mis en avant le fait que son pays faisait partie des cinquante premiers pays pour l'efficacité du système de santé national et comptait parmi les 25 premiers pays pour le confort de la maternité.

« Nous sommes fiers de nos réalisations et investissons délibérément une quantité considérable de ressources humaines, matérielles et intellectuelles pour offrir un niveau de vie décent et une sécurité sociale à l'ensemble de notre population », a déclaré M. Aleinik. L’État bélarussien entend « continuer à se développer malgré les nouveaux défis qui se présentent, tels que les conséquences dévastatrices de la réponse mondiale à la pandémie de COVID-19 ; les mesures coercitives unilatérales illégales et le chantage aux sanctions économiques, qui sont activement utilisés par les pays occidentaux ; ainsi que la guerre de l'information et la désinformation », a-t-il indiqué.

En 2020-2021, a poursuivi le Ministre adjoint, le Bélarus a entrepris un renouvellement complet de la réglementation de différents domaines des relations sociales. Cette transformation culminera par un référendum qui se tiendra le 27 février, au cours duquel le peuple se prononcera sur des amendements proposés à la Constitution.

Actuellement, a précisé M. Aleinik en citant un discours du Président bélarussien, l’État social bélarussien est fondé sur une répartition équilibrée des prestations sociales et un accès aussi égal que possible de chacun et chacune à ces prestations ; sur la responsabilité, l'État assurant un soutien complet tout au long de la vie de l'individu ; et sur un vaste système d'aide sociale aux catégories vulnérables de la population. En 2022, le volet social des dépenses du budget représentera environ 50% de toutes les dépenses, a indiqué M. Aleinik.

Pour formuler la stratégie nationale en matière de lutte contre la COVID-19, le Gouvernement s’est basé sur la capacité du système de santé. Grâce à cette approche, le Bélarus a pu maintenir toutes les obligations sociales envers la population même pendant la phase aiguë de la pandémie de coronavirus, malgré le scepticisme et les critiques.

M. Aleinik a enfin espéré que le Comité ne resterait pas silencieux sur « la nature contre-productive des sanctions illégalement imposées par les pays occidentaux contre le Bélarus ». Le Ministre adjoint a souligné que «les actions des pays occidentaux non seulement empêchent le Bélarus de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, mais vont également à l'encontre de la Charte des Nations Unies et des principales conventions de l'ONU relatives aux droits de l'homme, en particulier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels».

Questions et observations des membres du Comité

MME HEISOO SHIN, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Bélarus, a d’abord insisté sur le fait que le Comité avait pour seul intérêt de vérifier que les habitants du Bélarus jouissent pleinement de leurs droits économiques, sociaux et culturels, tels que garantis par le Pacte que le Bélarus a ratifié. Elle a souligné que, sanctions ou non, tout État partie au Pacte doit, comme le prescrit l'article 2.1 de cet instrument, agir « au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives ».

Mme Shin a ensuite constaté que, selon le rapport, la raison pour laquelle le Pacte n'est pas été invoqué par les tribunaux est que les obligations internationales sont incorporées dans les lois nationales. Aussi, a-t-elle demandé des exemples de cette incorporation, s’agissant notamment de la manière dont l'article 2 du Pacte est incorporé. La rapporteuse a aussi voulu savoir comment les juges et procureurs étaient formés aux obligations du Bélarus au titre du Pacte. Elle a recommandé que le Bélarus adopte une législation complète contre la discrimination.

Mme Shin a relevé que le Bélarus avait accepté la recommandation de l’Examen périodique universel (en 2021) d'envisager la création d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris ; elle a demandé si des progrès avaient été réalisés en la matière depuis lors.

D’autre part, a poursuivi la rapporteuse, selon les informations reçues par le Comité, plus de 300 organisations non gouvernementales (ONG) ont été dissoutes de manière forcée ou sont en voie de l’être. Parmi celles ayant fait l'objet d'une dissolution forcée, a précisé l’experte, on trouve des organisations qui travaillent sur la question de VIH/sida, sur la protection des personnes contre la discrimination ou encore sur les droits des prisonniers et des personnes handicapées et sur l'emploi des jeunes. Les ONG devraient être autorisées à poursuivre leurs activités librement, a plaidé Mme Shin.

Parmi les informations parvenues au Comité, a ajouté Mme Shin, figurent celles relatives à des « violations graves et massives » commises contre les manifestants pacifiques ; à des licenciements massifs dans plusieurs secteurs ; à des détentions dans des conditions inhumaines et dégradantes ; ou encore au refus de fournir des soins médicaux à des détenus. Mme Shin a mentionné le cas de Mme Kseniya Martul, personnalité connue pour sa lutte contre les stéréotypes sociaux, condamnée à 15 jours de prison en décembre 2021. « Toutes ces violations doivent cesser immédiatement et les responsables de ces violations doivent être traduits en justice », a demandé Mme Shin.

Mme Shin a ensuite relevé, au chapitre des stéréotypes de genre, que le rapport (au paragraphe 110) indique que des changements sont en train de se produire au Bélarus, une majorité de personnes interrogées (58 %) estimant par exemple que les tâches familiales revenaient à parts égales aux hommes et aux femmes. « Mais cela signifie que 42% des personnes interrogées ne pensent toujours pas que la gestion de la famille et des tâches ménagères incombe aux deux sexes », a fait observer la rapporteuse. Elle s’est enquise des mesures prises pour réduire la « double charge » des femmes.

Mme Shin a d’autre part demandé combien d'infections et de décès liés à la COVID-19 avaient été enregistrés jusqu'à présent au Bélarus et quelles mesures avaient été prises pour prévenir la propagation de l'infection.

Un autre expert du Comité a fait part, s’agissant du Bélarus, de « préoccupations récurrentes » concernant la discrimination contre les femmes et certaines personnes vénérables, notamment les LGBTIQ et les personnes vivant avec le VIH/sida. L’expert a voulu savoir comment était garantie l’effectivité des moyens juridictionnels permettant d’accorder une réparation aux victimes de violence conjugale et d’en faire condamner les auteurs.

Un autre expert a demandé des statistiques sur le nombre d’associations dissoutes depuis deux ans et s’est enquis des raisons de ces dissolutions, avant de faire observer que certaines de ces associations travaillaient dans le domaine du handicap. Il a mis en garde contre une interprétation large de la notion d’« activités extrémistes ».

Le Comité a été informé que le Bélarus utilisait le travail comme une forme de sanction, a indiqué un autre expert. Si l'interdiction du travail forcé est inscrite dans la Constitution bélarussienne, a-t-il ajouté, le Comité n’en est pas moins préoccupé par certains éléments du travail forcé qui pourraient être inscrits dans la législation et dans certaines politiques. Le subbotnik (travail collectif « volontaire » du samedi) pourrait, selon des experts internationaux, être assimilé au travail forcé, a-t-il précisé.

L’expert a par ailleurs fait observer que, selon des informations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Bélarus avait « gravement enfreint les réglementations et recommandations de l'OMS sur l'élimination de l'infection par la COVID-19 », les autorités refusant, en particulier, d’instaurer des politiques suffisantes pour éliminer le coronavirus.

Concernant la discrimination des femmes sur le marché du travail, un expert a relevé que la loi exigeant un salaire égal pour un travail égal n’était pas systématiquement appliquée, le Comité national des statistiques du pays indiquant que les salaires moyens des femmes sont inférieurs de 27,3 % à ceux des hommes. D’autre part, le droit à un congé parental de longue durée bénéficie presqu’exclusivement aux femmes, ce qui correspond « au concept culturel persistant de la maternité », a souligné l’expert. En outre, les employeurs contournent souvent les protections en utilisant des contrats de courte durée puis en refusant de renouveler le contrat d'une femme lorsqu'elle tombe enceinte.

L’expert a aussi constaté que la communauté rom continue d'être victime de discrimination dans l'accès au marché du travail.

En outre, les syndicats indépendants et leurs membres font l’objet de menaces et de représailles, a constaté le même expert.

Une experte a constaté qu’il existait dans la société bélarussienne, et chez les autorités en particulier, une stigmatisation généralisée des sans-abri. Les mécanismes étatiques d'assistance aux sans-abri se limitent à des abris temporaires – l'accès à ces abris étant compliqué par des restrictions, notamment la nécessité de s'enregistrer, a-t-il été observé.

S’agissant des questions de santé, une experte a demandé quelle était la politique de l’État relativement à la COVID-19, en particulier en ce qui concerne les personnes en détention, les sans-abri, les personnes infectées par le VIH et les enfants scolarisés.

Une experte s’est étonnée que l'analyse des statistiques des tribunaux suggère que la grande majorité des personnes condamnées à de longues peines d'emprisonnement sont des consommateurs de drogue et non des trafiquants. Elle a aussi déploré qu’en 2020, le Bélarus ait poursuivi 37 personnes vivant avec le VIH : la majorité d'entre elles ont été poursuivies pour « exposition au VIH », sans pour autant l’avoir transmis à qui que ce soit. Cette situation entraîne une méfiance entre les patients et les médecins, et dissuade les gens de se faire dépister, a fait observer l’experte.

La même experte a d’autre part affirmé que les personnes handicapées étaient touchées de manière disproportionnée par la COVID-19 et par la riposte de l’État bélarussien, alors que les personnes handicapées constituent l'une des catégories de la population les plus marginalisées au Bélarus. Selon des informations reçues par le Comité, a ajouté l’experte, cette situation est aussi due à la persécution dont sont victimes les défenseurs des droits des personnes handicapées, qui sont intimidés, détenus arbitrairement et privés de leur mandat de représentation des personnes handicapées.

Concernant l’éducation, une experte a souligné l’importance de prendre des mesures pratiques pour que les enfants roms puissent s’inscrire et rester à l’école. Elle a aussi estimé que la définition de l’éducation inclusive donnée par la loi bélarussienne était insuffisante et a observé que rien n’était prévu en matière d’aménagements raisonnables pour faciliter la scolarité des enfants handicapés. En outre, 1% seulement des enfants de la minorité polonaise au Bélarus ont pu suivre une instruction dans leur langue maternelle polonaise, a regretté l’experte. Elle a demandé s’il était vrai que l’association culturelle polonaise avait été dissoute.

D’autres questions des experts du Comité ont porté sur la création de syndicats indépendants au Bélarus ; sur les conditions d’octroi et la durée des prestations sociales de base ; et sur le respect du droit à l’eau potable.

Même si les sanctions ont des effets indéniables sur la vie économique, la rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Bélarus a tenu à préciser son point de vue selon lequel le Comité n’est pas le lieu pour discuter des sanctions, qui sont évoquées au sein d’autres instances, comme l’Union européenne. Un autre expert du Comité a relevé que les sanctions « exercent peut-être une incidence sur les ressources disponibles pour appliquer le Pacte », ajoutant qu’il s’agit d’un élément important dont le Comité tiendrait compte. Il ne faut pas confondre les « sanctions » édictées par le Conseil de sécurité et les « mesures coercitives unilatérales » appliquées par certaines puissances, a souligné un autre expert, avant de demander à la délégation de fournir des éléments statistiques concernant leur incidence. S’il faut traiter des effets des sanctions, il faut aussi aborder les raisons qui les motivent, a fait remarquer un autre expert : les mesures en cause visent explicitement à sanctionner des personnes pour des violations des droits de l’homme et pour l’instrumentalisation de migrants, a-t-il rappelé.

Au cours du dialogue, un expert a tenu à souligner qu’il n’appartenait pas au Comité de se prononcer sur la légitimité ou même la légalité des « sanctions ». S’il fallait cependant aborder la question des sanctions, et de leur effet d’un point de vue économique, a-t-il ajouté, « le Comité devrait alors approcher la question d’une manière holistique, en prenant en compte l’ensemble du programme de sanctions, y compris l’ensemble des violations graves et systématiques du droit international des droits de l’homme […] qui ont motivé différents États, à tort ou à raison », à adopter les programme de sanctions qu’ils ont choisi d’adopter. On ne peut pas ici choisir quels aspects problématiques aborder et ignorer les autres problèmes ou questions liés au programme de sanctions, a insisté l’expert.

Un autre expert du Comité a regretté ce qu’il a qualifié de « politisation ». Le Pacte, a-t-il fait observer, demande une réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels : or, cet objectif ne peut être atteint par un État privé de ressources, et il est normal que cet État demande l’aide de la communauté internationale. Le Bélarus est un État véritablement social, en avance sur plusieurs pays de l’Union européenne, a affirmé cet expert.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord indiqué que la Cour constitutionnelle avait invoqué le Pacte dans quinze de ses arrêts depuis quelques années.

Dans le cadre du processus de réforme constitutionnelle en cours, a ensuite fait savoir la délégation, des amendements auront pour effet de refléter le rôle de plus en plus important joué par les femmes au Bélarus et d’étendre la couverture sociale à de nouvelles catégories de bénéficiaires. Les enfants bénéficieront d’une protection particulière. Des garanties juridiques seront aussi apportées pour garantir la jouissance effective des droits, un mécanisme de plainte directe auprès de la Cour constitutionnelle étant prévu à cet égard.

Sur les questions religieuses, la délégation a fait savoir que son pays était un État multiconfessionnel et multiethnique : en 2019, des représentants de 156 nationalités y vivaient et, en 2022, quelque 3569 organisations religieuses de 25 confessions et tendances religieuses y étaient actives. La paix interconfessionnelle et interethnique fait partie intégrante de la stabilité sociale en République du Bélarus, a affirmé la délégation, avant de décrire les fonctions du Conseil consultatif interethnique.

S’agissant des questions de protection sociale, la délégation a notamment souligné que le Code du travail interdisait toute discrimination à l’embauche. Toute personne qui s’estime victime de discrimination au travail peut saisir la justice, a-t-il été précisé.

La délégation a par la suite souligné qu’il était interdit, au Bélarus, de licencier une femme enceinte ou ayant des enfants de moins de trois ans. Un bonus dans le calcul de la retraite est accordé en fonction du nombre d’enfants, a-t-elle en outre fait valoir. Des primes et paiements supplémentaires sont accordés aux personnes âgées qui atteignent l’âge de 80 ans, a-t-elle également indiqué.

En outre, le Bélarus est l’un des rares pays à verser des allocations pour enfant pendant trois ans, a fait observer la délégation. Les familles nombreuses peuvent bénéficier de crédit au logement à des conditions favorables, ainsi que de divers avantages fiscaux. En 2021, les dépenses du budget de l'État pour le système d'aide aux familles avec enfants se sont élevées à environ 5,1 milliards de roubles, soit 3,5 % du PIB, a précisé la délégation.

L’âge de la retraite est de 58 ans pour les femmes et 63 ans pour les hommes, a-t-il par ailleurs été indiqué.

Le Bélarus applique actuellement son sixième plan d'action national sur l' égalité des sexes pour la période 2021-2025. Même sans quota de femmes, le Bélarus est parvenu à un taux très élevé de participation des femmes aux processus décisionnels politiques. Elles représentent désormais 35% des parlementaires, contre 30% en 2017. En outre, la part des femmes parmi les chômeurs est restée très faible, a fait valoir la délégation.

L'un des moyens de parvenir à l'égalité des sexes étant de garantir la participation égale des parents à l'éducation des enfants, le Code du travail comporte un certain nombre d'articles qui visent à garantir l'égalité des droits entre les femmes et les hommes, y compris dans l'éducation des enfants. En particulier, la famille a le droit de décider lequel des parents qui travaillent - le père ou la mère - s'occupera de l'enfant et, par conséquent, bénéficiera d'un congé parental jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de trois ans. Cependant, a admis la délégation, la proportion d'hommes se trouvant ainsi en congé parental est faible, de l'ordre de 1%.

La plupart des violences conjugales sont des infractions punies par le Code pénal, a souligné la délégation, avant de faire valoir que les mesures de prévention de ces violences ont récemment été renforcées par la loi. L’État s’efforce d’informer les victimes au sujet des voies de recours qui leur sont offertes et il peut appliquer des mesures de protection, telles qu’un ordre d’éloignement d’un conjoint violent.

Répondant aux questions sur les organisations non gouvernementales, la délégation a déclaré que les activités des « associations publiques » devaient être fondées sur les principes de volontariat et d'indépendance. Les organes de l'État ne peuvent pas interférer dans la création ou l'activité des associations publiques ; de même, les associations publiques ne peuvent s'immiscer dans l'activité des organes ou agents de l'État, a expliqué la délégation.

La procédure d'enregistrement par l'État d'une association publique est simple et transparente, a ajouté la délégation. Les conditions de création d'une association publique et la liste des documents à soumettre pour l'enregistrement auprès de l'État sont expressément définies dans la loi. La loi impose des restrictions à la création et aux activités des associations publiques pour protéger la souveraineté de l’État : la création et les activités des associations publiques qui mènent une propagande de guerre ou des activités extrémistes sont ainsi interdites, a indiqué la délégation.

La loi définit clairement les motifs pour lesquels un tribunal peut décider de dissoudre une association publique, a poursuivi la délégation. Une poignée d’associations ont été liquidées en 2021 pour cause de violations répétées et graves de la loi et d’acticités extrémistes, notamment. Toutes les associations dissoutes l’ont été de manière conforme à la loi et aux pratiques internationales, a assuré la délégation à plusieurs reprises.

Sur les questions de santé, la délégation a indiqué que toutes les informations sur la COVID-19 étaient disponibles sur le site du Ministère de la santé. Le Bélarus a compté jusqu’à ce jour 800 000 personnes malades, et 6265 décès directement imputables à la COVID-19, a-t-elle précisé. Le Bélarus a élaboré plusieurs vaccins novateurs ; environ 60% de la population a reçu au moins une dose de vaccin et le rappel est également administré. La prévention de l’infection se fait en coopération avec l’Organisation mondiale de la Santé, a ajouté la délégation.

La délégation a par la suite indiqué que le Bélarus disposait, proportionnellement, de plus de lits d’hôpitaux que les pays occidentaux, ce qui lui a permis d’éviter l’effondrement du système pendant la pandémie. En outre, depuis cinq ans, l’équivalent de près d’1,1 milliard de dollars a été investi dans les établissements de soins de santé. Les salaires des personnels médicaux sont élevés, le maintien du niveau de revenu étant assuré, même après la pandémie, a ajouté la délégation.

La délégation a estimé que l’effet négatif des sanctions et mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels devrait être abordé dans le cadre d’un dialogue ouvert et non discriminatoire avec le Comité. Le Comité a déjà reconnu l’impact des sanctions économiques sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, a ajouté la délégation. Elle a insisté sur le fait que le Conseil de sécurité n’avait pas adopté de sanctions contre le Bélarus et estimé que « les mesures coercitives unilatérales sont une violation de la Charte des Nations Unies et du droit international ». La délégation a par ailleurs affirmé que la personne responsable de la politique extérieure de l’Union européenne avait officiellement déclaré que le but des mesures coercitives unilatérales européennes était « d’affaiblir la situation sociale et économique des citoyens pour les pousser à se révolter ».

D’après certains experts, les sanctions entraîneront une baisse de 7% du PIB bélarussien, a ensuite affirmé la délégation. Les sanctions sont venues réduire les débouchés du pays à l’exportation, a-t-elle souligné, avant de demander aux experts, vu leur indépendance, d’appeler à la levée des mesures coercitives unilatérales frappant le Bélarus. Les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme ont reconnu clairement les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales ; il est inapproprié d’imposer les vues de l’Union européenne à l’ensemble de la communauté internationale, a insisté la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que le Bélarus ne reconnaissait pas le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus nommé par le Conseil des droits de l’homme, estimant notamment que ce mandat est politisé et présente des informations mensongères.

Le marché du travail est stable au Bélarus, a ensuite déclaré la délégation, affirmant que le taux d’employabilité de la population était de 80%. Le travail forcé est interdit, a en outre assuré la délégation, précisant qu’un « travail défini et imposé par un tribunal » n’est pas considéré comme « forcé ». Quant au subbotnik, travail bénévole, il relève de la tradition nationale, a affirmé la délégation.

La délégation a aussi insisté sur le fait que la loi autorisait une forme de réadaptation sociale des personnes par le travail, notamment pour les personnes alcooliques ou dépendantes à des substances ; l’objectif est la prévention d’actes criminels, de même que la réinsertion sociale des personnes concernées par l’acquisition de compétences professionnelles. Individualisée, la prise en charge se fait au sein d’instituts spécialisés dont les activités sont supervisées par l’État, ou même directement auprès d’entreprises. Le travail en soi est un moyen de réhabilitation mais les personnes prises en charge dans les huit « centres de traitement par le travail » sont aussi suivies sur le plan médical, a-t-il été précisé.

Il est interdit d’employer des femmes dans certains emplois pénibles ou dangereux, a souligné la délégation, avant d’ajouter que le Gouvernement est en train de réduire de 181 à 90 le nombre d’emplois ainsi interdits aux femmes.

L’État donne des garanties supplémentaires à l’emploi des personnes handicapées : des quotas ont été imposés et des postes de travail spécialisés ont été créés, entre autres mesures, a ensuite indiqué la délégation.

L’égalité de salaire entre les sexes pour un travail équivalent est posée par la Constitution et par le Code du travail, a souligné la délégation. La valeur du travail n’est pas évaluée en fonction de l’âge ni du sexe, a-t-elle ajouté. Les écarts qui persistent (entre les sexes) en matière de salaires s’expliquent par le fait que davantage d’hommes travaillent dans l’industrie et dans des emplois difficiles, et que davantage de femmes ont recours au temps partiel, a expliqué la délégation.

Le Bélarus veille au respect du droit à un niveau de vie suffisant grâce à la revalorisation régulière des salaires, ce qui a pour effet de réduire le niveau de pauvreté. Une aide sociale ciblée est versée aux personnes vivant dans des conditions difficiles et, en espèces et en nature, aux familles à faible revenu, a-t-il été précisé.

Le droit de grève, en tant que moyen de régler un différend collectif entre employeurs et travailleurs, peut être exercé dans le respect de la loi, a dit la délégation. La loi prévoit des restrictions à ce droit pour des motifs liés, entre autres, à la sécurité nationale ou à l’ordre public. La loi de 2021 sur les relations de travail stipule que, lors d’une grève, il est interdit de soumettre des réclamations de nature politique, a précisé la délégation.

« Les protestations liées à l’issue des élections avaient une nature politique », a poursuivi la délégation: il n’a pas été tenu compte des normes et des lois pendant ces actions, qui ont été marquées par des actes de résistance active aux forces de l’ordre et par des agressions, a-t-elle déclaré. « On ne peut donc pas dire que ces événements aient été purement pacifiques, ni qu’ils aient visé à régler un différend collectif de travail », a insisté la délégation, ajoutant que « le but des organisateurs était d’attirer l’attention du public sur les revendications politiques de certains travailleurs à l’égard de la direction du pays ».

Les Roms ont les mêmes droits que les autres nationalités au Bélarus, a d’autre part assuré la délégation, avant de préciser que cinq associations œuvrent à l’intégration sociale des Roms. Le Gouvernement n’a pas reçu d’information sur le refus de recruter une personne au motif qu’elle serait rom, a ajouté la délégation.

Un recensement réalisé en 2019 a montré que 10% des Roms ont suivi une formation supérieure et 23% une formation secondaire ou professionnelle. Le Gouvernement applique des projets pour augmenter le taux de scolarisation des jeunes Roms et assurer leur intégration dans la société, a fait valoir la délégation. Des informations sont en outre diffusées pour combattre les stéréotypes contre les Roms, a-t-elle ajouté. Elle a par ailleurs indiqué que le Gouvernement avait organisé des cérémonies pour commémorer le génocide des Roms commis sur le territoire bélarussien pendant la « Grande Guerre patriotique » [ndlr : la Deuxième Guerre mondiale, ou plus précisément la guerre de l’URSS contre l’Allemagne nazie].

Le congé paternité commence à la naissance de l’enfant et l’octroi de ce congé est obligatoire, a d’autre part indiqué la délégation. Une première évaluation dans plusieurs secteurs d’activités a montré que seuls 1% des hommes ont utilisé ce droit ; il faut davantage y sensibiliser les hommes, a convenu la délégation.

Les « personnes sans lieu de résidence fixe » peuvent être hébergées de manière temporaire dans onze centres d’hébergement, un par district, a par ailleurs indiqué la délégation. Des unités mobiles ont été mises sur pied pour sillonner les villes et informer ces personnes des services qui existent à leur disposition en vue de leur « adaptation sociale ». La délégation a par la suite ajouté que les foyers pour personnes sans abri n’étaient pas remplis à cent pour cent.

La délégation a ensuite mis en avant les réussites de son pays en matière d’éducation, insistant notamment sur le fait que l’instruction est accessible indépendamment de la situation personnelle des enfants. Le pays consacre 4,42% de son PIB à l’éducation et répond aux besoins de la population en matière préscolaire. Au Bélarus, l’éducation secondaire générale est gratuite, a rappelé la délégation, avant d’ajouter que quatre écoles dispensent des enseignements en polonais et en lituanien. Les membres de la minorité juive peuvent quant à eux étudier l’hébreu en tant que matière obligatoire.

Toutes les mesures possibles sont prises pour que tous les enfants, y compris les enfants roms, soient scolarisés, a souligné la délégation. D’autre part, a-t-elle indiqué, le Ministère de l’éducation organise sur Internet des enseignements pour les élèves qui ne peuvent se rendre à l’école. En 2020, 80% des Bélarussiens avaient accès à Internet, a précisé la délégation.

Il a aussi été précisé que le Gouvernement appliquait actuellement le programme « Culture du Bélarus », avec pour objectif, notamment, la préservation du patrimoine culturel et le soutien au développement des cultures des minorités nationales.

Remarques de conclusion

MME SHIN a constaté un écart entre les informations fournies par le pays, que ce soit dans le rapport ou au travers de la délégation, et celles fournies par d’autres sources. Pour établir ses conclusions finales, le Comité tiendra compte bien du rapport et des informations transmis par le pays mais aussi des autres sources (rapports à l’Examen périodique universel, observations des autres organes de traités, équipes de l’ONU dans le pays, témoignages…), a souligné la rapporteuse.

Mme Shin a réitéré qu’il était du devoir de l’État de garantir tous les droits contenus dans le Pacte. Elle a insisté sur le fait que « les activités des organisations non gouvernementales et de la société civile sont cruciales pour protéger les droits humains […], l’État seul ne pouvant faire tout le travail de manière efficace et efficiente ». La Charte des Nations Unies, dans son article 71, prévoit un espace pour les ONG qui peuvent s’impliquer dans les questions économiques et sociales relevant de l’ECOSOC [le Conseil économique et social de l’ONU], a fait observer la rapporteuse.

Elle a estimé que la loi régissant au Bélarus le fonctionnement des ONG pourrait être modifiée pour leur donner la possibilité d’agir librement pour la promotion des droits économiques, sociaux et culturels. Comme beaucoup d’autres pays, le Bélarus connaît des problèmes de discrimination et d’inégalité entre les groupes de minorités, entre les hommes et les femmes, entre les régions rurales et urbaines, a en outre souligné la rapporteuse. La discrimination directe contre les femmes existe toujours, les femmes se voyant interdire de travailler dans 181 professions, a-t-elle rappelé.

Mme Shin a espéré que le référendum du 27 février serait l’occasion pour le Bélarus d’intégrer à sa Constitution « tous les éléments d’obligation étatique pour la protection et la réalisation des droits humains ».

Dans ses propres remarques de conclusion M. YURY AMBRAZEVICH, Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, a estimé que certains membres du Comité étaient très influencés par les informations contenues dans les rapports alternatifs et d’« autres sources douteuses ».

« La guerre de l'information déclenchée contre le Bélarus, la campagne de diffamation des pays occidentaux […] depuis août 2020 s'expliquent par les intérêts géopolitiques de ces États dans la région et leur désir d'influencer les processus politiques internes du Bélarus », sous le prétexte de la protection des droits de l'homme, a poursuivi M. Ambrazevich. Il a insisté sur l'importance de ce contexte « qui a eu un impact direct sur le dialogue avec le Comité ».

« Aucune quantité de bonnes intentions, qui ont tendance à être de la pure propagande », ne saurait justifier l’imposition de mesures coercitives unilatérales, a poursuivi le Représentant permanent. Il a rappelé que le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme avait donné des exemples concrets de l'impact de telles mesures sur la réalisation des droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels. M. Ambrazevich a cité à cet égard « l’interdiction arbitraire » des vols à destination du Bélarus et des vols des compagnies aériennes nationales vers l'Europe – interdiction par laquelle les Bélarussiens et les citoyens d'autres pays souhaitant se rendre au Bélarus à des fins culturelles, commerciales, touristiques ou autres sont limités dans leur droit à la liberté de mouvement.

« Sans abdiquer notre responsabilité en tant qu'État partie de mettre en œuvre le Pacte, nous sommes en droit d'attendre une évaluation publique de principe de la part des organes de traités des droits de l'homme, y compris du Comité, condamnant clairement et sans équivoque la pratique qui consiste à imposer des mesures coercitives unilatérales aux États », a insisté M. Ambrazevich. Il a appelé les membres du Comité à ne pas hésiter à reconnaître les réalisations des États parties dans la mise en œuvre des dispositions du Pacte et à en parler ouvertement.

Le Président du Comité, M. MOHAMED EZZELDINE ABDEL-MONEIM, a assuré que toutes les réponses et remarques de la délégation seraient dûment prises en compte dans les observations finales du Comité. Le Comité n’est guidé que par le Pacte, son esprit et sa lettre, de même que par ses propres observations générales sur les articles du Pacte, a ajouté le Président.

 

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