Fil d'Ariane
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes auditionne la société civile s’agissant du Kirghizistan, de la Fédération de Russie, du Soudan du Sud et de l’Afrique du Sud
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a auditionné, cet après-midi, les représentants de la société civile s’agissant de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports doivent être examinés cette semaine, à savoir le Kirghizistan, la Fédération de Russie, le Soudan du Sud et l’Afrique du Sud.
S’agissant du Kirghizistan, les organisations non gouvernementales qui se sont exprimées cet après-midi ont attiré l’attention sur une hausse de la violence à l’égard des femmes dans le contexte de la pandémie de COVID-19, sur des violations des droits des femmes détenues et sur les problèmes rencontrés par les femmes kirghizes émigrées. Il a notamment été recommandé que le Gouvernement garantisse l'égalité des sexes dans l'emploi et abolisse la liste des emplois interdits aux femmes.
En ce qui concerne la Fédération de Russie, une organisation a fait observer qu’encadrer juridiquement une pratique telle que la gestation pour autrui (GPA) ne fait que l’entériner. A d’autre part été déplorée la dépénalisation des coups et blessures en 2017. Il a par ailleurs été affirmé que les militants des droits des femmes et les ONG sont confrontés à une répression croissante de la part des autorités russes.
Pour ce qui est du Soudan du Sud, des ONG ont recommandé – notamment – que le pays collabore avec les juges coutumiers et les autorités locales pour faire appliquer les lois visant à mettre fin aux mariages d’enfants et aux mariages forcés. Il a aussi été recommandé que les fonctionnaires de police soient formés à la répression de la violence sexiste de même qu’à l’écoute des victimes, dans un contexte où la normalisation de la violence due au conflit a entraîné de nouvelles menaces physiques pour la sécurité des femmes et des filles.
Enfin, s’agissant de l’Afrique du Sud, il a été fait état d’une explosion des cas de violence sexiste et de féminicides, tandis qu’était évoquée la situation de plusieurs catégories de femmes vulnérables à la violence et au harcèlement au travail, notamment les travailleuses domestiques et les travailleuses rurales. Le problème des mariages précoces a aussi été signalé. Il a notamment été recommandé que l’Afrique du Sud se dote d’une institution nationale permanente chargée de coordonner la préparation des rapports au Comité et le suivi de ses observations finales.
Plusieurs membres du Comité ont ensuite dialogué avec les représentantes de la société civile.
Demain matin à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Kirghizistan.
AUDITION DE LA SOCIETE CIVILE
Kirghizistan
Une coalition informelle d’organisations pour l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a d’abord fait observer que la COVID-19 avait entraîné une augmentation de 65% de la violence contre les femmes au Kirghizistan, et que les femmes victimes de formes de discrimination croisées étaient encore plus vulnérables. D’autre part, le pays est en train de procéder à une révision complète de la législation à grande échelle ; le cadre légal est remplacé par les concepts de moralité et d'éthique, de valeurs traditionnelles et familiales. Or, ce langage peut être utilisé contre des organisations individuelles, et pour bafouer les droits fondamentaux des femmes, a souligné la coalition. Elle a aussi fait état d’une répression policière exercée contre les travailleurs du sexe.
Article 9 a dit constater un certain nombre de problèmes concernant le respect des droits des femmes en détention provisoire dans le pays. La législation et les politiques du Kirghizistan ne tiennent pas compte du genre et ignorent la situation des femmes dans la procédure pénale, a ajouté l’ONG. Les femmes détenues sont particulièrement vulnérables à la torture et aux mauvais traitements.
ADC Memorial and Kyrgyz Family Planning a soulevé plusieurs problèmes rencontrés par les femmes kirghizes émigrées, lesquelles représentent entre 40% et 60% du million de citoyens kirghizes expatriés qui apportent un soutien indispensable à l’économie du pays. L’organisation a recommandé que le Gouvernement protège les migrantes contre la discrimination, l'exploitation et la violence sexiste ; défende la santé procréative des femmes migrantes ; et garantisse l'égalité des sexes dans l'emploi et abolisse la liste des emplois interdits aux femmes.
Fédération de Russie
La Manif pour tous a dit être opposée à l’exploitation reproductive dont les femmes sont victimes, notamment à la gestation pour autrui (ou GPA). Le projet de loi d’encadrement [de cette pratique] en cours d’élaboration sera insuffisant pour remédier à ce problème ; car de fait, encadrer juridiquement cette pratique ne fait que l’entériner, a regretté l’organisation, qui a recommandé que la GPA soit interdite.
Stichting Justice Initiative a déclaré que la Fédération de Russie avait réduit les protections légales pour les femmes survivantes de la violence. L’organisation en a voulu pour preuve la dépénalisation des coups et blessures en 2017 : le Gouvernement affirme que le fait de faire des coups et blessures une infraction administrative a réduit la violence à l'égard des femmes. Mais, de l’avis de l’ONG, cela n'a fait que rendre moins visible la violence domestique et sexualisée. Elle a déploré qu’il n’y ait pas eu de réponse fédérale coordonnée à l'augmentation de 60% à 100% de la violence domestique pendant la pandémie de COVID-19. Les forces de l'ordre et le système juridique continuent d'ignorer les incidents graves de violence domestique, même s'ils tombent sous le coup du Code pénal. Enfin, les militants des droits des femmes et les ONG sont confrontés à une répression croissante de la part des autorités. La loi sur les « agents étrangers » oblige les refuges pour femmes et les avocats spécialisés dans les droits des femmes à interrompre leur travail.
Soudan du Sud
Strategic Initiative for Women in the Horn of Africa (SIHA Network) a dénoncé les violences systématiques subies par les femmes autochtones dans la région de la Corne de l’Afrique. Au Soudan du Sud, les femmes portent tout le poids du conflit, la normalisation de la violence ayant entraîné de nouvelles menaces physiques pour la sécurité des femmes et des filles. Le Gouvernement du Soudan du Sud devrait obliger les auteurs de crimes sexuels utilisés comme arme de guerre à rendre compte de leurs actes. Les femmes victimes n’osant pas porter plainte – ce qui contribue à perpétuer le problème –, les fonctionnaires de police devraient être formés à la répression de la violence sexiste et à l’écoute des victimes.
Islamic Development and Relief Agency (IDRA) a prié le Comité de recommander au Soudan du Sud de reconnaître non seulement les origines structurelles et culturelles de l'inégalité entre les sexes dans ce pays, mais aussi la marginalisation des femmes musulmanes. L’ONG a recommandé que le pays codifie le droit de la famille, indique clairement que l'âge du mariage pour les filles et les garçons est de 18 ans, et collabore avec les juges coutumiers et les autorités locales pour faire appliquer les lois visant à mettre fin aux mariages d’enfants et aux mariages forcés. Le Soudan du Sud devrait en outre procéder à une révision complète du cadre juridique relatif à la violence à l'égard des femmes, y compris la violence domestique et sexuelle et le viol conjugal, ainsi qu’au harcèlement sexuel dans la vie publique.
Maat for Peace a recommandé au Gouvernement d’octroyer des réparations à toutes les victimes de violences sexuelles et conjugales. L’ONG a en outre recommandé aux parties au conflit de cesser d'utiliser les filles et les femmes comme armes de guerre et comme moyen de pression. D’autre part, compte tenu de l'incidence du viol conjugal et de la violence domestique, l’organisation a recommandé au Soudan du Sud de criminaliser le viol conjugal et de revoir à la hausse les peines prévues pour ce crime.
Afrique du Sud
HURISA a fait état d’une explosion des cas de violence sexiste et de féminicides en Afrique du Sud. L’ONG a, dans ce contexte, regretté que le pays ait présenté son rapport sur la période 2009-2014 en 2019 seulement, alors qu’il aurait dû être soumis en 2015 : sept ans de violations des droits des femmes échappent ainsi à l’attention du Comité, a fait observer l’ONG. Elle a recommandé, notamment, que l’Afrique du Sud se dote d’une institution nationale permanente chargée de coordonner la préparation des rapports au Comité et le suivi de ses observations finales.
Le Women’s Legal Centre a évoqué la situation de plusieurs catégories de femmes vulnérables à la violence et au harcèlement au travail en Afrique du Sud : travailleuses domestiques, femmes travaillant dans les mines, travailleuses rurales et employées dans le secteur des soins. L’organisation a recommandé que le Gouvernement sud-africain lance des campagnes pour informer les employeurs de leurs obligations envers leurs travailleuses, qu’il s’agisse de l'enregistrement et de la contribution au régime de sécurité sociale ou du respect des normes associées au droit du travail.
L’organisation Sisonke a demandé justice pour les travailleuses du sexe mortes aux mains de la police, ou victimes de la violence, de la stigmatisation et de la discrimination. Sur le même sujet, Embrace Dignity s’est dite préoccupée par le fait que la vulnérabilité des femmes travailleuses du sexe à l'exploitation s’était aggravée du fait de la COVID-19, qui vient s’ajouter à d’autres facteurs tels que le chômage, l'inégalité entre les sexes et la violence. Elle a recommandé de décriminaliser les personnes qui vendent des services sexuels, tout en leur offrant des voies de sortie, et de criminaliser la demande créée par les acheteurs de services sexuels et par les tiers qui profitent de l'exploitation.
En l'absence de protection de l'État, les jeunes femmes et les filles sud-africaines restent vulnérables aux mariages précoces, à la traite et aux enlèvements, a déploré MPL Network. L'État soutient les chefs religieux et traditionnels, et il n'accorde que peu d'attention aux pratiques religieuses et coutumières traditionnelles discriminatoires, ce qui entraîne des violations incessantes des droits des femmes à l'égalité et à la dignité dans les communautés religieuses et traditionnelles, a ajouté l’ONG.
L’organisation LandNNES a recommandé, pour sa part, que l’État sud-africain protège les droits fonciers et la propriété individuelle des femmes rurales au sein de l'unité familiale, du ménage et de la communauté, en reconnaissant pleinement les droits fonciers des femmes en vertu du droit coutumier. Le Gouvernement a aussi été appelé à faire en sorte que les travailleuses agricoles bénéficient effectivement du principe de salaire égal pour un travail de même valeur, ainsi que des prestations de maternité et de l'assurance chômage.
Dialogue avec le Comité
S’agissant du Soudan du Sud, une experte du Comité s’est enquise des résultats du plan national sur « les femmes, la paix et la sécurité » et des activités du mécanisme de justice transitionnel en matière de réparations pour les femmes victimes de violence. D’autres questions ont porté sur la place des femmes dans le marché du travail privé et public ; et sur la part du budget alloué au Ministère de la femme.
Les organisations non gouvernementales (ONG) ont précisé que le système de justice transitionnelle prévu par l’Accord de paix ne contenait pas de disposition spécifique relative aux femmes – l’aide du Comité sera nécessaire à cet égard. Les seules mesures de discrimination positive concernent la vie politique – et même là, le quota prévu de 35% de femmes n’est pas respecté, a-t-il été observé. « Le Soudan du Sud est très fort » pour accepter une convention, mais il n’y a pas de volonté politique ensuite pour appliquer l’instrument, a affirmé une ONG.
S’agissant de la Fédération de Russie, une experte du Comité a notamment souhaité savoir comment les organisations non gouvernementales peuvent aider les femmes à déposer plainte et à obtenir justice. D’autres questions ont porté sur l’accès des femmes au crédit et aux aides à la création d’entreprise, et sur la liste des professions interdites aux femmes.
Les ONG ont indiqué qu’elles éprouvaient beaucoup de difficultés à aider les personnes à défendre leurs droits. Par exemple, si elles reçoivent de l’argent de l’étranger, les organisations sont considérées, de par la loi en vigueur, comme des « agents de l’étranger », ce qui les empêche d’agir contre la violence à l’égard des femmes, par exemple.
Il existe toujours une liste d’une centaine de professions interdites aux femmes, le but des autorités ce faisant étant de favoriser la fécondité des femmes, a affirmé une ONG. Parallèlement, des écarts subsistent en ce qui concerne les salaires des hommes et des femmes, ou encore dans la représentation des femmes à la Douma (le Parlement), a-t-il été ajouté.
En Afrique du Sud, il existe un hiatus entre la loi et son application, a affirmé une experte du Comité. Quel pourrait être le rôle des organisations non gouvernementales pour combler ces lacunes et informer la population quant aux droits des femmes ?
Une ONG a affirmé que l’égalité existait formellement en Afrique du Sud, mais que l’égalité de fond faisait encore défaut. De nombreuses catégories de femmes, notamment celles qui travaillent dans le secteur des soins ou encore les travailleuses du sexe, sont toujours défavorisées, a-t-il en outre été affirmé. Le Gouvernement doit mener des campagnes de sensibilisation systématiques et bien ciblées pour que les droits des femmes soient connus et respectés, a plaidé une ONG.
Enfin, s’agissant du Kirghizistan, une ONG a jugé révélateur que les femmes kirghizes soient exclues de 400 types d’emplois figurant dans une liste. Cette exclusion est l’un des facteurs qui poussent les femmes à s’expatrier pour trouver du travail, les inégalités salariales en étant un autre, a-t-elle affirmé. Il faudrait à cet égard modifier le Code du travail et lutter contre les stéréotypes, a recommandé l’ONG.
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