Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME TIENT SA DISCUSSION BIENNALE SUR LE DROIT AU DÉVELOPPEMENT
Il dialogue en outre avec le Groupe de travail sur l’utilisation des mercenaires, en se penchant sur le recours aux services de sociétés militaires et de sécurité privées, en particulier dans la gestion de l’immigration et des frontières
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, sa discussion biennale sur le droit au développement, avant d’avoir un dialogue avec le Groupe de travail sur l’utilisation des mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En fin de séance, le Conseil a par ailleurs entendu la présentation du rapport du Mécanisme d’experts sur le droit au développement.
Ouvrant sa discussion biennale sur le droit au développement, le Conseil a entendu des déclarations liminaires de Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, de M. Abdulla Shahid, Ministre des relations extérieures des Maldives, et de M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Mme Bachelet a notamment plaidé pour un nouveau contrat social et une nouvelle donne pour permettre une égalité des chances pour tous, comme l’a appelé de ses vœux le Secrétaire général des Nations Unies. «Nous avons fait de nombreux progrès depuis l'adoption de la Déclaration sur le droit au développement en 1986», mais «nous ne pouvons pas laisser une pandémie ou un virus nous faire reculer d'une décennie», a quant à lui déclaré M. Shahid. Enfin, le Directeur général de l’OMS a indiqué qu’en plaçant les droits de l’homme au centre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, il est possible de diminuer les impacts des épidémies futures pour les personnes les plus vulnérables.
Ont ensuite pris part à la discussion les quatre panélistes ci-après : M. Vaqif Sadiqov, Représentant permanent de l’Azerbaïdjan après des Nations Unies à Genève ; Mme Isabelle Durant, Secrétaire générale adjointe de la CNUCED ; M. Carlos Correa, Directeur exécutif de l’organisation South Centre ; et Mme Maria Mercedes Rossi, représentante principale de l’Associazione Comunità Papa Giovanni XXIII et coordonnatrice du Groupe de travail sur le droit au développement du Forum des organisations non gouvernementales catholiques à Genève.
Suite à ces déclarations de nombreuses délégations* ont pris part à la discussion. L’importance de la coopération internationale pour la réalisation du droit au développement a maintes fois été soulignée. Plusieurs intervenants ont demandé que les vaccins soient considérés comme un bien commun de l’humanité.
Présentant le rapport du Groupe de travail sur l’utilisation des mercenaires, M. Chris Kwaja, Président-Rapporteur du Groupe, a déclaré que le rapport thématique met en évidence les répercussions dramatiques, pour la protection des droits des migrants, du recours généralisé aux entreprises militaires et de sécurité privées en appui aux politiques des États en matière d'immigration et de gestion des frontières. Les entreprises sont souvent directement responsables des violations des droits de l'homme des migrants, réfugiés et demandeurs d'asile, notamment dans les situations de privation de liberté, a-t-il souligné, plaidant pour une évaluation des pratiques de ces entreprises afin de s'assurer qu’elles ne prévalent pas sur les droits de l'homme et les principes humanitaires.
M. Kwaja a ensuite rendu compte de la visite effectuée en Suisse par le Groupe de travail en mai 2019, après quoi la Suisse a fait une déclaration en tant que pays concerné.
De nombreuses délégations** ont pris part au dialogue avec le Groupe de travail. L’attention s’est notamment portée sur la nécessité d’assurer l’obligation redditionnelle des entreprises militaires et de sécurité privées.
Présentant en fin de séance le rapport annuel du Mécanisme d’experts sur le droit au développement, qu’il préside, M. Bonny Ibhawoh a notamment indiqué que le Mécanisme avait décidé de préparer des études sur cinq thèmes principaux : opérationnalisation du droit au développement pour atteindre les Objectifs de développement durable ; racisme et droit au développement ; inégalités et droit au développement ; droit au développement et droit international des investissements ; et enfin une étude de cas sur la collaboration avec les acteurs non étatiques.
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil engagera son dialogue avec le Mécanisme d’experts, avant d’entamer son dialogue avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition.
Les séances de la quarante-quatrième session du Conseil sont retransmises sur le site UN Web TV .
Discussion biennale sur le droit au développement
Déclarations liminaires
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a déclaré qu’au-delà de l’urgence sanitaire, la COVID-19 était une crise humaine profonde. Quelque 2,2 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et à l’assainissement. Le coronavirus représente un risque pour tous mais les conséquences négatives ne sont pas réparties équitablement, a-t-elle souligné. Le monde souffre de plus en plus des répercussions socioéconomiques de cette pandémie – et plus particulièrement les minorités. Les femmes qui travaillent dans le secteur informel sont touchées de manière disproportionnée par les pertes d’emplois. Avec les changements climatiques, la pandémie représente une menace pour des générations, a insisté la Haute-Commissaire. Le Programme alimentaire mondial a prévenu qu’il y aurait des famines de proportions bibliques, a poursuivi Mme Bachelet. Pour la première fois depuis 1998, le monde constate une augmentation de la pauvreté. La COVID-19 a ébranlé le Programme de développement durable à l’horizon 2030 jusqu’à ses bases. La pandémie a mis à jour des injustices. Il faut combler les lacunes dans les systèmes de protection sociale et le monde doit défendre les principes universels des droits de l’homme avec la participation de tous, a déclaré la Haute-Commissaire.
La solidarité est au cœur même du droit au développement et il faut que chacun puisse participer à ce processus, a rappelé Mme Bachelet, insistant sur la nécessité d’une solidarité accrue avec les peuples vulnérables. Il faut aussi développer un leadership fort à tous les niveaux dans ce domaine, a-t-elle ajouté. Il faut également renforcer la coopération, notamment la coopération Sud-Sud. Tous les droits de l’homme doivent faire partie des programmes politiques et le droit au développement ne doit pas faire exception, a souligné la Haute-Commissaire. Il faut reconstruire mieux : il faut un nouveau contrat social et une nouvelle donne pour permettre une égalité des chances pour tous, comme l’a appelé le Secrétaire général des Nations Unies, a indiqué Mme Bachelet.
M. ABDULLA SHAHID, Ministre des relations extérieures des Maldives, a déclaré qu’il était « temps de repenser nos modèles de développement et de faire en sorte que la satisfaction des besoins des plus vulnérables soit le critère commun utilisé pour mesurer notre succès à reconstruire mieux ». Dans la « nouvelle normalité » qui marque les préparatifs de la reprise après la pandémie, il est essentiel de travailler ensemble pour développer des moyens nouveaux et innovants afin de relever les défis de l'allégement de la dette, de l'investissement et de la libération du potentiel créatif de nos économies, a indiqué le Ministre maldivien.
« Nous avons fait de nombreux progrès depuis l'adoption de la Déclaration sur le droit au développement en 1986. Nous ne pouvons pas laisser une pandémie ou un virus nous faire reculer d'une décennie », a insisté M. Shahid.
M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a lui aussi souligné que la pandémie a touché de manière disproportionnée les personnes vulnérables, notamment les familles à faible revenu. La pandémie a également eu des répercussions sur le chômage et l’accès aux soins de santé essentiels. La COVID-19 est une preuve que la santé n’est pas juste le produit du développement, mais aussi une condition de base pour la stabilité socioéconomique du monde, a-t-il fait observer. Une réaction commune est indispensable dans ce domaine, a-t-il poursuivi. En plaçant les droits de l’homme au centre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, il est possible de diminuer les impacts des épidémies futures pour les personnes les plus vulnérables, a-t-il indiqué.
L’OMS a déjà apporté des orientations pour les personnes les plus démunies afin de faire face à la COVID-19 et elle veut travailler avec tous pour faire face à cette pandémie et permettre à chacun d’avoir accès aux soins et aux vaccins, a conclu le Directeur général de l’Organisation.
Exposés des panélistes
Pour M. VAQIF SADIQOV, Représentant permanent de l’Azerbaïdjan après des Nations Unies à Genève , qui s’exprimait au nom du Mouvement des non-alignés, le thème de la présente discussion est opportun car la pandémie montre l'importance de la coopération internationale pour atténuer les effets de cette calamité sanitaire, qui suscite de nouvelles difficultés pour la réalisation du droit au développement. C’est à l'initiative du Mouvement des pays non alignés que les documents relatifs au droit au développement ont été adoptés et que des mécanismes adéquats ont été créés au sein des Nations Unies, a rappelé M. Sadiqov.
Le Représentant permanent de l’Azerbaïdjan a ajouté que les incidences négatives des mesures (coercitives) unilatérales aggravaient la situation difficile résultant de la COVID-19, en nuisant au bien-être des populations des pays touchés et en créant des obstacles à la pleine réalisation de leurs droits fondamentaux, y compris le droit au développement. Il est important d’assurer, pour tous et partout, un accès sûr aux médicaments liés à la COVID-19, a souligné M. Sadiqov. Le Mouvement des pays non alignés réitère sa conviction quant à l'importance de la coopération internationale pour la réalisation du droit au développement et pour l'atténuation des effets négatifs de la pandémie de COVID-19, a conclu M. Sadiqov.
Mme Isabelle Durant, Secrétaire générale adjointe de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) , a déclaré que la COVID-19 est un rappel brutal de notre vulnérabilité commune, en tant que nations et en tant que communauté mondiale. Le virus n’a pas affecté chacun de la même façon, a-t-elle rappelé. La CNUCED s’est mobilisée pour fournir des analyses, un soutien et des recommandations, ainsi que des outils pour les pays les plus affectés, a fait valoir la Secrétaire générale adjointe de la Conférence. Parlant de «tempête économique», Mme Durant a rappelé que l’économie mondiale devrait se rétracter de 4 à 5% en 2020. Sans croissance, il est peu probable que le développement s’épanouisse, a-t-elle souligné, faisant observer que l’Organisation internationale du Travail (OIT) prévoit la suppression de l’équivalent de 400 millions d’emplois à temps plein. L’indice de développement humain baissera également pour la première fois depuis 1990. Il y a aussi de grandes inégalités face aux conséquences de la COVID-19, notamment pour les femmes dont le risque d’être exposées à la perte d’emploi est disproportionné par rapport aux hommes.
Le commerce est un outil de redéploiement, a poursuivi Mme Durant. Il est un instrument qui à la fois est problématique et fait partie de la solution. Certains pays ont été touchés de plein fouet par les restrictions commerciales, notamment dans le secteur du tourisme, a rappelé Mme Durant, avant de plaider pour des solutions multilatérales face à cette crise sanitaire. La science et la technologie sont des moteurs pour le développement, mais ils sont aussi de grands facteurs d’inégalités, a déclaré la Secrétaire générale adjointe de la CNUCED, insistant sur la nécessité d’assurer l’accès aux vaccins pour tous. Il faut financer les réponses à la COVID-19, mais pour cela il faut des ressources ; or, il y aura un énorme déficit de financement de l’aide publique au développement, a indiqué Mme Durant. Les défis internationaux sont colossaux ; le monde a besoin de coopération internationale dans tous les domaines et la vulnérabilité est le défi que nous devons tous relever pour tracer un autre futur, a conclu Mme Durant.
M. CARLOS CORREA, Directeur exécutif de l’organisation South Centre, a rappelé que les États devraient créer des conditions nationales et internationales favorables à la réalisation du droit au développement, conformément l'article 3.1 de la Déclaration sur le droit au développement. Or, la crise de la COVID 19 révèle à cet égard des tendances extrêmement inquiétantes, a regretté M. Correa : il a cité les actions visant à affaiblir l'Organisation mondiale de la Santé ; le retour aux politiques isolationnistes comme le prétendu «nationalisme vaccinal» qui ignore la nécessité d'une solution mondiale à la pandémie basée sur la coopération et la solidarité ; et la persistance des mesures coercitives unilatérales.
M. Correa a aussi critiqué la pression exercée par les gouvernements qui, pour soutenir les grandes sociétés pharmaceutiques transnationales, plaident pour la monopolisation des brevets et autres droits de propriété intellectuelle relatifs aux médicaments et aux vaccins. Le principe devrait plutôt être, comme l'a dit le Secrétaire général des Nations Unies, de considérer ces technologies comme des biens publics mondiaux, a indiqué M. Correa.
Mme Maria Mercedes Rossi, Représentante principale de l’Associazione Comunità Papa Giovanni XXIII et coordonnatrice du Groupe de travail sur le droit au développement du Forum des organisations non gouvernementales catholiques à Genève , a déclaré que la COVID-19 a exposé le monde à toutes les contradictions de nos sociétés façonnées par les politiques néolibérales et le modèle de la mondialisation. La pandémie nous a également appris que toutes nos actions affectent les autres parce que tout est lié dans notre « maison commune ». Mme Rossi a expliqué que tout le monde n’était pas dans le même bateau face à la COVID-19 : nous sommes dans la même tempête, mais voyageant sur des bateaux différents, a-t-elle déclaré. La capacité à faire face à l’urgence et la capacité de résistance dépend par exemple du lieu de naissance, des revenus de la famille ou encore de l’accès à un logement et aux soins de santé. Ces inégalités structurelles ont été décisives pour déterminer des résultats très différents selon les sociétés et les pays. Les personnes les plus vulnérables subissent les plus graves conséquences humanitaires, économiques et sociales de cette pandémie, a insisté Mme Rossi.
Alors que l'humanité attend un vaccin capable de combattre la COVID-19, la communauté internationale pourrait s'engager en adoptant une autre sorte de « vaccin » qui vise culturellement, politiquement, légalement et économiquement à prévenir les menaces mondiales en supprimant les causes profondes des inégalités et des vulnérabilités. Ce « vaccin » consisterait à reconnaître le droit au développement comme légalement contraignant et reconnaître également la solidarité internationale comme un droit.
Débat
Plusieurs intervenants ont plaidé pour l’adoption d’un instrument international juridiquement contraignant sur le droit au développement. Ce droit ne sera pas effectif, en particulier dans les pays en développement, « si nous ne relevons pas le défi de la mobilisation suffisante des ressources et leur orientation vers ceux qui en ont le plus besoin », a-t-il été souligné. L’importance de la coopération internationale pour la réalisation du droit au développement a donc été soulignée. Une délégation a invité les partenaires du développement à aider les pays bénéficiaires de l’aide à atténuer les effets de la pandémie et, pour ce faire, a plaidé pour une réorientation des programmes et les fonds. Des allégements ou annulations de dettes ont également été préconisés.
Plaidant en faveur du renforcement de la coopération internationale pour relever les défis posés par la COVID-19, certains ont défendu l’adoption d’une stratégie unifiée pour minimiser les dégâts économiques de la pandémie – notamment face à l’effondrement du secteur du tourisme – et en atténuer les répercussions sur les acquis du développement.
Dans ce contexte, il a notamment été recommandé d’augmenter l’aide directe au financement du capital humain dans les domaines de l’éducation et de la santé. Plusieurs pays ont mis en avant l’aide financière qu’ils accordent ou ont accordée à des pays tiers pour mieux lutter contre la COVID-19 et ses conséquences.
Des intervenants ont insisté sur la nécessité de veiller à ce que tout le monde ait accès aux médicaments et aux vaccins contre le coronavirus. L’accès aux tests PCR et au traitement antiviral, l'approvisionnement en médicaments, la formation du personnel et les droits de propriété intellectuelle sur, entre autres, les valves de ventilateurs, devraient tous faire l'objet d'une plus grande attention, a demandé une organisation non gouvernementale (ONG). Il a aussi été mentionné que la compétition hâtive pour le développement de vaccins, si elle est appréciée des médias, peut aussi être un foyer de corruption. Plusieurs intervenants ont demandé que les vaccins soient considérés comme un bien commun de l’humanité.
Un intervenant a insisté sur l’importance des transferts de technologie des pays riches vers les pays en voie de développement. Une ONG a pour sa part insisté sur la nécessité de respecter le droit de tous les pays à choisir leur propre voie de développement.
*Liste des participants : Émirats arabes unis (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Burkina Faso (au nom du Groupe africain), Maldives (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Viet Nam (au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est), Qatar, Inde, Afghanistan, Sierra Leone, Mauritanie, Maroc, Cuba, iuventum e.V., Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies, Sikh Human Rights Group, Togo, Chine, Bahamas, Indonésie, Timor-Leste, Viet Nam, Arabie saoudite, Libye, Cabo Verde (au nom d’un groupe de pays), Éthiopie, Fédération de Russie, République démocratique populaire lao, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, Société chinoise d'étude des droits de l'homme et International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM).
Réponses et conclusions des panélistes
M. SADIQOV a remarqué que tous les intervenants avaient évoqué la nécessité de réaliser concrètement le droit au développement, surtout dans cette période difficile. Il a insisté sur l’importance de la coopération internationale pour atteindre cet objectif et sur la nécessité de se pencher sur la manière de mieux intégrer le droit au développement dans les activités des Nations Unies.
MME DURANT a recommandé que les acteurs de l’économie et du droit au développement se rencontrent plus souvent pour contribuer à l’effort multilatéral tant nécessaire évoqué par M. Sadiqov. Mme Durant a aussi pointé les inégalités très fortes entre les personnes bien connectées grâce aux technologies numériques et celles moins bien dotées à cet égard : il s’agit là d’un véritable enjeu du développement.
M. CORREA a appelé de ses vœux un effort concerté pour que les pays en voie de développement aient accès aux médicaments et aux vaccins sur un pied d’égalité avec les autres pays – ce qui n’est pas garanti à ce stade, a-t-il regretté. Il a également déploré que le droit au développement soit généralement ignoré dans les décisions de l’Organisation mondiale du commerce.
Enfin, MME ROSSI a illustré les effets concrets de la COVID-19 sur le droit au développement en indiquant que, selon une étude de l’Université Johns Hopkins, on pourrait enregistrer ces six prochains mois 1,2 million de décès supplémentaires d’enfants de moins de 5 ans en raison de la baisse du niveau des soins de santé de routine induite par la pandémie.
Dialogue avec le Groupe de travail sur l’utilisation des mercenaires
Présentation du rapport
Le Conseil était saisi du rapport du Groupe de travail sur la question de l'utilisation des mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ( A/HRC/45/9), présenté par M. Chris Kwaja, Président-Rapporteur du Groupe, et intitulé « Le recours aux services de sociétés militaires et de sécurité privées dans la gestion de l’immigration et des frontières et ses incidences sur la protection des droits de tous les migrants ». Une annexe ( Add.1) au rapport traite également de la visite effectuée par le Groupe de travail en Suisse en mai 2019.
M. CHRIS KWAJA, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la question de l'utilisation des mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes , a déclaré que le Groupe recevait des allégations spécifiques de violations du droit humanitaire international et de violations et d'abus du droit international des droits de l'homme découlant des activités de mercenaires et de sociétés militaires et de sécurité privées avec les gouvernements et les entreprises concernés, et qu’il prenait des mesures à cet égard, souvent en collaboration avec d'autres titulaires de mandats au titre des procédures spéciales.
Cette année, le rapport thématique met en évidence les répercussions dramatiques, pour la protection des droits des migrants, du recours généralisé aux entreprises militaires et de sécurité privée en appui aux politiques des États en matière d'immigration et de gestion des frontières. Les entreprises sont souvent directement responsables des violations des droits de l'homme des migrants, réfugiés et demandeurs d'asile, notamment dans les situations de privation de liberté. Dans d'autres cas, elles sont complices de violations perpétrées par d'autres acteurs, tels que les services d'immigration et les autorités frontalières, a ajouté M. Kwaja, plaidant pour une évaluation des pratiques de ces entreprises afin de s'assurer qu’elles ne prévalent pas sur les droits de l'homme et les principes humanitaires.
Les États devraient aussi procéder à des examens réguliers des technologies de pointe achetées à des entreprises pour la gestion de l'immigration et des frontières, afin d'évaluer leur conformité aux droits de l'homme, a poursuivi le Président-Rapporteur du Groupe de travail. Ils devraient également divulguer des informations sur les fonctions de détention et de contrôle sous-traitées à des entreprises, et renforcer les mécanismes nationaux de surveillance, a-t-il ajouté. Les États doivent enfin exiger des entreprises que les systèmes d’information qu'elles fournissent et gèrent soient régis par la loi et conformes aux normes internationales sur la protection des données et de la vie privée.
S’agissant de sa visite en Suisse, effectuée en mai 2019, le Groupe de travail a relevé avec satisfaction que le pays avait donné l'exemple de pratiques réglementaires solides en adoptant en 2013 la Loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger, a indiqué M. Kwaja. Mais le Groupe de travail a aussi constaté que le cadre réglementaire régissant ces mêmes services (prestations) opérant sur le territoire national est lacunaire. Si aucune violation grave des droits de l'homme par ces sociétés n'a été portée à son attention, le Groupe de travail invite cependant les autorités suisses à adopter un cadre réglementaire unifié afin de fixer des normes minimales pour les entreprises de sécurité privée, applicables dans tous les cantons de la Confédération.
En ce qui concerne les mercenaires, le Groupe de travail reconnaît que la Suisse a trouvé des moyens de réduire leurs activités et dispose d'un cadre juridique qui semble suffisant pour traiter les quelques cas qui sont portés à l'attention des autorités judiciaires, a conclu M. Kwaja.
Pays concerné
La Suisse a déclaré avoir pris bonne note du rapport du Groupe de travail et de ses recommandations. À cet égard, elle a souhaité montrer l’engagement du pays dans trois domaines mentionnés dans le rapport.
En premier lieu, la Suisse s’implique fortement sur le plan international pour que les entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) respectent le droit international humanitaire et les droits de l’homme, comme en témoigne son engagement en faveur du Document de Montreux et du Code de conduite international des entreprises privées de sécurité.
En second lieu, sur le plan national également, la Suisse a très tôt pris conscience des défis liés aux services de sécurité privés et a œuvré pour leur réglementation. Le Gouvernement suisse a décidé en 2010 de régler par une loi fédérale les prestations de sécurité fournies à l’étranger par des entreprises établies en Suisse.
En troisième lieu, la Suisse s'oppose fermement au mercenariat et à toute activité liée aux mercenaires. La Suisse est un État partie au Protocole additionnel I de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 – Protocole dont l’article 47 contient une définition des mercenaires.
La Suisse a par ailleurs tenu à souligner la différence entre combattants terroristes étrangers et mercenaires. Bien que la Suisse reconnaisse les inquiétudes du Groupe de travail à ce sujet, elle considère que la question du rapatriement des combattants terroristes étrangers dépasse le cadre du mandat du Groupe de travail.
Débat
Les États doivent être vigilants quand ils sous-traitent des fonctions de sécurité à des entreprises privées, ont insisté plusieurs délégations. Une délégation a affirmé que les missions de sécurité ne devraient pas être confiées à des sociétés privées – lesquelles devraient se cantonner à des missions de conseil et de consultance, a insisté un pays. Ces entreprises doivent être entièrement transparentes, ont souligné de nombreuses délégations. Il faut assurer la reddition de comptes de la part de ces entreprises en cas de violation des droits de l’homme, a-t-il également été souligné.
De nombreuses délégations ont en outre dénoncé le contrôle aux frontières effectué par des forces de sécurité privées, regrettant que les flux migratoires soient parfois pris en charge par des services de sécurité privée qui s’avèrent responsables de nombreuses violations des droits de l’homme.
Plusieurs délégations ont reconnu l’importance du Document de Montreux sur les entreprises militaires et de sécurité privées et du Code de conduite international des entreprises privées de sécurité, tout en indiquant que ces documents n’étaient pas suffisants pour vérifier les activités desdites entreprises. Les activités de ces sociétés doivent être strictement limitées et elles doivent pouvoir rendre des comptes, ont plaidé plusieurs délégations.
**Liste des intervenants : Union européenne, Cuba, Chine, Inde, Iran, Venezuela, Fédération de Russie, Iraq, Egypte, Tchad, Friends World Committee for Consultation, Institut international pour les droits et le développement, Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc, International Council Supporting Fair Trial and Human Rights, Alsalam Foundation, China Society for Human Rights Studies, The Next Century Foundation, Global Institute for Water, Environment and Health.
Réponses et conclusion du Groupe de travail
M. KWAJA a regretté que de nombreuses demandes de visite du Groupe de travail, notamment dans les régions les plus touchées par les activités de sécurité privées, restaient sans réponse de la part des pays visés par ces demandes. Il a en outre remercié le Conseil pour son soutien au Groupe de travail.
Dialogue avec le Mécanisme d’experts sur le droit au développement
Présentation du rapport
Le Conseil était saisi du rapport annuel du Mécanisme d’experts sur le droit au développement ( A/HRC/45/29).
M. BONNY IBHAWOH, Président du Mécanisme d’experts sur le droit au développement, a indiqué que le mandat du nouveau Mécanisme avait commencé le 1er mai 2020, avec pour mission « de rechercher, de recenser et de mettre en commun les meilleures pratiques entre les États Membres, […] de promouvoir la mise en œuvre du droit au développement dans le monde entier », et de fournir au Conseil des droits de l’homme des conseils à ce sujet. La première session du Mécanisme s’est tenue de manière virtuelle et a porté sur le mandat et les méthodes de travail, la collaboration avec les autres mécanismes des droits de l’homme et d’autres questions, a indiqué son Président. Les membres ont insisté sur la nécessité de donner un nouvel élan à la réalisation du droit au développement en identifiant les obstacles qui s’y opposent encore et de formuler des recommandations concrètes à cet égard, a-t-il précisé.
Le Mécanisme, a fait savoir son Président, a décidé de préparer des études sur cinq thèmes principaux : opérationnalisation du droit au développement pour atteindre les Objectifs de développement durable ; racisme et droit au développement ; inégalités et droit au développement ; droit au développement et droit international des investissements ; et enfin une étude de cas sur la collaboration avec les acteurs non étatiques.
HRC20.090F