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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTAME SON DÉBAT ANNUEL DE HAUT NIVEAU AVEC DES DIGNITAIRES DE LA BELGIQUE, DE LA LETTONIE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE LA FRANCE, DE LA POLOGNE, DE LA SUÈDE, DES PAYS-BAS, DE L’ARABIE SAOUDITE, DE L’ESPAGNE, DU KAZAKHSTAN ET DE L’IRAQ

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu, ce matin, une première séance dans le cadre du débat de haut niveau de sa session de 2020, qui doit se poursuivre jusqu'au mercredi matin, 26 février, en entendant des dignitaires de onze pays sous la présidence de l’Ambassadeur Carlos Mario Foradori de l’Argentine.

Ont pris la parole ce matin les Ministres des affaires étrangères de la Belgique, de la Lettonie, de la République de Corée, de la France, de la Pologne, de la Suède, des Pays-Bas, de l’Arabie saoudite, de l’Espagne, du Kazakhstan et de l’Iraq.


La Conférence du désarmement doit entendre cet après-midi, à partir de 15 heures, des hauts dignitaires de la Finlande, de l’Égypte, de Cuba, du Qatar, du Brésil, de l’Irlande, de l’Inde et du Bélarus.


Débat de haut niveau

M. PHILIPPE GOFFIN, Ministre des affaires étrangères et Ministre de la défense de la Belgique, a dit l’attachement de son pays au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui constitue la pierre angulaire de sa politique en matière d’armes nucléaires et représente un rempart irremplaçable face au risque de prolifération nucléaire. À l’occasion de la prochaine Conférence d’examen, il faut célébrer les succès que le TNP a apportés ces 50 dernières années. Tous les États partagent la responsabilité de faire en sorte que le Traité fonctionne et que l’objectif de l’article VI, en particulier, soit atteint.

M. Goffin a ensuite appelé la Fédération de Russie et les États-Unis à s’accorder sur la reconduction du traité de réduction des armes stratégiques nucléaires déployées (New Start) en 2021. Le Ministre belge des affaires étrangères s’est dit encore préoccupé par la disparition de l’Organisation pour l’interdiction des armes nucléaires Il a aussi appelé la Chine à assurer la transparence sur son programme nucléaire et sur les mesures qu’elle prend pour réduire le nombre et le rôle des armes nucléaires dans sa doctrine militaire. M. Goffin a par ailleurs appelé la Conférence du désarmement à lancer sans délai des négociations pour l’adoption d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes nucléaires ou d’autres explosifs nucléaires.

M. EDGARS RINKÇVIÈS, Ministre des affaires étrangères de la Lettonie, a rappelé que la Conférence avait négocié deux conventions marquantes sur les armes biologiques et sur les armes chimiques. Face au potentiel toujours plus dangereux des armes biologiques, la communauté internationale est toujours confrontée à un régime « moribond », manquant non seulement de financement mais aussi de volonté politique a déploré le ministre. M. Rinkçviès a appelé tous les États à remplir leurs obligations financières au titre de la Convention sur l'interdiction des armes biologiques.

Le ministre letton a aussi constaté que la Convention sur l'interdiction des armes chimiques avait été bafouée à plusieurs reprises ces derniers temps, notamment en Syrie, en Malaisie et au Royaume-Uni. Ce type de comportement risque, si rien n’est fait, de menacer gravement le régime mondial de non-prolifération et de désarmement, a mis en garde M. Rinkçviès. Il a salué le rôle joué par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et son équipe de vérification pour faire en sorte que ceux qui utilisent des armes chimiques rendent des comptes. Le Ministre a par ailleurs recommandé que la communauté internationale mette l’accent non seulement sur les armes de destruction massive mais aussi sur les armes conventionnelles, vu le nombre de personnes affectées tous les jours par ces armes.

MME KYUNG-WHA KANG, Ministre des affaires étrangères de la République de Corée, a relevé que le processus diplomatique autour de la dénucléarisation de la péninsule de Corée était enlisé depuis quelques mois, et regretté que la République populaire démocratique de Corée ne soit pas retournée à la table de négociation, malgré les efforts patients de la République de Corée en faveur du dialogue et de la coopération. Mme Kang a appelé de ses vœux une reprise rapide du dialogue entre les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée.

La Ministre des affaires étrangères de la République de Corée a assuré que son pays était « prêt à dialoguer avec le Nord » pour faciliter cette reprise, et qu’il avait lancé plusieurs projets intercoréens auxquels la République populaire démocratique de Corée a été invitée à participer. Mme Kang a précisé que la République de Corée respectera scrupuleusement le régime international de sanctions contre la République populaire démocratique de Corée. Elle a elle aussi insisté sur le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en tant que « pierre angulaire du régime mondial de désarmement et de non-prolifération » et estimé que les chances de succès de la Conférence du TNP seraient meilleures si la Conférence faisait des progrès vers un traité d’interdiction de la production de matières fissiles, par exemple.

M. JEAN-YVES LE DRIAN, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, a d’abord souligné qu’un désarmement responsable devait être un désarmement qui ait pour fin la sécurité collective et qui, ce faisant, prenne en compte les intérêts de sécurité de ceux qui le mettent effectivement en œuvre. Cela est particulièrement vrai du désarmement nucléaire, qui se construit peu à peu sur la base du principe de sécurité non diminuée pour tous. M. Le Drian a rappelé que son pays défendait à cet égard un agenda fondé sur trois piliers. D’abord, le respect strict de la norme centrale que constitue le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. La France est à cet égard très vigilante face aux risques de crise de prolifération. Elle poursuit ainsi ses efforts pour préserver l’Accord sur le nucléaire iranien et obtenir de l’Iran qu’il revienne en conformité avec cet accord.

Deuxième pilier de l’approche française : l’approfondissement du travail normatif de la Conférence du désarmement, avec, en particulier, la négociation à la Conférence d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles. M. Le Drian a rappelé que les membres de la Conférence avaient eu récemment l’occasion de visiter les installations de Pierrelatte et de Marcoule, démantelées de façon irréversible, ajoutant : « vous savez donc que la France a donné l’exemple ». Dernier pilier, le renforcement de la confiance et de la transparence sur les arsenaux et les doctrines et stratégies nucléaires des États dotés d’armes nucléaires. Le ministre français a enfin insisté sur l’importance de définir un nouvel agenda pour la maîtrise des armements, une démarche indispensable pour sauvegarder les instruments existants – comme le renouvellement du traité New Start – et pour doter la communauté internationale de nouveaux instruments suite à l’effondrement du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et du Traité sur les forces conventionnelles en Europe.

M. JACEK CZAPUTOWICZ, Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a jugé essentiel que le programme de travail de la Conférence reflète correctement le contexte sécuritaire international, y compris les progrès récents dans les technologies, qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle ou des « cybercapacités ». Il a par ailleurs regretté que le programme complet de désarmement ou de transparence dans les armements ait été délaissé depuis trop longtemps, et a mis en garde contre le risque que le programme de travail de la Conférence ne perde toute pertinence.

Le Ministre polonais a rappelé que son pays avait organisé en 2019, avec les États-Unis, un processus international, intitulé « processus de Varsovie », traitant d’enjeux transversaux relatifs à la paix et à la sécurité au Moyen-Orient, en particulier la non-prolifération des missiles. D’autre part, M. Czaputowicz a regretté que, d’après les derniers rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran ne respecte pas les dispositions de l’Accord sur le nucléaire iranien relatives à l’enrichissement de l’uranium et à ses stocks d’uranium. M. Czaputowicz a recommandé, par ailleurs, que la session annuelle de la Commission du désarmement de l’Organisation des Nations Unies soit réduite à une seule semaine qui serait consacrée au désarmement. Le Ministre a regretté que la Commission, conçue comme un incubateur d’idées neuves en matière de désarmement, n’ait produit aucune proposition de fond depuis des années.

MME ANN LINDE, Ministre des affaires étrangères de la Suède, a présenté l’« Initiative de Stockholm » qui rassemble seize États non dotés d’armes nucléaires et engagés pour renforcer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, avec un accent sur les questions de désarmement. L’Initiative se caractérise d’abord par la volonté des États concernés de trouver un terrain d’entente commun en vue de la réussite de la prochaine Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. L’Initiative ne cherche pas à remplacer d’autres démarches, mais à les compléter en construisant un soutien politique élargi en vue d’un désarmement « ambitieux mais réaliste », a dit Mme Linde. L’approche est fondamentalement axée sur l’identification de mesures applicables rapidement afin de mitiger les risques et d’ouvrir la voie vers de nouveaux progrès dans le domaine du désarmement.

La ministre suédoise a enfin insisté sur l’importance de surmonter la crise actuelle en matière de contrôle des armes stratégiques. Mme Linde a appelé les États-Unis et la Fédération de Russie à se mettre d’accord rapidement sur la prolongation du traité New Start, une démarche qui aurait notamment pour effet de créer un arrière-plan positif pour la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

M. STEF BLOK, Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, a relevé les nombreuses déceptions rencontrées dans le domaine du désarmement depuis quelques années, notamment l’incapacité de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 2015 d’adopter un plan d’action et un communiqué final, le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, ou encore l’abandon l’an dernier du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, suite à plusieurs violations par la Fédération de Russie. M. Blok a aussi mentionné le blocage du dialogue et des discussions et la dégradation préoccupante de la sécurité du monde. Dans un tel contexte, il est parfois nécessaire de faire un pas en arrière pour mieux aller de l’avant : c’est pourquoi les Pays-Bas ont proposé à la Conférence de revoir la manière d’organiser ses travaux en revenant aux fondamentaux.

M. Blok a aussi insisté sur l’importance de la prochaine Conférence d’examen du TNP. Il a recommandé que la communauté internationale exige des États dotés de l’arme nucléaire qu’ils prennent des mesures pour appliquer l’article VI du Traité. Cependant, cet article ne pourra lui-même être respecté sans l’application effective du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et sans l’adoption d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles, a souligné le ministre. Il a enfin recommandé un débat au sujet des nouvelles technologies, de leurs réelles implications et de la prévention de leur utilisation à mauvais escient. « Le désarmement nucléaire n’est pas un sprint mais un marathon », a conclu M. Blok.

M. FAISAL AL-SAOUD, Ministre des affaires étrangères de l’Arabie saoudite, a déclaré que son pays partageait la préoccupation de la communauté internationale au sujet de l’impasse dans laquelle se trouve la Conférence. Il a recommandé d’éviter les positions unilatérales qui empêchent de parvenir à des consensus sur les questions de sécurité. Il s’est également dit en faveur d’une augmentation du nombre des membres de la Conférence. L’Arabie saoudite a fait partie des premiers pays à rejoindre les initiatives internationales sur le désarmement nucléaire, a rappelé son ministre. Elle a rejoint l’Agence internationale de l’énergie atomique dès les années 1960 et a ratifié, depuis lors, le TNP. L’Arabie elle-même utilise l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.

Le ministre saoudien a fait part de la préoccupation de son pays face aux activités des groupes terroristes et milices financés par l’Iran, dont les actions menacent la sécurité de l’approvisionnement en pétrole. Il a par ailleurs dénoncé le ciblage de civils par les milices houthistes au Yémen. M. Al-Saoud s’est également dit préoccupé par le programme nucléaire iranien. Il a enfin invité à la communauté internationale à créer une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.

MME ARANCHA GONZÁLEZ LAYA, Ministre des affaires étrangères, de l'Union européenne et de la coopération de l’Espagne, a souligné que chacun devait être préoccupé par les questions de sécurité dans cette période convulsée et pleine d’incertitudes. D’une part, l’architecture de la non-prolifération et du désarmement que nous avons édifiée ces dernières décennies se trouve aujourd’hui soumise à des tensions et des révisions qui lancent un défi à la communauté internationale. La fin du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, la reprise de l’utilisation d’armes chimiques, les doutes sur la continuité du Traité Start III ou sur un traité ciels ouverts illustrent bien ces tensions qui, de l’avis de l’Espagne, ne contribuent pas à créer un climat de sécurité mondiale. En cette année 2020 pleine de doutes, il est d’autant plus important d’assurer la résilience d’une Conférence du désarmement où nous assumons ensemble la responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales. L’Espagne croit en un ordre international cimenté dans le droit international et le multilatéralisme. C’est pourquoi elle assume avec responsabilité ses engagements dans le cadre des instances de non-prolifération et de désarmement.

La Ministre espagnole a réitéré la ferme condamnation de son pays de toute utilisation des armes chimiques, quel qu’en soit l’auteur, le lieu ou la motivation et estime que la communauté internationale doit réagir fermement contre l’impunité dans ce domaine et appuie les travaux menés par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques face à cette menace. Elle a aussi salué la très grande contribution à la paix de l’Agence internationale de l’énergie atomique et de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Ainsi , en dépit des tâches qui restent à accomplir, il y a aussi eu des avancées, comme ce fut le cas, en novembre dernier, de la conférence sur la création d’un zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, une démarche qui a le plein soutien de l’Espagne.

M. MUKHTAR TLEUBERDI, Ministre des affaires étrangères de la République du Kazakhstan, a relevé que deux des trois traités fondamentaux de contrôle des armements auxquels son pays était partie avaient cessé d’exister : le Traité ABM sur l’interdiction des systèmes antimissiles et le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. D’autre part, les perspectives d’extension du traité START III de réduction des armes nucléaires étaient incertaines. « Tous ces faits nous ramènent des décennies en arrière », a mis en garde le ministre, rappelant le constat du Secrétaire général des Nations Unies que la menace nucléaire avait augmenté.

Le Ministre kazakh des affaires étrangères a estimé, dans ce contexte, que la conclusion d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles minimiserait les risques de développement de nouveaux programmes d’armements nucléaires ; améliorerait considérablement le contrôle sur les matières existantes et donc réduirait le risque de terrorisme nucléaire ; et servirait enfin de mesure de confiance. M. Tleuberdi a aussi évoqué l’action de son pays en vue de la création de zones exemptes d’armes nucléaires. Il a aussi

rappelé que son pays avait, voici vingt-cinq ans exactement, retiré les dernières ogives nucléaires de son territoire et détruit le dernier engin nucléaire explosif sur son site de Semipalatinsk – renonçant ainsi volontairement à un arsenal nucléaire qui était alors le quatrième au monde, a insisté le ministre.

M. MOHAMED ALI AL-HAKIM, Ministre des affaires étrangères de l’Iraq, a estimé que la question du désarmement proprement dit devait être la priorité de la Conférence. Le ministre a noté, dans ce contexte, que les progrès techniques risquaient d’exacerber la course aux armements nucléaires. Soulignant l’importance de l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, il a appelé les États qui doivent encore ratifier cet instrument à le faire. M. Al-Hakim a aussi plaidé pour l’ouverture de négociations sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles et pour l’universalisation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Il a aussi mis en garde contre le risque que constitue la militarisation de l’espace.

M. Al-Hakim a ensuite défendu la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient. Après la déception suite à l’échec de la Conférence d’examen du TNP en 2015, le ministre a recommandé de convoquer une nouvelle réunion sur le modèle de celle qui s’est tenue en novembre dernier au sujet de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et qui s’est soldée par des avancées positives. M. Al-Hakim a enfin demandé aux pays européens de poursuivre leurs efforts pour ramener à la table des négociations les parties concernées par l’Accord sur le nucléaire iranien.


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DC20.009F