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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT TIENT SA PREMIÈRE SÉANCE PLÉNIÈRE SOUS PRÉSIDENCE DE L’ARGENTINE

Compte rendu de séance
Dans sa recherche d’un programme de travail, la Conférence a déjà tenu environ 1600 heures de délibérations en 22 ans, est-il souligné

La Conférence du désarmement a tenu, cet après-midi, une séance plénière au cours de laquelle elle a entendu une allocution de son nouveau Président, l'Ambassadeur Carlos Mario Foradori de l’Argentine, qui assume la présidence de la Conférence jusqu’au 13 mars prochain. De nombreuses délégations se sont également exprimées, apportant en particulier leur soutien aux travaux de la présidence, coordonnés cette année entre les « P6 » (les six Présidents de la Conférence pour 2020).

Dans son intervention, M. Foradori, a notamment indiqué qu’environ 1600 heures avaient été consacrées aux délibérations au sein de la Conférence au cours des 22 dernières années. Il a indiqué que de l’avis des « P6 », « nous sommes très près de fournir une version amendée » du « paquet » [ensemble de documents soumis à la Conférence la semaine dernière] qui pourrait être acceptable pour tous. Il a ajouté avoir l’intention de présenter lundi prochain une version amendée du « paquet ».

M. Foradori a estimé que la Conférence manque d'un élément radical, un ingrédient essentiel, un élément vital, pour pouvoir à nouveau fonctionner : il s’agit du bon sens.

Cet après-midi, les délégations des pays suivants ont fait des déclarations : Royaume-Uni, Viet Nam, Algérie, Australie, Pérou, Autriche, Bélarus, Colombie, France, République populaire démocratique de Corée, Chili, Espagne, Etats-Unis, République de Corée, Brésil, Iran, Bulgarie, Mexique.


Lundi matin, à 10 heures, la Conférence entamera son débat de haut niveau, au cours duquel devraient s’exprimer, durant les trois premiers jours de la semaine, une trentaine de hauts dignitaires.


Aperçu des déclarations

Le Royaume-Uni a rendu compte des résultats de la neuvième conférence des « P5 » [les cinq États dotés de l’arme nucléaire et reconnus comme tels en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP)] qui s’est tenue à Londres les 12 et 13 février dernier afin de discuter des préparatifs de la Conférence d'examen du TNP qui se tiendra ce printemps. Au cours de cette conférence, a précisé la délégation britannique, les « P5 » ont chacun réaffirmé leur attachement au TNP en tant que fondement essentiel de la prévention de la prolifération des armes nucléaires, limitant ainsi le risque de confrontation nucléaire. Ils ont réitéré leur engagement à poursuivre leurs efforts individuels et collectifs pour respecter leurs obligations et faire progresser les buts et objectifs du TNP sous tous ses aspects.

Au cours d'un large débat, les « P5 » ont, lors cette conférence de Londres, procédé à un échange de vues sur la situation actuelle de l'environnement sécuritaire international et d'autres questions intéressant la Conférence d'examen, notamment les problèmes de prolifération en Iran et en République populaire démocratique de Corée, la création d’une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient, la vérification du désarmement nucléaire et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Ils ont également promis leur soutien total et continu à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et à son nouveau Directeur général, Rafael Mariano Grossi. Ils ont reconnu que l'AIEA joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre du TNP, à la fois pour promouvoir la coopération la plus complète possible sur les utilisations pacifiques de la technologie nucléaire et pour appliquer des garanties et vérifier que les programmes nucléaires sont entièrement pacifiques. Ils ont par ailleurs réitéré leur volonté de négocier un traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles (FMCT), sur la base du consensus et avec la participation de tous les pays concernés.

Le Viet Nam a déclaré que bien que la Conférence ne soit pas parvenue à un consensus sur le « paquet » de propositions [soumis la semaine dernière avant l’échéance de la présidence algérienne de la Conférence], les efforts inlassables de la présidence algérienne de la Conférence ainsi que de l’ensemble des « P6 » [les six Présidents de la Conférence pour 2020] ont permis d’établir une base très positive pour la Conférence à l’avenir. Cette année, avec la célébration du 75ème anniversaire de la création de l'ONU et du 50ème anniversaire du TNP et en vue de la prochaine Conférence d'examen du TNP qui se tiendra au printemps à New York, il convient de revenir en arrière afin de mieux avancer, a affirmé la délégation vietnamienne.

Depuis ses premiers jours, la Conférence du désarmement a joué un rôle exemplaire en édifiant les cadres fondamentaux du régime mondial de désarmement actuel, a-t-elle rappelé. La Conférence a clairement montré comment le multilatéralisme pouvait permettre aux nations de surmonter les divergences et de trouver des solutions pratiques et substantielles aux défis mondiaux. Par conséquent, le Viet Nam attend avec impatience de voir les travaux de cette instance se poursuivre dans l'intérêt de la paix et de la sécurité internationales. La coopération multilatérale a toujours occupé une place particulière dans la politique étrangère du Viet Nam. Maintenant, avec l'accession du Viet Nam au rang de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies pour 2020-2021 et sa présidence de l'ANASE pour 2020, le pays s’engage à faire de son mieux pour travailler avec les membres des Nations Unies et les différentes instances en vue d'atteindre les objectifs ultimes d'une paix et d'un développement durables.

M. CARLOS MARIO FORADORI, Ambassadeur de l’Argentine et Président de la Conférence, a déclaré qu’il avait l'intention de poursuivre le travail avec ses collègues du « P6 » pour assurer la reprise des travaux de fond au sein de la Conférence. Le « P6 » a estimé qu’il fallait plus de temps pour échanger les points de vue et explorer les voies à suivre sur la suite à donner au « paquet ». À ce stade, de l’avis du « P6 », nous sommes très près de fournir une version amendée du « paquet » qui pourrait être acceptable pour tous, a déclaré le Président de la Conférence.

M. Foradori a estimé que la Conférence manque d'un élément radical, un ingrédient essentiel, un élément vital, pour pouvoir à nouveau fonctionner : il s’agit du bon sens. Il a indiqué qu’environ 1600 heures avaient été consacrées aux délibérations au sein de la Conférence au cours des 22 dernières années – autant d’heures gaspillées à essayer de se mettre d'accord sur quelque chose qui devrait être très simple à réaliser et qui consiste à établir un programme de travail. M. Foradori a souligné qu’aujourd’hui, l'aspiration maximale de la Conférence est de convenir sur papier de la manière de travailler. Si le but de tous ces innombrables exercices [au sein de la Conférence] est de ne pas aboutir, il faut être assez courageux, honnête et déterminé pour expliquer ici, dans cette belle salle, que la Conférence ne fonctionne plus et qu’il faudra, évidemment par consensus, décider que la banque de la Conférence du désarmement est en faillite. Mais j’espère que le bon sens pourra prévaloir et j’ai donc l’intention de vous présenter lundi une version amendée du « paquet », a conclu l’Ambassadeur argentin.

L’Algérie a fait part de sa disponibilité à travailler avec la présidence argentine de la Conférence et avec l’ensemble des « P6 » afin de parvenir à un consensus autour d’un projet de programme de travail qui permette à la Conférence de retrouver son rôle.

L’Australie a remercié le Royaume-Uni pour son compte rendu de la réunion des « P5 » qui s’est tenue à Londres la semaine dernière. Elle a en outre salué le sens des responsabilités de la présidence argentine de la Conférence à l’égard du projet de programme de travail.

Le Pérou a déclaré que le « paquet » proposé par la présidence algérienne de la Conférence (la semaine dernière) établit un équilibre et représente aujourd’hui un espoir assez rare au sein de la Conférence. L’adoption du programme de travail serait un élément positif envoyé à la communauté internationale et permettrait à la Conférence de reprendre son mandat de négociation, a souligné la délégation péruvienne.

L’Autriche a dit partager l’appel au sens commun (bon sens) lancé par la présidence de la Conférence. Elle a ajouté qu’en tant que membre du « P6 », elle entendait veiller à maintenir l’esprit de coopération entre les présidences de la Conférence. L’Autriche a insisté sur la nécessité d’envoyer un message positif selon lequel la Conférence va fonctionner ; il faut rétablir la crédibilité de cette instance, a-t-elle insisté.

En tant que membre du « P6 », le Bélarus a apporté son appui au travail de la présidence argentine de la Conférence et a souligné que la coordination entre les « P6 » a d’ores et déjà porté ses fruits cette année.

La Colombie a remercié les « P6 » pour les efforts accomplis afin que soit adopté un paquet de document devant permettre d’engager les discussions sur le fond.

La France a souhaité tous les vœux de succès à la nouvelle présidence argentine de la Conférence et a souhaité la bienvenue à la nouvelle Ambassadrice du Viet Nam. Le paquet du « P6 » est une excellente base de travail, a ajouté la France, rappelant qu’elle était disposée à rallier le consensus sur ce paquet « à condition de s’en tenir à son économie générale », s’agissant notamment des mandats des organes subsidiaires qui sont contenus dans le calendrier.

La délégation française a ensuite rendu compte du discours prononcé le 7 février dernier par le Président Macron sur la stratégie de défense et de dissuasion du pays. Elle a expliqué qu’il s’agissait d’une pratique constante des chefs d’État français depuis 1958 mais que ce discours contenait une innovation : c’est un discours axé plus largement sur la stratégie de défense, qui replace l’outil de défense français dans le contexte d’un monde en profonde rupture, caractérisé par la remise en cause des équilibres politiques, stratégiques et économiques, par le retour des puissances au comportement décomplexé, par la déconstruction progressive de l’architecture internationale de sécurité et du multilatéralisme. Le Président a appelé de ses vœux une Europe qui soit force de proposition au service de la paix et de la refondation de l’ordre mondial. Il a lors de ce discours rappelé que les armes nucléaires doivent rester des instruments de dissuasion à des fins d’empêchement de la guerre. Il s’est aussi inquiété de la déconstruction de l’architecture de sécurité en Europe et du risque d’une reprise d’une course aux armements conventionnels, voire nucléaires, sur le sol européen. Enfin, le Président français a proposé une approche éthique de la dissuasion nucléaire française.

La République populaire démocratique de Corée a réagi à la déclaration du Royaume-Uni, qui – a-t-elle affirmé – a tenté de faire pression sur le pays, en rappelant que la position de la République populaire démocratique de Corée a déjà été présenté au sein de cette Conférence s’agissant de la dénucléarisation de la péninsule coréenne. La République populaire démocratique de Corée a par ailleurs fait part de sa volonté de coopérer avec la présidence de la Conférence aux fins de l’adoption d’un programme de travail.

Le Chili a apporté son soutien aux propos du Président de la Conférence. Il faut trouver un juste milieu et chacun doit faire des concessions pour aboutir à un accord sur le programme de travail. Le consensus permet d’assurer que les intérêts de chacun sont pris en compte. Si la Conférence n’arrive pas à un accord, il faut effectivement penser à reverser l’argent alloué à la Conférence à d’autres fins, comme par exemple soutenir des projets humanitaires, a affirmé la délégation chilienne.

Relevant que la Conférence a tenu 1600 heures de délibérations en 22 ans, comme l’a indiqué la présidence de cette instance cet après-midi, l’Espagne a souligné que la seule voie pour préserver la nature même de la Conférence est de trouver un accord sur le programme de travail afin de pouvoir entamer les négociations au plus tôt. L’Espagne s’est dite impressionnée par la coopération entre les « P6 », qui donne l’impression d’un véritable travail d’équipe. Si la Conférence souhaite véritablement avancer, il faut que le « paquet » qu’elle adoptera soit un véritable programme de travail qui mette fin à l’impasse dans laquelle se trouve cette instance, a ajouté l’Espagne.

Prenant eux aussi note d’un comptage qu’ils ont reconnu n’avoir jamais effectué – à savoir celui des 1600 heures de délibérations tenues par la Conférence en 22 ans pour tenter d’adopter un programme de travail –, les Etats-Unis ont affirmé qu’il était temps pour les membres de la Conférence de travailler, ou alors de rentrer chez eux. Les États-Unis sont convaincus qu’il faut faire preuve de bon sens et que le projet de programme de travail qui a été élaboré constitue le meilleur compromis auquel la Conférence peut parvenir ; c’est l’aspiration minimale que les délégations peuvent avoir, a affirmé la délégation.

La République de Corée a regretté que la Conférence ne soit pas parvenue à un accord s’agissant du projet de programme de travail proposé par la présidence algérienne. La République de Corée appuie l’approche proposée par la présidence argentine et souligne qu’il ne faut pas décevoir la communauté internationale alors que le monde va célébrer les 50 ans du TNP et que se tiendra au printemps une Conférence d’examen de ce Traité. Il faut avancer sur la voie du mandat qui est confié à la Conférence, a insisté la République de Corée.

Le Brésil a indiqué que son Ambassadeur auprès de la Conférence se trouvait actuellement à Rio pour participer à une conférence sur les armes autonomes non létales. Le Brésil a ensuite salué les efforts consentis sous la présidence algérienne de la Conférence. Le pays a également salué la preuve de transparence dont témoigne la présentation par le Royaume-Uni des résultats de la réunion des « P5 » tenue à Londres la semaine dernière.

La République islamique d'Iran a rappelé avoir toujours soutenu la Conférence et a insisté sur la nécessité de ne ménager aucun effort pour soutenir cette instance. Il faut adopter un programme de travail qui permette d’avancer dans la cause du désarmement nucléaire, a souligné la délégation iranienne. Il eut été bon que figurent à l’ordre du jour de la conférence des « P5 » tenue à Londres la résolution 2231 [ndlr : portant accord sur le nucléaire iranien] et le non-respect de cette résolution des Nations Unies – y compris par ceux qui ne l’ont pas respectée, indirectement, en cédant aux pressions –, a ajouté l’Iran.

La Bulgarie a estimé que la Conférence était proche d’un consensus. Il semble y avoir une crainte de franchir ce dernier pas, a-t-elle relevé, avant d’ajouter que si la Conférence n’arrive pas à faire ce dernier pas, cela reviendra à avouer qu’elle ne souhaite pas avancer et ne sait pas où elle veut aller.

Le Mexique a salué la pratique constituant à assurer une continuité entre les différentes présidences de la Conférence de cette année et a encouragé l’actuelle présidence argentine de cette instance à poursuivre l’excellent travail de la précédente présidence algérienne. Il faut mettre fin aux discussions stériles et prendre ses responsabilités si la « banque de la Conférence du désarmement » est en faillite, a ajouté le Mexique, reprenant les mots de la présidence de la Conférence.

Avant de clore la séance, le Président de la Conférence a indiqué qu’il allait poursuivre ses consultations et qu’il était ouvert à toute suggestion et à tout commentaire. Il a assuré de sa totale disponibilité dans ce contexte, y compris durant le week-end étant donné que les membres de la Conférence disposent de ses contacts téléphoniques. Il a ensuite rappelé que la Conférence tiendrait un débat de haut niveau la semaine prochaine.


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