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DÉBAT DE HAUT NIVEAU DE LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: INTERVENTIONS DE DIGNITAIRES DE LA CROATIE, DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE, DU ROYAUME-UNI, DE LA GRÈCE, DU JAPON, DE LA ROUMANIE, DE L'ESTONIE, DE L'IRAN

Compte rendu de séance

Dans le cadre de son débat annuel de haut niveau, la Conférence du désarmement a entendu, ce matin, les déclarations des Ministres des affaires étrangères de la Croatie, de la Fédération de Russie et de la Grèce.

Ont également pris la parole des Ministres adjoints aux affaires étrangères de la Roumanie, de l'Estonie et de l'Iran, ainsi que le Ministre d'État pour le Commonwealth et les Nations Unies du Royaume-Uni et la Vice-Ministre parlementaire aux affaires étrangères du Japon. Les Représentants permanents de la Malaisie et de l'Indonésie auprès de la Conférence ont également fait des déclarations.


La Conférence doit conclure son débat de haut niveau lors d'une séance qui se tiendra demain matin à partir de 9h45. Il est prévu que des dignitaires de la Slovénie, de l'Afrique du Sud et du Venezuela prendront la parole.


Débat de haut niveau

M. GORDAN GRLIĆ RADMAN, Ministre des affaires étrangères et européennes de la Croatie, a insisté sur le fait que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) restait le seul instrument complet destiné à parvenir au désarmement nucléaire tout en préservant les droits des États à utiliser l'énergie atomique à des fins pacifiques. Le ministre a condamné l'approche « à la carte » dans l'application du TNP, surtout dans le contexte d'une course aux armements. Il a souligné que si le TNP n'est pas un outil parfait, le monde serait, sans lui, moins stable et moins sûr. Le ministre a également regretté la tendance inquiétante de certains États à assouplir les restrictions sur l'utilisation des mines terrestres antipersonnel. La Croatie, qui met ses connaissances en déminage au service de tous les pays du monde, appelle les États à se conformer sans délai aux dispositions de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel, a dit M. Radman.

S'agissant des travaux de la Conférence, le ministre croate a regretté que Chypre, un État membre de l'Union européenne et des Nations Unies, se soit vu refuser le statut d'observateur, contrairement à la pratique établie. M. Radman a indiqué que son propre pays, la Croatie, déjà observateur à la Conférence, était prêt à en devenir membre.

M. SERGEY LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a regretté que les États-Unis aient tendance à imposer à la communauté internationale leurs propres règles au détriment du droit international. L'an passé, les États-Unis ont ainsi rejeté le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) – des essais de systèmes interdits ont commencé presque immédiatement après, obligeant la Fédération de Russie à déclarer qu'elle serait obligée d'agir de manière symétrique. La Fédération de Russie s'est néanmoins engagée à ne pas déployer d'armes illégales au titre du FNI tant qu'il n'y aura pas de production américaine similaire, a précisé M. Lavrov. La Fédération de Russie demande aux États-Unis de déclarer le même moratoire, dont le respect de part et d'autre serait contrôlé par un régime de vérification tel qu'elle le propose.

M. Lavrov a rappelé que le président russe avait proposé aux États-Unis de ratifier un nouvel accord START de réduction des armes stratégiques, sans conditions préalables. Il s'est par ailleurs inquiété de la baisse du seuil d'engagement des armes nucléaires dans la doctrine militaire des États-Unis, une démarche qui doit se lire en parallèle avec le refus des États-Unis de ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et la possibilité que ce pays s'est réservée de placer des armes nucléaires sur le territoire de pays alliés. Le ministre russe a par ailleurs souligné l'importance pour la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires d'aboutir à un renforcement du régime de non-prolifération.

S'agissant de l'accord sur le nucléaire iranien, M. Lavrov a regretté que ce succès de la diplomatie multilatérale s'effondre aujourd'hui à cause du retrait des États-Unis et de l'incapacité des Européens à s'acquitter de leurs obligations. M. Lavrov a enfin déploré le comportement destructeur des États-Unis pendant la session de la Conférence du désarmement en 2019 et à la Première Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies.

LORD AHMAD OF WIMBLEDON, Ministre d'État pour le Commonwealth et les Nations Unies du Royaume-Uni, a indiqué que son pays adoptait une approche pragmatique, par étapes, du désarmement nucléaire. À cet égard, il a rappelé que le Royaume-Uni avait déjà réduit son stock d'ogives nucléaires au niveau le plus bas possible et compatible avec le maintien d'une force de dissuasion crédible, et qu'il appliquait un moratoire sur les essais nucléaires et sur la production de matières fissiles. En outre, depuis plus de vingt ans, les armes nucléaires du Royaume-Uni ne visent plus aucune cible en particulier, a fait valoir Lord Ahmad. Le Ministre d'État a ajouté que le Royaume-Uni donnait l'assurance qu'il n'utiliserait pas, ni ne menacerait d'utiliser, d'armes nucléaires contre un autre État partie au TNP, non doté de telles armes et respectueux de ses propres obligations en matière de non-prolifération.

Le ministre britannique a fait part de sa préoccupation devant le fait que, depuis quelques années, l'interdiction d'utiliser des armes chimiques soit remise en question : ces armes ont en effet récemment tué ou mutilé des hommes, des femmes et des enfants au Royaume-Uni, en Iraq, en Malaisie et, à de nombreuses reprises et avec des effets dévastateurs, en Syrie, a déploré Lord Ahmad. Il a rappelé à ce propos que, lors de la dernière Conférence des États parties à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, les annexes de la Convention avaient été mises à jour pour y intégrer deux classes d'agents innervants novichok en réaction à l'attaque à Salisbury, au Royaume-Uni, en 2018. La communauté internationale ne doit pas tolérer l'utilisation d'armes chimiques, en aucune circonstance, a conclu le ministre d'État.

M. NIKOLAOS-GEORGIOS DENDIAS, Ministre des affaires étrangères de la Grèce, a relevé que la préservation et l'universalisation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de ses trois piliers [non-prolifération, désarmement et utilisation civile de l'énergie nucléaire, Ndlr] étaient au cœur de l'architecture mondiale de la non-prolifération et du désarmement. La prochaine conférence d'examen du TNP devra aborder ce « triptyque du TNP » d'une manière équilibrée, a recommandé le ministre grec. Il a estimé que seule une telle approche équilibrée et globale pourrait faire avancer la communauté internationale vers un monde sans armes nucléaires. « Le TNP est la pierre angulaire de l'architecture mondiale de non-prolifération et de désarmement et doit le rester », a insisté M. Dendias.

S'agissant des travaux de la Conférence, la Grèce estime que la priorité doit être accordée à une négociation autour d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, parallèlement à la ratification universelle du traité d'interdiction complète des essais nucléaires. La complémentarité de ces deux instruments ne peut que renforcer le TNP, a souligné M. Dendias. Le ministre a enfin plaidé pour un élargissement du nombre des membres de la Conférence du désarmement.

MME ASAKO OMI, Vice-Ministre parlementaire aux affaires étrangères du Japon, a indiqué que, parallèlement au désarmement nucléaire, la communauté internationale devrait collaborer dans le domaine de la non-prolifération nucléaire. Le Japon soutient toujours le processus engagé par les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée. Il réaffirme son engagement fort en faveur d'un démantèlement complet, irréversible et vérifiable des armes de destruction massive et des missiles balistiques de la République populaire démocratique de Corée, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité – résolutions que le Japon appelle tous les pays à appliquer pleinement.

Mme Omi a également rappelé l'attachement du Japon à l'éducation en tant qu'outil pour susciter une meilleure compréhension des conséquences humanitaires de l'utilisation d'armes nucléaires. Elle a insisté enfin sur la nécessité pour tous les États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires d'en appliquer toutes les dispositions, en particulier l'article VI (sur la négociation sur la cessation de la course aux armements nucléaires et sur un traité de désarmement général et complet). S'agissant des travaux de la Conférence, le Japon plaide, notamment, pour l'ouverture immédiate de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles et pour une discussion sur les nouvelles technologies.

M. CORNEL FERUŢĂ, Ministre adjoint aux affaires étrangères de la Roumanie, a estimé que la communauté internationale devrait saluer le cinquantième anniversaire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et les remarquables succès remportés par cet instrument. C'est pourquoi la Roumanie considère que la prochaine Conférence d'examen du TNP offre une excellente occasion pour les États parties de renouveler leur engagement envers le TNP en tant que pierre angulaire du régime de non-prolifération ; fondation du désarmement nucléaire; et élément important de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.

Le Ministre adjoint a ajouté que, dans un contexte marqué par un climat sécuritaire difficile, il était nécessaire de trouver des approches créatives et constructives. M. Feruta a salué à cet égard l'initiative des États-Unis intitulée Creating en Environment for Nuclear Disarmament (créer un environnement pour le désarmement nucléaire). Seule une approche basée sur une analyse réaliste de l'environnement stratégique, renonçant aux attentes idéalistes qui sapent la crédibilité du TNP, peut nous aider à améliorer les conditions de la sécurité internationale et nous faire avancer vers le désarmement nucléaire, a insisté le représentant roumain.

M. ERKI KODAR, Ministre adjoint aux affaires étrangères de l'Estonie, a fait part de sa préoccupation face à la prolifération des missiles balistiques, en particulier des missiles vecteurs d'armes nucléaires. L'Estonie estime, à cet égard, que le régime de contrôle de la technologie des missiles et le Code de conduite de La Haye jouent un rôle important contre la prolifération des missiles balistiques. L'Estonie appelle, d'autre part, tous les pays à ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires – en particulier les pays mentionnés dans l'annexe II du traité.

M. Kodar a par ailleurs souligné l'enjeu crucial que représente la cybersécurité pour la paix et la sécurité internationales ; les nouvelles menaces dans ce domaine exigent de trouver un nouveau consensus international. L'Estonie plaide en faveur de la création d'un cadre stratégique pour la prévention des conflits et pour la stabilité dans le cyberespace, ainsi que de l'application de normes régissant le comportement responsable des États dans ce domaine. S'agissant des travaux de la Conférence, l'Estonie regrette que le statut d'observateur ait été refusé à Chypre, a dit M. Kodar.

M. MOHSEN BAHARVAND, Ministre adjoint des affaires étrangères de la République islamique d'Iran, a déclaré que le déploiement de nouvelles ogives nucléaires de faible puissance par les États-Unis avait non seulement renforcé le rôle de ces armes dans leur doctrine militaire, en violation du TNP, mais aussi rendu plus vraisemblables le recours aux armes nucléaires ainsi qu'une guerre nucléaire. M. Baharvand a également relevé que les États-Unis avaient conduit, ces derniers jours, un exercice pour déterminer comment ces nouvelles armes pourraient être utilisées contre la Russie : le Ministre adjoint a condamné des « actions provocantes » qui se font au détriment de la sécurité collective.

M. Baharvand a ensuite évoqué le Plan d'action global commun (PAGC - ou JCPoA selon le sigle anglais). Il a relevé que cet instrument avait été élaboré pour lever toute préoccupation, réelle ou feinte, au sujet du caractère pacifique du programme nucléaire iranien. Le respect scrupuleux de cet accord par l'Iran a été confirmé à 17 reprises par l'Agence internationale de l'énergie atomique, a rappelé M. Baharvand. Il a estimé que le retrait des États-Unis de cet accord, en rupture des obligations de ce pays et au mépris d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, était également un exemple flagrant d'une atteinte au multilatéralisme. Le Ministre adjoint s'est étonné que les États-Unis reprochent à l'Iran de ne pas respecter le JCPoA. Pour conclure, M. Baharvand a assuré que, contrairement à l'Arabie saoudite, l'Iran n'avait aucune part dans l'agression contre le Yémen, avec son cortège de morts parmi les civils.

M. AHMAD FAISAL MUHAMMAD, Représentant permanent de la Malaisie auprès des Nations Unies à Genève, a assuré la Conférence de l'engagement sans faille de son pays pour la paix et la sécurité internationales, de même que pour le désarmement et la non-prolifération. La Malaisie appelle de ses vœux un monde libéré, en particulier, des armes nucléaires. L'existence des armes nucléaires représentant une menace grave pour l'humanité, la Malaisie a signé en 2017 le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, qu'elle s'emploie maintenant à ratifier.

S'agissant des travaux de la Conférence, la Malaisie estime que, pour aller de l'avant, tous les États membres devraient faire preuve d'une forte volonté politique et d'une disposition au compromis et à la souplesse. Il a regretté que le consensus qui avait présidé à la création des organes subsidiaires en 2018 n'ait pu se retrouver en 2019.

M. ANDREANO ERWIN, Représentant permanent adjoint de l'Indonésie auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que, pour son pays, il était d'abord nécessaire de renforcer l'architecture mondiale du désarmement nucléaire. Pour ce faire, l'Indonésie recommande de faire du désarmement nucléaire la plus haute priorité et d'entamer sans tarder des négociations sur le traité d'interdiction des armes nucléaires.

La deuxième priorité pour l'Indonésie concerne les garanties négatives de sécurité, en tant qu'élément déterminant d'un processus multilatéral de réduction progressive des armes nucléaires. En troisième lieu, l'Indonésie s'engage pour un traité équilibré d'interdiction de la production de matières fissiles, répondant aux préoccupations des États dotés et non dotés d'armes nucléaires. Enfin, l'Indonésie appelle les membres de la Conférence à agir collectivement contre la menace potentielle que représente la militarisation du cyberespace et de l'espace extra-atmosphérique.


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DC20.011F