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LE SORT DES RESSORTISSANTS BELGES PARTIS COMBATTRE À L’ÉTRANGER, L’INTERDICTION DU PORT DU VOILE DANS L’ESPACE PUBLIC, LA MONTÉE DES PARTIS NATIONALISTES ET D’EXTRÊME DROITE ET LES VIOLENCES POLICIÈRES SONT AU CŒUR DE L’EXAMEN DU RAPPORT DE LA BELGIQUE PAR LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Compte rendu de séance
Le pays est félicité pour ses efforts en matière de lutte contre la traite de personnes et contre les discriminations

S’ils ont félicité la Belgique pour avoir mis en place cette année une institution nationale des droits de l'homme et pour les efforts réels voire considérables qu’elle a déployés en matière de lutte contre les discriminations et contre la traite des êtres humains, les membres du Comité des droits de l'homme ont néanmoins fait part de nombreuses préoccupations lors de leur examen, hier après-midi et ce matin, du rapport soumis par le pays au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Les experts se sont en particulier inquiétés du sort des ressortissants belges partis combattre à l’étranger et des proches les ayant accompagnés; des questions soulevées par l’interdiction du port du voile dans l’espace public; de la montée des partis nationalistes et d’extrême droite dans le pays; ou encore des violences policières.

Une experte a évoqué la répression d’une manifestation du mouvement « Extinction Rébellion » ayant entraîné l’arrestation de 300 personnes, le 12 octobre dernier à Bruxelles. Un autre membre du Comité a fait état d’informations selon lesquelles des migrants et réfugiés en transit en Belgique seraient victimes de violences policières. Compte tenu des effets dangereux de ces armes, le Comité s’est dit préoccupé que les tasers soient toujours utilisés en Belgique.

Les violences policières commises contre les migrants, ou contre toute autre personne, sont illégales si elles dépassent les limites fixées strictement par la loi, a pour sa part rappelé la délégation, avant d’ajouter qu’il n’est pas envisagé de renoncer totalement au taser, dont l’utilisation reste néanmoins limitée.

Un expert a, pour sa part, expliqué que certaines associations de la société civile s’inquiétaient du caractère par trop large de la définition du terrorisme dans le droit belge. La loi sur les écoutes semble aussi poser problème, a-t-il ajouté. Ce même expert s’est en outre enquis du sort des Belges partis combattre à l’étranger, relevant que selon certaines informations, les consulats belges ne les aideraient pas. D’autres questions posées par les experts du Comité à la délégation belge ont porté sur le rapatriement des épouses et enfants de ces combattants belges partis en Syrie ou en Iraq.

La Belgique a prévu une peine de prison en cas de récidive pour les femmes qui portent le voile intégral en public, a par ailleurs fait observer un membre du Comité. Tout en affirmant être conscient de la volonté des autorités belges de limiter le port de signes religieux pour préserver un espace de « vivre ensemble », un expert a néanmoins mis en garde contre le risque de marginalisation et de discrimination déguisée que cette mesure peut entraîner. Il y a encore en Belgique dans divers domaines des faits de discriminations à l’encontre de certaines personnes, notamment à l’encontre des femmes qui portent le hijab, a insisté un expert.
Un expert a relevé la montée des partis nationalistes et des partis d’extrême droite dans le pays à l’occasion des dernières élections et a souligné qu’il y avait là un danger pour la protection des droits de l’homme. Il a par ailleurs fait observer que le dispositif législatif existant ne permet pas d’endiguer les discours de haine, car ceux-ci sont en fait très largement diffusés sur Internet.

Un autre expert s’est inquiété du taux élevé de violences sexuelles dans le pays.

Rappelant que l’incarcération de malades mentaux en Belgique avait déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, un membre du Comité a recommandé à la Belgique d’interdire les quartiers psychiatriques dans les prisons. Sur ce point, la délégation belge a indiqué que les personnes qui font l’objet d’une mesure d’internement seront renvoyés vers des structures de soins plus adaptées mais que les annexes continueront d’être utilisées pour les détenus non internés mais dont l’état de santé mentale le justifie.

Le Comité a en outre indiqué être saisi d’informations selon lesquelles la surpopulation carcérale persiste en Belgique, ce à quoi la délégation a répondu que ce problème connait une évolution positive depuis plusieurs années, sous l’effet notamment d’une amélioration des procédures entre la Justice et l’Office des étrangers concernant les détenus en séjour illégal et qui doivent quitter le territoire de la Belgique.

En tant que chef de la délégation belge, M. Geert Muylle, Représentant permanent de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé l’importance que son pays attache à la protection et à la promotion des droits de l’homme.

Présentant quant à lui le rapport de son pays, M. Daniel Flore, Directeur général à la Direction générale Législation, libertés et droits fondamentaux du Service public fédéral Justice de la Belgique, a rappelé qu’en avril dernier, la Belgique avait adopté une loi portant création d’un Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains – première étape vers la création d’une institution nationale répondant aux Principes de Paris.

À l’heure actuelle, la lutte contre le terrorisme est un point d’attention important pour la Belgique, a poursuivi M. Flore. Depuis les attentats du 24 mai 2014 et du 26 mars 2016 à Bruxelles, a-t-il précisé, la lutte contre le terrorisme a été renforcée par plusieurs nouvelles mesures législatives, ainsi que par l’instauration d’une banque de données commune destinée à coordonner les informations sur l’extrémisme violent.

M. Flore a en outre expliqué que l’attention de la délégation belge avait été attirée sur des témoignages faisant état de recours excessif à la force par la police au cours de retours forcés (renvois d’étrangers); les cas rapportés devant le Comité n’ayant malheureusement pas fait l’objet d’une plainte officielle, ils n’ont pas fait l’objet d’enquête, a-t-il expliqué.

La lutte contre la discrimination retient également toute l’attention de la Belgique, a poursuivi M. Flore, avant de faire état du plan d’action interfédéral de lutte contre la discrimination et la violence à l’égard des personnes LGBTI 2018-2019 et des nombreuses initiatives prises pour améliorer l’effectivité des lois anti-discrimination et lutter plus efficacement contre les discriminations au travail et dans l’emploi.

Outre MM. Muylle et Flore, la délégation belge était également composée, entre autres, de représentants des Services publics fédéraux Justice et Intérieur, de la Mission permanente de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, de la police fédérale belge, ainsi que de la Communauté française, la Région Wallonne et le Gouvernement flamand.

Les observations finales du Comité sur le rapport de la Belgique seront rendues publiques à l'issue de la session, le 8 novembre prochain.


Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Mexique.


Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/BEL/6), qui contient les réponses du pays à la liste de point à traiter que lui avait adressée le Comité.

M. GEERT MUYLLE, Représentant permanent de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève et chef de la délégation belge, a rappelé l’importance que son pays attache à la protection et à la promotion des droits de l’homme. La Belgique a toujours apporté son soutien aux mécanismes conventionnels des Nations Unies, qui sont au cœur du cadre global des droits de l’homme, a-t-il souligné.

En tant que membre du Groupe d’amis sur le renforcement des organes de traités, la Belgique accorde une grande importance au fonctionnement efficace desdits organes et soutient activement la mise en œuvre de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, a ajouté M. Muylle.

M. DANIEL FLORE, Directeur général à la Direction générale Législation, libertés et droits fondamentaux du Service public fédéral Justice de la Belgique et chef adjoint de la délégation, a fait valoir que les membres de la société civile avaient été consultés en vue du présent examen du rapport de la Belgique. En avril 2019, la Belgique a adopté une loi portant création d’un Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains, a-t-il souligné. Cet institut permettra d’assurer une couverture totale et transversale des droits fondamentaux au niveau fédéral, notamment en suivant la mise en œuvre des obligations internationales des autorités belges. La création d’un tel Institut est une première étape vers la création d’une institution nationale répondant aux Principes de Paris, a-t-il ajouté.

À l’heure actuelle, la lutte contre le terrorisme est un point d’attention important pour la Belgique, a poursuivi M. Flore. Depuis les attentats du 24 mai 2014 et du 26 mars 2016 à Bruxelles, la lutte contre le terrorisme a été renforcée par plusieurs nouvelles mesures législatives, ainsi que par l’instauration d’une banque de données commune destinée à coordonner les informations sur l’extrémisme violent, y compris le terrorisme, et par la création de plates-formes de coordination et de suivi des entités terroristes.

S’agissant de la lutte contre les violences basées sur le genre, M. Flore a expliqué que la loi du 5 mai 2019 favorise et facilite le recours à l’interdiction temporaire de résidence (de l’auteur) en cas de violence domestique. D’autre part, des moyens supplémentaires ont été dégagés pour financer de manière permanente de nouveaux centres de prise en charge des (victimes de) violences sexuelles.

En matière pénitentiaire, M. Flore a notamment évoqué le transfert des soins de santé de la Justice vers la Santé et la loi votée par le Parlement fédéral qui instaure un service garanti en cas de grève dans une ou plusieurs prisons.

En mai 2019, une nouvelle loi a été promulguée en vue de garantir la transparence du fonctionnement des services publics, notamment de l’Office des étrangers, a en outre fait valoir M. Flore.

Le chef adjoint de la délégation a par ailleurs déclaré que le placement en rétention d’un demandeur de protection internationale n’est pas systématique et qu’au contraire, il se fait uniquement lorsque trois critères sont réunis: lorsque la rétention se justifie sur la base d’un examen individuel de son dossier, lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite, et lorsqu’aucune autre mesure moins coercitive ne peut efficacement être appliquée.

M. Flore a ensuite expliqué que l’attention de la délégation belge avait été attirée sur des témoignages faisant état de recours excessif à la force par la police au cours de retours forcés (renvois d’étrangers), comme cela a été évoqué par la société civile dans un rapport parallèle. Les cas rapportés devant le Comité n’ayant malheureusement pas fait l’objet d’une plainte officielle, ils n’ont pas fait l’objet d’enquête, a expliqué le chef adjoint de la délégation.

La lutte contre la discrimination retient également toute l’attention de la Belgique, a poursuivi M. Flore. Le plan d’action interfédéral de lutte contre la discrimination et la violence à l’égard des personnes LGBTI 2018-2019, lancé en mai 2018, reprend 22 objectifs et 115 mesures répartis de manière transversale sur plusieurs domaines politiques et devant être mis en place tant au niveau des entités fédérées qu’au niveau fédéral.

Enfin, M. Flore a déclaré que de nombreuses initiatives avaient été prises pour améliorer l’effectivité des lois anti-discrimination et lutter plus efficacement contre les discriminations au travail et dans l’emploi.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte s’est réjouie que la Belgique ait opté pour la procédure simplifiée de remise de rapport, en répondant à une liste de questions préalablement soumises par le Comité. Elle a demandé si les tribunaux belges pouvaient appliquer directement les dispositions du Pacte et a souhaité connaître les raisons pour lesquelles la Belgique maintient ses réserves à l’égard de certaines dispositions du Pacte.

Une autre experte a félicité la Belgique pour avoir mis en place cette année une institution nationale des droits de l’homme; comme l’indique la loi adoptée à cette fin, cette institution doit combler les lacunes en matière des droits de l’homme. Aussi, l’experte s’est-elle enquise des mesures prises ces derniers mois pour donner effet à la mise en place de cette institution et de la manière dont celle-ci va articuler son travail avec les trois autres institutions de droits de l’homme du pays, qui ont chacune leur mandat. Elle a demandé si la nouvelle institution nationale des droits de l'homme allait pouvoir traiter des plaintes de particuliers dans des domaines qui ne sont pas couverts par d’autres institutions.

L’experte a ensuite souhaité connaître les résultats d’une enquête nationale sur les discriminations à l’encontre des personnes LGBTI. Elle a demandé ce qu’a fait la Belgique pour protéger les personnes intersexes. Soulignant par ailleurs qu’il y avait toujours d’importants écarts salariaux entre les hommes et les femmes, elle s’est enquise des nouvelles mesures prises pour parvenir à l’égalité dans ce domaine.

Un expert a expliqué que certaines associations de la société civile s’inquiétaient du caractère par trop large de la définition du terrorisme dans le droit belge. La loi sur les écoutes semble aussi poser problème, a-t-il ajouté, avant de s’enquérir des garde-fous mis en place pour garantir les libertés individuelles et la vie privée des citoyens.

Ce même expert a en outre souhaité avoir plus d’informations sur la pratique du retrait du passeport. Il s’est également enquis du sort des Belges partis combattre à l’étranger, relevant que selon certaines informations, les consulats belges ne les aideraient pas. Il a souhaité savoir ce qu’il en était du rapatriement des femmes et des enfants belges de combattants.

S’agissant du port de signes religieux dans l’espace public, la Belgique a prévu une peine de prison en cas de récidive pour les femmes qui portent le voile intégral en public, a poursuivi l’expert, avant de demander comment cette loi était appliquée et si des peines de prison avaient déjà été prononcées par les tribunaux en application de cette loi.

L’expert a en outre souhaité savoir comment était appliquée la loi qui prévoit l’allocation de ressources en fonction de la connaissance d’une langue locale.

Un expert a relevé l’existence d’une circulaire fédérale uniformisant la politique de recherche et de poursuite en matière de négationnisme, de discriminations et de délits de haine, et a fait observer que la loi du 14 janvier 2013 permet d’augmenter non plus le minimum des peines, mais aussi le maximum pour des faits de violence avec mobile discriminatoire. Tout ceci montre un effort réel dans le domaine de la lutte contre les discriminations, s’est réjoui l’expert. Néanmoins, certains rapports en provenance de diverses institutions tendraient à montrer que ces lois manquent d’effectivité, a-t-il fait observer.

L’expert a en outre relevé la montée des partis nationalistes et des partis d’extrême droite dans le pays à l’occasion des dernières élections et a souligné qu’il y avait là un danger pour la protection des droits de l’homme. Il a ajouté qu’il y avait encore dans divers domaines des faits de discriminations à l’encontre de certaines personnes, notamment à l’encontre des femmes qui portent le hijab.

L’expert a par ailleurs fait observer que le dispositif législatif existant ne permet pas d’endiguer les discours de haine, car ceux-ci sont en fait très largement diffusés sur Internet.

Un autre expert s’est inquiété du taux élevé de violences sexuelles dans le pays et s’est enquis de ce qui a été fait pour que ces violences soient dénoncées. Il a en outre souhaité connaître le nombre de centres d’accueil pouvant accueillir les victimes de ce type de violences en Belgique.

S’agissant de la lutte contre le terrorisme, un expert a demandé quelle définition était donnée des prédicateurs de haine répertoriés dans les banques de données créées après 2016. D’autres questions ont porté sur le rapatriement des épouses et enfants de combattants belges partis en Syrie.

Un expert a dit être conscient de la volonté des autorités belges de limiter le port de signes religieux pour préserver un espace de « vivre ensemble ». Il a néanmoins mis en garde contre le risque de marginalisation et de discrimination déguisée que cette mesure peut entraîner.

Un expert a recommandé à la Belgique d’interdire les quartiers psychiatriques dans les prisons.

Un autre membre du Comité a voulu savoir si la Belgique entendait ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, qui prévoit la création, au niveau national, d’un mécanisme de prévention de la torture et, partant, de surveillance des prisons.

D’autre part, une experte a regretté que le rapport ne fournisse pas d’informations statistiques sur le taux d’occupation des prisons, alors que le Comité est saisi d’informations selon lesquelles la surpopulation carcérale persiste en Belgique.

Des questions ont porté sur les conditions du renvoi de personnes vers le Soudan, un expert soulevant à ce propos l’importance de respecter le principe de non-refoulement. Il a été recommandé à la Belgique de mettre un terme à la pratique des ordonnances de renvoi.

Un expert a mis en garde contre le risque de détention de familles de migrants avec enfants en Belgique. Il a par ailleurs demandé comment l’État belge entendait gérer la présence de nombreux migrants dans les parcs publics, comme le parc Maximilien à Bruxelles.

Un expert a fait état d’informations selon lesquelles des migrants et réfugiés en transit en Belgique seraient victimes de violences policières. Après avoir relevé que la fragmentation du système judiciaire empêche d’avoir une vision globale des plaintes déposées pour de tels faits, l’expert a rappelé que des recommandations avaient déjà été faites à la Belgique afin qu’elle renforce les mécanismes de contrôle de la police, notamment le Comité permanent de contrôle des services de renseignements.

S’agissant des garanties procédurales, un expert a relevé que les étrangers en situation de séjour irrégulier en Belgique ne disposent pas d’un avocat pendant leur détention dans les commissariats. Il a dit craindre, plus généralement, que les personnes les plus précaires soient découragées de saisir la justice belge.

Compte tenu des effets dangereux de ces armes, le Comité est en outre préoccupé par le fait que les tasers sont toujours utilisés en Belgique.

Une experte a salué les efforts considérables déployés par la Belgique pour lutter contre la traite et la servitude des êtres humains. Elle a souhaité en savoir davantage sur la prise en charge des mineurs victimes de la traite.

Une experte a évoqué la répression d’une manifestation du mouvement « Extinction Rébellion » ayant entraîné l’arrestation de 300 personnes, le 12 octobre dernier à Bruxelles.

D’autres questions ont porté sur les mesures prises en Belgique pour éradiquer les mariages précoces et les mutilations génitales féminines; sur le statut des apatrides en Belgique; ou encore sur l’effet des grèves de gardiens de prison sur les conditions de vie des détenus.

Réponses de la délégation

La délégation belge a expliqué qu’il n’existe pas de procédures spécifiques pour répondre aux constatations du Comité (c’est-à-dire aux conclusions que le Comité adopte à l’issue de l’examen d’une plainte individuelle soumise en vertu du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte). La Belgique n’a été condamnée qu’une seule fois suite à l’examen d’une plainte individuelle transmise au Comité, a rappelé la délégation, avant de faire valoir que la réponse du pays dans ce contexte s’est concrétisée par l’octroi en octobre 2011 d’une indemnisation aux personnes concernées.

La délégation a ensuite indiqué que de nombreux organismes en Belgique ont pour mission de protéger et promouvoir les droits de l’homme dans le pays. Elle a rappelé que le Parlement fédéral avait adopté en avril dernier la loi portant création de l’Institut fédéral des droits humains, lequel couvre l’ensemble des droits humains au niveau fédéral pour toutes les matières qui ne sont pas traitées par d’autres organes existants. La délégation a précisé que le travail de cet Institut sera basé sur la coopération avec ces organes.

La délégation a par ailleurs souligné que la loi sur le terrorisme avait été modifiée en 2019 afin d’instaurer une échelle de degrés de participation à des activités terroristes, avec des peines différenciées selon les degrés de participation.

S’agissant des victimes de terrorisme, des modifications législatives importantes ont été introduites au début de cette année, qui ont changé profondément le système d’octroi de réparations. Sont ainsi prévues l’installation d’une division terrorisme au sein du Comité d’indemnisation des victimes et, partant, une procédure accélérée de réparation pour les victimes de terrorisme. La division terrorisme peut octroyer une aide aux proches des victimes décédées et en vie. Toutes les victimes ont été informées des changements législatifs dans ce domaine, a précisé la délégation.

Des sections spéciales ont été créées au sein des prisons pour la détention des détenus prédicateurs ou qui peuvent avoir une influence néfaste sur les autres détenus. Dans ces sections, il n’y a pas d’isolement mais seulement un régime de détention différent du régime commun, a ajouté la délégation.

La notion de « prédicateur de haine » telle que reprise, à des fins préventives, dans la base de données de lutte contre le terrorisme est plus large que la définition utilisée à des fins pénales, a ensuite précisé la délégation. L’action pénale se fait en dehors du cadre de la base de données mentionnée, a-t-elle ajouté.

La délégation a fait état de l’existence d’une série de garde-fous dans le cadre des mesures prises pour lutter contre le terrorisme. Par exemple, les procédures d’écoutes sont très encadrées et font l’objet d’une évaluation permanente, a-t-elle indiqué. Il existe aussi des garanties concernant la banque de données des passagers aériens, dont la liste est effacée après une période de cinq ans, a-t-elle ajouté. Les perquisitions (dans le cadre de la lutte antiterroriste) sont, quant à elle, soumises à l’octroi d’un mandat de perquisition.

S’agissant du rapatriement des ressortissants belges partis combattre à l’étranger, la délégation a rappelé la position de la Belgique, qui estime qu’il est préférable que ces personnes soient jugées là où l’infraction a été commise, à condition que leurs droits fondamentaux soient respectés et qu’elles n’encourent pas la peine capitale. Néanmoins, le Conseil national de sécurité belge est en train de réévaluer cette position au vu des changements de la situation dans la région, a indiqué la délégation.

Indépendamment de l’évolution actuelle de la situation sur le terrain, la position du Gouvernement belge est d’autoriser le rapatriement en Belgique des mineurs de moins de 10 ans se trouvant en Syrie et en Iraq, a par la suite précisé la délégation. Des évaluations au cas par cas sont faites pour les jeunes âgés de 10 à 18 ans, a-t-elle poursuivi. Six rapatriements ont été réalisés à ce jour depuis la Syrie, dont ceux de cinq jeunes de moins de 10 ans, a indiqué la délégation.

La délégation a ensuite expliqué que les textes de loi antidiscriminatoires sont en cours d’étude pour permettre de lutter de manière plus efficace contre les discriminations. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation ont été menées contre la transphobie et contre le racisme et différents plans d’action ont été adoptés dans différentes régions du pays contre le racisme et la discrimination.

En Belgique, il faut pouvoir être identifiable dans tout l’espace public, a poursuivi la délégation, avant de préciser que seule est interdite la dissimulation totale du visage et d’expliquer que cette restriction n’est pas disproportionnée puisqu’elle vise à préserver les conditions du vivre ensemble. La société démocratique ne peut bien fonctionner qu’à visage découvert, a insisté la délégation. L’objectif n’est pas tant d’assurer la sécurité publique ou l’égalité entre hommes et femmes que de faire le choix social de privilégier une base minimum de contact visuel indépendamment du genre, de l’origine ou de la conviction. La sanction en cas de non-respect de cette interdiction de dissimulation totale du visage – à savoir une amende – est très légère, a précisé la délégation. La médiation reste la mesure la plus adéquate dans ce domaine, a-t-elle ajouté, rappelant par la suite que les autorités municipales ont la faculté, plutôt que d’infliger des amendes, d’ordonner des mesures de réparation ou d’apaisement des conflits. L’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public n’a pas pour objectif de stigmatiser les personnes concernées, a insisté la délégation.

En l’état actuel, la Constitution belge prévoit que c’est la Cour d’assise qui est compétente pour les délits de presse, a d’autre part indiqué la délégation, avant de faire savoir que cette disposition constitutionnelle figure sur la liste de celles qui doivent être révisées. Cela pourra donc être fait lors de la prochaine législature, afin d’introduire des exceptions de manière à correctionnaliser certains délits de presse.

La délégation a ensuite expliqué que les exigences linguistiques dans le domaine des logements sociaux ont changé en Flandre: les bénéficiaires de logements et loyers sociaux doivent aujourd’hui avoir un minimum de connaissance du néerlandais afin d’attester d’un minimum d’intégration. Les personnes concernées ont une année pour arriver au niveau minimum de connaissance linguistique requis par la loi. Au 27 septembre 2019, il n’y avait pas encore eu d’amendes résultant de cette loi, a précisé la délégation.

La délégation a attiré l’attention sur les campagnes de sensibilisation qui ont été menées en faveur de l’égalité entre les sexes, notamment pour pousser les hommes à prendre eux aussi leur congé parental. Des campagnes ont également été menées contre la discrimination liée à la grossesse dans l’emploi.

La délégation a fait valoir que la Belgique a les écarts salariaux entre hommes et femmes parmi les plus faibles d’Europe. Elle a également fait valoir que la loi prévoyait l’obligation que chacun des deux sexes soit représenté à hauteur d’au moins un tiers des postes dans les conseils d’administration des entreprises. Pour l’heure, il n’y a pas encore eu de sanctions dans ce domaine, a-t-elle ajouté.

La délégation a ensuite reconnu qu’il était toujours difficile pour les femmes de dénoncer les violences sexuelles et a précisé que quelque 930 victimes avaient été accueillies l’an dernier par les centres pour victimes de violence sexuelle. Des campagnes sont menées afin d’inciter les victimes à porter plainte, a en outre souligné la délégation.

L’étude sur les mutilations génitales féminines visant à mesurer la prévalence de ces pratiques a été mise à jour en 2019: plus de 25 000 femmes résidant en Belgique ont subi ou sont à risque de subir une excision, dont 9000 mineures, a indiqué la délégation.

En revanche, aucune étude nationale n’existe concernant les mariages forcés; mais les données récoltées en milieu scolaire ou communautaire montrent que ce problème existe en Belgique, même s’il est difficile de disposer de chiffres fiables dans ce domaine, a par ailleurs souligné la délégation.

Contre ces deux derniers phénomènes, le Gouvernement belge a, depuis 2018, publié un protocole de signalement destiné aux médecins; il a d’autre part diffusé un outil d’identification et de réaction à l’intention des officiers d’état civil à travers tout le pays.

La délégation a indiqué qu’une clarification de la définition de la torture était prévue dans le cadre d’une réforme du Code pénal, le Parlement devant en être saisi cet après-midi même. Il n’a jamais été question d’admettre devant les tribunaux belges des preuves obtenues par la torture, a en outre fait valoir la délégation.

Quant au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, sa ratification (par la Belgique) attend la création, au préalable, du mécanisme de prévention et de vérification tel que prévu par cet instrument – une création qui doit répondre aux exigences légales nationales, a expliqué la délégation. Une première analyse des nombreux mécanismes indépendants qui existent déjà en Belgique a été faite, a-t-elle ajouté.

En l’état actuel des choses, les personnes condamnées souffrant de troubles de santé mentale exécutent leur peine en milieu pénitentiaire, a indiqué la délégation. L’objectif est d’utiliser principalement les annexes psychiatriques pour ces personnes, a-t-elle souligné, assurant que la prise en charge des personnes internées est différente. En résumé, a dit la délégation, interdire les annexes psychiatriques en milieu carcéral n’est pas à l’ordre du jour.

Le problème de la surpopulation carcérale en Belgique connait une évolution positive depuis plusieurs années, sous l’effet notamment d’une amélioration des procédures entre la Justice et l’Office des étrangers concernant les détenus en séjour illégal et qui doivent quitter le territoire de la Belgique, a poursuivi la délégation.

La détention d’une personne en demande de protection internationale ne se fait que si d’autres mesures, moins coercitives, ne sont pas possibles, a précisé la délégation. Le placement en centre fermé de familles avec enfants mineurs se fait dans des « maisons familiales » adaptées aux besoins des jeunes, y compris pour ce qui est de la possibilité de recevoir un enseignement.

Plusieurs garanties sont en place pour éviter qu’une mesure d’éloignement ne bafoue le principe de non-refoulement et il n’y a plus eu d’éloignement vers le Soudan depuis 2018, a d’autre part indiqué la délégation, avant d’ajouter par ailleurs qu’une évaluation du risque avait montré que les personnes renvoyées ne courent toujours pas un risque systématique ou réel en cas de retour au Soudan.

La délégation a par ailleurs indiqué que la Cour constitutionnelle avait annulé l’augmentation, demandée par le Gouvernement, du coût de l’aide juridique. Le but des autorités est, quoi qu’il en soit, de cibler l’aide juridique sur les personnes qui en ont le plus besoin, compte tenu du budget disponible, a assuré la délégation.

S’agissant de la surveillance des activités de la police, le « Comité P » qui en a la charge est composé de membres indépendants des services de police, a rappelé la délégation.

Les violences policières commises contre les migrants, ou contre toute autre personne, sont illégales si elles dépassent les limites fixées strictement par la loi, a d’autre part indiqué la délégation. Les interventions policières doivent aussi respecter le cadre général des droits de l’homme et les obligations internationales de la Belgique dans ce domaine, a-t-elle rappelé, avant de préciser que le « Comité P » déjà mentionné envisage de rédiger un manuel complet relatif à l’action policière face aux migrants – de la fouille de camions aux conditions de détention.

La délégation a ensuite souligné que les services de police belges doivent être identifiables en tout temps, pour autant qu’ils soient en mission: le modèle retenu est celui d’une identification indirecte, par biais d’un code connu, a-t-elle précisé.

Un policier n’a pas le droit de contrôler l’identité d’une personne qui le filmerait: le problème réside juste dans la diffusion ultérieure, sans son consentement, des images le concernant, a par ailleurs expliqué la délégation.
En Belgique, l’utilisation du taser est limitée, a assuré la délégation. Il n’est pas envisagé de renoncer totalement à cette arme, engagée en dernier recours et par certains services uniquement, a-t-elle ajouté. La position du Gouvernement est basée sur l’examen de plus de 300 études internationales concernant les risques cardiovasculaires liés au taser, a-t-elle précisé.

Répondant aux questions sur la traite des êtres humains, la délégation a fait état de l’existence dans le pays d’au moins un centre spécialisé dans l’accueil des victimes mineures. Depuis cette année, les victimes bénéficient d’une clause légale de non-sanction, a ajouté la délégation.

Remarques de conclusion

M. MUYLLE a indiqué que sa délégation ferait parvenir par écrit des réponses complémentaires aux questions soulevées par les membres du Comité. Il a assuré que le dialogue avec le Comité confortait la Belgique dans sa conviction concernant l’importance des organes de traités et la nécessité d’améliorer leur fonctionnement.

Mme Tania María ABDO ROCHOLL, Vice-Présidente du Comité, a recommandé que la Belgique envisage de retirer les réserves et déclarations interprétatives qu’elle maintient à l’égard de certaines dispositions du Pacte. Elle a mentionné les questions principales posées par le Comité pendant le dialogue, évoquant notamment le rapatriement des enfants de combattants belges partis en Iraq et en Syrie; la proportionnalité dans l’action de l’État; et l’alignement de la définition de la torture sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Mme Abdo Rocholl a jugé positive l’action de la Belgique en matière de lutte contre la traite des personnes.


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CCPR19.27F