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LA CONFÉRENCE TIENT UNE DISCUSSION SUR LA PRÉVENTION DE LA GUERRE NUCLÉAIRE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu, ce matin, une discussion sur le point 2 de son ordre du jour, consacré à la « prévention de la guerre nucléaire, y compris toutes les questions qui y sont liées ».

La Conférence a entendu dans ce cadre les exposés de quatre panélistes: MM. Omar Zniber, Robert Jan Gabriëlse et Yann Hwang – Ambassadeurs, respectivement, du Maroc, des Pays-Bas et de la France – et M. Wilfrid Wan, de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR).

Ce dernier a exposé le travail mené par l’UNIDIR s’agissant de la réduction des risques nucléaires en soulignant que le risque existera aussi longtemps que les armes nucléaires existeront et qu’il est donc nécessaire de se débarrasser de ces armes. M. Wan a ensuite indiqué qu’en juin dernier, l’Institut a publié un cadre de réduction de risque nucléaire qui identifie quatre trajectoires: utilisation doctrinaire (de l’arme nucléaire) ; utilisation en escalade, dans le cadre d’un conflit ; utilisation non autorisée, notamment par des acteurs non étatiques ou des Etats parias ; et enfin, utilisation accidentelle.

M. Zniber a, pour sa part, dit partager l’avis de ceux qui croient qu’il ne pourrait y avoir aucun gagnant en cas de guerre nucléaire, ajoutant que la possession des armes nucléaires ne constitue pas une garantie de sécurité. De surcroît, cette prétendue garantie ne peut qu’encourager le risque de prolifération nucléaire et donc le risque de guerre nucléaire, a-t-il souligné. Une action visant à réduire les risques pourrait constituer un terrain d’entente et être le point de départ du dialogue entre les Etats, a-t-il indiqué.

Un autre facteur – et non des moindres – pour prévenir une guerre nucléaire consiste à mettre en place un instrument juridiquement contraignant d’interdiction de la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes nucléaires et autres dispositifs explosifs nucléaires, a rappelé M. Zniber.

M. Gabriëlse a, quant à lui, rappelé que l’an dernier, l’organe subsidiaire n°2 (créé par la Conférence sur la question de la prévention de la guerre nucléaire) s’était notamment penché sur la question de l’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire et que les débats en la matière s’étaient articulés, en particulier, autour des questions liées à la définition, à la portée, à la vérification et aux arrangements institutionnels. Les divergences, lors de ces débats, étaient très marquées en ce qui concerne la question de la portée du traité, certaines délégations souhaitant qu’il ne porte que sur l’interdiction de la production future de matières fissiles, alors que d’autres souhaitaient que le traité porte non seulement sur la production future mais aussi sur les stocks passés, a-t-il précisé.

Conformément à la recommandation du Groupe préparatoire d’experts de haut niveau sur un « FMCT », M. Gabriëlse a préconisé qu’un travail supplémentaire soit entrepris au sein de la Conférence sur la question des matières fissiles, ce qui permettrait notamment de renforcer la confiance.

Pour sa part, l’Ambassadeur de la France a souligné que son pays était le seul État doté d’armes nucléaires à avoir définitivement démantelé ses installations de production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. Il a partagé l’expérience de la France en la matière, s’agissant plus particulièrement des sites de Pierrelatte et de Marcoule. Ainsi, la France maintient-elle son arsenal au plus bas niveau possible, compatible avec le contexte stratégique, en application du principe de stricte suffisance et elle n’a jamais participé à la course aux armements, a déclaré M. Hwang. L’un des meilleurs moyens de s’assurer de l’irréversibilité de l’arrêt de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires consiste à démanteler les installations concernées: c’est la voie que la France a choisie, a-t-il insisté. Le désarmement nucléaire ne pourra pas faire l’économie d’un « FMCT », a conclu M. Hwang.

Les délégations des pays suivants ont ensuite pris part au débat: États-Unis, Finlande (au nom de l’Union européenne et d’autres pays), Canada, Australie, Bélarus, Pakistan, Allemagne, Chine, Royaume-Uni, Japon, République de Corée, Inde, Égypte, Mexique.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi 13 août, à 15 heures, pour se pencher sur le document de travail soumis par les Pays-Bas, intitulé « Revenir aux fondamentaux », proposé au sujet du programme de travail pour la Conférence.


Débat sur la prévention de la guerre nucléaire

Présentations des panélistes

M. OMAR ZNIBER, Ambassadeur du Maroc, a jugé le débat de ce matin utile pour « approfondir notre compréhension d’un thème de grande importance » et pour « ne pas perdre les acquis des travaux réalisés en 2018 dans le cadre de l’organe subsidiaire n°2 créé par la Conférence (sur la question de la prévention de la guerre nucléaire). Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, l’humanité doit faire face à une menace sans précédent dans son existence, du fait de l’accumulation massive et compétitive d’engins nucléaires. Les arsenaux existants, s’ils étaient, par malheur et irresponsabilité, employés dans une guerre majeure, pourraient réduire à néant l’humanité entière.

« C’est pourquoi nous partageons l’avis de ceux qui croient qu’il ne pourrait y avoir aucun gagnant en cas de guerre nucléaire », a indiqué M. Zniber, avant d’ajouter que la possession des armes nucléaires – et toutes les armes de destruction massive – ne constituent pas une garantie de sécurité. De surcroît, cette prétendue garantie ne pourra être revendiquée par d’autres pays et, en réalité, elle ne peut qu’encourager le risque de prolifération nucléaire et donc le risque de guerre nucléaire.

Malgré leurs degrés différents de maturité, la prévention de la guerre nucléaire ne peut pas être dissociée des autres questions figurant à l’ordre du jour de la Conférence, a expliqué M. Zniber, avant d’indiquer que « le désarmement nucléaire doit rester la priorité absolue de la Conférence ». Soulignant ne pas avoir à l’esprit de faire l’apologie du traité sur l’interdiction des armes nucléaires de 2017, l’Ambassadeur du Maroc a fait observer que cet instrument était aussi l’expression d’un sentiment croissant de frustration face au non-respect des principaux engagements de désarmement nucléaire, notamment eux souscrits au titre de l’article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Dans ce contexte, une action visant à réduire les risques pourrait constituer un terrain d’entente et être le point de départ du dialogue entre les Etats ayant cautionné ce processus et ceux qui ne sont pas encore prêts à soutenir cet effort, a-t-il indiqué. La réduction des risques est une position intermédiaire que les Etats détenteurs d’armes nucléaires et leurs alliés peuvent adopter en attendant que soient satisfaites les obligations de désarmement nucléaire.

L’Initiative globale de lutte contre le terrorisme nucléaire et le Sommet sur la sécurité nucléaire sont des exemples édifiants qui pourraient nous inspirer, a poursuivi M. Zniber. Sur un autre registre, la création de nouvelles zones exemptes d’armes nucléaires constituerait une autre mesure importante qui pourrait contribuer concrètement au renforcement de la confiance et de la transparence tout en facilitant la réalisation de notre objectif ultime d’un monde exempt d’armes nucléaires, a-t-il ajouté, réitérant l’importance de la création d’une telle zone au Moyen-Orient.

Un autre facteur – et non des moindres – pour prévenir une guerre nucléaire consiste à mettre en place un instrument juridiquement contraignant d’interdiction de la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes nucléaires et autres dispositifs explosifs nucléaires, a rappelé M. Zniber, avant d’affirmer que le projet de traité « FMCT » soumis par la France en avril 2015 pourrait constituer une contribution utile et une bonne base de travail.

En outre, la négociation et la conclusion au sein de la Conférence d’un instrument universel juridiquement contraignant et inconditionnel sur les garanties de sécurité pour les Etats non dotés d’armes nucléaires est un élément fondamental pour compléter d’autres mesures visant à réduire l’importance des armes nucléaires dans les doctrines de sécurité et à améliorer le climat international propice à la promotion du désarmement nucléaire et la prévention d’une guerre nucléaire. D’autre part, l’entrée en vigueur et l’universalisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires demeure indispensable pour sa contribution à prévenir une guerre nucléaire, a ajouté l’Ambassadeur du Maroc. Relève également de l’urgence l’obligation de prévenir une course aux armements dans l’espace, a-t-il souligné.

Il est urgent, pour la Conférence, d’adopter un programme de travail, a conclu M. Zniber, indiquant que le Maroc était disposé à se joindre au consensus sur le projet de programme de travail soumis par la présidence actuelle de la Conférence.

M. ROBERT JAN GABRIËLSE, Ambassadeur des Pays-Bas, a rappelé que l’an dernier, l’organe subsidiaire n°2 s’était notamment penché sur la question de l’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire et que les débats en la matière s’étaient articulés, en particulier, autour des questions liées à la définition, à la portée, à la vérification et aux arrangements institutionnels.

Les divergences, lors de ces débats, étaient très marquées en ce qui concerne la question de la portée du traité, certaines délégations souhaitant qu’il ne porte que sur l’interdiction de la production future de matières fissiles, alors que d’autres souhaitaient que le traité porte non seulement sur la production future mais aussi sur les stocks passés, a précisé l’Ambassadeur des Pays-Bas. Quant à la vérification, la question se posait notamment de savoir quels Etats devaient faire l’objet de vérification (alors que de nombreux Etats ont déjà des installations soumises aux garanties de vérification en vertu de leurs obligations juridiques, en particulier au titre du TNP) et quel organe devait être chargé de la vérification.

Les débats au sein de l’organe subsidiaire n°2 ont également porté sur la réduction des risques nucléaires, a ajouté M. Gabriëlse, avant de rappeler que la résolution 73/65 de l’Assemblée générale des Nations Unies exhortait la Conférence à examiner pleinement le rapport de consensus adopté par le Groupe préparatoire d’experts de haut niveau sur un « FMCT ». Conformément à la recommandation de ce Groupe d’experts, M. Gabriëlse a préconisé qu’un travail supplémentaire soit entrepris au sein de la Conférence sur la question des matières fissiles, ce qui permettrait notamment de renforcer la confiance. Aussi, l’Ambassadeur des Pays-Bas a-t-il plaidé pour qu’un organe subsidiaire ou un groupe de travail soit créé l’an prochain au sein de la Conférence pour se pencher spécifiquement sur la question des matières fissiles.

M. YANN HWANG, Ambassadeur de la France, a évoqué un sujet prioritaire pour son pays, à savoir celui du « FMCT » (ndlr: traité cut-off d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire). La France est le seul État doté d’armes nucléaires à avoir définitivement démantelé ses installations de production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire, a-t-il rappelé, avant d’indiquer qu’il entendait ici partager l’expérience de la France en la matière.

La France a définitivement arrêté ses essais nucléaires en 1996 et a signé et ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires tout de suite après cette décision, a rappelé M. Hwang, avant d’ajouter qu’en conséquence, elle avait décidé de démanteler immédiatement et irréversiblement son site d’essai – ce qui fut réalisé en 1997.

La deuxième décision importante prise par la France dans les années 1990, complémentaire de la première, fut l’arrêt de la production de matières fissiles à des fins d’armement et la France décida donc de démanteler immédiatement les installations correspondantes et elle est le seul Etat à l’avoir fait, a poursuivi l’Ambassadeur de la France. Ainsi, la France maintient-elle son arsenal au plus bas niveau possible, compatible avec le contexte stratégique, en application du principe de stricte suffisance et elle n’a jamais participé à la course aux armements, a déclaré M. Hwang. La France refuse une stratégie dite de « counterforce » qui aurait pour ambition de détruire les moyens nucléaires ennemis, a-t-il précisé.

Le démantèlement du site de production d’uranium hautement enrichi de Pierrelatte a débuté immédiatement après qu’eut cessé sur ce site en 1996 la production d’uranium hautement enrichi, a ensuite précisé M. Hwang. Pour ce qui est du plutonium, qui était produit à Marcoule, le démantèlement des trois réacteurs de Marcoule implique de retirer toutes les matières nucléaires du cœur du réacteur, ce qui élimine la grande majorité de la source de radioactivité ; de démanteler et détruire les équipements de contrôle et de refroidissement ; de gérer les déchets ; et enfin de nettoyer les murs, sols et autres parties des bâtiments. La première étape du démantèlement comprenait le retrait du combustible usé et le démantèlement des systèmes d’alimentation en combustible, de refroidissement et de contrôle: elle a été achevée en 1996. Les opérations de démantèlement ont jusqu’à présent généré quelque 20 000 tonnes de déchets qui ont pour la plupart été évacuées vers les sites de stockage dédiés de l’Agence nationale des déchets radioactifs (ANDRA), a précisé l’Ambassadeur de la France, avant d’ajouter que les réacteurs ont ainsi été rendus totalement et définitivement inopérants depuis 1996 et d’indiquer que la phase terminale du démantèlement commencera dans les années 2030 pour s’achever dans la décennie suivante.

L’un des meilleurs moyens de s’assurer de l’irréversibilité de l’arrêt de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires consiste à démanteler les installations concernées: c’est la voie que la France a choisie, a insisté M. Hwang. Il a annoncé que la France organiserait une nouvelle visite pour les membres de la Conférence au premier trimestre de l’an prochain. Le démantèlement a un coût, estimé à 10 milliards d’euros pour la France ; il doit être irréversible et transparent, a déclaré M. Hwang.

Quant à savoir quelle est la pertinence d’un « FMCT », M. Hwang a évoqué quatre idées fausses, à savoir: que le « FMCT » ne serait plus d’actualité, alors que la question d’un tel traité est, de l’avis de la France, extrêmement importante et bien d’actualité ; que le « FMCT » ne serait pas utile pour le désarmement nucléaire, alors qu’aucun autre instrument juridique ne saurait constituer, de l’avis de la France, un substitut au « FMCT » ; que les processus diplomatiques sur un « FMCT » n’ont servi à rien, alors que la maturité technique du projet d’un tel traité a considérablement progressé ces dernières années ; et enfin que la décision CD/1299 (mandat Shannon) serait un obstacle au lancement de négociations sur un tel traité, alors que le mandat Shannon doit au contraire être considéré comme un atout.

Le désarmement nucléaire ne pourra pas faire l’économie d’un « FMCT », a conclu l’Ambassadeur de la France.

M. WILFRID WAN, de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), a exposé le travail mené par l’UNIDIR pour contribuer au désarmement, s’agissant plus particulièrement de la réduction des risques nucléaires. Le risque existera aussi longtemps que les armes nucléaires existeront et il est donc nécessaire de se débarrasser de ces armes, a-t-il souligné. La réduction des risques est considérée comme un bon moyen de collaboration, a souligné M. Wan.

Il y a subjectivité quant à la perception des risques nucléaires et, par conséquent, il y a des perceptions différentes quant aux mesures de réduction de risques à prendre dans ce domaine, a-t-il fait observer. Certes, le risque nucléaire est un sujet mondial ; mais en même temps, le risque revêt un aspect contextuel lié, par exemple, à l’environnement sécuritaire immédiat de chacun, a-t-il ajouté.

Le travail de l’UNIDIR s’efforce d’examiner de façon systématique et complète la question de la réduction de risques et de produire des propositions concrètes à l’intention des États, a fait valoir M. Wan.

En juin dernier, l’Institut a publié un cadre de réduction de risque nucléaire qui identifie quatre trajectoires: utilisation doctrinaire (de l’arme nucléaire) ; utilisation en escalade, dans le cadre d’un conflit ; utilisation non autorisée, notamment par des acteurs non étatiques ou des Etats parias ; et enfin, utilisation accidentelle.

À ceux qui estiment que l’on exagère les risques nucléaires, M. Wan a tenu à rappeler qu’en la matière, si les probabilités sont peut-être basses, les conséquences, elles, sont énormes.


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DC19.039F