Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA MAURITANIE
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par la République islamique de Mauritanie sur l’application, dans ce pays, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Présentant ce rapport, M. Mohamed Lemine Ould Sidi, Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, a expliqué que la Constitution de son pays garantissait l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction fondée sur l’origine, la race, le sexe ou la condition sociale. Les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine, le droit à l’égalité, les droits attachés à la famille, les libertés d’association, de réunion et de manifestation sont garantis et exercés, a ajouté M. Ould Sidi.
M. Ould Sidi a par ailleurs déclaré que le droit à l’information était garanti à tous en Mauritanie, tous les moyens d’expression étant libéralisés et le délit de presse dépénalisé. Quant à la lutte contre la corruption, elle constitue, avec la bonne gouvernance, un pilier important du programme du Gouvernement, a-t-il souligné. Le droit à la vie et à l’intégrité physique et morale est garanti par la Constitution, a en outre souligné M. Ould Sidi. La loi incriminant la torture, le Code pénal et la loi portant statut de la police interdisent l’atteinte à l’intégrité physique et morale, a-t-il insisté ; ce cadre juridique, a-t-il précisé, a été renforcé par la création du mécanisme national de prévention de la torture
La délégation mauritanienne était également composée du Représentant permanent de la Mauritanie auprès des Nations Unies à Genève, M. Bal Mohamed El Habib, du Directeur des affaires pénales et de l’administration pénitentiaire au Ministère de la justice et du Directeur de la police judiciaire à la Sûreté nationale, ainsi que de plusieurs autres représentants des Ministères de l’intérieur et de la décentralisation ; de la justice ; de la fonction publique, du travail et de la modernisation de l’administration ; des affaires sociales, de l’enfance et de la famille ; et des affaires étrangères et de la coopération. Elle comprenait également un Conseiller du Premier Ministre et un autre représentant du Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile.
La délégation a répondu aux questions et observations des membres du Comité portant notamment sur l’apostasie, l’homosexualité, les violences de genre, l’égalité entre les sexes, la peine de mort, la torture, les garanties procédurales, les conditions carcérales, l’esclavage ou encore le cas de M. Mohamed Mkhaïtir.
Un expert du Comité a reconnu les progrès accomplis par la Mauritanie depuis l’examen du premier rapport, mais lui a recommandé d’«aller jusqu’au bout de sa logique démocratique» et de rassurer le Comité quant à la direction que semble prendre le pays. L’expert a notamment relevé que la charia islamique est l’unique source du droit mauritanien : or, a-t-il fait observer, il existe des antinomies entre la charia et le système international de protection des droits de l’homme, notamment en matière de liberté de conscience et de religion ; en outre, le fait de dire que la charia est l’unique source de droit revient à nier le système international, a mis en garde l’expert.
Une autre experte a relevé que le Code pénal mauritanien continue d’ériger l’homosexualité en infraction pénale – une infraction qu’il sanctionne de la peine de mort, ce qui est contraire au Pacte.
Un expert a recommandé au Gouvernement de collecter des données officielles précises sur la question de l’esclavage, plutôt que de nier le problème : cela lui permettrait de faire taire les rumeurs fantaisistes sur l’ampleur du phénomène, a-t-il souligné.
Les observations finales du Comité sur le rapport de la Mauritanie seront rendues publiques à l'issue de la session, qui doit s’achever le 26 juillet prochain.
Mardi 9 juillet, à partir de 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Paraguay (CCPR/C/PRY/4).
Examen du rapport
Présentation
Le Comité est saisi du deuxième rapport de la République islamique de Mauritanie (CCPR/C/MRT/2), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité.
Présentant le rapport, M. MOHAMED LEMINE OULD SIDI, Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, a expliqué que ce document décrivait le cadre institutionnel et légal de promotion des droits de l’homme adopté par la Mauritanie pour appliquer les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En particulier, la Constitution garantit l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction fondée sur l’origine, la race, le sexe ou la condition sociale. Les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine, le droit à l’égalité, les droits attachés à la famille, les libertés d’association, de réunion et de manifestation sont garantis et exercés, a ajouté M. Ould Sidi.
Les organisations de la société civile constituent un important levier de la participation citoyenne aux politiques publiques, a poursuivi le Commissaire, avant de préciser qu’il y avait en Mauritanie plus de 6000 associations nationales, 62 organisations non gouvernementales (ONG) internationales, ainsi que 18 000 coopératives et 34 centrales syndicales – dont l’une dirigée par une femme.
Quant au droit à la vie et à l’intégrité physique et morale, il est garanti par la Constitution, a souligné M. Ould Sidi. La loi incriminant la torture, le Code pénal et la loi portant statut de la police interdisent l’atteinte à l’intégrité physique et morale, a-t-il insisté. Ce cadre juridique, a-t-il précisé, a été renforcé par la création du mécanisme national de prévention de la torture, composé de personnalités indépendantes et créé en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
M. Ould Sidi a par ailleurs fait savoir qu’en matière de procès équitable, le juge d’instruction est responsable de toute négligence qui aurait retardé inutilement l’instruction ou prolongé la détention préventive. D’autre part, les pouvoirs publics veillent au contrôle des lieux de détention et à l’amélioration des conditions d’hygiène, d’alimentation et de loisir des détenus.
M. Ould Sidi a ajouté que le droit à l’information était garanti à tous en Mauritanie, tous les moyens d’expression étant libéralisés et le délit de presse dépénalisé. Quant à la lutte contre la corruption, elle constitue, avec la bonne gouvernance, un pilier important du programme du Gouvernement, a-t-il souligné.
Le Commissaire a également fait savoir que le châtiment corporel était interdit et puni par la loi portant code général de l’enfance. En outre, le Gouvernement a adopté en 2014 une feuille de route pour l’éradication des séquelles et formes contemporaines de l’esclavage, qui comprend 29 recommandations portant sur le cadre légal, la sensibilisation et l’application de programmes de développement socioéconomique au profit des victimes.
M. Ould Sidi a d’autre part indiqué que le règlement du passif humanitaire s’était traduit par le retour volontaire de 24 536 Mauritaniens réfugiés au Sénégal.
Enfin, le chef de la délégation a fait valoir que la Mauritanie avait, en application des recommandations du Comité, adopté des lois relatives à l’aide judiciaire et à la composition de la Commission nationale des droits de l’homme.
Questions et observations des membres du Comité
Un expert du Comité a reconnu les progrès accomplis par la Mauritanie depuis l’examen du premier rapport, mais a recommandé au pays d’«aller jusqu’au bout de sa logique démocratique». Une première question, a poursuivi l’expert, porte sur l’application du Pacte par les tribunaux ; une autre, plus fondamentale, sur le rapport entre la charia islamique et le droit.
L’expert a demandé si la délégation pouvait citer des décisions de justice – arrêts ou jugements – invoquant des dispositions du Pacte. S’agissant du rapport entre la charia et l’État, il a relevé que la charia islamique est l’unique source du droit mauritanien. Or, a-t-il fait observer, il existe des antinomies entre la charia et le système international de protection des droits de l’homme, notamment en matière de liberté de conscience et de religion ; et le fait de dire que la charia est l’unique source de droit revient à nier le système international, a mis en garde l’expert.
Dans les faits, a poursuivi l’expert, on constate une sorte d’hésitation du droit mauritanien, parallèlement à une islamisation progressive de l’État et de la société. Ainsi, reconnaître l’apostasie comme le fait la loi de 2018 revient à nier le droit à la liberté de religion, ce qui est en contradiction avec l’article 10 du Pacte, a-t-il souligné. D’autre part, la peine de mort que la loi d’avril 2018 exige en cas de blasphème est contraire non seulement au Pacte mais aussi à la charia elle-même, en ce que la loi nie toute nuance ou tout repentir, a ajouté l’expert. À propos de blasphème, il a demandé ce qu’il était advenu du blogueur Mohamed Mkhaïtir.
Le même expert a ensuite regretté que l’avortement soit totalement interdit en Mauritanie, même en cas de viol ou d’inceste, de manière contraire non seulement au Pacte mais aussi à la doctrine religieuse en vigueur dans le pays, qui autorise pourtant l’avortement dans les trois mois. L’expert a demandé à la délégation de rassurer le Comité quant à la direction que semble prendre la Mauritanie.
Ce même expert a ensuite souhaité savoir si le Gouvernement entendait prendre les mesures nécessaires pour que la Commission nationale des droits de l’homme recouvre, auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme, son statut A de pleine conformité aux Principes de Paris.
Une autre experte a demandé pourquoi les parlementaires n’avaient pas le droit d’abroger la loi d’amnistie de 1993 sur les évènements qui ont eu lieu de 1989 à 1991 en Mauritanie. Elle a rappelé que le devoir de l’État est non seulement d’assurer le droit des victimes à un recours et à une réparation, mais aussi de poursuivre et sanctionner les auteurs de violations des droits de l’homme.
La même experte a par ailleurs observé que la définition de la discrimination en vigueur dans le pays qui est donnée dans le rapport ne correspond pas à celle transmise par d’autres sources d’information à la disposition du Comité. L’experte a demandé si la définition en vigueur dans le pays couvre aussi bien la discrimination directe qu’indirecte. Elle a en outre voulu savoir si la formation des juges et des membres des forces de l’ordre comportait un enseignement sur la prévention de la discrimination envers les Haratines [ndlr : esclaves affranchis] et les Négro-africains.
Une experte a demandé si la loi imposant la peine de mort obligatoire en cas d’apostasie ou de blasphème était entrée en vigueur.
Une autre experte a relevé que le Code pénal mauritanien continue d’ériger l’homosexualité en infraction pénale – une infraction qu’il sanctionne de la peine de mort, ce qui est contraire au Pacte que la Mauritanie a volontairement ratifié, a-t-elle souligné. L’État a l’obligation de protéger les LGBT contre tout acte de discrimination ou d’intolérance, a rappelé l’experte.
Un expert a voulu savoir où en était la révision prévue des lois sur le statut personnel, afin d’en retirer toute disposition discriminatoire envers les femmes, notamment en matière de nationalité. Il a relevé qu’en l’état, la transmission de la nationalité par la mère est soumise à des conditions, contrairement à ce qui est le cas pour la transmission par le père.
Le même expert a en outre fait observer que les femmes des groupes minoritaires sont particulièrement vulnérables à la discrimination. Il s’est enquis des mesures que l’État entend prendre pour remédier à ce problème qui touche une majorité de femmes. Il s’est également enquis du bilan du plan d’action pour la répression et la prévention du mariage précoce.
Un expert a relevé un manque d’harmonisation entre la loi sur la santé sexuelle et procréative adoptée récemment, qui autorise l’avortement jusqu’à trois mois, et le Code pénal, qui criminalise toujours l’interruption volontaire de grossesse.
D’autres questions ont porté sur la suite donnée aux allégations de disparitions forcées en Mauritanie présentées dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) de la Mauritanie au Conseil des droits de l’homme ; sur la participation des femmes à la vie politique et dans l’administration ; sur le nombre de condamnations à mort prononcées par les tribunaux mauritaniens ; sur l’accès des justiciables à un avocat ; sur l’évolution du taux de mortalité maternelle ; ou encore sur la composition ethnique de la population.
Un expert a ensuite relevé que malgré les efforts du Gouvernement, un grand nombre de filles mauritaniennes restent exposées aux mutilations génitales féminines. Il a aussi regretté que des femmes victimes de viol soient elles-mêmes poursuivies pour adultère lorsqu’elles portent plainte. Un expert a recommandé que la Mauritanie suive les interprétations éclairées de la charia allant dans le sens de la Convention.
Un expert s’est interrogé sur la valeur juridique des réserves apportées par la Mauritanie à l’application de plusieurs articles du Pacte, estimant qu’elles vident le Pacte de son sens.
Un expert a affirmé que l’esclavage semble bel et bien exister en Mauritanie ; il s’est dit préoccupé par le fait que certaines personnes vivent enchaînées, surtout dans des régions rurales. Il a été recommandé au Gouvernement de collecter des données officielles précises sur la question de l’esclavage, plutôt que de nier le problème : cela lui permettrait de faire taire les rumeurs sur l’ampleur du phénomène, a-t-il été souligné.
Un expert a relevé que plusieurs corps de police semblent avoir recours à la torture lors de manifestations, d’interrogatoire ou de transfèrement. Une experte a voulu savoir combien de plaintes pour torture avaient été déposées et avec quels résultats en termes de condamnations des auteurs et de réparations accordées aux victimes. Il arrive que les juges refusent d’ouvrir des enquêtes après des allégations de torture, ce qui soulève la question du pouvoir d’appréciation des juges, a-t-il en outre été souligné.
D’autre part, l’accès à un avocat et à un médecin n’est pas garanti pendant la procédure, ont regretté plusieurs experts. Une experte a souhaité savoir comment l’état de santé des personnes privées de liberté était consigné.
Des questions ont aussi porté sur le contrôle de la durée de la garde à vue ; sur l’existence de mesures alternatives à la détention provisoire ; et sur la surpopulation carcérale en Mauritanie. Ont également été soulevées des questions liées au respect des droits de la défense et à l’indépendance de la magistrature.
Des experts se sont interrogés sur la possibilité de créer en Mauritanie un espace civique exempt de toute interférence et de tout mauvais traitement. Une experte a demandé si des enquêtes étaient ouvertes après l’usage excessif de la force contre des opposant politiques ou des militants des droits de l’homme.
Un expert a plaidé pour une interdiction explicite des châtiments corporels à la maison.
Une experte a regretté que les minorités soient sous-représentées aux postes électifs et décisionnels en Mauritanie.
Un expert a relevé que l’organisation IRA Mauritanie était officiellement interdite au motif qu’elle est « basée sur la race » ; mais le but de l’organisation, qui est de défendre une minorité, n’est pas contraire à la loi interdisant la discrimination raciale, a fait remarquer l’expert.
Plusieurs experts ont insisté sur l’importance que chaque plainte pour des faits de torture soit suivie d’une enquête. Ils ont aussi souligné que les personnes détenues doivent toujours bénéficier des conseils d’un avocat et d’un suivi médical.
Réponses de la délégation
S’agissant de la place du Pacte dans l’ordre juridique interne, la délégation a fait valoir que la Constitution mauritanienne stipule que les traités ratifiés par la Mauritanie sont supérieurs aux lois internes. Les juges mauritaniens ont ainsi annulé, en vertu de l’article 11 du Pacte, au moins quatre décisions judiciaires, a-t-elle précisé.
La Mauritanie est un pays islamique, ce qui est affaire de souveraineté nationale, a ensuite déclaré la délégation. Dans ce contexte, la nouvelle réforme de la loi sur l’apostasie ne tient pas compte du repentir personnel en matière de sacrilège, a indiqué la délégation.
S’agissant de personnes soi-disant victimes de disparition forcée, la délégation a affirmé qu’elles étaient détenues dans un centre de détention officiel. Après la visite du Rapporteur spécial sur la torture, ces quatorze ou seize personnes ont été transférées à Nouakchott. La réglementation détermine quels types d’établissements accueillent quels types de condamnés, a ajouté la délégation.
La Mauritanie n’a pas appliqué la peine de mort depuis 1987, a en outre rappelé la délégation. Les personnes traduites devant la justice pénale bénéficient de toutes les garanties procédurales adéquates et toute décision est susceptible d’appel, a-t-elle en outre souligné. Sur les 115 personnes exposées à la peine de mort, 90 font déjà l’objet d’une décision définitive, appel rendu. Toutes ces personnes ont été condamnées pour des crimes ayant entraîné mort d’homme.
Plusieurs condamnés à mort ont bénéficié d’une commutation de peine suite au pardon accordé par les familles des victimes. Certaines organisations de la société civile s’investissent dans la médiation en la matière, a ensuite ajouté la délégation.
L’acte d’homosexualité est contraire aux lois et aux valeurs de la société mauritanienne, a d’autre part déclaré la délégation. Seuls les actes impudiques condamnés par la loi donnent lieu à des sanctions, a-t-elle précisé, assurant que les personnes homosexuelles peuvent vivre librement.
La double nationalité n’est admise en droit mauritanien que dans des conditions très précises, a poursuivi la délégation. Depuis la réforme de 2010, les mêmes conditions s’appliquent à la naturalisation des hommes et des femmes. Mais l’interdiction de la double nationalité oblige la personne concernée à choisir quelle nationalité adopter : celle de son père ou de sa mère. Un avant-projet de loi modifiant ces dispositions est en cours d’élaboration, a ajouté la délégation.
S’agissant du cas de Mohamed Mkhaïtir, la délégation a affirmé qu’il doit être examiné dans le contexte culturel propre à la Mauritanie. Elle a expliqué que la population s’était dressée contre les écrits de ce blogueur et a précisé que, condamné à deux ans de prison et sa peine purgée, M. Mkhaïtir n’est pas séquestré mais a été placé en détention administrative par le Ministre de l’intérieur, pour assurer sa sécurité. Des experts du Comité ont alors fait observer que la détention administrative s’applique en principe à des personnes constituant une menace pour la communauté et non l’inverse (lorsqu’elles sont elles-mêmes menacées).
La délégation a en outre indiqué que les ministères concernés ont initié des formations sur les obligations de l’État en matière de libertés et de sécurité publiques, à l’intention des juges et des officiers de police judiciaire. Les enseignements, qui portent aussi sur la sécurité dans le respect des droits de l’homme, sont élaborés avec l’aide de partenaires internationaux. Dans le cadre de son appartenance au Groupe G5 Sahel (avec le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad), la Mauritanie forme les officiers de l’armée aux mêmes matières.
La Mauritanie applique les dispositions des traités internationaux qui interdisent les mauvais traitements à l’encontre des enfants, a d’autre part déclaré la délégation. Le Code général de l’enfance punit ainsi de 5 à 10 ans d’emprisonnement une personne qui se marie à un enfant ; les mariages précoces sont aussi punissables. Les autorités mènent une active campagne de sensibilisation au problème des mariages précoces, avec la collaboration d’acteurs communautaires.
Quant aux « violences de genre », elles sont une grande préoccupation pour le Gouvernement, a poursuivi la délégation mauritanienne. Les mutilations génitales féminines étant considérées comme une violation grave des droits de l’homme, les pouvoirs publics ont mené des campagnes de sensibilisation qui ont permis de réduire fortement leur fréquence en quelques années. Plus de 1400 déclarations publiques communautaires de renoncement ont été faites dans les wilayas les plus touchées par le problème des mutilations génitales féminines, a précisé la délégation.
Un projet de loi-cadre contre les violences basées sur le genre est élaboré pour donner suite à une recommandation acceptée par le pays dans le cadre de son Examen périodique universel (EPU), a en outre indiqué la délégation. Le projet examiné à l’heure actuelle prévoit d’accorder aux organisations non gouvernementales (ONG) la possibilité de se porter partie civile dans les affaires de violence sexiste.
Le Gouvernement a pris des mesures pour favoriser la participation politique des femmes, a par ailleurs souligné la délégation : 20% des parlementaires et 35% des conseillers régionaux sont des femmes, qui constituent également 36% des membres du Gouvernement.
D’autres mesures ont été prises pour autonomiser les femmes rurales, a ajouté la délégation.
Les autorités ont aussi adopté des mesures incitatives pour la scolarisation des filles. Toutes les wilayas ont ouvert des centres de formation pour les filles, a fait valoir la délégation.
Pour ce qui est de la réserve émise par la Mauritanie au sujet de l’article 18 du Pacte, elle s’explique par le fait que cet article est contraire à la charia, qui est ancrée dans la Constitution, a indiqué la délégation. Mais la liberté de conscience est garantie aux étrangers vivant en Mauritanie, a-t-elle assuré.
Depuis l’avènement de la loi contre la torture, les cas allégués de torture ont tous fait l’objet d’enquête. La Cour d’appel a ordonné une expertise médico-légale sur simple plainte d’un justiciable se disant victime de torture ; et quatre enquêtes sur des mêmes faits ont lieu à l’heure actuelle, a précisé la délégation. Il n’y a donc aucune réticence des autorités à réagir aux allégations de torture, a-t-elle insisté. Elle a ajouté que les aveux obtenus par la torture ne sont pas admis par les tribunaux mauritaniens.
S’agissant des garanties procédurales, la délégation a notamment indiqué que la visite d’un avocat et celle d’un médecin est un droit garanti, même si les autorités d’enquête ne sont pas tenues de désigner des avocats d’office. La délégation a par ailleurs assuré que toutes les prisons du pays tiennent un registre d’écrou. De la même manière, les commissariats tiennent des registres des personnes qui y sont détenues, registres qui sont visés par les procureurs.
Quant à la garde à vue, elle est limitée à une durée de 48 heures renouvelable, sauf pour les infractions liées au terrorisme et aux atteintes à la sécurité de l’État, pour lesquelles ce délai est régi par la loi antiterroriste. La délégation a précisé que trois personnes étaient détenues pour connivence avec une entreprise terroriste.
La détention provisoire est considérée comme une mesure de dernier recours, a ensuite souligné la délégation. Le placement sous contrôle judiciaire, la liberté provisoire après l’incarcération et d’autres formes d’aménagement de peine sont autant de mesures alternatives à la sanction d’emprisonnement, a précisé la délégation. Pour ce qui concerne les mineurs en conflit avec la loi, le juge évalue systématiquement d’autres mesures que la détention, exception faite des cas impliquant la mort de personnes. Le Code de protection de l’enfant interdit d’infliger à l’enfant des punitions portant atteinte à son bien-être mental et physique et la même interdiction s’applique aux mineurs détenus, a ajouté la délégation.
La réhabilitation de la prison de Dar Naim, où sévit une importante surpopulation carcérale, n’a été retardée que le temps de trouver une solution de logement pour les détenus, a indiqué la délégation. Le Gouvernement mauritanien a lancé un programme de rénovation et de construction d’un parc pénitentiaire, a-t-elle souligné.
La délégation a en outre décrit le fonctionnement du système judiciaire, notamment pour ce qui est de la nomination et de la promotion des magistrats.
Les ordres d’expulsion d’étrangers sont toujours suspendus jusqu’à ce qu’il ait été établi que les personnes concernées ne risquent pas d’être victimes de violations des droits de l’homme dans les pays de destination, a par ailleurs déclaré la délégation. L’avant-projet de loi sur l’asile est toujours en cours d’élaboration, a-t-elle précisé.
Les tribunaux mauritaniens sont saisis par tous les moyens des cas d’esclavage, les organisations de la société civile pouvant se constituer parties civiles à la place des victimes, a d’autre part indiqué la délégation. La police et les magistrats sont tenus de donner suite aux dénonciations qu’ils reçoivent : à défaut, les fonctionnaires concernés s’exposent à des sanctions, a-t-elle précisé.
Les manifestations en Mauritanie sont encadrées par un régime réglementaire et légal, a en outre indiqué la délégation En 2018, plus d’une centaine de manifestations ont entraîné des dégâts/dommages très en-deçà de ce que l’on constate dans d’autres pays. Cela témoigne, a affirmé la délégation, de l’équilibre atteint par la police entre préservation de l’ordre public et respect des libertés des citoyens.
La loi interdit la création d’organisations ne reflétant pas la diversité ethnique du pays, a d’autre part indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs fait savoir que le Code du statut personnel serait révisé au regard des conventions ratifiées par la Mauritanie ; un consultant a été recruté pour procéder à cette mise à jour.
Remarques de conclusion
M. OULD SIDI a indiqué que sa délégation fournirait des réponses complémentaires au Comité dans les 48 heures. Il a ajouté que les progrès accomplis par la Mauritanie dans la mise en œuvre du Pacte étaient manifestes.
MME PHOTINI PAZARTZIS, Vice-Présidente du Comité, a déclaré que le Comité prenait note des efforts de la Mauritanie en faveur des droits garantis par le Pacte, y compris le fait que le pays ait proposé un candidat au poste de membre du Comité des droits de l’homme. Mme Pazartzis a dit apprécier les mesures pratiques et législatives qui sont prises pour donner effet au Pacte en Mauritanie, mais a relevé que des efforts restaient à faire dans la création et la préservation d’un espace civique ouvert et participatif dans ce pays.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel