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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir le Qatar, le Mozambique et la Côte d’Ivoire.

S'agissant du Qatar, les organisations non gouvernementales (ONG) ont fait état de plusieurs formes de discrimination institutionnelle envers les femmes, notamment leur soumission à leur mari pour les questions financières, le droit qatarien traitant les femmes comme des mineures. L’interdiction faite aux femmes qatariennes de transmettre leur nationalité à leur mari étranger et à leurs enfants a été dénoncée à plusieurs reprises. L’institution nationale des droits de l’homme du Qatar a fait état de nombreuses violations des droits des femmes imputables au blocus imposé au Qatar par plusieurs pays.

En ce qui concerne le Mozambique, les ONG ont regretté la persistance de dispositions discriminatoires envers les femmes dans la loi, s’agissant notamment de l’héritage ; de la répression de la violence familiale ; de l’âge du mariage des filles et du mariage précoce ; de la composition des tribunaux communautaires ; de l’accès à l’avortement ; et des droits des travailleuses du sexe.

Au sujet de la Côte d’Ivoire, les ONG ont fait état de lacunes dans la protection légale accordée aux femmes défenseures des droits de l’homme ; d’un taux de mortalité maternelle très élevé ; d’un accès à la propriété foncière marqué par des stéréotypes causant la marginalisation des femmes ; ainsi que de préjudices soufferts par les femmes domestiques dans ce pays.


Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Qatar (CEDAW/C/QAT/2).


Audition d'organisations non gouvernementales

S’agissant du Qatar

Maat for Peace a déclaré qu’au Qatar, des discriminations dans la législation étaient à déplorer pour ce qui est du droit au logement des femmes divorcées et veuves ; de la garde des enfants ; de la manière de s’habiller ; et de l’incrimination de la violence domestique. Le Qatar n’a pas fourni, dans son rapport, d’information sur les efforts qu’il déploie pour éliminer les stéréotypes sexistes. Les femmes immigrées employées comme domestiques n’osent pas s’adresser à la justice si elles sont victimes de mauvais traitements, a déploré l’ONG.

Musawah a déclaré que la loi sur la nationalité empêche toujours les femmes du Qatar de transmettre leur nationalité à leur conjoint et à leurs enfants. Le Gouvernement prétend que ces enfants [de femmes qatariennes mariées à des étrangers] ont la priorité dans une gamme de services, y compris les emplois publics ; mais, a dit l’ONG, il n’y a pas de preuve tangible que les choses se passent bien ainsi.

Qatar Foundation for Social Work a mis en avant la Loi n° 10 (2018) sur l’octroi de permis de résidence aux expatriés, qui donne la priorité aux enfants de femmes qatariennes mariées à des ressortissants d’autres pays. Les résidents permanents ont droit à l’éducation gratuite et aux services de santé, et ont la priorité dans l’accès à la citoyenneté, a ajouté l’ONG. Elle a indiqué avoir réagi à la crise humanitaire engendrée par les mesures coercitives unilatérales imposées au pays par l’Arabie saoudite en 2017 en faisant tout son possible pour favoriser la cohésion familiale.

Au cours du débat qui a suivi ces présentations, des expertes du Comité se sont interrogées sur le manque de progrès du Qatar en matière de droit civil depuis l’examen du précédent rapport du pays il y a quatre ans.

Les ONG ont estimé que les us et coutumes d’une société machiste expliquent le manque de progrès du Qatar, ce dont témoignent la loi qui sanctionne les vêtements impudiques ou encore l’autorisation donnée au mari de « corriger » sa femme par la violence. Une organisation a parlé d’une évolution claire dans ce domaine, mais qui demandera du temps.

L’institution nationale de droits de l’homme du Qatar a fait état de nombreuses violations des droits des femmes – notamment le droit à une vie de famille – imputables au blocus imposé au Qatar par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, entre autres. L’institution a aussi attiré l’attention sur les protections offertes aux travailleurs immigrés face à leurs employeurs : les employeurs sont par exemple tenus par la loi de rendre les passeports de leurs employés à la demande de ces derniers. L’État doit veiller à l’application effective de cette loi, a recommandé l’institution. Elle a aussi préconisé de modifier la loi sur le mariage, pour interdire les mariages de mineures et d’interdire explicitement les châtiments corporels sur les enfants.

Une experte s’est alors interrogée sur la possibilité de créer au Qatar un mécanisme permanent qui serait chargé, en lien avec le Conseil de la Choura, du suivi des conventions internationales ratifiées par le Qatar. Une autre experte a demandé à l’institution nationale des droits de l'homme comment surveiller la situation en matière de liberté d’association et d’expression.

L’institution nationale de droits de l’homme du Qatar s’est dite favorable à la création d’un mécanisme de suivi des obligations du Qatar au titre des instruments internationaux. Elle a en outre indiqué qu’elle collaborait avec le Conseil de la Choura, au sein duquel trois femmes ont été nommées.

S’agissant du Mozambique

Une coalition d’organisations de la société civile a regretté la persistance de dispositions discriminatoires envers les femmes dans la législation du pays, s’agissant notamment de l’héritage ; de la répression de la violence familiale ; de l’âge du mariage des filles (qui est de 16 ans avec le consentement des parents) et du mariage précoce ; ou encore de la composition des tribunaux communautaires, composés majoritairement d’hommes et protégeant mal les droits des femmes. L’ONG a aussi déploré la persistance des agressions sexuelles perpétrées, souvent par les enseignants, contre les filles scolarisées, ainsi que les lacunes dans les poursuites judiciaires face à ces faits.

Tiyane Vavasate a déclaré que les droits des travailleuses du sexe au Mozambique n’étaient pas respectés par les professionnels de santé, pas plus que par la police nationale, et a ajouté que la loi sur le travail sexuel était peu claire. Plusieurs lois régissent le travail du sexe et ne sont connues ni des travailleuses et travailleurs concernés, ni des agents de l’État, a regretté l’ONG.

Quant à IPAS-Mozambique, elle a fait observer que malgré une réforme législative en 2014 pour résoudre le problème des avortements peu sûrs, de nombreux obstacles demeuraient quant à l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) – obstacles de nature administrative, mais aussi liés à des problèmes de compétence et de disponibilité de personnels soignants ainsi qu’à des attitudes négatives à l’égard des femmes concernées.

Au cours du débat, des expertes du Comité ont demandé ce que l’État mozambicain faisait contre la traite des êtres humains. D’autres questions ont porté sur les avortements non médicalisés, sur le cadre juridique de la répression de la violence faite aux femmes et sur la présence des femmes dans la vie publique, notamment.

S’agissant de la traite, les ONG ont indiqué que ce problème touchait au Mozambique de jeunes filles victimes d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail. Certains juges pensent, à tort, que la loi sur la violence familiale a été révoquée et se réfèrent au Code pénal, qui ne contient rien sur la violence faite aux femmes, a-t-il en outre été souligné. D’autre part, il n’existe pas de données précises sur les avortements au niveau national et l’on sait que pour les femmes, certaines IVG sont enregistrées sous un autre nom, pour éviter la stigmatisation.

Une ONG a affirmé que la situation des jeunes filles serait améliorée si on éliminait l’exception dans le droit familial permettant qu’elles se marient avant 16 ans. L’ONG a en outre insisté sur la nécessité de sanctionner au pénal les enseignants qui abusent sexuellement de leurs élèves.

S’agissant de la Côte d’Ivoire

La Coalition ivoirienne des défenseurs des droits de l’homme a fait état de lacunes dans la protection légale accordée aux femmes défenseures des droits de l’homme. En effet, la loi ne prévoit pas de mécanisme de mise en œuvre des dispositions légales existantes pour rendre réelle la protection des défenseurs des droits de l’homme. Ainsi, les femmes qui interviennent sur les questions de l’excision et du mariage précoce, par exemple, font l’objet de stigmatisation par les chefs religieux et par les familles. La Coalition a également souligné que le taux de mortalité maternelle était très élevé en Côte d’Ivoire et que l’accès à la propriété foncière était marqué par des stéréotypes causant la marginalisation des femmes, lesquelles accèdent difficilement, voire pas du tout, à la terre en tant que propriétaires.

Le Réseau ivoirien pour la défense des droits de l’enfant et de la femme a déploré les violences sexuelles subies par près d’un quart des femmes et des filles employées comme domestiques en Côte d’Ivoire. Quant à la participation des femmes dans la vie publique et politique, l’ONG a remarqué que les femmes sont encore très minoritaires dans les sphères politiques et de prise de décisions.

L’ONG a aussi relevé que 60% des femmes environ sont victimes de violence conjugale, dans un contexte où l’imprécision du Code pénal sur la définition du viol permet au juge de requalifier les faits « à la baisse ».

Soroptimist de Côte d’Ivoire a mis en relief le manque d’enseignantes dans le système d’éducation primaire ivoirien et, partant, le manque de modèles pour les jeunes filles. L’ONG a en outre recommandé que les femmes rurales bénéficient de microcrédits et d’ateliers de formation à la gestion de leur commerce.

Le Réseau international des droits humains a mis en cause l’exploitation des femmes domestiques en Côte d'Ivoire, avec des préjudices comme le non-paiement des salaires, l’emploi de mineures et les souffrances physiques et morales récurrentes subies dans ce contexte. L’ONG a recommandé que la Côte d’Ivoire crée une base de données des propriétés foncières afin d’aider à garantir la propriété foncière des femmes.

Une experte du Comité s’est interrogée sur l’action de la société civile ivoirienne contre la traite des êtres humains. Une autre experte a fait observer que la participation des femmes au processus de paix en Côte d’Ivoire n’était pas garantie autant qu’elle le devrait. Les organisations ont été priées de répondre à d’autres questions sur la protection des défenseurs des droits des femmes ; sur l’octroi des titres de propriété foncière ; sur l’efficacité de la justice dans la répression de la violence envers les femmes ; ou encore sur le congé maternité.

Les ONG ont mentionné leur plaidoyer pour la réglementation du secteur du travail domestique et pour la ratification par la Côte d’Ivoire de la Convention (n° 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques. L’octroi de titres fonciers aux femmes est toujours limité par le fait que, dans certaines régions, la tradition refuse la propriété foncière des femmes, sans compter que de toute façon, la procédure est chère et peu accessible aux femmes rurales, a-t-il en outre été souligné. Une ONG a insisté sur le fait que la loi et les traditions ne sont pas favorables aux droits des femmes rurales – droits qui sont toujours soumis aux coutumes.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW19/015F