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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE L’AUTRICHE

Compte rendu de séance
Elle tient une discussion sur les garanties négatives de sécurité et achève ainsi la deuxième partie de sa session de 2019

La Conférence du désarmement, qui a clos ainsi la deuxième partie de sa session de 2019, a entendu, cet après-midi, une déclaration du Ministre pour l’Europe, l’intégration et les affaires étrangères de l’Autriche, M. Alexander Schallenberg, avant de tenir une discussion sur les garanties négatives de sécurité.

Dans son allocution devant la Conférence, M. Schallenberg a notamment rappelé que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) est la pierre angulaire du régime de non-prolifération et a affirmé qu’il est aujourd’hui essentiel de s’entendre sur de nouveaux progrès concrets dans la réalisation de l'objectif ultime du Traité, à savoir un monde exempt d'armes nucléaires. Il a ensuite appelé tous les États à adhérer au traité d’interdiction complète des essais nucléaires qui, vingt-trois ans après son adoption, n’est toujours pas entré en vigueur.

Dans le sombre contexte actuel, l'adoption du traité sur l'interdiction des armes nucléaires en 2017 a constitué une avancée historique, a par ailleurs souligné le Ministre ; il n’existe pas d’engagement plus fort en faveur du désarmement et de la non-prolifération que d’adhérer à ce traité, a-t-il déclaré. La militarisation de l'intelligence artificielle pose des défis fondamentaux au droit international – et en particulier au droit international humanitaire, a par ailleurs souligné le Ministre autrichien.

Dans le cadre de sa discussion sur les garanties négatives de sécurité, la Conférence a entendu les exposés de trois panélistes : MM. Peter Andreas Beerwerth et Li Song, respectivement Ambassadeur de l’Allemagne et Ambassadeur de la Chine, et M. Marc Finaud, membre de la délégation vietnamienne et Conseiller principal au Centre de politique de sécurité - Genève (GCSP).

Les délégations des pays suivants ont pris part au débat : France, Pakistan, Egypte, Pays-Bas, Japon, Royaume-Uni, Etats-Unis, Indonésie, Inde, République de Corée, Australie, Ukraine, Iran, Algérie et Brésil.


La troisième et dernière partie de la session de 2019 se tiendra du 29 juillet au 13 septembre 2019. La prochaine séance plénière de la Conférence devrait se tenir le mardi 30 juillet.


Déclaration du Ministre pour l’Europe, l’intégration et les affaires étrangères de l’Autriche

M. ALEXANDER SCHALLENBERG, Ministre pour l’Europe, l’intégration et les affaires étrangères de l’Autriche, a rappelé que cette année, le monde célèbre le centenaire de la Société des Nations (SDN). Au cours des 100 dernières années, la communauté internationale a mis en place des fora multilatéraux pour fournir une plate-forme de dialogue lorsque les relations bilatérales sont difficiles ; elle a travaillé sans relâche pour renforcer le droit international en tant que fondement de l'ordre multilatéral mondial. Mais aujourd'hui, ces réalisations sont remises en question, a fait observer le Ministre. Le respect des obligations et des engagements est crucial pour l'ordre international, même s’il est aujourd’hui remis en question. Revenir sur un accord érode la confiance, a insisté M. Schallenberg. Ceci s'applique au régime de désarmement et de non-prolifération nucléaire, a-t-il souligné. Ce régime est fortement interconnecté, par le biais de traités complémentaires qui se renforcent mutuellement, tels que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), le traité sur l’interdiction des armes nucléaires, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, ainsi que par le biais de zones exemptes d’armes nucléaires et d’accords bilatéraux.

Le TNP est la pierre angulaire du régime de non-prolifération, a souligné le Ministre. Il est aujourd’hui essentiel de s’entendre sur de nouveaux progrès concrets dans la réalisation de l'objectif ultime du TNP, à savoir un monde exempt d'armes nucléaires, a-t-il déclaré.

Le dernier traité négocié au sein de la Conférence du désarmement est le traité d’interdiction complète des essais nucléaires qui, vingt-trois ans après son adoption, n’est toujours pas entré en vigueur. L'Autriche appelle tous les États à adhérer à ce traité. De l'avis de l'Autriche, a ajouté M. Schallenberg, la question des matières fissiles est prête à être négociée sans conditions préalables.

Dans le sombre contexte actuel, l'adoption du traité sur l'interdiction des armes nucléaires en 2017 a constitué une avancée historique, a par ailleurs souligné le Ministre. Ce traité est en effet indispensable à la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires ; en l’adoptant, 122 États ont affirmé sans équivoque qu’un monde exempt d’armes nucléaires était un monde plus sûr pour tous. Il n’existe pas d’engagement plus fort en faveur du désarmement et de la non-prolifération que d’adhérer à ce traité, a insisté M. Schallenberg.

La militarisation de l'intelligence artificielle pose des défis fondamentaux au droit international – et en particulier au droit international humanitaire, a poursuivi le Ministre, soulignant que les humains doivent garder le contrôle de la sélection des cibles (militaires). Face au développement des systèmes d'armes létales autonomes, le monde a une obligation morale d'agir avant d'être dépassé par les faits sur le terrain, a insisté M. Schallenberg. L'inaction porterait atteinte au cadre juridique actuel, qui ne couvre pas les machines, a-t-il rappelé. Par conséquent, l’Autriche est favorable à l’ouverture immédiate de négociations visant à garantir le contrôle humain des décisions de vie ou de mort et de la sélection des cibles.

Le monde vit des temps difficiles, a poursuivi le Ministre ; mais les défis offrent également des opportunités, a-t-il souligné. Historiquement, en période de tensions sécuritaires accrues, prendre des mesures correctives devient un impératif de sécurité. Il faut apaiser les tensions et, ce qui est plus important encore, faire de réels progrès pour un monde plus sûr pour tous. Le désarmement joue un rôle décisif dans la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales. Dans le climat de sécurité actuel, il ne faut pas perdre de temps pour reconstruire la confiance ; et la confiance se construit à travers le dialogue, à travers l'engagement dans des fora multilatéraux. Un multilatéralisme efficace implique de respecter et de mettre en œuvre fidèlement les accords conclus et de tirer le meilleur parti des fora disponibles, a souligné M. Schallenberg. Depuis le début de son adhésion à l'ONU, l’Autriche s'est fermement engagée à mettre en œuvre et à renforcer le régime de désarmement, de non-prolifération et de maîtrise des armements, a-t-il conclu.

Débat sur les « Arrangements internationaux pour assurer les États non dotés de l’arme nucléaire contre l’utilisation ou la menace d’utilisation de l’arme nucléaire »

Présentation des panélistes

M. PETER ANDREAS BEERWERTH, Ambassadeur de l’Allemagne, a expliqué que sa déclaration tiendrait compte des travaux de l’organe subsidiaire numéro 4 de l’année passée. Il a rappelé que cet organe s’était mis d’accord sur des points communs, comme l’y invitait son mandat, même si le rapport de l’organe n’a ensuite pas pu être adopté en plénière à la Conférence. Il a dit espérer que ces points permettront de lancer de futures discussions sur ce point (des garanties négatives de sécurité). Les délégations se sont mises d’accord pour reconnaître l’effet positif des garanties négatives de sécurité pour renforcer le désarmement et la non-prolifération. L’effet de ces garanties sur la non-prolifération est essentiel dans le contexte de la sécurité globale, a insisté l’Ambassadeur de l’Allemagne.

M. Beerwerth a souligné que les garanties négatives de sécurité constituaient une mesure intermédiaire vers un monde exempt d’armes nucléaires, même si la seule garantie absolue contre l’utilisation des armes nucléaires restait leur destruction complète. Les garanties négatives de sécurité doivent permettre de faire avancer les questions sur le désarmement nucléaire d’une manière générale, a affirmé l’Ambassadeur. Les États dotés de l’arme nucléaire doivent renouveler leurs garanties négatives de sécurité à l’occasion de la Conférence d’examen du TNP de 2020.

Quelque 115 États ont choisi de faire partie d’une zone exempte d’arme nucléaire et la Mongolie a décidé d’être elle-même exempte d’armes nucléaires ; il devrait y avoir des rapprochements entre les traités créant les zones exemptes d’armes nucléaires et les garanties négatives de sécurité, a expliqué M. Beerwerth. Il a ensuite rappelé que l’organe subsidiaire chargé l’an dernier de se pencher sur la question des garanties négatives de sécurité avait expliqué que les doctrines nucléaires existantes mériteraient davantage d’attention de la part de la Conférence ; de même, il a été convenu que la Conférence continue en son sein les discussions sur ces garanties. Les garanties négatives de sécurité jouent un rôle important dans l’instauration de la confiance ; il s’agit donc une question qui mérite d’être étudiée plus avant. La Conférence devrait se mettre d’accord pour continuer ce travail essentiel.

M. LI SONG, Ambassadeur de la Chine, a rappelé que les États non dotés de l’arme nucléaire demandent de ne pas être menacés par ces armes. C’est là une demande justifiée et raisonnable, a-t-il souligné. Les garanties négatives de sécurité ne sont pas une faveur à l’égard des Etats non dotés de l’arme nucléaire, mais bien une mesure essentielle pour empêcher la prolifération nucléaire et pour mettre en œuvre le TNP, a insisté M. Li. Les États dotés de l’arme nucléaire devraient promettre sans équivoque de ne pas utiliser ou menacer d’utiliser ces armes contre les États non dotés ou dans les zones exemptes d’armes nucléaires. Il s’agit de la demande la plus réaliste dans le domaine du désarmement nucléaire actuellement, a insisté M. Li.

Il a souligné que la Chine lançait un appel aux cinq puissances nucléaires («P5») [Etats dotés de l’arme nucléaire reconnus comme tels dans le TNP] pour que le rôle des armes nucléaires soit diminué dans leurs doctrines. La Chine a toujours prôné une interdiction ultime de l’utilisation de l’arme nucléaire et la destruction des armes nucléaires, a rappelé M. Li. La Chine a pris l’engagement de ne jamais utiliser en premier ces armes, de ne jamais les utiliser contre des zones exemptes d’armes nucléaires et de ne jamais les utiliser ou menacer de les utiliser contre des États non dotés de telles armes ; c’est la position la plus claire parmi celles des États dotés de l’arme nucléaire, a insisté l’Ambassadeur, rappelant que cette position a été confirmée dans différentes instances.

La Chine a, de façon active, déployé des efforts pour aboutir à une zone exempte d’arme nucléaire en Asie du Sud-Est. Elle a recherché le consensus auprès des « P5 » pour signer le plus rapidement possible le protocole au Traité de Bangkok avec l’ANASE dans ce domaine ; l’objectif est d’offrir des garanties négatives de sécurité de manière contraignante au sein de cette zone exempte d’armes nucléaires, a indiqué M. Li.

Beaucoup de pays souhaitent que les garanties négatives de sécurité soient une priorité dans le domaine de la non-prolifération et du désarmement nucléaire. Les États non dotés de l’arme nucléaire exhortent les États concernés à apporter des ajustements à leur politique au sujet de telles garanties. La Chine va pousser pour que la Conférence débute les travaux le plus rapidement possible sur l’élaboration d’un traité juridiquement contraignant dans ce domaine, a indiqué M. Li.

M. MARC FINAUD, membre de la délégation vietnamienne et Conseiller principal au Centre de politique de sécurité - Genève (Geneva Center for Security Policy, GCSP), a déclaré qu’il est important et urgent de reconnaître que le risque de recours aux armes nucléaires n’a jamais été aussi élevé depuis la guerre froide. Même si la communauté internationale est divisée sur la question de la légalité ou de la légitimité des armes nucléaires, abordée dans le traité sur l’interdiction des armes nucléaires, il ne fait aucun doute que le monde entier, y compris tous les États dotés de l’arme nucléaire, ont un intérêt vital à prévenir l’utilisation des armes nucléaires et donc à travailler ensemble pour réduire un tel risque. Le moyen le plus efficace et le plus radical d’éliminer le risque d’utilisation des armes nucléaires serait bien entendu leur élimination totale. Cependant, entre-temps, si tous les États qui ont renoncé de manière vérifiable à l'arme nucléaire parviennent à être protégés contre l'utilisation ou la menace d'utilisation de ces armes, cela contribuera grandement à l’objectif de prévenir une guerre nucléaire, a souligné M. Finaud.

Le recours aux garanties négatives de sécurité présente l’avantage de vaincre les divisions actuelles concernant la légalité des armes nucléaires sans porter préjudice aux approches respectives en matière de désarmement nucléaire, soit par le biais du traité sur l'interdiction des armes nucléaires, soit par le biais de la procédure dite progressive.

Il ne fait aucun doute que la garantie de sécurité négative la plus complète serait une politique de non-utilisation (des armes nucléaires), a déclaré l’expert. C’est la politique proclamée par la Chine et l’Inde, a-t-il fait observer. Aux États-Unis, le gouvernement précédent était sur le point d'adopter cette politique, qui est désormais requise par un projet de loi au Congrès et appuyée par des groupes de réflexion et des experts de premier plan. Malheureusement, des discussions et des doctrines appellent à des scénarii de combat nucléaire, à une escalade rapide en cas d’attaque classique ou à l’introduction de missiles dits à faible rendement voire de missiles hypersoniques dans les arsenaux nucléaires, contribuant à abaisser dangereusement le seuil de la guerre nucléaire, a relevé M. Finaud. La solution de rechange à une politique de non-utilisation en premier serait de clarifier une fois pour toutes les conditions dans lesquelles les États non dotés d’armes nucléaires peuvent bénéficier de garanties négatives de sécurité, a-t-il conclu.

Les délégations des pays suivants ont ensuite pris part au débat : France, Pakistan, Égypte, Pays-Bas, Japon, Royaume-Uni, États-Unis, Indonésie, Inde, République de Corée, Australie, Ukraine, Iran, Algérie et Brésil.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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