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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT SE PENCHE SUR LA QUESTION DU DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu, ce matin, un débat informel sur la question du désarmement nucléaire.

Dans des remarques liminaires, le Président de la Conférence, l’Ambassadeur Jorge Valero de la République bolivarienne du Venezuela, a indiqué que le débat porterait sur les trois points de l’ordre du jour de la Conférence consacrés, respectivement, à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire ; à la prévention de la guerre nucléaire ; et aux arrangements internationaux efficaces pour garantir les États non dotés d’armes nucléaires contre l’emploi ou la menace de ces armes.

Le Président a ensuite introduit les deux panélistes du débat : M. Usman Jadoon, Conseiller à la Mission permanente du Pakistan auprès des Nations unies à Genève, et M. John Borrie, Chef du programme sur les armes de destruction massive et autres armes stratégiques à l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR). Suite aux présentations des panélistes, la Conférence a débattu de façon informelle du désarmement nucléaire.


La prochaine réunion publique de la Conférence aura lieu ce jeudi 6 juin à 10 heures. Elle portera sur la proposition de programme de travail de la présidence vénézuélienne.


Débat thématique

Exposés des panélistes

M. USMAN JADOON, Conseiller à la Mission permanente du Pakistan auprès des Nations unies à Genève, a fait observer qu’au cours des quarante dernières années, de nombreuses idées et propositions ont été avancées pour débarrasser le monde des armes nucléaires. Certains pays ont été favorables à une approche progressive, d’autres à une approche globale, tandis que d’autres encore, frustrés par l’absence apparente de progrès, ont déjà codifié, en dehors de la Conférence, un traité interdisant les armes nucléaires. Les propositions ne manquent pas : ce qui manque, de l’avis de M. Jadoon, ce sont les conditions de sécurité qui permettent de progresser sur ces différentes voies.

Mais l’environnement stratégique n’est pas une excuse pour l’inaction, a ajouté M. Jadoon : cet environnement doit plutôt servir à lancer de nouveaux efforts diplomatiques et il faut se pencher sur les facteurs sous-jacents qui peuvent inverser la tendance. Tout d’abord, a recommandé le panéliste, il faut reconnaître le droit de tous les États à une sécurité égale. L’unilatéralisme doit être abandonné au profit d’un multilatéralisme de coopération et d’un ordre mondial équitable. Deuxièmement, il faut aborder les causes profondes et les motivations qui poussent les États à acquérir des armes nucléaires. Troisièmement, il faut reconnaître la responsabilité particulière qui incombe aux États dotés de capacités d’armement plus importantes de prendre l’initiative, dans le contexte d’un système de sécurité collective redynamisé et capable de garantir la paix et la stabilité dans un monde sans armes nucléaires.

M. Jadoon a en outre recommandé l’octroi de garanties effectives aux États non dotés d’armes nucléaires contre la menace d’utilisation de ces armes, par la conclusion d’un traité universel et juridiquement contraignant au sein de la Conférence. Il a aussi plaidé pour un renforcement du régime juridique visant à empêcher la militarisation de l’espace extra-atmosphérique en engageant des négociations à cet effet, toujours dans le cadre de la Conférence. Il faut aussi s’attaquer aux problèmes de sécurité régionale par la prise de mesures de confiance, de dialogue et de diplomatie, y compris la mise en place d’un régime de restrictions stratégiques en Asie du Sud ; la création d’un zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient ; et une péninsule coréenne dénucléarisée. Enfin, M. Jadoon a estimé qu’il fallait poursuivre la réduction mutuelle des forcées armées et des armements classiques, en reconnaissant leur lien de causalité direct avec le maintien de la dépendance envers l’arme nucléaire.

M. JOHN BORRIE, Chef du programme sur les armes de destruction massive et autres armes stratégiques à l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), a rappelé que, fin janvier 2019, le Conseil consultatif pour les questions de désarmement du Secrétaire général de l’ONU avait tenu sa 71e session à Genève, en se concentrant sur le régime de désarmement, la maîtrise des armements et la non-prolifération. Au cours des débats, les participants ont constaté un glissement (slide) vers une intensification de la concurrence entre les grandes puissances ; la fin de plus de cinq décennies de maîtrise des armements entre les États-Unis d’une part, l’Union soviétique et la Fédération de Russie d’autre part ; de même que la fin des efforts visant un processus de prévisibilité et de retenue stratégiques entre les États-Unis et la Chine. Un tel jugement est très proche de celui du Secrétaire général, tel qu'il est exposé dans son rapport sur l'Agenda pour le désarmement, a relevé M. Borrie.

Or, de nombreuses raisons laissent penser qu’une telle situation nuira aux intérêts de sécurité de Washington, de Moscou aussi bien que de Beijing, a estimé M. Borrie. Les trois protagonistes devraient se demander si leurs propres intérêts sont servis par une concurrence accrue et par la fin des efforts de maîtrise des armements, a poursuivi l’expert. Si Washington, Moscou et Pékin estiment que cette situation n’est pas dans leur intérêt, ils doivent trouver le moyen de le faire savoir et s’engager dans une autre voie.

À cet égard, M. Borrie – citant un rapport de M. Lewis A. Gunn, membre du conseil d’administration du Conseil consultatif – a d’abord suggéré de créer des commissions consultatives bilatérales de haut niveau sur le contrôle des armements, dotées d’objectifs et de mandats différents, l’une pour les États-Unis et la Fédération de Russie, l’autre pour les États-Unis et la Chine. Une autre piste à suivre, en particulier pour Washington et Moscou, consisterait à mettre à jour les mécanismes de prévention d’une guerre nucléaire hérités de la guerre froide. Il est aussi possible de renforcer les mesures émergentes entre les États-Unis et la Chine, notamment un cadre de communication et de réduction des conflits en cas de crise entre les armées des deux pays.

Comme deuxième voie, M. Borrie – citant toujours M. Gunn – a estimé qu’il fallait impliquer les trois protagonistes et d’autres pays. Dans le cadre du processus de dialogue sur la doctrine nucléaire, des mesures pourraient être explorées pour réduire les perceptions erronées et éviter les faux pas. Il faut également poursuivre l’idée de réaliser un code de conduite nucléaire ou stratégique. M. Dunn préconise aussi d’utiliser le processus du Traité de non-prolifération pour identifier des mesures de transparence et de renforcement de la confiance, et d’obtenir l’engagement des grandes puissances à les poursuivre. M. Borrie a cité, d’autre part, la proposition récente des États-Unis de créer un groupe de travail sur la création des conditions d’un désarmement nucléaire (Creating the Conditions of Nuclear Disarmament, CEND).

Enfin, comme troisième voie, M. Dunn envisage certaines actions que pourrait prendre le Secrétaire général des Nations Unies. Parmi elles, le recours à l’article 99 de la Charte des Nations Unies qui permet au Secrétaire général d’« attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Le Secrétaire général pourrait également prendre d’autres mesures qui viseraient à trouver une meilleure voie à suivre, comme par exemple réunir d’anciens militaires, fonctionnaires et experts des trois protagonistes pour évaluer comment préserver le régime bilatéral de contrôle des armements, s’agissant des États-Unis et de la Fédération de Russie ; et comment faire avancer un processus de « réassurance stratégique » entre la Chine et les États-Unis.

M. Borrie, pour conclure, a expliqué que ce qui compte le plus, c’est de commencer à parler, et de prendre ensuite des mesures pour inverser la tendance actuelle. Le succès ouvrira à son tour d’autres possibilités de relancer la recherche d’une vision à long terme du désarmement nucléaire.


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