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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU ROYAUME-UNI

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport du Royaume-Uni sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. Paul Candler, Directeur chargé de l’international et des droits au Ministère de la justice du Royaume-Uni, a évoqué les préoccupations de la société civile au sujet des effets du Brexit sur le cadre des droits de l’homme du Royaume-Uni, pour assurer que la décision de quitter l’Union européenne ne changerait rien au fait que la protection des droits est une valeur fondamentale du Royaume-Uni. Après le départ de l’Union européenne, le Gouvernement britannique restera lié par la Convention européenne des droits de l’homme et le Gouvernement a confirmé récemment devant la Chambre des Communes qu’il n’avait aucune intention d’abroger ni d’amender la loi relative aux droits de l’homme (Human Rights Act, 1998).

M. Candler a par ailleurs insisté sur deux aspects particuliers de l’action de son Gouvernement relevant du champ de la Convention: la lutte contre la violence domestique et la lutte contre l’esclavage moderne.

La délégation du Royaume-Uni était également composée de plusieurs représentants du Ministère de la justice, du Home Office (Ministère de l’intérieur), du Foreign Office (Ministère des affaires étrangères) et du Département (Ministère) de la santé et des affaires sociales, de même que de représentants des gouvernements de l’Écosse, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord.

La délégation a répondu aux questions des membres du Comité concernant, notamment, le cadre législatif global relatif aux droits de l'homme; certaines questions intéressant l’Irlande du Nord; la lutte contre la traite de personnes; les conditions carcérales et les mauvais traitements voire les décès en détention; l’âge de la responsabilité pénale; la lutte contre les crimes de haine; les questions relatives à l’asile et aux migrants; le scandale Windrush; les exportations d’armes; ou encore la lutte contre la violence sexiste.

Mme Felice Gaer, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Royaume-Uni, a fait état de préoccupations exprimées par des organisations de la société civile au sujet de l’effet du Brexit sur l’application de la Convention contre la torture et de l’incertitude qui règne après que Mme May eut affirmé que la Convention européenne des droits de l’homme liait les mains du Parlement et n’ajoutait rien à la prospérité du Royaume. Mme Gaer s’est aussi dite préoccupée par l’augmentation très forte depuis 2017 du nombre d’agressions contre les musulmans, les transgenres et les personnes « non binaires » au Royaume-Uni.

Observant, d’autre part, que l’Irlande du Nord est privée de gouvernement fonctionnel depuis 2017, la corapporteuse a prié la délégation de réaffirmer que le Royaume-Uni prendrait toutes les mesures nécessaires pour y assurer l’application de la Convention. Mme Gaer a recommandé que le Gouvernement évalue les documents historiques découverts en 2016 et qui prouveraient que les militaires britanniques auraient commis des actes de torture lors du conflit en Irlande du Nord, dans les années 1970.

M. Claude Heller Rouassant, également corapporteur, a souligné l’ambiguïté de la définition de la torture adoptée au Royaume-Uni dans sa Loi sur la justice pénale de 1988. Un autre membre du Comité a quant à lui cité un rapport parlementaire affirmant que les agences de renseignement britanniques avaient participé à des actes de torture, remis des personnes à des agences tierces ou contribué aux activités d’agences tierces impliquant des actes de torture ou des mauvais traitements. Pour sa part, M. Jens Modvig, Président du Comité, a recommandé que le Gouvernement britannique se dote des moyens de détecter aussi vite que possible les requérants d’asile ayant subi des actes de torture et d’assurer alors leur prise en charge adéquate.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Royaume-Uni et les rendra publiques à l'issue de la session, le 17 mai prochain.


Demain matin, à 10 heures, le Comité tiendra une réunion avec le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture (SPT).


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du sixième rapport périodique du Royaume-Uni (CAT/C/GBR/6), établi sur la base d’une liste de points à traiter préalablement soumise au pays par le Comité.

[Le rapport précise, en particulier, que le champ d’application de la Convention s’étend, outre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, à « dix territoires d’outre-mer ayant des populations autochtones permanentes: Anguilla; Bermudes; îles Caïmanes; îles Falkland; Gibraltar; Montserrat; groupe formé par Pitcairn, Henderson, Ducie et Oeno; groupe formé par Sainte-Hélène, Ascension, Tristan da Cunha; îles Turques et Caïques; îles Vierges (britanniques) »; et à « trois dépendances de la Couronne: le bailliage de Guernesey, le bailliage de Jersey et l’île de Man. »]

Présentant ce rapport, M. PAUL CANDLER, Directeur chargé de l’international et des droits au Ministère de la justice du Royaume-Uni, a assuré que le Gouvernement britannique condamnait sans réserve la torture et tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, et qu’il collaborait étroitement avec ses partenaires internationaux, y compris les Nations Unies, pour éradiquer cette pratique détestable. M. Candler a insisté sur la longue tradition de son pays en matière de protection des droits et libertés. Il a relevé que le concept de « droits » remontait à la Magna Carta de 1215, et que ce concept avait évolué sous l’effet de la common law, notamment.

M. Candler a ensuite évoqué les préoccupations exprimées par certaines organisations de la société civile au sujet des effets du Brexit sur le cadre des droits de l’homme du Royaume-Uni. Il a assuré que la décision de quitter l’Union européenne ne changerait rien au fait que la protection des droits est une valeur fondamentale du Royaume-Uni. Après le départ de l’Union européenne, le Gouvernement britannique restera lié par la Convention européenne des droits de l’homme; d’autre part, a insisté le chef de la délégation, le Gouvernement a confirmé devant la Chambre des Communes qu’il n’avait aucune intention d’abroger ni d’amender la loi relative aux droits de l’homme (Human Rights Act, 1998).

M. Candler a par ailleurs mentionné deux aspects particuliers de l’action de son Gouvernement relevant du champ de la Convention: la lutte contre la violence domestique et la lutte contre l’esclavage moderne. S’agissant de la violence domestique, il a notamment précisé que le Gouvernement s’était engagé à octroyer cent millions de livres sterling, jusqu’en 2020, à la lutte contre la violence envers les femmes et les filles, afin, entre autres, de financer des centres d’aide aux victimes de viol. S’agissant de l’esclavage moderne – qui englobe l’exploitation sexuelle, le travail forcé et la traite des personnes –, le Gouvernement est en train de transformer la réaction des forces de l'ordre et de la justice face à ces crimes et de renforcer le soutien aux victimes, a indiqué M. Candler, avant de fournir d’autres exemples de mesures prises par les autorités des dépendances de la Couronne dans ces deux domaines (lutte contre la violence domestique et contre l’esclavage moderne).

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME FELICE GAER, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Royaume-Uni, a souligné que plusieurs organisations ayant soumis des rapports indépendants au Comité sont préoccupées par l’effet du Brexit sur l’application de la Convention contre la torture, et par l’incertitude qui règne suite aux propos de Mme May affirmant que la Convention européenne des droits de l’homme liait les mains du Parlement et n’ajoutait rien à la prospérité du Royaume. Observant, d’autre part, que l’Irlande du Nord est privée de gouvernement fonctionnel depuis 2017, la corapporteuse a prié la délégation de réaffirmer que le Royaume-Uni prendrait toutes les mesures nécessaires pour y assurer l’application de la Convention.

Mme Gaer a posé plusieurs questions relatives à la manière dont le Royaume-Uni s’acquitte de ses obligations relatives aux enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitement. Elle a fait état d’allégations précises de mauvais traitements sur des personnes détenues et de mille cas d’abus sexuels commis depuis dix ans sur des mineurs détenus. Mme Gaer a demandé à la délégation de dire combien de plaintes avaient été reçues concernant des violences dans la maison de correction de Medway. Elle a en outre souhaité savoir combien de personnes avaient été condamnées, pendant la période sous examen, pour des mauvais traitements relevant de la Convention.

Revenant sur les 1070 allégations de violences sexuelles sur des enfants en détention enregistrées entre 2009 et 2017 au Royaume-Uni, la corapporteuse s’est enquise des mesures prises pour traduire les responsables de ces actes en justice. Elle s’est en outre dite déçue que le rapport ne fournisse pas d’information sur le nombre de plaintes reçues pour violences entre détenus.

La corapporteuse a ensuite relevé que le mécanisme national de prévention (de la torture) au Royaume-Uni était une structure complexe, composée de 21 organes. Elle a voulu savoir si le Gouvernement allait renforcer le budget de cette institution et lui donner un statut légal.

Mme Gaer a d’autre part demandé à la délégation de commenter les déclarations d’organisations non gouvernementales (ONG) regrettant le faible nombre de poursuites et de condamnations d’auteurs de violences contre des femmes dans les différentes parties du Royaume-Uni, y compris l’Irlande du Nord. Elle s’est par ailleurs félicitée des mesures prises par le Royaume-Uni contre les mutilations génitales féminines. Elle a en revanche fait part de sa préoccupation face à la persistance du mariage forcé au Royaume-Uni (plus de mille cas en 2017). L’experte a regretté que le Gouvernement n’en fasse pas assez pour protéger, contre la violence, les femmes immigrées au statut incertain.

Mme Gaer a en outre regretté que le Royaume-Uni ne collecte toujours pas de données centralisées sur la traite des personnes. Elle s’est enquise des mesures que le Gouvernement entendait prendre pour remédier aux lacunes identifiées par des organisations de la société civile dans le domaine de la lutte contre la traite: manque de formation des policiers, manque de mécanisme de soutien aux femmes victimes de la traite, difficultés d’accès à l’aide juridictionnelle, indépendance de la commission contre l’esclavage ou encore non-application de la définition internationale de la traite des personnes.

Mme Gaer a salué les amendements apportés à la loi pour réprimer les crimes de haine au Royaume-Uni. Elle s’est néanmoins dite préoccupée par l’augmentation très forte depuis 2017 du nombre d’agressions contre les musulmans, les transgenres et les personnes « non binaires » au Royaume-Uni.

S’agissant ensuite de la prévention de la torture, Mme Gaer a regretté que le Gouvernement britannique ne tienne pas de statistiques sur le nombre de demandes d’asile motivées par des allégations de torture. Selon une ONG, s’est-elle inquiétée, les fonctionnaires responsables rejetteraient de manière arbitraire des preuves médicales de torture subie. D’autres questions de l’experte ont porté sur l’évaluation des « assurances diplomatiques » fournies au Royaume-Uni lors d’une demande de renvoi. Le Comité insiste sur le fait que ces assurances diplomatiques ne doivent pas être utilisées pour saper le principe de non-refoulement d’une personne vers un pays où elle risquerait de subir la torture, a rappelé la corapporteuse.

S’agissant enfin d’allégations de torture et de mauvais traitements en Irlande du Nord, Mme Gaer a regretté que l’Accord de Stormont House (2014), qui avait pour objet de faire la lumière sur les décès survenus pendant le conflit dans ce pays, n’ait pas été appliqué. La corapporteuse s’est aussi dite préoccupée par la volonté exprimée au sein du Gouvernement britannique de prononcer une amnistie pour les crimes commis pendant les troubles en Irlande du Nord. Elle a demandé si le Gouvernement allait diligenter une enquête publique sur le meurtre de Patrick Finucane, en 1989. Mme Gaer a aussi demandé quelles mesures le Gouvernement entendait prendre pour veiller à ce que ses fonctionnaires ne harcèlent pas les journalistes qui enquêtent sur la responsabilité d’agents de l’État dans des violations des droits de l’homme commises pendant le conflit. À la lumière de la découverte, en 2016, de documents historiques qui prouveraient que les militaires britanniques auraient commis des actes de torture dans les années 1970, Mme Gaer a voulu savoir si le Gouvernement entendait évaluer la véracité de ces informations et, potentiellement, traduire les responsables en justice et dédommager les victimes.

La corapporteuse a enfin rappelé que les femmes survivantes de violences et d’autres abus commis dans les couvents de la Madeleine (Magdalene Laundries) d’Irlande du Nord ont droit à des réparations.

Mme Gaer a par la suite notamment voulu savoir si le Royaume-Uni entendait se doter d’un mécanisme chargé de superviser l’application de la Convention. Elle a en outre demandé si la Convention s’appliquait aussi dans les territoires outre-mer.

M. CLAUDE HELLER ROUASSANT, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Royaume-Uni, a rappelé que le Comité est, depuis un certain temps, préoccupé par l’ambiguïté de la définition de la torture adoptée au Royaume-Uni dans la loi sur la justice pénale (1988), dans la mesure où cette définition permettrait une application de loi contraire à l’interdiction absolue de la torture portée par la Convention. À ce propos, plusieurs organes de droits de l’homme ont exprimé leur préoccupation face au projet visant à remplacer la loi mentionnée par une nouvelle « charte britannique des droits » qui pourrait abaisser le niveau de protection des droits de l’homme, y compris pour ce qui est de l’interdiction de la torture, a souligné le corapporteur.

M. Heller Rouassant a ensuite posé plusieurs questions sur la formation aux droits de l’homme dispensée aux policiers, aux gardiens de prison et aux militaires au Royaume-Uni. Il a notamment voulu savoir si les allégations faisant état de torture et de mauvais traitements de la part de certains militaires engagés à l’étranger avaient entraîné des changements dans les formations dispensées à ces personnels. Il s’est en outre demandé ce que faisait le Royaume-Uni, dans le cadre de ses efforts de coopération internationale, pour empêcher que les gardes-côtes libyens ne commettent des actes équivalents à la torture sur des migrants.

M. Heller Rouassant a par ailleurs recommandé que le Royaume-Uni crée un organisme chargé de faire la lumière sur les décès en détention préventive signalés par la police. Il a aussi recommandé que le Royaume-Uni légifère pour fixer une durée maximale à la détention des migrants et demandeurs d’asile, conformément aux recommandations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Pendant l’occupation en Iraq, l’armée britannique a dirigé plusieurs centres de détention où des soldats se sont livrés à des tortures ou des mauvais traitements sur des détenus – détenus dont certains sont décédés: la Cour suprême du Royaume-Uni a confirmé que le Ministère de la défense et les troupes britanniques avaient ainsi enfreint les dispositions des Conventions de Genève, a rappelé le corapporteur. Il a prié la délégation de fournir des renseignements sur les enquêtes éventuellement menées au sujet des activités dans des prisons secrètes gérées par le Royaume-Uni en Iraq.

M. Heller Rouassant a d’autre part fait état de nombreuses allégations émanant d’ONG relativement à des cas de torture ou de mauvais traitements infligés à des personnes détenues par les militaires britanniques – ces ONG dénonçant même la complicité du Gouvernement dans ces faits. La lecture du rapport montre que, dans aucun de ces cas, le Gouvernement n’a admis sa responsabilité, a relevé le corapporteur.

M. Heller Rouassant a ensuite relevé que le Gouvernement britannique était parvenu à un accord privé avec un couple libyen qui, renvoyé en Libye lors d’une opération clandestine (menée) avec la CIA, y avait été victime de torture.

D’autres questions du corapporteur ont porté sur les mesures de lutte contre le terrorisme au Royaume-Uni. Il a voulu savoir si l’application de la loi antiterroriste, qui a entraîné l’arrestation de plus de 17 000 personnes, avait donné lieu à des plaintes devant les tribunaux.

M. Heller Rouassant a en outre relevé que l’âge minimal de la responsabilité pénale est fixé à 10 ans au Royaume-Uni; or, plusieurs instances internationales ont souligné que cet âge n’était pas conforme aux normes internationales.

Le corapporteur s’est par ailleurs enquis des modalités d’utilisation des armes à décharge électrique (Taser) par la police; des réparations accordées aux victimes du scandale Windrush; et du contrôle des exportations d’armes par le Royaume-Uni.

Un autre membre du Comité a cité un rapport parlementaire affirmant que les agences de renseignement britanniques avaient participé à des actes de torture, remis des personnes à des agences tierces ou contribué aux activités d’agences tierces impliquant des actes de torture ou des mauvais traitements. Il a demandé quelles suites avaient été données à ces révélations.

Une experte a espéré que le Gouvernement britannique reviendrait sur sa position consistant à juger légal tout acte d’un de ses propres agents dans un pays tiers pour autant que cet acte soit légal dans le pays considéré: cela revient à justifier la flagellation, l’amputation et d’autres mauvais traitements, a mis en garde l’experte.

Un expert a suggéré que le Royaume-Uni contribue au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

M. Jens Modvig, Président du Comité, a recommandé que le Gouvernement britannique se dote des moyens de détecter aussi vite que possible les requérants d’asile ayant subi des actes de torture et d’assurer alors leur prise en charge adéquate. Il a également recommandé que soit dûment motivé le rejet d’un certificat médical attestant qu’un requérant a subi la torture.

D’autres questions des experts ont porté sur la prise en charge médicale des détenus souffrant de troubles de santé mentale; sur les effets des moyens de contrainte ou de contention sur les jeunes délinquants détenus; et sur la liste des « pays sûrs » vers lesquels le Royaume-Uni estime qu’il peut extrader des personnes sans danger, en particulier les requérants d’asile déboutés.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord répondu aux questions portant sur le cadre législatif des droits de l’homme au Royaume-Uni. Elle a réaffirmé que le cadre en vigueur offrait des garanties suffisantes et que [quoi qu’il en soit du Brexit] le Royaume-Uni resterait lié par la Convention européenne des droits de l’homme [qui relève du Conseil de l’Europe et non pas de l’Union européenne], dont les dispositions sont appliquées par le biais de la Loi sur les droits de l’homme; la délégation a ajouté qu’il n’était pas question d’adopter une « charte britannique des droits ».

La délégation a d’autre part souligné que la loi en vigueur prévoit que personne ne doit être soumis à la torture et que des réparations doivent être octroyées aux victimes. Les tribunaux peuvent invoquer la Convention contre la torture dans leurs jugements, a précisé la délégation. Le Royaume-Uni n’envisage pas de reconnaître au Comité la possibilité d’examiner des plaintes individuelles concernant le pays, a en outre fait savoir la délégation.

Le mécanisme national de prévention souffre effectivement de problèmes, vu le manque de statut clair de cette institution, a ensuite admis la délégation. Plusieurs options législatives sont en cours d’examen à cet égard, de même que l’augmentation des moyens à sa disposition, a-t-elle indiqué; pour autant, l’indépendance du mécanisme est garantie en l’état, a-t-elle ajouté.

S’agissant de l’Irlande du Nord, la délégation a précisé que les pourparlers pour la restauration de l’exécutif nord-irlandais avaient repris hier, avec pour objectif de revenir aux conditions définies par l’Accord de Belfast (Accord du Vendredi-Saint).

À propos de l’Accord de Stormont, la délégation a indiqué que son Gouvernement formulerait bientôt des propositions avant de soumettre un projet de loi. Toute approche du passé doit être conforme à l’état de droit, a poursuivi la délégation; des poursuites judiciaires seront engagées dès lors que les éléments de preuve existent au sujet d’événements passés, le Gouvernement britannique n’étant pas favorable aux amnisties dans ce domaine. La délégation a par ailleurs assuré que le Gouvernement britannique ne mettait pas d’obstacles à la diffusion d’informations, y compris celles relatives à des crimes qui auraient été commis pendant la période de trouble en Irlande du Nord. La délégation a réaffirmé la détermination de son Gouvernement à lutter contre la torture.

Toujours s’agissant de l’Irlande du Nord, la délégation a d’autre part fait état d’un recul du nombre des attaques de paramilitaires contre des enfants.

Le Gouvernement britannique compatit aux souffrances de la veuve de M. Finucane, victime d’un odieux assassinat; le Gouvernement examine en ce moment même l’arrêt rendu par la Cour suprême du Royaume-Uni sur cette affaire, a indiqué la délégation.

La délégation a aussi indiqué qu’un groupe de travail avait été créé il y a deux ans pour faire la lumière sur les événements survenus dans les couvents de la Madeleine; les résultats des recherches devraient être connus cet été, a-t-elle précisé.

S’agissant de questions de procédure judiciaire, la délégation a précisé, entre autres choses, que la Police métropolitaine était désormais chargée des enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. La police publie des statistiques à ce propos sur son site Web; quatre-vingts dossiers sont toujours à l’examen concernant des décès en Iraq, dont huit enquêtes ouvertes en 2018. La délégation a précisé, en outre, que les forces armées britanniques sont soumises au droit pénal du Royaume-Uni.

Passant aux questions relatives à certaines activités internationales du Royaume-Uni, la délégation a indiqué que son Gouvernement considérait avec le plus grand sérieux ses exportations d’armes, lesquelles doivent être autorisées par le Gouvernement dans le respect de normes nationales et européennes, et après évaluation du risque en matière de droits de l’homme. Le Royaume-Uni n’exporte pas d’équipement s’il évalue qu’il existe un risque clair que cet équipement puisse être utilisée pour une répression interne dans un pays ou qu’il puisse provoquer ou prolonger un conflit dans un pays, ou encore que le destinataire prévu de cet équipement puisse l’utiliser de manière agressive contre un pays tiers.

La délégation a ensuite fait savoir que le Gouvernement disposait d’un mécanisme pour identifier les victimes ou victimes potentielles de la traite des personnes. Ce problème concerne plus de 6500 victimes par an et quelque 185 condamnations (pour ce crime) ont été prononcées entre 2017 et 2018. Un million de livres sterling supplémentaires ont été affectées à l’unité de la police concernée par la lutte contre ce phénomène. Des statistiques complètes sont disponibles sur les sites Internet du Gouvernement. La formation dispensée aux fonctionnaires concernés par la répression de la traite et la prise en charge des victimes a récemment fait l’objet d’une évaluation.

La loi sur l’esclavage moderne vient de faire l’objet d’une révision par un groupe d’experts et de parlementaires, a en outre rappelé la délégation, avant d’ajouter que des recommandations à ce sujet seront faites au Gouvernement dans les prochaines semaines. Des mesures sont déjà prévues s’agissant de l’identification des victimes.

La délégation a répondu à d’autres questions des experts portant sur la définition de la traite et sur la protection des personnels domestiques – y compris ceux qui travaillent pour des diplomates – contre l’esclavage.

Le Royaume-Uni continuera de dispenser aux gardes-côtes libyens une formation à la lutte contre la traite, dans le respect des droits de l’homme, pour autant que certaines conditions soient respectées, a en outre souligné la délégation; le Gouvernement britannique a notamment fait savoir qu’il jugeait inacceptable toute violation des principes afférents aux droits de l'homme.

Répondant aux questions sur les conditions carcérales, la délégation a déclaré que le Gouvernement avait pour objectif de recruter plus de 2500 gardiens de prison et qu’il avait déjà pris des mesures contre la corruption du personnel carcéral. Les autorités entendent aussi remédier à la surreprésentation de certaines minorités au sein de la population détenue.

La délégation a par la suite fait savoir que la réduction de la population carcérale était une des priorités des autorités écossaises, lesquelles misent en particulier sur le recours aux peines alternatives à la détention des jeunes délinquants.

En outre, le recours au Taser, strictement encadré, est exclu dans les lieux de détention et dans les centres de rétention, a précisé la délégation.

Les actes constitutifs de torture sont des délits pénaux passibles de sanctions, a ensuite rappelé la délégation. Quant au recours aux moyens de contention et à la force, il doit répondre à des nombreux critères définis par loi, notamment le critère de proportionnalité.

Tous les fonctionnaires d’État connaissent le contenu de la Loi sur les droits de l’homme de 1998, a insisté la délégation. Les personnels non militaires engagés aux côtés de l’armée britannique sont, eux aussi, formés aux questions relatives aux droits de l’homme et à l’interdiction de la torture. En cas de recours abusif à la force, les agents concernés sont passibles de mesures disciplinaires ou d’autres sanctions. Les autorités ont investi dans l’équipement vidéo de plus de 6000 salles d’interrogatoire, a-t-il été précisé.

L’obligation redditionnelle et les leçons à tirer des décès en garde à vue ou en détention sont des priorités pour les autorités, a poursuivi la délégation, avant d’affirmer qu’une partie de ces décès sont des suicides.

La délégation a aussi précisé que les autorités pénitentiaires s’efforçaient toujours de transporter séparément les détenus des deux sexes et les mineurs.

Le Gouvernement a répondu, en novembre 2018, au rapport parlementaire publié en juillet de la même année au sujet de mauvais traitements en détention et de transferts extrajudiciaires de personnes. Ces deux documents sont accessibles au public. Les autorités ont fait savoir publiquement qu’elles accordaient la plus grande attention aux questions relatives au traitement des personnes détenues et qu’elles entendaient tirer les leçons des événements passés.

La délégation a par la suite précisé que, depuis 2018, cinquante procédures disciplinaires avaient été prononcées à l’encontre de gardiens de prison convaincus de mauvais traitements sur des détenus. Elle a en outre insisté sur le fait que les mineurs ne sont jamais placés à l’isolement dans les centres de détention et que les requérants d’asile ne sont pas détenus.

La délégation a expliqué que le fait de fixer l’âge de la responsabilité pénale à 10 ans permettait aux autorités du Royaume-Uni d’intervenir suffisamment tôt pour gérer une tendance à la délinquance. Elle a précisé que la détention n’était pas la mesure privilégiée s’agissant des mineurs en conflit avec la loi. Toutes les allégations d’abus commis dans le centre de Medway ont donné lieu à des enquêtes et à des sanctions, a assuré la délégation. Il a été indiqué, d’autre part, que l’Écosse avait élevé l’âge de la responsabilité pénale à 12 ans.

Le Gouvernement britannique considère la question des crimes de haine avec le plus grand sérieux. Il a adopté un plan national d’action axé sur la prévention, l’intervention, l’obligation redditionnelle, l’appui aux victimes et une meilleure compréhension du problème. Actualisé en 2018, le plan prévoit des mesures de formation de la police, afin que cette dernière soit en mesure d'identifier les victimes potentielles, y compris les personnes victimes de transphobie et d’homophobie. Une commission parlementaire indépendante a été chargée de réviser la loi sur les crimes de haine, a précisé la délégation.

S’agissant des questions relatives à l’asile et aux migrations, la délégation a notamment indiqué que les requérants ont accès aux soins dont ils ont besoin, y compris pour ce qui est des soins de santé mentale. La détention de migrants est possible mais aussi rare et brève que possible, a ensuite souligné la délégation, avant d’ajouter qu’il n’était pas question, en l’état actuel des choses, de limiter cette durée à 28 jours, comme cela avait été suggéré par un expert du Comité.

Des statistiques sont régulièrement publiées sur les demandes d’asile et les demandes de protection internationale, a poursuivi la délégation. La torture est l’un des critères pris en compte dans l’examen des demandes, mais les autorités ne tiennent pas de statistiques ventilées à cet égard, a-t-elle indiqué.

Chaque décision de renvoi est examinée au cas par cas, a expliqué la délégation; le Royaume-Uni ne renvoie pas une personne dans un pays où elle risquerait la peine de mort, par exemple, et des organisations non gouvernementales participent sur place à l’évaluation de l’opportunité d’un renvoi.

Le Président du Comité s’étant interrogé sur la capacité des personnels médicaux à détecter les signes de torture sur les requérants d’asile, la délégation a fait savoir que la formation des médecins dans ce domaine était régie par une ligne directrice intégrant les recommandations du Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1999), notamment.

Une commission a été chargée de mettre en place un système d’indemnisation des victimes du scandale Windrush, a-t-il été indiqué en réponse à une question d’un expert.

La lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles est une priorité absolue pour le Gouvernement britannique, a d’autre part souligné la délégation, avant d’indiquer que, depuis 2010, le nombre de dénonciations (d’actes de ce type) avait progressé de 23% et le nombre de condamnations de 10%. De nombreuses nouvelles places seront ouvertes ces prochaines années dans les foyers d’accueil, tandis que les services d’aide aux victimes verront leurs moyens augmenter de 40 millions de livres sur trois ans. La lutte contre la violence sexiste passe aussi par la répression des mutilations génitales féminines, a ajouté la délégation.

Répondant enfin à des questions sur le traitement des jeunes intersexes au Royaume-Uni, la délégation a indiqué que des équipes interdisciplinaires étaient chargées de déterminer la meilleure option de traitement, en collaboration avec les jeunes et leurs familles. Le Gouvernement est en train d’examiner les réponses à la première enquête sur ce problème qu’il a menée récemment.

Répondant à des questions de suivi des experts, la délégation a donné une liste des dépendances de la Couronne dans lesquelles la Convention avait effet. Elle a précisé que les autorités centrales envoient, dans les dépendances, des commissions chargées notamment de vérifier les conditions de détention.

Remarques de conclusion

M. CANDLER a dit attendre avec intérêt les recommandations du Comité, espérant qu’elles contiendraient des indications utiles pour le Royaume-Uni.

M. MODVIG a fait savoir que, parmi ces recommandations, le Comité mettrait en avant trois questions particulièrement importantes devant faire l’objet d’une réponse de la part du Royaume-Uni dans un délai relativement bref.



Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT/19/7F