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“Gouvernance mondiale : quel rôle pour les jeunes ? »

Michael Møller

28 novembre 2016
“Gouvernance mondiale : quel rôle pour les jeunes ? »

Allocution de M. Michael Møller,
Directeur général de l'Office des Nations Unies à Genève,
“Gouvernance mondiale : quel rôle pour les jeunes ? »
Lundi 28 novembre 2016, 18 h 30
Université de Genève, Uni Mail, Salle S150

Chers étudiants,
Mesdames et Messieurs :

Je me réjouis de discuter le rôle des jeunes dans la gouvernance mondiale avec vous tous aujourd’hui. J’aimerais tout d’abord remercier l’Université de Genève, le Forum Suisse de Politique Internationale et « Foraus » d’avoir organisé cet évènement. Et merci à vous tous d’être si nombreux ici ce soir et , de prouver ainsi votre intérêt en la gouvernance mondiale. En cette époque caractérisée par la création de mouvements de protestation hors des structures et institutions de gouvernance aux niveaux local, national et international, l’échange et le débat constructifs sont essentiels. Et l’université de Genève fournit un lieu privilégié de rencontre entre les organisations de la gouvernance mondiale comme l’ONU, les ONGs, le secteur privé, l’académie et les individus qui doivent jouer un rôle actif dans cette gouvernance.

Beaucoup se demandent si l’on peut encore parler de gouvernance mondiale, alors que la réalité que nous voyons à la télévision ou dans les journaux parait être plus proche de l’anarchie que d’ une gouvernance bien structurée. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette évaluation. Le travail des acteurs de la Genève internationale – y compris les agences onusiennes, les ONG, les institutions académiques, le secteur privé et d’autres – et son impact positif et direct sur la vie de chacun dans cette salle, et de chacun partout dans le monde, chaque jour est le meilleur exemple d’une partie du système de gouvernance efficace.

Un exemple illustratif classique parmi des centaines de l’influence de notre travail à Genève est le téléphone portable. Grâce aux standards et aux accords conclus à Genève, surtout à l’Union Internationale de la Télécommunication, nous pouvons tous appeler nos amis dans - et en dehors - de la Suisse. En effet, les accords commerciaux qui régissent les relations import/export des téléphones portables et d’autres biens sont négociés à l’Organisation Mondiale du Commerce ici à Genève. Les règles et les brevets délivrés pour la protection des développements technologiques - sans lesquels les Smartphones ne pourraient pas fonctionner - sont négociés dans le cadre de l’organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Et il y a encore beaucoup d’autres exemples.

Les médias ne parlent pas souvent de ces exemples de succès de la gouvernance mondiale. Cela est problématique, parce que les gens ne se rendent plus compte de la valeur des institutions multilatérales. Mais il est également vrai qu’il y a des défis structurels du système de gouvernance mondiale qu’il nous faut relever pour mieux gérer notre avenir et pour rétablir la confiance en nos institutions et organisations.

Nous faisons face à des changements rapides, et très profonds. Les conflits tragiques en Syrie, Iraq, au Yémen, dans plusieurs pays africains, et même ici en Europe en Ukraine, nous montrent que les structures politiques de la gouvernance mondiale n’arrive pas à prévenir et résoudre efficacement tous les désagréments du 21ième siècle. Le caractère des conflits a changé et il nous faut ajuster nos institutions. Au départ purement interétatiques ou intra-étatiques, les conflits se sont mués en une combinaison complexe de guerres civiles, combinant à la fois des éléments de conflits armés traditionnels avec des éléments terroristes – qui souvent relèvent d’une idéologie extrémiste ou, encore, des éléments criminels. Le manque d’outils efficaces pour résoudre ces conflits entraîne des crises persistantes. Un enfant de cinq ans en Syrie aujourd’hui n’a jamais vécu en paix. Cela a un impact profond sur le futur de cette jeunesse.

Les règles essentielles de droit international sont de plus en plus fréquemment enfreintes en toute impunité. Cela a souvent des conséquences directes très négatives, quand on parle des bombardements d’hôpitaux par exemple. Mais l’impact est encore plus vaste. Les gens partout commencent à se demander : si les acteurs internationaux ne respectent pas leurs propres règles, pourquoi dois-je respecter ceux de ma société ? Cela contribue à alimenter l’inégalité et les sentiments d’injustice; deux des plus grands facteurs de conflits. Et les deux sont les racines du déficit croissant de confiance actuellement ressenti à travers le monde.

L’inégalité n’est pas seulement un sentiment en conséquence d’un manque de respect pour les règles, mais aussi une réalité économique pour beaucoup de gens. Les jeunes, principalement, peinent à trouver des emplois surs et bien payés. L’Organisation internationale du Travail estime qu’il y a 71 millions de jeunes chômeurs dans le monde et que 156 millions de jeunes travailleurs vivent dans la pauvreté. Quand l’écart entre les riches et les pauvres ne diminue pas, les gens, et surtout les jeunes, naturellement, perdent l’espoir.

Mais comprendre n’est que le premier pas. Il faut agir pour répondre aux besoins des gens. Et depuis trop longtemps, les politiciens et les chefs des administrations locales, nationales et internationales ont laissé ce chantier aux populistes. Leurs réponses d’isolation et de « chacun pour soi » semblent simple et clair, mais ils ne peuvent pas fonctionner face à des défis qui sont intrinsèquement internationaux, comme le changement climatique, la migration et beaucoup d’autres.

Ces défis nécessitent une solidarité internationale et une approche plus intégrée et plus inclusive. Chaque individu doit avoir un rôle dans la gouvernance mondiale du 21ième siècle. Et surtout la jeunesse. Vous faites partie de la plus grande génération de jeunes de l'histoire. En 2015, il y avait 1,2 milliard de jeunes âgés de 15 à 24 ans – une personne sur six – dans le monde. En tant que groupe, vous avez donc un énorme pouvoir potentiel.

Ce pouvoir est encore augmenté par le fait que malgré les défis et obstacles, la race humaine a progressé de façon importante. En moyenne, nous vivons plus longtemps et en meilleure santé, bénéficions d’une meilleure éducation et sommes plus interconnectés que jamais. Grace aux programmes des agences comme l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, et le travail de beaucoup d’autres partenaires et Etats membres, le taux d'alphabétisation chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans a augmenté globalement de 83 pour cent à 91 pour cent entre 1990 et 2015 par exemple. Les jeunes générations d’aujourd’hui sont mieux équipées pour participer à la gouvernance mondiale et locale, surtout quand nous considérons l’aspect des nouvelles technologies. Aujourd’hui, l’organisation d’un rassemblement se fait facilement sur les réseaux sociaux. Les gens peuvent échanger hors des médias traditionnels pour donner des avis plus indépendants.

Tout cela fait partie des changements profonds. Et notre problème est que les structures des institutions et organisations internationales ne sont pas assez flexibles pour s’ ajuster à ces défis assez rapidement. Nous connaissons tous les arguments selon lesquels le Conseil de Sécurité de l’ONU, créé après la seconde guerre mondiale, n’est plus représentatif de la réalité géopolitique d’aujourd’hui. Et c’est vrai que beaucoup d’organes des Nations Unies et leurs procédures ne sont pas naturellement transparents ou simples, car ils sont tous basés sur des compromis complexes entre les 193 pays membres. La volonté politique est encore trop faible pour une réforme profonde et nécessaire. Ainsi, nous allons devoir travailler mieux avec ce que nous avons, c’est-à-dire travailler d’une manière beaucoup plus intégrée, plus collaborative, plus transversale et en coopération avec les organisations et surtout toutes les générations.

Et les institutions que nous avons peuvent accueillir plus de participation de la jeunesse. Aux Nations Unies, nous avons fait du progrès dans ce domaine, surtout avec le Programme d’Action Mondial pour la Jeunesse de 1995 et le « Youth System Wide Action Plan », un plan d’action pour la jeunesse dans le système onusien. Travailler avec et pour les jeunes a aussi été l'une des cinq priorités de notre Secrétaire général pour son second mandat, qui arrivera à terme à la fin de cette année, et en 2013, il a nommé le premier envoyé pour la jeunesse. Nous avons aussi augmenté notre présence sur les réseaux sociaux.

Ces mesures prises au sein du Secrétariat des Nations Unies sont en adéquation parfaite avec l'attention accordée à la participation des jeunes par nos Etats membres. A la fin de l'année dernière, le Conseil de Sécurité a adopté une résolution historique, la résolution 2250, affirmant que les jeunes peuvent jouer un rôle important dans la prévention et le règlement des conflits. Et nous avons vu une plus grande intégration des jeunes dans les négociations d’accords majeurs.

Les 17 Objectifs de Développement Durable et l’Accord de Paris pour le Climat sont deux exemples d’accords qui nous ouvrent des opportunités uniques de faire les changements nécessaires pour travailler de manière plus intégrée à travers des sujets différents, mais liés. Et les négociations qu’ ont mené les Etats membres pour se mettre d’accord sur ces objectifs étaient plus inclusives que jamais. Le partenariat mondial pour la jeunesse dans le cadre du programme de développement post-2015 avait collecté des idées de plus que 1700 organisations de jeunes à travers le monde.

Et cela a certainement aidé à inscrire la perspective de la jeunesse dans le nouvel agenda. Afin de pouvoir mieux mesurer le progrès dans la mise en œuvre de ces 17 objectifs, il y a 169 cibles dont 65 contiennent une référence à la jeunesse. Cela est évident pour l’objectif 4 d’assurer l’accès de tous à une éducation de qualité. Mais les autres objectifs ont également des cibles importantes pour les jeunes. L’une des cibles sous l’objectif 16 qui vise à promouvoir la paix et les institutions stables est par exemple de mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants.

Cet agenda est notre feuille de route la plus compréhensive pour l’action collective que la communauté internationale ait jamais adoptée. Il nous permet de transformer la gouvernance mondiale car elle s’applique à tous les pays et à tout le monde. La mise en œuvre de ce programme exigera de nous tous de travailler ensemble, à travers des secteurs différents et à travers les générations. Voilà pourquoi j'espère que vous prendrez un moment pour étudier ces 17 objectifs et pour diffuser le message à vos amis. Tout le monde doit connaitre cet agenda. Et tout le monde doit agir pour sa mise en place!

Chers étudiants,
Mesdames et messieurs,

La gouvernance mondiale doit s’ajuster au contexte d’ajourd’hui pour préserver les avancements et le progrès que nous avons fait dans le passé. Nous devons rajeunir nos institutions et organisations et augmenter la participation des jeunes. Ici à l’ONU à Genève, nous faisons des efforts pour inclure les voix des jeunes. J’ai baissé l’âge moyen de mon équipe en employant plusieurs jeunes qui n’avaient pas plus que 25 ans lors de leur premier poste aux Nations Unies – ce qui est malheureusement encore rare dans l’organisation. Ceci à surtout aidé le projet de changement de la perception que j’ai lancé pour mieux expliquer l’impact positif du travail effectué à Genève et ailleurs par l’ONU et ses partenaires.


Toutes ces initiatives sont importantes, mais nous devons faire encore plus. Nous devons vous aider à agir. Les jeunes sont ceux qui doivent vivre avec les décisions de l’ONU. Donc ce sont vous qui doivent être inclus dans les processus décisionnels. Nous allons y arriver, mais seulement si nous travaillons ensemble. Les objectifs de développement durable et l’accord pour le climat nous ouvrent la porte d’ un nouveau mode de gouvernance mondiale qui est beaucoup plus inclusif. Il nous faut traverser la porte ensemble pour rétablir la confiance et l’espoir en nos institutions et en notre avenir. Nous comptons sur vous. Et je me réjouis d’écouter vos idées et vos opinions dans le débat qui va suivre.

Merci beaucoup.

This speech is part of a curated selection from various official events and is posted as prepared.