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Examen de Maurice au CERD : les experts évoquent notamment les questions relatives aux Chagossiens, aux Créoles et aux descendants d’esclaves

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par Maurice au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation mauricienne venue soutenir ce rapport, une experte a souligné que, dans les sociétés divisées où une partie de la société a été défavorisée, il ne suffisait pas de changer la Constitution et de décréter que tous les citoyens sont égaux, mais qu’il fallait d’abord reconnaître les torts subis, une démarche que l’experte a regretté ne pas avoir constaté s’agissant de Maurice. Les Chagossiens doivent être dédommagés des torts qu’ils ont subis, comme le prévoit la Convention, a-t-elle insisté. De même, les descendants du système d’esclavage imposé aux populations de Maurice, et qui en subissent toujours des préjudices, doivent eux aussi bénéficier de mesures de réparation, a ajouté l’experte.
Une autre experte a regretté l'absence de données ventilées par origine ethnique, rappelant que cela limite l’évaluation de l’égalité réelle à Maurice. Elle a encouragé une approche fondée sur les droits humains dans la collecte de données, respectant le principe de l’auto-identification, et a demandé des informations sur la jouissance effective des droits par les Créoles, les Chagossiens, les Islois, ainsi que par les non-citoyens. L’experte a invité Maurice à revoir la Loi sur l’égalité des chances pour y intégrer la langue comme motif de discrimination.
Une experte s’est interrogée sur l’impact persistant de l’histoire coloniale sur les relations interethniques. Elle a demandé si, malgré l'absence officielle de collecte de données ethniques, des tensions d’origine historique persistaient et comment il était possible d’évaluer réellement l’harmonie sociale à Maurice. Une experte a suggéré que Maurice ouvre, dans le cadre de la prochaine Décennie des personnes d’ascendance africaine, davantage de lieux de mémoire pour les personnes soumises à l’esclavage.
Un autre expert a fait part de préoccupations concernant l'absence de système formel d’asile à Maurice et les restrictions imposées aux migrants en raison de leur statut au regard du VIH. Il a aussi évoqué les discriminations rapportées à l'encontre des Créoles et des musulmans d'origine indienne dans la fonction publique, ainsi que les écarts salariaux entre travailleurs nationaux et migrants, notamment dans le secteur textile.
Présentant le rapport de son pays, M. Gavin Patrick Cyril Glover, Procureur général de Maurice, a précisé qu'un nouveau Gouvernement, élu en novembre 2024, avait pour mandat de restaurer la confiance publique, renforcer l'État de droit, améliorer l’accès à la justice et engager une réforme constitutionnelle qui aille au-delà des structures coloniales héritées et favorise une société plus inclusive et égalitaire.
À l'occasion du soixantième anniversaire de la Convention cette année, M. Glover a annoncé la traduction de la Convention en créole mauricien pour sa diffusion publique. Il a ensuite indiqué que le Programme gouvernemental 2025–2029 prévoyait la création d’une commission de révision constitutionnelle, chargée de proposer des réformes constitutionnelles et électorales, y compris la révision du « système du meilleur perdant » (Best Loser System) et l'intégration éventuelle du créole en tant que langue parlementaire.
M. Glover a reconnu la complexité de la question des données ventilées dans un pays marqué par une histoire de divisions. Il a souligné la sensibilité de la classification ethnique et les risques de tensions. Il a toutefois convenu que l'absence de données ne devait pas devenir un prétexte à l'aveuglement face aux discriminations, et a indiqué que Maurice chercherait des indicateurs indirects (géographiques, linguistiques, socioéconomiques).
S’agissant des développements législatifs, M. Glover a présenté plusieurs textes récents, parmi lesquels la loi de 2023 sur les agences privées de recrutement, la loi de 2023 sur la lutte contre la traite des personnes, et la loi de 2022 sur l’immigration. Il a également évoqué la préparation d’un projet de loi portant création d’une commission pour l’égalité de genre.
Concernant la représentation des minorités, M. Glover a indiqué que, faute de prolongation de l'amendement constitutionnel de 2014, les candidats aux élections de 2024 avaient à nouveau dû s’identifier à une communauté. Il a précisé la composition de l’Assemblée nationale : 36 membres hindous, 9 musulmans, 2 sino-mauriciens et 19 membres de la population générale, auxquels s'ajoute sa propre nomination en tant que membre non élu. Il a en outre rappelé que le « système du meilleur perdant » était un sujet complexe, débattu au niveau national, et que sa révision ferait partie du mandat de la nouvelle commission [de révision constitutionnelle].
Au sujet des Chagossiens, M. Glover a affirmé l'engagement du Gouvernement envers leur droit à se réinstaller dans l’archipel et a mentionné une enveloppe budgétaire de 50 millions de roupies pour les visites préparatoires.
Concernant la langue créole, M. Glover a indiqué qu’elle était parlée par 968 952 personnes sur une population de 1 233 097, dépassant ainsi toute affiliation ethnique. Il a annoncé que des consultations étaient en cours pour lever les obstacles à son introduction au Parlement.
La délégation mauricienne était également composée, entre autres, de M. Brian Neil Joseph Glover, Représentant permanent de Maurice auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants du Ministère des affaires étrangères et, par vidéoconférence, d’autres représentants de l’État.
Pendant le dialogue, la délégation a notamment insisté sur le fait que le Gouvernement mauricien tentait actuellement de s’éloigner de la vision et du système inégalitaires imposés par les colonisateurs, et de faire en sorte que tous les habitants jouissent des mêmes droits et de mêmes possibilités. Le Gouvernement mettra en œuvre plusieurs projets mémoriels dans le cadre de la prochaine Décennie des personnes d’ascendance africaine, a-t-elle précisé.
Les Chagossiens bénéficient de la plénitude de leurs droits, a en outre précisé la délégation. Un fonds pour le bien-être des Chagossiens a été créé, parallèlement à d’autres mesures en leur faveur relatives à la préservation de leur identité culturelle, dans le cadre de la politique de nation arc-en-ciel menée par les autorités, a-t-elle fait valoir. Dans le cadre des négociations avec le Royaume-Uni qui ont repris il y a peu, Maurice plaide pour une restauration complète des droits des Chagossiens déplacés, a-t-elle par ailleurs indiqué.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Maurice et les publiera à l’issue de sa session, le 9 mai prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la République de Corée.
Examen du rapport de Maurice
Le Comité est saisi du rapport valant vingtième-quatrième et vingt-cinquième rapports périodiques de Maurice (CERD/C/MUS/24-25).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. Gavin Patrick Cyril GLOVER, Procureur général de Maurice, a déclaré que son allocution visait à mettre à jour le rapport du pays soumis en juillet 2021, en tenant compte des nouveaux développements législatifs, institutionnels et politiques intervenus depuis. Il a indiqué que Maurice reconnaissait, rétrospectivement, que les paragraphes 4 et 5 du rapport combiné auraient dû s’attaquer de manière plus significative aux préoccupations du Comité. Il a affirmé que Maurice était désormais engagé vers plus d’ouverture et de responsabilité. Le chef de la délégation mauricienne a précisé qu'un nouveau Gouvernement, élu en novembre 2024, avait pour mandat de restaurer la confiance publique, renforcer l'État de droit, améliorer l’accès à la justice et engager une réforme constitutionnelle qui aille au-delà des structures coloniales héritées et favorise une société plus inclusive et égalitaire. L'objectif n'est pas de renier notre passé, mais de présenter les avancées en toute bonne foi et de réaffirmer l'engagement envers la Convention, a souligné M. Glover, assurant que les Maurice est consciente du principe de continuité de l’État.
Concernant les données ventilées, M. Glover a reconnu la complexité de cette question dans un pays marqué par une histoire de divisions. Il a souligné la sensibilité de la classification ethnique et les risques de tensions, même avec des méthodes volontaires. Il a toutefois convenu que l'absence de données ne devait pas devenir un prétexte à l'aveuglement face aux discriminations. Il a indiqué que Maurice chercherait des indicateurs indirects (géographiques, linguistiques, socioéconomiques) et partagerait les données disponibles, notamment les profils parlementaires et ministériels.
À l'occasion du 60ème anniversaire de la Convention, cette année, M. Glover a annoncé la traduction de la Convention en créole mauricien pour sa diffusion publique. Il a ensuite indiqué que le Programme gouvernemental 2025–2029 prévoyait la création d’une commission de révision constitutionnelle, chargée de proposer des réformes constitutionnelles et électorales, y compris la révision du « système du meilleur perdant » (Best Loser System, BLS)et l'intégration éventuelle du créole en tant que langue parlementaire.
S’agissant des développements législatifs, M. Glover a présenté plusieurs textes récents, à savoir : la loi de 2023 sur les agences privées de recrutement, la loi de 2023 sur la lutte contre la traite des personnes, la loi de 2022 sur l’immigration, ainsi que la loi de 2024 sur la protection et la promotion des droits des personnes handicapées. Il a également évoqué la préparation d’un projet de loi portant création d’une commission pour l’égalité de genre.
Concernant la représentation des minorités, M. Glover a indiqué que, faute de prolongation de l'amendement constitutionnel de 2014, les candidats aux élections de 2024 avaient à nouveau dû s’identifier à une communauté. Il a précisé la composition de l’Assemblée nationale : 36 membres hindous, 9 musulmans, 2 sino-mauriciens et 19 membres de la population générale, auxquels s'ajoute sa propre nomination en tant que membre non élu.
Il a rappelé que le « système du meilleur perdant » était un sujet complexe, débattu au niveau national, et que sa révision ferait partie du mandat de la nouvelle commission [de révision constitutionnelle]. Il a signalé que l'un des requérants dans l’affaire Narain v. Mauritius était désormais député et ministre.
M. Glover a ensuite présenté la composition actuelle du Cabinet : 15 ministres hindous, 5 de la population générale, 4 musulmans et 1 sino-mauricien.
Au sujet des Chagossiens, M. Glover a affirmé l'engagement du Gouvernement envers leur droit à se réinstaller dans l’archipel et a mentionné une enveloppe budgétaire de 50 millions de roupies pour les visites préparatoires. Il a souligné que Mme Marie Arianne Navarre-Marie, d'origine chagossienne, avait été réélue et nommée ministre.
Concernant la langue créole, M. Glover a indiqué qu’elle était parlée par 968 952 personnes sur une population de 1 233 097, dépassant ainsi toute affiliation ethnique. Il a annoncé que des consultations étaient en cours pour lever les obstacles à son introduction au Parlement.
M. Glover a également mentionné plusieurs autres développements : la mise en ligne prochaine d'une base de données législatives gratuite ; la lutte contre la traite des personnes via le Plan national d'action 2022-2026 ; la protection des travailleurs migrants ; la poursuite du travail du Land Research and Monitoring Unit sur les revendications foncières historiques ; et l’engagement envers la protection humanitaire des demandeurs d'asile.
Il a souligné que la législation mauricienne criminalisait les discours de haine et qu’en dépit d’un faible nombre de cas, les incidents étaient surveillés de près. Il a ajouté que l'éducation aux droits de l'homme restait une priorité nationale, incluant la promotion de l’égalité pour les personnes en situation de handicap et pour la communauté LGBTQIA+.
En conclusion, M. Glover a réaffirmé l'engagement profond de Maurice envers la Convention, reconnaissant que l'égalité exigeait vigilance et franchise.
Questions et observations des membres du Comité
Mme Pela Boker-Wilson, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de Maurice, a regretté l'absence de données ventilées par origine ethnique, rappelant que cela limite l’évaluation de l’égalité réelle. Elle a encouragé une approche fondée sur les droits humains dans la collecte de données, respectant le principe de l’auto-identification, et a demandé des informations sur la jouissance effective des droits par les Créoles, les Chagossiens, les Ilois, ainsi que par les non-citoyens.
S’agissant de l’application de la Convention, l’experte a interrogé la délégation sur la formation des magistrats, sur l'éventuelle adoption d'une législation générale contre la discrimination, ainsi que sur des cas concrets d'application judiciaire de la Convention. Elle a demandé si des consultations avaient été organisées pour réviser la classification constitutionnelle des groupes, conformément au principe d’auto-identification.
Mme Boker-Wilson a également souhaité recevoir des informations sur les campagnes de sensibilisation valorisant la diversité ethnique, sur l'élaboration du Plan d'action national pour les droits humains (2024-2030), ainsi que sur une stratégie contre le racisme. Elle a invité Maurice à revoir la Loi sur l’égalité des chances pour y intégrer la langue comme motif de discrimination et a demandé un état des lieux de son application effective.
La corapporteuse a ensuite soulevé les questions des revendications foncières historiques, de la lutte contre la traite des personnes, de la prévention du discours de haine raciale, et s’est enquise des statistiques relatives aux plaintes pour discrimination. Elle a salué l'ouverture du Musée de l'esclavage et a demandé des informations sur la mise en œuvre globale des recommandations de la Commission vérité et justice.
Mme Boker-Wilson a interrogé la délégation sur l’éventuelle abrogation de lois coloniales discriminatoires, notamment la Loi sur le vagabondage et certaines dispositions de la Loi sur l’immigration, ainsi que sur les mesures prises contre la discrimination raciale par la police.
L’experte a d’autre part voulu savoir si des ressources supplémentaires avaient été allouées à la Commission nationale des droits de l'homme pour lui permettre d'exercer pleinement son mandat.
Mme Boker-Wilson a ensuite interrogé la délégation sur la Commission pour l’égalité des chances, souhaitant obtenir des informations sur l’application effective de la Loi sur l’égalité des chances, s’agissant notamment du nombre de plaintes déposées et des effets concrets de cette Loi. Elle a également demandé si des efforts avaient été entrepris pour étendre la compétence de la Commission afin qu’elle puisse traiter les plaintes dirigées contre des agents de l’État, ainsi que pour renforcer sa capacité à imposer des sanctions proportionnées en cas de violation des principes d’égalité.
S’agissant des minorités ethniques et des peuples autochtones, Mme Boker-Wilson a demandé quelles suites avaient été données à la recommandation faite à Maurice d’adopter une stratégie pour remédier aux disparités dont sont victimes les Créoles. Elle a en outre voulu savoir si des mesures spéciales avaient été adoptées pour garantir la participation effective des minorités ethniques dans la vie politique et publique, de même que pour accorder au créole le statut de langue nationale.
L’experte a par ailleurs demandé ce qui était entrepris pour garantir le respect des droits de Chagossiens dans les négociations en cours avec le Royaume-Uni, y compris pour ce qui est de leur droit de rentrer s’installer dans leur pays et de bénéficier d’un soutien pour ce faire.
Mme Boker-Wilson a d’autre part voulu savoir où en était la réforme électorale, en particulier s’agissant du « système du meilleur perdant ». Une autre experte s’est interrogée sur la capacité de ce système à assurer une représentation véritablement équitable des minorités.
M. CHRISPINE GWALAWALA SIBANDE, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Maurice, a posé des questions sur la situation des migrants, demandeurs d'asile, réfugiés et apatrides à Maurice. Il a demandé des informations sur le cadre législatif et politique relatif à leur protection, en particulier après l’adoption de la Loi sur l’immigration de 2022, ainsi que sur leur accès sans discrimination à la justice, à l'éducation, à l'emploi et aux soins de santé. Il a aussi souhaité obtenir des données actualisées sur les personnes apatrides et les mesures prises pour prévenir l'apatridie.
Concernant les droits des travailleurs migrants, M. Sibande a souhaité en savoir davantage sur la protection contre l'exploitation et les abus, l’enregistrement des plaintes, ainsi que l'application effective de la Loi relative à la lutte contre la traite de personnes. Il s’est en outre enquis des mesures prises pour prévenir l'exploitation sexuelle et protéger les travailleuses du sexe.
L’expert a par ailleurs interrogé Maurice sur sa position concernant la ratification de plusieurs conventions internationales importantes, notamment la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il a demandé une mise à jour sur les progrès concernant la ratification de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et des protocoles y afférents.
M. Sibande a ensuite fait part de préoccupations concernant l'absence de système formel d’asile à Maurice et les restrictions imposées aux migrants en raison de leur statut au regard du VIH. Il s’est enquis de l’intention du pays d’engager d’éventuelles réformes des lois relative à l'immigration et à la santé conformément aux normes internationales. Il a en outre questionné la délégation sur l'accès des réfugiés et demandeurs d'asile aux droits fondamentaux et sur les données disponibles concernant les travailleurs domestiques migrants.
L’expert a d’autre part évoqué les discriminations rapportées à l'encontre des Créoles et des musulmans d'origine indienne dans la fonction publique, ainsi que les écarts salariaux entre travailleurs nationaux et migrants, notamment dans le secteur textile. Il a interrogé la délégation sur les mesures prises pour lutter contre la discrimination salariale et renforcer la protection dans le secteur informel.
Concernant la traite des personnes, M. Sibande a reconnu les efforts déployés par Maurice dans ce domaine, mais a exprimé des préoccupations face au faible nombre de poursuites et de condamnations, ainsi que face aux lenteurs judiciaires et à la réduction des budgets destinés à l’assistance aux victimes. Il a demandé des précisions sur les réformes législatives, politiques et budgétaires envisagées pour améliorer la lutte contre la traite et soutenir les victimes. Il a par la suite regretté que les budgets consacrés au soutien aux victimes de la traite des êtres humains aient baissé.
Plusieurs questions de M. Sibande ont en outre porté sur la lutte contre la discrimination raciale dans le système judiciaire et sur la formation dispensée aux agents de police et aux gardiens de prison en matière de droits de l’homme.
M. Sibande a par ailleurs regretté que les organisations de la société civile aient très peu participé à l’élaboration du rapport examiné par le Comité. Il a d’autre part fait état d’informations selon lesquelles des journalistes critiques de l’action du Gouvernement feraient l’objet de harcèlement de la part des partisans du parti au pouvoir.
L’expert a recommandé que les travailleurs domestiques à Maurice soient mieux protégés. Il a fait état de discriminations dans l’accès des immigrés aux services de santé mauriciens.
Un autre expert du Comité a soulevé des questions sur l’éventuelle abrogation de la Loi de 1867 sur le vagabondage, en soulignant son origine coloniale et son impact historique sur le contrôle des travailleurs indiens ; il a demandé où en étaient les projets de réforme dans ce domaine.
Une experte s’est pour sa part interrogée sur l’impact persistant de l’histoire coloniale sur les relations interethniques. Elle a demandé si, malgré l'absence officielle de collecte de données ethniques, des tensions d’origine historique persistaient et comment il était possible d’évaluer réellement l’harmonie sociale dans le pays.
Une autre experte s’est enquise de l’estimation, même approximative, de la proportion de descendants d'esclaves dans la population actuelle, en lien avec les anciens systèmes électoraux fondés sur des critères communautaires.
Un expert s’est enquis du suivi des recommandations de la Commission Vérité et Justice concernant les revendications foncières.
Une experte a recommandé que les Chagossiens participent aux négociations entre Maurice et le Royaume-Uni.
Il a par ailleurs été souligné que, dans les sociétés divisées où une partie de la société a été défavorisée, il ne suffisait pas de changer la Constitution et de décréter que tous les citoyens sont égaux, mais qu’il fallait d’abord reconnaître les torts subis, une démarche qu’une experte a regretté ne pas avoir constaté s’agissant de Maurice. Les Chagossiens doivent être dédommagés des torts qu’ils ont subis, comme le prévoit la Convention, a insisté cette experte. De même, a-t-elle ajouté, les descendants du système d’esclavage imposé aux populations de Maurice, et qui en subissent toujours des préjudices, doivent eux aussi bénéficier de mesures de réparation.
Il a été suggéré à Maurice, dans le cadre de la prochaine Décennie des personnes d’ascendance africaine, d’ouvrir davantage de lieux de mémoire pour les personnes soumises à l’esclavage.
Un expert a mis en garde contre les tentatives de diviser les peuples issus de la décolonisation, et contre les tentatives du Royaume-Uni de continuer à dominer Maurice. Il a plaidé pour l’intégrité de Maurice en tant que pays africain.
Il a par ailleurs été demandé combien de plaintes, enquêtes et sanctions avaient été enregistrées pour des faits liés à la discrimination raciale ou à la haine raciale à Maurice.
Réponses de la délégation
La délégation de Maurice a reconnu que depuis 2016, la Commission pour l’égalité des chances n'avait pas pleinement fonctionné selon ses objectifs initiaux et a admis qu’une réforme en profondeur était nécessaire pour ranimer l’efficacité de cette instance et mieux répondre aux défis actuels dans ce domaine.
La délégation a assuré prendre très au sérieux les suggestions du Comité, s’agissant notamment de l'intégration de la langue comme motif interdit de discrimination dans le champ d’action de la Commission. L’Assemblée nationale tient ses débats en anglais ou en français ; la question de l’officialisation de l’utilisation du créole est à l’examen, a-t-il été précisé. La langue créole est un patois, a par ailleurs souligné la délégation, avant d’ajouter que le mot « Créole » désigne aussi les personnes d’ascendance africaine et que la créolisation renvoie à la mixité des différentes communautés. Une feuille de route pour l’enseignement du créole a été adoptée, a indiqué la délégation.
S’agissant de l’accès à l’éducation, la délégation a souligné que l'enseignement à Maurice est gratuit et accessible à tous, indépendamment de la communauté d'origine, du parcours social ou de la situation économique des élèves. Elle a rappelé que l’anglais et le français sont les langues d’enseignement, et que personne n’est censé être laissé pour compte.
Concernant les statistiques, la délégation a expliqué que Maurice ne recueille plus de données basées sur l’appartenance communautaire depuis 1972. Toutefois, des données sur la religion, les langues parlées à domicile et la citoyenneté sont disponibles à partir du recensement de 2022. La délégation a indiqué que 48% de la population se déclare hindoue, 32% chrétienne, et 18% musulmane. Environ 79% de la population de la République de Maurice parle créole dans le cadre familial. À Rodrigues, 98% de la population s’exprime en créole, tandis qu’à Agalega, ce taux atteint 96%.
La délégation a également apporté des données sur la population carcérale : au 27 avril 2025, a-t-elle indiqué, 2568 détenus étaient recensés, dont 2 mineurs. Parmi eux, 60% étaient catholiques, 20% hindous, et 15,5% musulmans. La délégation a précisé que 279 ressortissants étrangers étaient incarcérés, représentant 9,7% de la population carcérale, avec une forte proportion de femmes parmi les détenus malgaches, souvent impliquées dans des affaires liées au trafic de drogue.
Au sujet des travailleurs migrants, la délégation a indiqué qu’au début de 2025, Maurice comptait environ 48 000 travailleurs migrants réguliers, dont la majorité provenant du Bangladesh (25%), suivie par des ressortissants d'Inde, du Népal, de Madagascar, de Sri Lanka et d'autres pays. Ces migrants sont employés dans divers secteurs comme la manufacture, la construction, la vente et la réparation, a-t-il été précisé.
La délégation a réfuté les allégations selon lesquelles les travailleurs migrants à Maurice seraient victimes de discrimination dans l’accès aux services de santé. Le pays a mis en place des mesures structurées pour remédier à toutes les discriminations, a-t-elle ajouté.
En ce qui concerne les réfugiés et les apatrides, la délégation a précisé qu’au mois de mars 2025, 97 personnes disposaient d’un certificat de statut de réfugié, dont 21 femmes, et qu’aucun cas d'apatridie n’avait été signalé à Maurice, ni à la naissance, ni en vertu de la loi.
La délégation a par ailleurs fourni des chiffres actualisés sur les réfugiés, précisant qu’au 1er mars 2025, Maurice comptait 98 réfugiés reconnus et 20 demandeurs d'asile enregistrés, avec quelques divergences corrigées par rapport aux données du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
S'agissant de la Loi sur l’immigration, la délégation a admis que certaines dispositions, notamment celles concernant la moralité et le VIH/SIDA, pourraient avoir un effet discriminatoire et nécessitent d'être révisées. Elle a également dénoncé une ancienne législation spécifique, dite « loi Hoffmann », permettant de révoquer la nationalité sans procès équitable, et a plaidé pour son abrogation rapide.
Concernant la citoyenneté et l'apatridie, la délégation a expliqué que depuis 1995, la nationalité mauricienne est automatiquement accordée aux citoyens [de Maurice] ayant atteint leur majorité, ce qui a mis fin aux cas de perte de nationalité involontaire. Elle a toutefois reconnu qu’il subsiste des incohérences pour ceux ayant acquis la nationalité avant 1995 et a indiqué que des réformes seraient proposées à la Commission de réforme constitutionnelle pour harmoniser ces dispositions.
S’agissant de la Loi de 1867 sur le vagabondage, la délégation a précisé qu’elle reste en vigueur mais qu’aucune poursuite pour vagabondage n’a été engagée récemment, mis à part huit cas en 2024 liés à d’autres infractions. Elle a reconnu l'origine coloniale de cette Loi et souligné qu'une réforme globale du système de justice, incluant cette Loi, serait entreprise prochainement.
S’agissant des tensions interethniques, la délégation a expliqué qu’à Maurice, malgré quelques tensions politiques, des moments d’unité nationale – comme lors des dernières élections générales où l'opposition a remporté une large victoire – démontrent la capacité de la société multiculturelle mauricienne à se rassembler et à faire évoluer la législation pour éradiquer toute forme de discrimination.
La délégation mauricienne a par ailleurs apporté des précisions sur des affaires judiciaires relatives aux droits des personnes LGBTQI+. Elle a expliqué que la Cour suprême avait statué en 2023 en faveur des requérants, déclarant inconstitutionnel l’article 250 du Code pénal qui criminalisait les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe, au motif qu’il violait plusieurs dispositions de la Constitution, notamment la protection contre la discrimination.
Répondant à une question sur les descendants d'esclaves, la délégation a estimé qu’environ un tiers de la population de Maurice (soit près de 400 000 personnes) était d'origine africaine ou descendant d’esclaves.
Le Gouvernement tente de s’éloigner de la vision et du système inégalitaires imposés par les colonisateurs, et de faire en sorte que tous les habitants jouissent des mêmes droits et de mêmes possibilités, a d’autre part souligné la délégation. Le Gouvernement mettra en œuvre plusieurs projets mémoriels dans le cadre de la prochaine Décennie des personnes d’ascendance africaine, a-t-elle précisé. Elle a mentionné l’existence du Centre culturel Nelson Mandela pour la culture africaine, dont l’objectif est de faire entendre la voix des personnes d’ascendance africaine.
S’agissant des questions d'emploi, la délégation a affirmé que les lois mauriciennes n’établissaient aucune distinction ethnique. Elle a cependant reconnu que des abus existaient, notamment à l’encontre des travailleurs migrants, et a cité des cas récents de travail forcé ayant donné lieu à des poursuites. Elle a souligné que des mesures fermes étaient en place, notamment la création d'un comité interministériel pour superviser le recrutement des travailleurs du Bangladesh et garantir leur protection.
Pour ce qui est des plaintes concernant les travailleurs migrants, la délégation a indiqué que 316 plaintes avaient été enregistrées entre janvier et décembre 2024, dont 266 ont été classées. Des mesures d'enquête et des poursuites ont été engagées dans plusieurs cas d'exploitation, a-t-elle souligné.
S'agissant du respect des procédures d’immigration, la délégation a mentionné plusieurs opérations de contrôle, ayant abouti à des arrestations de travailleurs migrants en situation irrégulière. Elle a insisté sur l'importance de protéger les droits des travailleurs tout en respectant la législation sur l’immigration.
Aucune plainte n’a été enregistrée pour acte de discrimination ou crime de haine raciale, a par ailleurs précisé la délégation.
La délégation a assuré que toutes les races, toutes les communautés et tous les groupes religieux bénéficient d’un traitement égal à Maurice, et qu’il existait des recours efficaces en cas de discrimination.
De nos jours, les peuples créoles ne sont plus laissés pour compte grâce aux mesures législatives qui ont été adoptées, a ajouté la délégation.
La délégation a affirmé son engagement total en faveur de la souveraineté de l'archipel des Chagos et a dit espérer des avancées concrètes à ce sujet dans les semaines à venir.
Maurice a toujours été souveraine sur les Chagos, a par ailleurs déclaré la délégation, avant d’assurer que la voix des Chagossiens est bien prise en compte dans les négociations.
Dans le cadre des négociations avec le Royaume-Uni qui ont repris il y a peu, Maurice plaide pour une restauration complète des droits des Chagossiens déplacés, a précisé la délégation. Un budget de cinquante millions de roupies est alloué sur le budget de l’État [mauricien] à la réinstallation des Chagossiens, a-t-elle fait valoir.
Les Chagossiens bénéficient de la plénitude de leurs droits, a poursuivi la délégation. Un fonds pour le bien-être des Chagossiens a été créé, parallèlement à d’autres mesures en leur faveur relatives à la préservation de leur identité culturelle, dans le cadre de la politique de nation arc-en-ciel menée par les autorités, a-t-elle souligné.
S’agissant de la représentation des minorités, la délégation a souligné que tous les membres de minorités pouvaient postuler aux emplois publics, le cadre de recrutement étant inclusif et équitable. Les candidats ont le droit de faire recours contre les décisions en matière de recrutement, a-t-il été indiqué.
Sur le plan de la représentation politique, le « système du meilleur perdant », même s’il doit être mis à jour pour tenir compte de la composition démographique actuelle de la population, et non plus du recensement de 1972, permet en l’état de garantir des sièges au Parlement aux membres des minorités, a ajouté la délégation. Ce système, a-t-elle précisé, fera l’objet d’une réforme plus profonde dans le cadre de la refonte constitutionnelle en cours ; en particulier, il ne sera plus nécessaire de faire état d’une affiliation ethnique pour se porter candidat aux élections parlementaires.
Maurice traverse actuellement un changement politique radical, a insisté la délégation, soulignant qu’une refonte complète du système judiciaire et du système électoral est à l’ordre du jour du nouveau Gouvernement. Les minorités n’ont pas été consultées en tant que telles dans l’élaboration de la stratégie du Gouvernement, a-t-elle ajouté. Cependant, a-t-elle fait valoir, les autorités consultent les populations concernées s’agissant des mesures à prendre dans d’autres contextes, notamment pour faire face aux suites de catastrophes naturelles.
Toutes les structures éducatives dispensent des enseignements relatifs aux droits de l’homme, les enseignants étant formés aux principes de la diversité culturelle, a d’autre part indiqué la délégation. Le Gouvernement mauricien organise aussi des activités de sensibilisation aux droits de l’homme afin, notamment, de promouvoir la cohésion sociale et de lutter contre la discrimination, a-t-elle précisé.
La délégation a aussi évoqué la collaboration du Gouvernement avec les organisations de la société civile dans le cadre d’une plate-forme sur les droits de l’homme mise en place par le Gouvernement, afin notamment de contribuer aux travaux relatifs à l’Examen périodique universel (EPU) de Maurice devant le Conseil des droits de l’homme.
Évoquant le cas de trois journalistes « qui s’expriment beaucoup » et qui ont critiqué le Gouvernement précédent, la délégation a fait savoir que l’enquête sur les attaques dont ces personnes ont été victimes se poursuit.
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Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
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