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Examen de l’Arabie saoudite au CERD : la situation des non-citoyens, des membres des minorités et des migrants, y compris les travailleurs migrants, est au cœur du dialogue
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier matin et ce matin, le rapport présenté par l’Arabie saoudite au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue qui s’est noué entre les experts membres du Comité et la délégation conduite par Mme Hala bint Mazyad Al-Tuwaijri, Présidente de la Commission nationale des droits de l’homme de l’Arabie saoudite, une experte a relevé que le pays n’avait toujours pas adopté de loi interdisant la discrimination raciale conformément aux termes de la Convention. En outre, a-t-elle observé, le projet de Code pénal qui est à l’examen se concentre sur le maintien de l'ordre public et de la moralité, mais ne semble inclure aucune garantie contre la discrimination.
Cette experte a par ailleurs relevé que l’article 27 de la Loi fondamentale stipule que l'État [ne] garantit les droits en cas d'urgence, de maladie, d'invalidité et de vieillesse [qu’] aux citoyens et à leurs familles. Elle a voulu savoir si des recours internes en cas de discrimination raciale étaient accessibles à toutes les personnes relevant de la juridiction de l'État partie, qu’il s’agisse de citoyens saoudiens ou non.
Il semblerait que la loi antiterroriste soit appliquée de manière disproportionnée aux membres de minorités ethniques, a d’autre part fait observer la même experte. Le Comité est informé que les personnes d’ascendance asiatique ou africaine seraient victimes de discrimination dans l’accès au logement, à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi, ainsi que de racisme au sein de la société saoudienne, a indiqué un autre expert membre du Comité, avant de s’enquérir des mesures prises pour assurer à tous les groupes ethniques et ethnoreligieux la pleine jouissance, dans des conditions d'égalité, de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Des informations indiquent que les membres du groupe ethnoreligieux chiite seraient confrontés à des obstacles et à des discriminations en matière d'accès à l'éducation, et font état de la prévalence de discours de haine [à l’égard des chiites], ainsi que d’une criminalisation des pratiques religieuses chiites, a relevé l’expert. Il a par ailleurs fait observer que l'acquisition de terres pour le projet de ville nouvelle NEOM menaçait de déplacer environ 20 000 membres de la tribu des Howeitat de plusieurs villages, sans leur consentement libre, préalable et éclairé. Ce même expert s’est par ailleurs enquis des mesures prises pour lutter contre la ségrégation raciale et la marginalisation auxquelles semblent confrontés les bidouns.
D'après certaines informations, a poursuivi l’expert, des migrants sans papiers ou en situation irrégulière sont soumis à la détention administrative dans des conditions inhumaines et à l'expulsion. Le Comité est aussi informé de nombreuses allégations d’expulsions en violation du principe de non-refoulement, concernant en particulier des migrants rohingya et des Éthiopiens d'ethnie tigréenne, a-t-il ajouté. Par ailleurs, des informations font état de refoulements violents et d'utilisation d'armes à feu par les forces de l'ordre entre mars 2022 et juin 2023 à la frontière avec le Yémen, ayant entraîné la mort de centaines de migrants et demandeurs d'asile éthiopiens, a indiqué l’expert.
Ce même expert a voulu savoir ce qui était fait pour prévenir et combattre l’exploitation et la maltraitance des travailleurs migrants, y compris des travailleurs domestiques, de la part de leur employeur. Il s’est en outre enquis des mesures adoptées pour veiller à ce que les travailleurs immigrés travaillent dans des conditions de travail adéquates avant l’accueil d’événements mondiaux de grande envergure en Arabie saoudite, tels que la coupe du monde de la FIFA (prévue dans le pays en 2034).
Il est rapporté au Comité que la peine de mort est imposée de manière disproportionnée aux personnes appartenant à des groupes minoritaires, a-t-il par ailleurs été relevé ; selon une étude publiée en 2023, les femmes migrantes seraient largement surreprésentées dans les couloirs de la mort, a-t-il été ajouté.
Il a par ailleurs été demandé au pays s’il entendait lever la réserve qu’il a apportée au moment de ratifier la Convention, par laquelle il s’engage à appliquer les dispositions de cet instrument à condition qu'elles ne soient pas contraires à la charia.
Présentant le rapport de son pays, Mme Al-Tuwaijri a indiqué que depuis l'adoption de sa Vision 2030, le Royaume d’Arabie saoudite avait connu une ouverture sans précédent aux différentes races, cultures et religions grâce aux réformes que la Vision a induites dans les domaines du travail, du tourisme, de l'investissement ou encore du droit à la résidence en Arabie saoudite. Les résultats de l'indice de tolérance publié par le King Abdulaziz Center for Civilizational Communication montrent que l'acceptation d’autrui dans la société saoudienne atteint désormais 82%, a-t-elle fait valoir.
Par ailleurs, a poursuivi la cheffe de délégation, la loi sur le travail a fait l'objet de plusieurs mises à jour ; elle définit les droits des travailleurs, y compris le droit à l'égalité et à la non-discrimination, et oblige les employeurs à traiter tous les travailleurs avec respect et sans discrimination, à garantir le plein exercice de leurs droits sans exploitation ni préjudice, et à s'abstenir de faire quoi que ce soit qui annule ou affaiblisse l'application de l'égalité des chances ou de traitement en matière d'emploi et de profession. Mme Al-Tuwaijri a d’autre part indiqué que des tribunaux affectés au traitement des litiges au travail avaient commencé leurs travaux en novembre 2018, complétant les recours administratifs déjà existants. De plus, en 2022, le Conseil national pour la sécurité et la santé au travail a été créé en tant que plate-forme institutionnalisée pour favoriser un environnement de travail sain et sûr pour tous les ressortissants et résidents.
Par ailleurs, l'État prodigue des soins de santé complets et intégrés à l'ensemble de la population de manière équitable et accessible, a poursuivi la cheffe de la délégation. Le Programme national de transformation du secteur de la santé – l'un des axes de la Vision 2030 – a été lancé pour, notamment, faciliter l'accès aux services de santé pour tous, sans discrimination, a-t-elle souligné. Elle a également fait état de modifications apportées au système de sécurité sociale pour favoriser l'égalité et la non-discrimination et éviter l'exclusion sociale.
La Présidente de la Commission des droits de l’homme a souligné que son pays, fondé sur la base de la justice, de l'égalité et du rejet du racisme et de la discrimination, voyait actuellement l'émergence d'une société traduisant ces principes sous une forme moderne.
La délégation saoudienne était également composée – entre autres – de M. Abdulmohsen Majed Binkhothaila, Représentant permanent de l’Arabie saoudite auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de la justice, de la culture, de l’économie et de la planification, de l’éducation, et des affaires islamiques, de l’appel et de l’orientation. Le pouvoir judiciaire et le Conseil consultatif (choura) étaient aussi représentés.
Au cours du dialogue, la délégation a notamment précisé que les bidouns étaient des résidents non réguliers du Royaume et que les autorités saoudiennes assuraient leur sécurité sociale et médicale, de même que l’éducation de leurs enfants et leur inscription à l’état civil. D’autre part, le nouveau régime de travail régi par le contrat est venu remplacer entièrement la kafala, dont le système a été aboli en 2022 : ce nouveau régime permet au travailleur de changer d’employeur et de quitter le pays à sa guise, moyennant notification préalable, a souligné la délégation.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Arabie saoudite et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 13 décembre prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de Monaco.
Examen du rapport de l’Arabie saoudite
Le Comité est saisi du rapport valant dixième et onzième rapports périodiques de l’Arabie saoudite (CERD/C/SAU/10-11).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, MME HALA BINT MAZYAD AL-TUWAIJRI, Présidente de la Commission des droits de l’homme de l’Arabie saoudite et cheffe de la délégation saoudienne, a d’abord insisté sur l’importance que le pays accorde à la coopération avec le Comité – organe dont la plupart des 24 recommandations issues du précédent cycle d’examen ont été appliquées, comme l'indique le rapport, a-t-elle souligné.
Mme Al-Tuwaijri a ensuite indiqué que depuis l'adoption de sa Vision 2030, le Royaume d’Arabie saoudite avait connu une ouverture sans précédent aux différentes races, cultures et religions grâce aux réformes que la Vision a induites dans les domaines du travail, du tourisme, de l'investissement ou encore du droit à la résidence en Arabie saoudite. Les résultats de l'indice de tolérance publié par le King Abdulaziz Center for Civilizational Communication montrent que l'acceptation d’autrui dans la société saoudienne atteint désormais 82%, a-t-elle fait valoir.
Par ailleurs, a poursuivi la cheffe de délégation, la loi sur le travail a fait l'objet de plusieurs mises à jour. La loi définit les droits des travailleurs, y compris le droit à l'égalité et à la non-discrimination, et oblige les employeurs à traiter tous les travailleurs avec respect et sans discrimination, à garantir le plein exercice de leurs droits sans exploitation ni préjudice, et à s'abstenir de faire quoi que ce soit qui annule ou affaiblisse l'application de l'égalité des chances ou de traitement en matière d'emploi et de profession.
De plus, a ajouté Mme Al-Tuwaijri, la politique nationale pour l'égalité des chances et l'égalité de traitement en matière d'emploi et de profession, publiée en janvier 2023, s’accompagne de règlements et politiques qui identifient et préviennent explicitement la discrimination, promeuvent l'égalité de traitement en matière d'emploi et de profession, et renforcent la participation des femmes et des groupes moins privilégiés sur le marché du travail.
Mme Al-Tuwaijri a d’autre part indiqué que des tribunaux affectés au traitement des litiges au travail avaient commencé leurs travaux en novembre 2018, complétant les recours administratifs déjà existants. De plus, en 2022, le Conseil national pour la sécurité et la santé au travail a été créé en tant que plate-forme institutionnalisée pour favoriser un environnement de travail sain et sûr pour tous les ressortissants et résidents.
Par ailleurs, l'État prodigue des soins de santé complets et intégrés à l'ensemble de la population de manière équitable et accessible, a poursuivi la cheffe de la délégation. Le Programme national de transformation du secteur de la santé – l'un des axes de la Vision 2030 – a été lancé pour, notamment, faciliter l'accès aux services de santé pour tous, sans discrimination, a-t-elle souligné. Mme Al-Tuwaijri a insisté sur le fait que les principes d'égalité et de non-discrimination ont été respectés dans son pays pendant la pandémie de COVID-19, comme en témoigne la fourniture de soins et de services de santé gratuits à toutes les personnes infectées ou soupçonnées d'être infectées : citoyens, résidents et même personnes ne respectant pas les conditions de résidence, d'emploi ou de travail.
De plus, conscient du rôle que jouent les programmes scolaires dans la lutte contre la discrimination raciale, le Gouvernement a revu et modifié ces programmes afin qu'ils soient exempts de tout contenu susceptible de conduire à la discrimination sous quelque forme que ce soit, y compris la discrimination raciale, et afin également de renforcer encore leur rôle à l’appui des valeurs de tolérance et de rejet du racisme et de la discrimination raciale, a indiqué Mme Al-Tuwaijri.
La cheffe de délégation a fait état de modifications apportées au système de sécurité sociale pour favoriser l'égalité et la non-discrimination et éviter l'exclusion sociale. Elle a aussi fait état d’une forte progression de la part des femmes dans le monde du travail et dans les instances de direction.
La Présidente de la Commission des droits de l’homme a enfin souligné que son pays, fondé sur la base de la justice, de l'égalité et du rejet du racisme et de la discrimination, voyait actuellement l'émergence d'une société traduisant ces principes sous une forme moderne, marquée par un système législatif, institutionnel et judiciaire qui combine ses composantes pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale.
Questions et observations des membres du Comité
MME STAMATIA STAVRINAKI, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport l’Arabie saoudite, a d’abord demandé si l’État partie entendait lever la réserve qu’il a apportée au moment de ratifier la Convention, par laquelle le pays s’engage à appliquer les dispositions de la Convention à condition qu'elles ne soient pas contraires à la charia.
Mme Stavrinaki a ensuite relevé que le pays n’avait toujours pas adopté de loi interdisant la discrimination raciale conformément aux termes de la Convention, alors que la Commission des droits de l'homme avait recommandé en 2019 l'adoption d'une telle loi. L’experte a par ailleurs demandé dans quelle mesure la législation en matière de sécurité sociale et d'assurance sociale s'applique de manière égale à tous puisque l’article 27 de la Loi fondamentale stipule que l'État [ne] garantit les droits en cas d'urgence, de maladie, d'invalidité et de vieillesse [qu’] aux citoyens et à leurs familles.
Mme Stavrinaki a ensuite demandé si l’Arabie saoudite allait créer une institution indépendante compétente pour recevoir et examiner les plaintes pour discrimination raciale. Elle a également voulu savoir si le pays adopterait une législation pour prévenir et interdire le profilage racial par les forces de l'ordre, conformément à ce que préconise la Recommandation générale n°36 du Comité.
Mme Stavrinaki a par ailleurs relevé que le projet de Code pénal qui est à l’examen se concentre sur le maintien de l'ordre public et de la moralité, mais ne semble inclure aucune garantie contre la discrimination. Elle a demandé ce qui était fait pour adopter une législation sur les crimes de haine et les discours de haine conformément aux articles 2 et 4 de la Convention.
Mme Stavrinaki a également prié la délégation de dire si des recours internes en cas de discrimination raciale étaient accessibles à toutes les personnes relevant de la juridiction de l'État partie, qu’il s’agisse de citoyens saoudiens ou non. Les travailleurs migrants à faible revenu dans le Royaume dépendent souvent de prestataires de services privés pour déposer des plaintes, a fait remarquer l’experte, observant que l'accès direct au ministère public est entravé par les barrières linguistiques et que l'accès aux services numériques est limité, en particulier pour les travailleurs domestiques qui n'ont pas toujours d'outils de communication.
Il est rapporté au Comité que la peine de mort est imposée de manière disproportionnée aux personnes appartenant à des groupes minoritaires, a par ailleurs relevé Mme Stavrinaki. De plus, selon une étude publiée en 2023, les femmes migrantes seraient largement surreprésentées dans les couloirs de la mort, a-t-elle ajouté, avant de s’enquérir de la formation dispensée aux juges d'application des peines, aux procureurs et aux avocats de la défense concernant des questions telles que la discrimination fondée sur le sexe, la violence fondée sur le sexe et les tactiques de contrôle coercitif susceptibles d'inciter les femmes à commettre des infractions passibles de la peine de mort.
Mme Stavrinaki a par la suite fait observer que, selon certaines informations, la loi antiterroriste serait appliquée de manière disproportionnée aux membres de minorités ethniques.
Mme Stavrinaki a par ailleurs jugé nécessaire de prendre des mesures ciblées en faveur des femmes et des filles qui subissent encore, en Arabie saoudite, des formes anciennes et croisées de discrimination : femmes migrantes, femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses, travailleuses domestiques ou encore femmes bidounes.
S’agissant de la situation des groupes ethniques et ethnoreligieux minoritaires, au regard des articles 2 et 5 de la Convention, M. IBRAHIMA GUISSÉ, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport l’Arabie saoudite , a indiqué que le Comité était informé que les personnes d’ascendance asiatique ou africaine seraient victimes de discrimination dans l’accès au logement, à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi, ainsi que de racisme au sein de la société saoudienne.
L’expert s’est par ailleurs enquis des mesures prises pour lutter contre la ségrégation raciale et la marginalisation auxquelles semblent confrontés les bidouns ; il a fait état de pratiques similaires à la ségrégation raciale poussant les bidouns à vivre dans les zones désertiques. De plus, certains étudiants bidouns ne peuvent pas recevoir d'éducation universitaire dans les universités publiques, les universités classant les jeunes bidouns comme des étudiants étrangers et leur refusant l'accès aux bourses.
M. Guissé s’est également enquis des mesures prises pour assurer à tous les groupes ethniques et ethnoreligieux la pleine jouissance, dans des conditions d'égalité, de leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier pour ce qui est de leur accès à l'éducation, à un logement convenable, à la santé et à l'emploi. Il a aussi demandé si des organisations de la société civile s'occupaient des droits des minorités ethniques.
Selon d’autres informations, les membres du groupe ethnoreligieux chiite seraient confrontés à des obstacles et à des discriminations en matière d'accès à l'éducation, a poursuivi l’expert. Ce groupe ethnoreligieux ne serait pas représenté au sein du système judiciaire dans les fonctions de procureurs ou de juges, y compris à la Cour pénale saoudienne depuis 2017, a-t-il observé. Les informations indiquent également la prévalence de discours de haine [à l’égard des chiites], ainsi que la criminalisation des pratiques religieuses chiites, a-t-il ajouté.
M. Guissé a d’autre part relevé que l'acquisition de terres pour le projet de ville nouvelle NEOM menaçait de déplacer environ 20 000 membres de la tribu des Howeitat de plusieurs villages, sans véritable consultation, sans leur consentement libre, préalable et éclairé, et sans accès effectif aux recours.
L’expert a par ailleurs souhaité obtenir des statistiques, ventilées en fonction de l'appartenance ethnique et du statut ethnoreligieux, concernant les personnes condamnées à mort au cours des cinq dernières années. Il s’est en outre enquis de la législation utilisée pour imposer de telles peines capitales.
M. Guissé a fait part de la préoccupation du Comité face au manque d’informations détaillées et actualisées sur les programmes de formation portant spécifiquement sur la discrimination raciale et les droits consacrés par la Convention.
M. Guissé a ensuite souligné que, de l’avis du Comité, l’absence de données statistiques relatives aux groupes ethniques risque de rendre certains de ces groupes invisibles.
D'après certaines informations, a poursuivi l’expert, des migrants sans papiers ou en situation irrégulière – y compris des travailleurs dont le permis de travail a expiré, ayant échappé à des conditions de travail abusives qui pourraient s'apparenter à de la traite ou du travail forcé, ou entrés illégalement dans l'État partie – sont soumis à la détention administrative dans des conditions inhumaines et à l'expulsion. Le Comité est aussi informé de nombreuses allégations d’expulsions en violation du principe de non-refoulement, concernant en particulier des migrants rohingya et des Éthiopiens d'ethnie tigréenne, a ajouté M. Guissé.
Par ailleurs, a-t-il indiqué, des informations font état de refoulements violents et d'utilisation d'armes à feu par les forces de l'ordre entre mars 2022 et juin 2023 à la frontière avec le Yémen, ayant entraîné la mort de centaines de migrants et demandeurs d'asile éthiopiens ; les informations mentionnent l'utilisation d'armes explosives par les forces de l'ordre et des tirs pour tuer à courte distance, a précisé l’expert.
M. Guissé a demandé ce qui avait été fait pour abolir totalement le système de parrainage dans le droit comme dans la pratique. Il a voulu savoir ce qui était fait pour prévenir et combattre l’exploitation et la maltraitance des travailleurs migrants, y compris des travailleurs domestiques, de la part de leur employeur et pour faciliter le dépôt de plaintes par les victimes.
L’expert s’est en outre enquis des mesures adoptées pour veiller à ce que les travailleurs immigrés travaillent dans des conditions de travail adéquates avant l’accueil d’événements mondiaux de grande envergure en Arabie saoudite, tels que la Coupe du monde de la FIFA. Il a demandé ce qu’il en était de la plainte déposée devant l’Organisation internationale du Travail par la Fédération syndicale mondiale des travailleurs du bois et du bâtiment contre l’Arabie saoudite concernant la situation de plusieurs milliers de travailleurs migrants.
À l’issue du dialogue, M. Guissé a dit avoir conscience des efforts du Gouvernement pour créer une société plus inclusive en Arabie saoudite.
Mme Stavrinaki a pour sa part relevé que la présence des femmes au sein des instances dirigeantes saoudiennes restait toujours marginale.
Au cours du dialogue, plusieurs membres du Comité ont relevé que selon certaines informations, les chiites se heurteraient à des obstacles dans la construction de mosquées. Il a été demandé si la Vision 2030 concernait aussi la liberté de religion des minorités ethniques.
Plusieurs experts ont voulu savoir à quelles conditions une femme saoudienne pouvait transmettre sa nationalité à ses enfants.
Un expert a demandé comment l’organisation de la coupe du monde de football, prévue dans le pays en 2034, s’inscrivait dans la stratégie des droits de l’homme saoudienne.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord précisé que l’Arabie saoudite révisait régulièrement les réserves apportées au moment de la ratification des instruments internationaux. Le pays veille à appliquer la charia en conformité avec le principe de non-discrimination, en particulier dans le contexte de la modernisation en cours de la législation nationale, a-t-elle indiqué. La Convention est appliquée de manière minutieuse et ses dispositions ont été intégrées à plusieurs textes de loi, a ajouté la délégation.
La délégation a par la suite insisté sur le fait que la source de droit en Arabie saoudite – la charia – était alignée sur les droits et les valeurs humains et humanitaires. De même, la loi saoudienne ne contient aucune disposition discriminatoire visant telle ou telle catégorie de personnes ; le Gouvernement a mis en place des voies de recours en cas de discrimination dans les faits, a assuré la délégation.
Plusieurs textes de loi interdisent déjà, et sanctionnent, tout acte de discrimination envers une personne, adulte ou enfant, en raison de sa race ou de son origine ethnique, a par ailleurs indiqué la délégation. Le Royaume reconnaît à cet égard la définition de la discrimination énoncée à l’article premier de la Convention, a-t-elle précisé.
De plus, aucune loi ne s’applique exclusivement aux ressortissants saoudiens, a assuré la délégation. La loi garantit que citoyens et résidents ont tous accès aux recours juridiques, a-t-elle insisté.
La loi garantit le droit de tout un chacun de saisir les tribunaux, a poursuivi la délégation. Contre un crime de discrimination raciale, il est possible de saisir le parquet, la Commission des droits de l’homme (institution nationale de droits de l’homme saoudienne) et d’autres instances, de même que des organismes privés et publics habilités à verser des indemnités, a-t-elle indiqué. De plus, toute personne peut invoquer les dispositions de la Convention – de même que celles des autres instruments internationaux ratifiés par le Royaume – devant les tribunaux, a fait valoir la délégation. Le personnel de justice a reçu une formation appropriée dans ce domaine, a-t-elle souligné.
Le faut que l’Arabie saoudite ne dispose pas d’une institution nationale de droits de l’homme conforme aux Principes de Paris ne signifie pas que le pays ne respecte pas les droits de l’homme, a ensuite déclaré la délégation. L’Arabie saoudite a pour projet de mettre l’institution existante en conformité avec lesdits Principes, les droits humains étant en outre d’ores et déjà défendus par une commission royale, a-t-elle précisé.
La peine de mort ne s’applique qu’aux crimes les plus graves. Elle est prononcée sur la base de preuves concluantes et doit être soumise à appel puis cassation ; autrement dit, elle ne s’applique qu’après épuisement de toutes les voies de recours, a souligné la délégation.
La délégation a par la suite précisé que six femmes avaient subi la peine de mort en 2023, en majorité pour l’assassinat de leur mari.
Les travailleurs migrants et les domestiques sont protégés par la loi, qui encadre strictement leur activité professionnelle et interdit les pratiques violentes ou discriminatoires à leur égard, a par ailleurs souligné la délégation. Les travailleurs et travailleuses ont le droit de garder leur passeport, a-t-elle assuré.
Les travailleurs domestiques peuvent déposer plainte devant le Ministère du travail et directement devant la justice s’ils estiment que leurs droits ne sont pas respectés, a ajouté la délégation, indiquant que le parquet avait (ainsi) reçu plus de 2000 plaintes entre 2021 et 2023.
La délégation a d’autre part mentionné la mise en place de services de soutien administratif, scolaire, logistique, entre autres, en faveur des travailleurs expatriés et de leurs familles en Arabie saoudite. Le regroupement familial est possible en Arabie saoudite si le contrat de travail du travailleur migrant le prévoit, a-t-elle précisé.
Le nouveau régime de travail régi par le contrat est venu remplacer entièrement la kafala(« parrainage »), a d’autre part souligné la délégation. Ce nouveau régime permet en particulier au travailleur de changer d’employeur et de quitter le pays à sa guise, moyennant notification préalable. Le système de la kafala a été aboli en 2022, a insisté la délégation.
Les violences à l’égard des travailleuses domestiques sont punissables et les femmes ciblées sont considérées par les autorités comme des victimes, et protégées à ce titre ; les autorités ont ouvert des refuges pour leur offrir un soutien psychosocial, a-t-il été précisé.
Le Code du travail saoudien impose l’octroi par l’employeur [à son employé] d’une assurance maladie, ainsi que des indemnités de logement et de transport pour tous les travailleurs, et la mise en place de mesures d’adaptation des conditions de travail aux grandes chaleurs, a d’autre part fait valoir la délégation. L’Arabie saoudite a ratifié la Convention n°187 de l’Organisation internationale du Travail sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, a-t-elle ajouté.
Le harcèlement sous toutes ses formes est sanctionné par des peines de prison et des amendes, a d’autre part souligné la délégation, précisant que les garanties s’appliquent tant aux résidents qu’aux citoyens et que la commission des faits sur le lieu de travail est une circonstance aggravante.
Le Royaume a sollicité et reçu des recommandations quant à la manière de respecter les droits des travailleurs avant la coupe du monde de football prévue [dans le pays] en 2034 ; le Gouvernement prépare un plan d’action dans ce domaine, a fait savoir la délégation. Elle a indiqué avec regret ne pas pouvoir commenter la procédure qui est en cours devant l’Organisation internationale du Travail.
La délégation a précisé que 42% des quelque 32 millions d’habitants de l’Arabie saoudite étaient des étrangers, dont plus de huit millions sont des travailleurs migrants. Le recensement de la population collecte des données relatives aux caractéristiques personnelles des habitants sur la base de critères économiques, sociaux et culturels, plutôt que sur des critères d’origine ethnique, a-t-elle souligné.
Quelque 78 000 unités de logement ont été remises aux personnes les plus vulnérables dans le Royaume et les écoles accueillent plus d’un million d’élèves non saoudiens, qui peuvent bénéficier de bourses, a en outre souligné la délégation. Des mesures ont aussi été prises pour faciliter l’entrée des jeunes non saoudiens dans les universités du pays, a-t-elle ajouté.
Le Royaume reçoit des réfugiés de plusieurs nationalités qui bénéficient des mêmes droits que les citoyens. Les autorités vérifient, avant tout renvoi de migrants, qu’ils ne subiront pas de persécution ni menaces pour leur vie dans le pays de destination.
En surveillant ses frontières, a tenu à préciser la délégation, le Royaume respecte les normes de droits de l’homme internationales, a assuré la délégation. Les personnes, y compris les femmes et les enfants, qui sont en situation illégale sont prises en charge dans des centres où il est répondu à tous leurs besoins et où tous leurs droits, tels que stipulés dans les conventions internationales, sont respectés.
La délégation a répondu à d’autres questions des experts du Comité relatives à la lutte contre la traite des êtres humains, précisant notamment que les autorités accordaient une grande importance à la protection des victimes.
S’agissant des bidouns – ou « résidents non réguliers du Royaume », selon la terminologie officielle –, la délégation a fait valoir que les autorités saoudiennes assuraient leur sécurité sociale et médicale, de même que l’éducation de leurs enfants et leur inscription à l’état civil.
Les personnes concernées par le projet [de ville nouvelle] NEOM bénéficient de mesures de soutien financier et d’autonomisation économique, a indiqué la délégation. Aucune expulsion n’est prononcée avant épuisement des procédures légales et des indemnisations sont versées, a-t-elle ajouté.
Les chiites font partie de la population, vivent dans des conditions stables et bénéficient des mêmes garanties, droits et libertés que les autres Saoudiens, a d’autre part assuré la délégation. Des tribunaux spéciaux statuent sur les affaires familiales concernant les chiites, notamment en matière de succession, de divorce et de garde d’enfants, a-t-elle poursuivi. Toute discrimination basée sur le critère religieux est considérée comme une violation des droits de l’homme, a souligné la délégation. L’Arabie saoudite, qui mise actuellement sur un essor du tourisme, accorde une importance particulière au respect de la liberté de religion de tout un chacun, a-t-elle insisté, avant d’ajouter que le Gouvernement applique des initiatives visant à favoriser la coexistence entre les communautés.
Le Code pénal sanctionne les crimes de haine contre les minorités et l’impunité n’existe pas à cet égard en Arabie saoudite, a affirmé la délégation.
La délégation a mentionné à plusieurs reprises le fait que les médias sont tenus, par la loi, d’utiliser un langage respectueux de toutes les personnes. Le Royaume est en train de renforcer le cadre législatif interdisant et sanctionnant les discours de haine, a-t-elle indiqué.
La loi insiste sur le fait que le mérite est le critère d’accès aux fonctions publiques, a-t-il par ailleurs été précisé.
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CERD24.018F