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Examen du Chili au CEDAW : les expertes se penchent notamment sur la situation des femmes défavorisées ou très marginalisées, s’agissant en particulier des femmes handicapées, autochtones et d’ascendance africaine

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW, selon l’acronyme en anglais) a examiné aujourd'hui le rapport présenté par le Chili sur les mesures prises par le pays pour appliquer les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation chilienne venue soutenir ce rapport, ont été salués les efforts du Gouvernement chilien pour diffuser la Convention ainsi que la ratification, en 2020, du Protocole facultatif à la Convention créant la procédure de plainte devant le Comité. Ont également été salués les efforts du Gouvernement dans le soutien aux personnes qui prennent soin de proches, l'adoption du plan national pour l'égalité entre les hommes et les femmes 2018-2030, ainsi que la réforme des retraites.

Une experte a regretté, en revanche, le manque de mesures temporaires spéciales pour améliorer la situation et favoriser l’intégration systématique des femmes défavorisées ou très marginalisées – migrantes, femmes âgées, femmes handicapées et femmes autochtones, en particulier. Des pans entiers de la société sont laissés pour compte par l’absence de telles mesures, a-t-elle regretté. Une autre experte a fait observer que le Chili était le seul pays d'Amérique latine dont la Constitution ne reconnaît pas les peuples autochtones. Elle a en outre regretté que les femmes d'ascendance africaine soient invisibilisées dans le pays et que l'absence de données à leur sujet contribue à l'incapacité de traiter correctement les problèmes de discrimination raciale qu'elles rencontrent.

Les femmes autochtones et les femmes handicapées sont exposées à un risque de traite des êtres humains au Chili, a-t-il en outre été relevé.

Une experte a voulu savoir ce qu’il en était de l’adoption du projet de loi concernant la stérilisation forcée des personnes handicapées et s’il était envisagé de criminaliser cette pratique – ce à quoi la délégation a répondu, au cours du dialogue, que les autorités n’avaient pas enregistré de plainte pour stérilisation forcée de personnes handicapées et que cette pratique était interdite par la loi.

S’agissant de la participation des femmes à la vie politique, il a été relevé que si le Chili se situait dans la moyenne mondiale supérieure, il n’avait pas encore atteint la parité entre les hommes et les femmes. Une experte a demandé si le Gouvernement pouvait s’engager en faveur de l’application du principe de parité dans les secteurs privé et public, au profit en particulier des femmes autochtones et d’ascendance africaine.

Il a par ailleurs été constaté que malgré les initiatives du Gouvernement, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes persistait au Chili.

Une experte a fait part de la préoccupation du Comité devant la réponse de l’État aux allégations de violations des droits de l'homme commises à l'encontre des femmes lors des manifestations sociales de 2019.

Tout en saluant l’initiative visant à dépénaliser l’avortement au Chili, une experte a rappelé les préoccupations exprimées antérieurement par le Comité s’agissant du taux élevé de grossesses chez les adolescentes et de la prévalence des abus sexuels sur les adolescentes et les filles très jeunes. De très nombreux personnels de santé opposent leur objection de conscience à la pratique des interruptions volontaires de grossesse, a fait remarquer l’experte, qui a demandé si des mesures étaient prises pour garantir le droit à l’avortement.

Présentant le rapport de son pays, Mme Antonia Orellana Guarello, Ministre de la femme et de l’égalité entre les genres du Chili, a évoqué, notamment, les mécanismes institutionnels, juridiques et administratifs mis en place par son Gouvernement afin de garantir les droits des femmes dans toute leur diversité, promouvoir l'égalité réelle et avancer dans l'éradication de la discrimination. Ainsi, le plan national pour l'égalité entre les femmes et les hommes, mis à jour en 2023, constitue-t-il la feuille de route des politiques d'égalité au Chili, intégrant la perspective de genre dans tous les domaines des institutions publiques, a-t-elle indiqué.

Une autre avancée emblématique est la « loi intégrale contre la violence fondée sur le genre », promulguée en 2024, qui prévoit des mesures pour prévenir, punir et éradiquer la violence à l'égard des femmes en raison de leur genre, a poursuivi la Ministre. Ces deux dernières années, a-t-elle ajouté, d’autres améliorations ont été apportées s’agissant de la protection des droits des victimes de crimes sexuels.

Mme Orellana a également évoqué les progrès réalisés au Chili pour les femmes appartenant à des groupes ayant besoin d’une protection spéciale. En particulier, le plan Buen Vivirencourage la participation des femmes mapuches et des femmes rurales aux décisions politiques et sociales, par le biais de dialogues territoriaux visant à répondre à leurs doléances.

La Ministre a ensuite mentionné l’adoption en 2022 d’une loi interdisant le mariage des mineurs, grâce à laquelle, a-t-elle souligné, aucune union entre époux de moins de 18 ans n'a été enregistrée depuis deux ans.

Mme Orellana a espéré que les recommandations du Comité aideraient son Gouvernement à atteindre ses priorités, qui sont l’application de la loi intégrale contre la violence fondée sur le genre ; l’élimination de la criminalisation de l'interruption volontaire de grossesse, dans un contexte où le Ministère de la femme [et de l’égalité entre les genres] doit présenter, dans les six mois, un projet de loi pour la légalisation de l'avortement ; la défense du droit des femmes à administrer leurs propres biens dans le cadre du mariage ; et l'exercice de leurs droits par les femmes privées de liberté.

Complétant cette présentation, la sénatrice Loreto Carvajal a mentionné l’adoption de plusieurs lois importantes, outre la loi intégrale déjà mentionnée par la cheffe de délégation, à savoir la loi créant un mécanisme permettant d'obtenir le paiement des pensions alimentaires ; ou encore la loi dite loi Karin, destinée à éradiquer la violence et le harcèlement sexuel et professionnel au travail.

Pour sa part, Mme Andrea Muñoz, Ministre à la Cour suprême du Chili, a fait part de la volonté du pouvoir judiciaire d'éliminer les barrières et les stéréotypes dans l'administration de la justice. Elle a fait état d’une évolution de la jurisprudence qui, dans certains domaines, permet de mieux garantir les droits humains des femmes.

Enfin, une représentante de l’Institut national des droits de l’homme du Chili a jugé préoccupant que la réforme du partenariat conjugal, présentée au Congrès il y a treize ans, ou la réforme de la loi antidiscrimination, visant à aligner la définition de la discrimination sur les normes internationales, n'aient pas fait de progrès substantiels. La représentante a pointé un écart de représentation entre les hommes et les femmes dans les municipalités et au Sénat, où les femmes ne représentent respectivement que 17% et 24% des élus ; et a attiré l’attention sur d’autres écarts au détriment des femmes chiliennes s’agissant des salaires, du taux d’emploi et du chômage. 

La délégation chilienne était également composée, entre autres, de Mme Claudia Fuentes Julio, Représentante permanente du Chili auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants de la Chambre des députés et de la Cour suprême chiliennes, et de représentants des Ministères des relations extérieures, de la justice et des droits humains, de l’intérieur et de la sécurité publique, et du développement social et de la famille. Le Service national des migrations et le corps des carabiniers étaient aussi représentés.

Au cours du dialogue, la délégation a notamment fait état d’un recul du nombre de grossesses parmi les adolescentes depuis quelques années, qui s’explique notamment par l’éducation sexuelle et la distribution gratuite de contraceptifs. S’agissant de l’objection de conscience à la pratique de l’avortement, il a par ailleurs été précisé qu’elle ne concerne pas les établissements publics. En cas de refus d’intervention dans ce contexte, le personnel médical est tenu de renvoyer la patiente vers un centre fédéral de prise en charge, où l’intervention pourra se faire ; et en tout état de cause, en cas d’urgence, si la santé de la mère est en danger, le personnel ne peut opposer d’objection de conscience, a expliqué la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Chili et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 25 octobre prochain.

 

Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport du Canada.

 

Examen du rapport du Chili

Le Comité est saisi du huitième rapport périodique du Chili (CEDAW/C/CHL/8), document établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise au pays par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, MME ANTONIA ORELLANA GUARELLO, Ministre de la femme et de l’égalité entre les genres du Chili, a souligné que son pays, depuis le dernier dialogue avec le Comité, avait connu une période turbulente, avec notamment des manifestations sociales, la pandémie de COVID-19 et l'émergence de groupes antidroits. Malgré ces défis, le Gouvernement a mis en place des mécanismes institutionnels, juridiques et administratifs afin de garantir les droits des femmes dans toute leur diversité, promouvoir l'égalité réelle et avancer dans l'éradication de la discrimination, a affirmé la Ministre.

Ainsi, le plan national pour l'égalité [entre les femmes et les hommes], mis à jour en 2023, constitue-t-il la feuille de route des politiques d'égalité au Chili, intégrant la perspective de genre dans tous les domaines des institutions publiques, a indiqué Mme Orellana, précisant que son objectif est de garantir l'égalité réelle, l'autonomie et l'équité entre les sexes pour les femmes. Pour soutenir son application, en 2023 et 2024, six milliards de pesos ont été alloués à des projets qui bénéficient directement à la diversité des femmes dans différentes institutions de l'État, a-t-elle ajouté.

Une autre avancée emblématique dans la lutte contre la violence est la « loi intégrale contre la violence fondée sur le genre », promulguée en juin 2024, qui prévoit des mesures pour prévenir, punir et éradiquer la violence à l'égard des femmes en raison de leur genre, a poursuivi la Ministre. La loi oblige l'État à garantir une vie sans violence pour les femmes, les filles et les adolescentes ; elle prévoit, en particulier, un renforcement des mesures de précaution et la création d'un mécanisme de contrôle judiciaire, et étend ces mesures aux délits de violence sexiste en dehors des relations affectives, a-t-elle précisé.

Ces deux dernières années, a poursuivi Mme Orellana, d’autres améliorations ont été apportées s’agissant de la protection des droits des victimes de crimes sexuels. L'engagement du Chili dans la lutte contre la violence basée sur le genre se traduit par l'augmentation substantielle des ressources allouées à la prévention et à la prise en charge de la violence contre les femmes, le budget alloué à ce domaine ayant augmenté de 22% entre 2021 et 2024, a-t-elle indiqué.

La Ministre a ensuite mentionné l’adoption en 2022 d’une loi interdisant le mariage des mineurs, grâce à laquelle, a-t-elle souligné, aucune union entre époux de moins de 18 ans n'a été enregistrée depuis deux ans.

Mme Orellana a aussi fait état de la création d’un registre national des débiteurs de pensions alimentaires et de l’adoption d’une loi sur le paiement effectif de ces pensions – deux mesures ayant permis le paiement de plus de 333 millions de dollars de pensions alimentaires au bénéfice de plus de 50 000 familles depuis mai dernier.

Mme Orellana a par ailleurs fait savoir que le Gouvernement était en train de rédiger un projet de loi visant à modifier le Code du travail afin de garantir le respect du principe de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, en vue de remédier à l'écart salarial persistant entre les sexes, qui s'élève à 23,3%. La Ministre a en outre indiqué que le Gouvernement chilien avait décidé de renforcer le secteur des soins en tant que quatrième pilier du système de protection sociale. Dans ce contexte, les ressources seront augmentées de 40% d'ici à 2025, l'objectif étant d'aider 75 000 personnes fortement dépendantes et d'étendre le réseau local de soutien et de soins à 62% des municipalités.

Mme Orellana a mentionné d’autres initiatives visant à éradiquer les stéréotypes de genre et à promouvoir les options éducatives pour les femmes et les filles dans les domaines de la science, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques. Elle a par ailleurs fait état de l’adoption du « manuel de suivi de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse », qui fournit aux autorités locales des outils de contrôle des établissements de santé, ainsi que d’une baisse du prix des contraceptifs.

Mme Orellana a ensuite attiré l’attention sur l’augmentation du pourcentage de femmes participant à la vie politique, les données d'ONU Femmes pour 2023 plaçant le Chili au sixième rang mondial, avec 58,3% de femmes au sein du Conseil des ministres. Le Gouvernement chilien défend des projets tels que les quotas de femmes dans les élections aux postes de gouverneurs et de conseillers régionaux, a-t-elle ajouté.

Enfin, la Ministre a évoqué les progrès réalisés au Chili pour les femmes appartenant à des groupes ayant besoin d’une protection spéciale. En particulier, le plan Buen Vivirencourage la participation des femmes mapuches et des femmes rurales aux décisions politiques et sociales, par le biais de dialogues territoriaux visant à répondre à leurs doléances. D’autres mesures visent les femmes et les filles handicapées, les femmes migrantes et les femmes placées en détention, a ajouté la cheffe de délégation.

Mme Orellana a espéré que les recommandations du Comité aideraient son Gouvernement à atteindre ses priorités, qui sont l’application de la loi intégrale contre la violence fondée sur le genre ; l’élimination de la criminalisation de l'interruption volontaire de grossesse, dans un contexte où le Ministère de la femme [et de l’égalité entre les genres] doit présenter, dans les six mois, un projet de loi pour la légalisation de l'avortement ; la défense du droit des femmes à administrer leurs propres biens dans le cadre du mariage ; et l'exercice de leurs droits par les femmes privées de liberté.

Complétant cette présentation, la sénatrice [chilienne] LORETO CARVAJAL a mentionné l’adoption de plusieurs lois importantes, outre la loi intégrale déjà mentionnée par la cheffe de délégation (voir plus haut), à savoir : la loi créant un mécanisme permettant d'obtenir le paiement des pensions alimentaires ; la loi sur la conciliation du travail, qui consacre le droit au travail à distance ou au télétravail pour les personnes qui s'occupent d'enfants de moins de 14 ans, d'une personne handicapée ou d'une personne en situation de dépendance grave ou modérée – autant de tâches qui, au Chili, sont principalement assumées par les femmes ; ou encore la loi dite loi Karin, destinée à éradiquer la violence et le harcèlement sexuel et professionnel au travail.

Au chapitre des défis, la sénatrice a fait part de son inquiétude face au rejet de l'idée de légiférer pour renforcer la loi anti-discrimination, dont la mise à jour est pourtant nécessaire après douze ans d'application. Elle a fait part de l’engagement du Sénat à soutenir l'intégration d'une perspective de genre dans le processus budgétaire, pour que des ressources soient allouées de manière adéquate aux initiatives qui s'attaquent à la violence fondée sur le sexe et qui promeuvent l'émancipation économique des femmes.

Enfin, MME ANDREA MUÑOZ, Ministre à la Cour suprême du Chili, a fait part de la volonté du pouvoir judiciaire d'éliminer les barrières et les stéréotypes dans l'administration de la justice et dans les enquêtes et la connaissance des cas de violation des droits des femmes, et d’introduire de nouveaux types de raisonnement fondés sur l'impartialité. Elle a fait état d’une évolution de la jurisprudence qui, dans certains domaines, permet de mieux garantir les droits humains des femmes, grâce à un raisonnement qui valorise le témoignage de la victime ou encore grâce à la reconnaissance de types de violence qui ne sont pas traditionnellement visibles, telle que la violence obstétricale. La jurisprudence a aussi joué un rôle clé dans la reconnaissance de l'identité de genre et de la diversité sexuelle, avant leur réglementation légale, a souligné Mme Muñoz.

Après ces présentations, une représentante de l’ Institut national des droits de l’homme du Chili (institution accréditée auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme avec le statut A) a recommandé que les statistiques sur la violence à l'égard des femmes soient ventilées par des critères d’appartenance à la communauté autochtone, d’appartenance à la ruralité, d'âge, de handicap, de diversité sexuelle et de statut migratoire . D’autre part, bien que le cadre réglementaire pour l'égalité formelle entre les hommes et les femmes ait été renforcé, la représentante a jugé préoccupant que la réforme du partenariat conjugal, présentée au Congrès il y a treize ans, ou la réforme de la loi antidiscrimination, visant à aligner la définition de la discrimination sur les normes internationales, n'aient pas fait de progrès substantiels.

La représentante a également pointé un écart de représentation entre les hommes et les femmes dans les municipalités et au Sénat, où les femmes ne représentent respectivement que 17% et 24% des élus. Elle a en outre fait part de préoccupations devant l'absence d'approche territoriale et de suivi des programmes de prévention de la violence envers les femmes, et a regretté le faible nombre de policiers chargés d'enquêter sur la traite de personnes et l'exploitation sexuelle à des fins commerciales.

La représentante a attiré l’attention sur d’autres écarts au détriment des femmes chiliennes s’agissant des salaires, du taux d’emploi et du chômage. En ce qui concerne le droit à la santé, elle s’est dite particulièrement préoccupée par les obstacles à l'interruption volontaire de grossesse sur la base de la loi n°21.030, tels que la formation insuffisante des équipes de santé pour fournir des soins adéquats aux filles et aux femmes ; et par le fait que ce droit ne puisse être exercé dans certains hôpitaux publics où tout le personnel est objecteur de conscience.

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a salué les nombreux efforts du Gouvernement pour diffuser la Convention et a félicité le pays d’avoir ratifié en 2020 le Protocole facultatif créant la procédure de plainte devant le Comité. L’experte a demandé ce qui était fait pour ancrer les droits des femmes dans la Constitution chilienne. Elle a fait part de préoccupations face au manque de progrès dans l'adoption de réglementations qui reconnaissent les formes indirectes et intersectionnelles de discrimination et le principe de l'égalité substantielle.

S’agissant de l’accès à la justice, l’experte a fait remarquer que, selon des rapports alternatifs, l'intégration de la dimension de genre serait faible. Elle a par ailleurs relevé que la disponibilité et l'accessibilité de l'assistance juridique gratuite restent insuffisantes.

L’experte a demandé ce qu’il en était de l’efficacité des formations dispensées aux fonctionnaires en matière de protection des droits humains des femmes autochtones.

L’experte a salué les efforts considérables du Gouvernement dans le soutien aux personnes qui prennent soin de proches. Elle a en revanche regretté le manque de mesures temporaires spéciales pour améliorer la situation et favoriser l’intégration systématique des femmes défavorisées ou très marginalisées – migrantes, femmes âgées, femmes handicapées et femmes autochtones, en particulier. Des pans entiers de la société sont laissés pour compte par l’absence de telles mesures, a-t-elle regretté.

Une autre experte a salué la création du Ministère de la femme et de l'égalité entre les genres, ainsi que celle du conseil des organisations de la société civile. Elle a voulu savoir dans quelle mesure le Ministère pouvait influencer l’action des autres ministères.

D’autres questions de l’experte ont porté sur le quatrième plan national pour l'égalité entre les femmes et les hommes, ses objectifs et son budget. Elle a prié la délégation de fournir des données sur les bénéficiaires du Fonds pour l'égalité entre les femmes et les hommes au cours des trois dernières années, s’agissant en particulier des veuves et des femmes indigentes, rurales, indigènes, migrantes et incarcérées.

Il a été demandé dans quelle mesure les femmes autochtones pouvaient accéder dans leurs propres langues aux services qui leur sont destinés.

Une experte a voulu savoir quels résultats avaient donnés les enquêtes sur les violences institutionnelles perpétrées lors des manifestations de 2019 à l’encontre, en particulier, de femmes et d’enfants. Elle a demandé ce qu’il en était de la reconnaissance des femmes et des enfants victimes de violations des droits humains pendant la dictature, et des réparations versées à cet égard.

Plusieurs questions ont porté sur les mesures prises par le Chili contre les biais sexistes dans le monde numérique et pour faire en sorte que les entreprises respectent les dispositions de la loi dite loi Karin contre le harcèlement au travail.

Les femmes autochtones et les femmes handicapées sont exposées à un risque de traite des êtres humains au Chili, a mis en garde l’experte.

Une autre membre du Comité a demandé ce qu’il en était de l’adoption du projet de loi concernant la stérilisation forcée des personnes handicapées et s’il était envisagé de criminaliser cette pratique.

Une experte a recommandé que le plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité porte aussi sur la formation de femmes capables de jouer un rôle moteur dans les mesures de consolidation de la paix.

S’agissant de la participation des femmes à la vie politique, une experte a relevé que le Chili se situait dans la moyenne mondiale supérieure mais n’avait pas encore atteint la parité entre les hommes et les femmes. Elle a demandé si le Gouvernement pouvait s’engager en faveur de l’application de ce principe [de parité] dans les secteurs privé et public, au profit en particulier des femmes autochtones et d’ascendance africaine.

La délégation chilienne a été interrogée sur les mesures prises pour faire appliquer la loi n°21.675, qui prévoit des mesures contre la violence fondée sur le sexe et à l'égard des femmes, de même que pour promouvoir une éducation non sexiste et débarrassée de tout stéréotype. D’autres questions ont porté sur le contenu de l’éducation sexuelle dispensée dans les écoles.

Une experte a constaté que malgré les initiatives du Gouvernement, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes persistait au Chili. Elle s’est en outre enquise des mesures prises pour augmenter le taux de participation des femmes sur le marché du travail, en particulier dans les secteurs où elles sont traditionnellement moins bien représentées, tels que la construction, la finance ou encore le secteur minier. L’experte a aussi demandé si l’État disposait de données sur le temps consacré par les hommes et les femmes aux tâches ménagères, à la garde des enfants et aux soins.

S’agissant du droit des femmes à la santé, une experte a salué l’initiative visant à dépénaliser l’avortement au Chili. Elle a rappelé les préoccupations exprimées antérieurement par le Comité s’agissant du taux élevé de grossesses chez les adolescentes et de la prévalence des abus sexuels sur les adolescentes et les filles très jeunes. De très nombreux personnels de santé opposent leur objection de conscience à la pratique des interruptions volontaires de grossesse, a fait remarquer l’experte, avant de demander si des mesures étaient prises pour garantir le droit à l’avortement.

Une autre experte a félicité le Chili pour ses réalisations en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, en particulier pour l'adoption du plan national pour l'égalité entre les hommes et les femmes 2018-2030, ainsi que pour la réforme des retraites qui a été entreprise. Elle s’est enquise des mesures législatives et politiques prises pour prévenir la surreprésentation des femmes dans le secteur informel et leur donner la possibilité d'acquérir les compétences nécessaires pour participer pleinement à la vie économique. Par ailleurs, il a été montré, en 2023, que 41,8% des entreprises chiliennes n'ont aucune femme dans leur conseil d'administration et 33% aucune femme dans leur direction, a relevé la même experte.

Une autre experte a fait observer que le Chili est le seul pays d'Amérique latine dont la Constitution ne reconnaît pas les peuples autochtones, et que les efforts déployés pour remédier à cette situation dans le projet de Constitution de 2022 avaient échoué. Elle a demandé si le Chili tenait compte de la Recommandation générale n°39 (2022) du Comité, qui porte sur les droits des femmes et des filles autochtones.

La même experte a regretté que les femmes d'ascendance africaine soient invisibilisées au Chili, et que l'absence de données à leur sujet contribue à l'incapacité de traiter correctement les problèmes de discrimination raciale qu'elles rencontrent.

L’experte a ensuite fait part de la préoccupation du Comité face à la réponse fournie par l’État chilien aux allégations de violations des droits de l'homme commises à l'encontre des femmes lors des manifestations sociales d'octobre 2019, au cours desquelles des femmes et des hommes ont été violés. Selon le procureur général, en décembre 2023, sur 10 142 plaintes relatives à des violations commises à cette époque, des actes d’accusation ont été émis dans seulement 127 cas, entraînant 38 condamnations et 17 acquittements ; et à ce jour, aucun commandant supérieur des carabiniers n'a été inculpé pour sa responsabilité présumée, a regretté l’experte.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord précisé que le Gouvernement s’était engagé à renforcer les mécanismes nationaux de suivi des recommandations des organes de traités onusiens. Le Gouvernement travaille avec le bureau régional du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à une meilleure préparation des dialogues avec les comités, a-t-elle souligné.

Entre 2022 et 2024, de nombreux membres du pouvoir judiciaire et des forces de l’ordre ont suivi une formation sur le genre, a-t-il ensuite été précisé. Des cours obligatoires concernant les violences fondées sur le genre, ainsi que les violences sexistes et familiales sont dispensés aux carabiniers et aux policiers dans leurs formations de base et continues. On constate actuellement que davantage de femmes que d’hommes postulent à l’entrée dans le corps des carabiniers, a indiqué la délégation.

Toutes les personnes peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle gratuite, a d’autre part souligné la délégation. Le Ministère de la justice dispose d’une équipe de facilitateurs interculturels chargés notamment de venir en aide aux femmes autochtones confrontées à la justice. Un projet de loi est en cours d’examen relatif à l’ accès à la justice pour toutes les victimes de violence, indépendamment du genre, a-t-il été précisé.

Le système judiciaire n’a pas attendu la promulgation de lois pour reconnaître, dans ses jugements, l’ identité de genre et certaines formes de discrimination y relatives en matière d’accès à la santé et à l’éducation, a fait savoir la délégation.

Le Gouvernement a lancé une réforme de la loi contre la discrimination – réforme qui, en l’état, a été refusée par le Sénat, a poursuivi la délégation. Les travaux se poursuivent en vue d’une adoption la plus rapide possible, a-t-elle indiqué.

La délégation a précisé que, depuis 2022, le Gouvernement appliquait, dans le cadre de ses initiatives et du recensement, de nouvelles variables statistiques concernant certains groupes ayant besoin d’une protection particulière – en particulier les femmes rurales – et les problèmes auxquels ils sont confrontés, y compris la violence.

Le Ministère du développement social et de la famille mise sur la collecte de statistiques ventilées pour mieux répondre aux besoins des personnes dont il a la charge, y compris les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les personnes handicapées.

Quelque 130 000 personnes prenant soin de proches sont intégrées au système social et bénéficient à ce titre de subventions, a indiqué la délégation.

La perspective de genre a été intégrée dans les plans de relance après la pandémie de COVID-19, a fait savoir la délégation.

La délégation a par la suite indiqué que les mesures prises depuis la pandémie visaient à adapter le système éducatif aux nouvelles réalités sociales après la pandémie. Elle a précisé que le Gouvernement avait entrepris d’éliminer toute forme de discrimination au sein de la communauté éducative, en même temps qu’une transition vers une école sans aucune discrimination. À cet égard, le Ministère de l’éducation examine de près les textes des manuels scolaires pour éviter qu’ils ne véhiculent des stéréotypes sexistes, et il a émis des instructions en vue de l’élimination de ces stéréotypes dans la vie scolaire, a souligné la délégation. Ces instructions ont été attaquées en justice mais la Cour suprême les a validées, a-t-elle ajouté.

De même, en dépit d’une opposition croissante, le Gouvernement va introduire une éducation sexuelle destinée, entre autres, à mieux protéger les enfants contre les abus sexuels, a indiqué la délégation.

Le Chili tiendra compte des recommandations du Comité pour permettre aux femmes de participer davantage à la vie publique et à la vie des entreprises, a assuré la délégation. L’entreprise nationale d’exploitation du cuivre a pour objectif de recruter 30% de femmes, a-t-elle indiqué.

Le Chili étant toujours régi par un modèle machiste, le Gouvernement envisage de légiférer pour améliore la participation des femmes aux processus politiques et de prise de décision, a par la suite indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs attiré l’attention sur la politique étrangère féministe menée par le Chili – une politique qui porte également sur l’inclusion des femmes dans les processus de paix, a-t-elle précisé.

Par ailleurs, le Chili étant en conflit avec le peuple mapuche, les autorités s’efforcent de favoriser le rôle des femmes autochtones dans le processus de paix, a-t-il été précisé.

Le Sous-secrétariat aux droits de l’homme applique un programme pour faciliter l’accès à la justice des femmes autochtones, portant en particulier sur la formation des fonctionnaires concernés, et ce programme contient un volet d’évaluation de l’efficacité du dispositif, a fait valoir la délégation.

Le Ministère de la santé a mis en place des règlements pour faciliter l’accès des femmes autochtones handicapées aux services sanitaires, dans leurs langues, y compris la langue des signes, a d’autre part indiqué la délégation.

Les femmes autochtones, en particulier mapuche et aymara, ainsi que les femmes d’ascendance africaine ont disposé de sièges au sein des organes consultatifs créés par l’État au moment de modifier la Constitution, a souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que les femmes autochtones, les femmes d’ascendance africaine et les femmes migrantes avaient participé à l’élaboration des critères de performance des plans d’action du Gouvernement les concernant. Elle a mentionné d’autres initiatives destinées à autonomiser les femmes rurales.

La délégation a fait part de l’appui de la société civile aux initiatives de l’État visant à mieux protéger les femmes contre les violences et délits sexuels. Elle a cité au nombre des mesures prises par l’État à cette fin l’aggravation des sanctions et la pénalisation de la diffusion de contenus intimes sans consentement. La délégation a en outre mentionné, en tant que progrès important, la loi dite loi Antonia destinée à mieux soutenir les femmes victimes de viol.

S’agissant des violences institutionnelles, la délégation a indiqué que plus de mille enquêtes avaient été menées après les manifestations de 2019, le Ministère de la justice ayant créé une unité spécialisée dans les enquêtes sur ces faits. Le Ministère a également publié un manuel d’enquête tenant compte, en particulier, des besoins des personnes les plus vulnérables, y compris les femmes et les enfants, a ajouté la délégation.

L’État a passé un règlement à l’amiable, et versé des dommages, concernant l’enlèvement d’un enfant soumis à sa tutelle, a d’autre part indiqué la délégation. Le Ministère des affaires étrangères a adopté un protocole de prise en charge des victimes de traite des êtres humains, a-t-elle poursuivi.

Les autorités n’ont pas enregistré de plainte pour stérilisation forcée de personnes handicapées, une pratique qui est interdite par la loi, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a d’autre part fait état d’une augmentation de 6%, entre 2022 et 2023, du revenu moyen des femmes. Dans le même temps, l’écart salarial entre les sexes est passé de 25% à environ 23%, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs indiqué que le taux de syndicalisation des femmes avait progressé, et a mentionné plusieurs mesures sociales destinées à aider les femmes à rester en emploi. Toutes les lois en matière d’emploi tiennent compte des besoins des hommes et des femmes s’agissant de la garde des enfants et de la nécessité d’un partage équitable des responsabilités, a précisé la délégation.

S’agissant de l’objection de conscience à la pratique de l’avortement, il a été précisé qu’elle ne concerne pas les établissements publics. En cas de refus d’intervention dans ce contexte, le personnel médical est tenu de renvoyer la patiente vers un centre fédéral de prise en charge, où l’intervention pourra se faire ; et en tout état de cause, en cas d’urgence, si la santé de la mère est en danger, le personnel ne peut opposer d’objection de conscience, a expliqué la délégation. Parallèlement, les autorités prennent des mesures pour faire connaître à la population ses droits en matière d’avortement en vertu de la loi, a-t-elle souligné.

La délégation a ensuite fait état d’un recul du nombre des grossesses parmi les adolescentes depuis quelques années, qui s’explique notamment par l’éducation sexuelle et la distribution gratuite de contraceptifs. Elle a précisé que toutes les grossesses chez les jeunes filles de moins de 14 ans sont, au Chili, réputées être [c’est-à-dire considérées comme étant] le fruit d’un viol et que l’accès à l’avortement était dès lors garanti.

S’agissant des manifestations de 2019, il a été précisé que 54 plaintes contre des fonctionnaires de l’État avaient été reçues relativement à des agressions contre des femmes, en majorité. Une condamnation définitive a été prononcée et plusieurs autres plaintes font l’objet de recours, a-t-il été précisé.

La délégation a mentionné d’autres mesures prises au Chili pour favoriser l’intégration des femmes et des filles dans les filières d’enseignement scientifiques et techniques ; prévenir et réparer les préjudices subis par les femmes victimes de violences obstétricales ; répondre aux besoins des femmes détenues ; et lutter contre les féminicides.

Remarques de conclusion

MME ORELLANA a remercié le Comité pour ce dialogue qui, a-t-elle indiqué, permettra aux trois pouvoirs – exécutif, législatif et judiciaire – de progresser. Elle a insisté sur l’engagement de son Gouvernement à donner effet à la Convention au profit de toutes les femmes, y compris les femmes autochtones et les femmes d’ascendance africaine, entre autres personnes ayant besoin d’une plus grande protection. La Ministre a insisté sur la contribution importante des organisations de la société civile à cet effort.

MME ANA PELÁEZ NARVÁEZ, Présidente du Comité, a encouragé le Chili à donner effet aux recommandations que le Comité formulera au profit de toutes les femmes et filles du pays.

 

 

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CEDAW24.028F