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Examen de la Norvège au Comité des disparitions forcées : la problématique des disparitions dans le contexte des migrations est au cœur du dialogue
Le Comité des disparitions forcées a examiné hier après-midi et ce matin le rapport initial présenté par la Norvège au titre de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Dans le cadre du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation norvégienne conduite par M. Tormod Cappelen Endresen, Représentant permanent de la Norvège auprès des Nations Unies à Genève, une experte a relevé qu’entre 2015 et octobre 2022, quelque 411 mineurs demandeurs d'asile avaient quitté les centres d'accueil norvégiens sans indiquer où ils allaient, et sans que l’on ne sache aujourd’hui où ils se trouvent. Ces mineurs peuvent être vulnérables à différents types de violations des droits de l'homme, y compris des crimes graves tels que la traite des êtres humains ou les disparitions forcées, a-t-elle mis en garde.
Cette même experte a d’autre part regretté que les autorités norvégiennes continuent de renvoyer des réfugiés et des migrants dans leur pays d'origine, même s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’ils pourraient y être victimes de disparitions forcées et d'autres violations graves des droits de l'homme. Ainsi, en juin 2024, des ministres du Gouvernement ont indiqué que le pays chercherait bientôt à envoyer des réfugiés syriens en Fédération de Russie, et le Comité est informé de la disparition puis du décès d’un Afghan renvoyé dans son pays, a indiqué l’experte.
L’experte a par ailleurs pris acte des efforts déployés par la Norvège pour remédier aux violations flagrantes des droits de l'homme du peuple autochtone sâme et des cinq minorités nationales qui ont été soumis à des politiques et pratiques discriminatoires dans le passé, avant l'entrée en vigueur de la Convention. Certaines de ces politiques et pratiques peuvent correspondre à la définition des disparitions forcées au sens de la Convention, notamment le déplacement forcé d'enfants vers des institutions ou des foyers d'accueil et la réinstallation forcée d'adultes dans des colonies de travail, a fait remarquer l’experte.
Un expert a constaté pour sa part que la Norvège était un pays de destination pour les victimes de la traite des êtres humains. Or, la migration est une situation dans laquelle des acteurs non étatiques peuvent facilement perpétrer des disparitions forcées, a-t-il souligné. Il s’est en outre interrogé sur les procédures appliquées par la police lors de la disparition de mineurs des centres d’accueil. L’expert a par ailleurs recommandé que la Norvège n’attende pas de connaître des cas de disparition forcée pour accepter la compétence du Comité de recevoir des communications (plaintes individuelles ou interétatiques).
Ce même expert a d’autre part relevé que la Norvège n'avait pas adopté de loi qui rende l'interdiction des disparitions forcées indérogeable. Au contraire, le droit interne intègre un principe de « nécessité constitutionnelle » qui permet de déroger à l'ensemble de la Constitution dans « une crise grave et sans précédent » qui menacerait l'existence du Royaume, de même qu’en temps de guerre, a-t-il fait observer. L’article premier de la Convention, a rappelé l’expert, oblige les États parties à garantir le droit d'être protégé contre les disparitions forcées en toutes circonstances, aucune circonstance exceptionnelle, y compris l'état de guerre, ne pouvant être invoquée pour justifier une disparition forcée.
Présentant le rapport de son pays, M. Endresen a insisté sur le fait qu'aucun acte de disparition forcée tel que défini à l'article 2 de la Convention n'avait été enregistré ou signalé en Norvège – un fait confirmé par des consultations avec l'institution norvégienne des droits de l'homme, le mécanisme national de prévention de la torture et la société civile, a-t-il souligné. Le niveau élevé de protection des droits de l'homme et les garanties juridiques solides en place ont jusqu'à présent empêché les disparitions forcées de se produire en Norvège, a affirmé le Représentant permanent.
En Norvège, toute privation illégale de liberté ferait l'objet d'une enquête de police en tant qu'infraction pénale, conformément aux règles nationales de procédure pénale, et serait ensuite portée devant les tribunaux nationaux ; il en irait de même dans l'hypothèse où un acte de disparition forcée se produirait dans le pays, a souligné M. Endresen.
D’autre part, le Gouvernement norvégien n'ignore ni ne nie les violations des droits de l'homme commises dans le passé, a assuré le Représentant permanent. En ce qui concerne le peuple autochtone sâme et les minorités nationales, il a fait savoir que les autorités norvégiennes mettaient l'accent sur la reconnaissance des injustices commises dans le cadre du processus d'assimilation et sur les excuses à cet égard. Les Sâmes et les minorités nationales faisant partie intégrante de l'histoire et de l'héritage culturel communs de la Norvège, la politique actuelle vise à renforcer la culture et les langues qui ont été affaiblies au cours de la politique d'assimilation antérieure, a indiqué M. Endresen.
M. Endresen a d’autre part assuré que la Norvège avait pour ambition que tous les enfants ayant besoin de services de protection bénéficient d'un service de soins et d'assistance complet. Une commission a récemment proposé cinquante mesures pour réaliser cette ambition ainsi qu’une stratégie mettant l'accent sur la responsabilité conjointe des différents secteurs afin de garantir que les enfants reçoivent une aide et un soutien complets et qu'ils aient la possibilité de mener une bonne vie d'adulte.
La délégation norvégienne était également composée, entre autres, de plusieurs représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice et de la sécurité publique, et de l'enfance et de la famille, ainsi que de la Direction des services correctionnels.
Au cours du dialogue, la délégation a précisé que les disparitions de mineurs de centres d’accueil s’expliquaient en partie par l’arrivée, en 2015 et 2016, de nombreux jeunes dont la demande d’asile a été rejetée et qui auraient dû repartir à l’âge de 18 ans. Le lien entre des départs des centres d’accueil et des cas de disparition forcée n’a toutefois pas été établi, a souligné la délégation. Le Gouvernement a chargé un groupe de travail de préparer des procédures à suivre par les autorités concernées par la recherche de mineurs non accompagnés, a-t-elle fait savoir. Elle a par ailleurs assuré que la Norvège n’a aucun projet de renvoyer vers la Syrie ou la Fédération de Russie des demandeurs d’asile déboutés.
La délégation a par ailleurs assuré que ni le principe de « nécessité constitutionnelle » ni la loi sur l’état d’urgence ne peuvent servir à justifier une disparition forcée. Concrètement, il n’est pas possible en Norvège de déroger à l’interdiction de la disparition forcée, a insisté la délégation.
Le rapport de la Commission vérité et réconciliation – qui avait pour mandat de dresser un état des lieux des politiques antérieures d’assimilation et de « norvégisation », et de proposer des mesures de réconciliation -, sera examiné par le Parlement cet automne, a par ailleurs indiqué la délégation. Cette politique d’assimilation est désormais entièrement révolue et les autorités actuelles s’efforcent d’en traiter les conséquences, a-t-elle souligné.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Norvège et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 4 octobre prochain.
Lundi matin, à partir de 10 heures, le Comité tiendra une réunion publique, d’abord avec les États et ensuite avec les organisations non gouvernementales, les institutions nationales de droits de l’homme et les organisations intergouvernementales .
Examen du rapport de la Norvège
Le Comité est saisi du rapport initial de la Norvège (CED/C/NOR/1) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. TORMOD CAPPELEN ENDRESEN, Représentant permanent de la Norvège auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que la Norvège est un pays dualiste, ce qui signifie que les obligations internationales doivent être transposées dans le droit norvégien pour être directement applicables. Si certaines conventions sont incorporées dans le droit norvégien par le biais de dispositions spécifiques, la plupart des conventions, cependant, sont mises en œuvre par le biais d'une transformation active ou passive, a-t-il indiqué. La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées est partiellement mise en œuvre dans notre système juridique par le biais d'une transformation passive, ce qui implique que le Parlement a considéré que la législation norvégienne existante était conforme à la Convention, a-t-il expliqué. Ainsi, l'obligation de garantir une indemnisation aux victimes de disparition forcée, prévue par la Convention, est-elle déjà posée par les règles générales sur l'indemnisation en vertu du droit norvégien. D’un autre côté, l'obligation de sanctionner pénalement les actes définis à l'article 2 de la Convention est appliquée par une transformation active: en 2019, le Parlement a ainsi adopté deux dispositions du Code pénal relatives aux disparitions forcées.
M. Endresen a ensuite insisté sur le fait qu'aucun acte de disparition forcée tel que défini à l'article 2 de la Convention n'a été enregistré ou signalé en Norvège – un fait confirmé par des consultations avec l'institution norvégienne des droits de l'homme, le mécanisme national de prévention de la torture et la société civile, a-t-il souligné. Le niveau élevé de protection des droits de l'homme et les garanties juridiques solides en place ont jusqu'à présent empêché les disparitions forcées de se produire en Norvège, a affirmé le Représentant permanent.
En Norvège, toute privation illégale de liberté ferait l'objet d'une enquête de police en tant qu'infraction pénale, conformément aux règles nationales de procédure pénale, et serait ensuite portée devant les tribunaux nationaux ; il en irait de même dans l'hypothèse où un acte de disparition forcée se produirait dans le pays, a poursuivi M. Endresen. Si un membre de la police ou du ministère public devait commettre un tel acte, l'enquête et les poursuites seraient menées par un bureau séparé et indépendant, tandis que l'agent en question serait suspendu de ses fonctions, a-t-il ajouté.
M. Endresen a ensuite souligné que si un cas de disparition forcée se produisait, il existerait plusieurs moyens pour les victimes de recevoir une indemnisation. La victime pourrait intenter une action civile et déposer une demande d'indemnisation et de réparation contre l'État ; et, dans le cadre d'une procédure pénale contre l'auteur de l'infraction, avoir droit à une indemnisation de l'État.
Le Gouvernement norvégien n'ignore ni ne nie les violations des droits de l'homme commises dans le passé, a poursuivi le Représentant permanent. En ce qui concerne le peuple autochtone sâme et les minorités nationales, M. Endresen a fait savoir que les autorités norvégiennes mettaient l'accent sur la reconnaissance des injustices commises dans le cadre du processus d'assimilation très dur et sur les excuses à cet égard. En outre, la connaissance du passé étant importante, en particulier à titre préventif, le Gouvernement diffuse des informations sur la politique passée d'assimilation du peuple sâme et d'autres minorités. De même, les Sâmes et les minorités nationales faisant partie intégrante de l'histoire et de l'héritage culturel communs de la Norvège, la politique actuelle vise à renforcer la culture et les langues qui ont été affaiblies au cours de la politique d'assimilation antérieure, a indiqué M. Endresen.
Le chef de délégation a par ailleurs fait état de changements législatifs intervenus le 1 er juillet 2024 dans le domaine de la justice militaire, avec notamment la suppression de la base légale permettant l'utilisation de la mise aux arrêts comme mesure disciplinaire en temps de paix ou de guerre, ou encore la dissolution de l'organe indépendant de poursuite militaire – les affaires pénales émanant des forces armées étant désormais traitées par l'organe de poursuite régional compétent, en temps de paix comme en cas de conflit armé, a-t-il précisé.
M. Endresen a d’autre part assuré que la Norvège avait pour ambition que tous les enfants ayant besoin de services de protection bénéficient d'un service de soins et d'assistance complet, prévisible et adapté. Une commission publique a récemment proposé cinquante mesures pour réaliser cette ambition. Elle a proposé une stratégie qui met l'accent sur la responsabilité conjointe des différents secteurs afin de garantir que les enfants reçoivent une aide et un soutien complets et qu'ils aient la possibilité de mener une bonne vie d'adulte ; un « livre blanc » sera présenté au Parlement norvégien au printemps 2025.
Enfin, M. Endresen a évoqué la visite effectuée dans le pays en mai dernier par le Comité européen [du Conseil de l’Europe] pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), en soulignant que pour la délégation du CPT, les principales préoccupations concernant les personnes en garde à vue étaient liées au fonctionnement pratique des garanties fondamentales contre les mauvais traitements, s’agissant notamment du droit d'accès à un avocat dès le début de la détention, du droit de notifier sa détention à un tiers et du droit de consulter un médecin de son choix, ainsi que de la notification de ces droits en temps voulu. Toutes les personnes rencontrées par la délégation du CPT ont confirmé avoir été informées de leurs droits peu après leur arrivée au commissariat, mais ont fait observer que pour obtenir des informations écrites sur leurs droits, elles devaient formuler une demande spécifique, a ajouté M. Endresen. Pour ce qui est des prisons, a-t-il complété, les observations préliminaires du CPT étaient globalement positives, mais la délégation [du CPT] a fait part de préoccupations quant à l'insuffisance du personnel de santé présent dans les prisons et quant à la forte occurrence des problèmes de santé mentale parmi les prisonniers, en particulier pour ce qui est des femmes prisonnières.
Questions et observations des membres du Comité
M. FIDELIS EDGE KANYONGOLO, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Norvège, a d’abord relevé que la Norvège n'avait pas adopté de loi qui rende l'interdiction des disparitions forcées indérogeable. Au contraire, le droit interne intègre un principe de « nécessité constitutionnelle » qui permet de déroger à l'ensemble de la Constitution dans « une crise grave et sans précédent » qui menacerait l'existence du Royaume, de même qu’en temps de guerre, a-t-il fait observer. L’article premier de la Convention, a rappelé l’expert, oblige les États parties à garantir le droit d'être protégé contre les disparitions forcées en toutes circonstances, aucune circonstance exceptionnelle, y compris l'état de guerre, ne pouvant être invoquée pour justifier une disparition forcée.
L’expert a par ailleurs constaté que, dans un rapport daté de juin 2022, le Groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) a indiqué que la Norvège était un pays de destination pour les victimes de la traite des êtres humains. Or, la migration est une situation dans laquelle des acteurs non étatiques peuvent facilement perpétrer des disparitions forcées, a souligné M. Kanyongolo, avant de demander si la Norvège avait pris des mesures pour enquêter sur les cas de telles disparitions forcées présumées.
L’expert a ensuite souhaité savoir quelle loi, en Norvège, transposait sans équivoque [dans le droit interne] l'article 6 de la Convention qui stipule « qu'aucun ordre ou instruction émanant d'une autorité publique, civile, militaire ou autre, ne peut être invoqué pour justifier un crime de disparition forcée ». S’agissant du Code pénal militaire, il a demandé si était considéré comme illégal l’ordre d’un supérieur entraînant une disparition forcée.
M. Kanyongolo a d’autre part estimé que la peine minimale de 14 jours qui peut être infligée en Norvège à une personne légalement responsable de disparition forcée ne reflétait pas la gravité de ce crime.
L’expert a par ailleurs recommandé que la Norvège n’attende pas de connaître des cas de disparition forcée pour accepter la compétence du Comité de recevoir des communications (plaintes individuelles ou interétatiques).
M. Kanyongolo a par la suite voulu savoir si les Roms avaient été impliqués dans la mise en place du fonds d’indemnisation pour les anciennes victimes de la politique d’assimilation, et si des réparations autres que financières avaient été accordées.
L’expert a d’autre part estimé que la définition restrictive de la notion de « victime de disparition forcée » utilisée en Norvège risquait d’exclure certaines victimes du champ d’application de la Convention.
M. Kanyongolo s’est interrogé sur les procédures appliquées par la police lors de la disparition de mineurs des centres d’accueil.
MME MILICA KOLAKOVIĆ-BOJOVIĆ, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Norvège, a relevé que, selon les données de la Direction norvégienne de l'immigration, entre 2015 et octobre 2022, quelque 411 mineurs demandeurs d'asile avaient quitté les centres d'accueil [norvégiens] sans indiquer où ils allaient, et sans que l’on ne sache aujourd’hui où ils se trouvent. Ces mineurs peuvent être vulnérables à différents types de violations des droits de l'homme, y compris des crimes graves tels que la traite des êtres humains ou les disparitions forcées, a mis en garde l’experte. Elle a rappelé que la première Observation générale du Comité consacrée aux « disparitions forcées dans le contexte des migrations » (2023) traitait, entre autres, de la manière d’appliquer la Convention dans les cas de disparition d'enfants migrants.
Le Comité, a poursuivi Mme Kolaković-Bojović, prend acte des efforts déployés par la Norvège pour remédier aux violations flagrantes des droits de l'homme du peuple autochtone sâme et des cinq minorités nationales de Norvège – Juifs, Kvènes, Finlandais des forêts, Roms norvégiens et Roms – qui ont longtemps été soumis à des politiques et pratiques discriminatoires dans le passé, avant l'entrée en vigueur de la Convention. Certaines de ces politiques et pratiques peuvent correspondre à la définition des disparitions forcées au sens de la Convention, notamment le déplacement forcé d'enfants vers des institutions ou des foyers d'accueil et la réinstallation forcée d'adultes dans des colonies de travail, a fait remarquer l’experte. Le Comité est conscient que depuis vingt ou trente ans la Norvège a adopté des mesures pour reconnaître et réparer ces injustices passées, a souligné Mme Kolaković-Bojović. Elle a demandé à cet égard quels avaient été les mandats et les résultats des travaux de la Commission d'enquête créée en 2015 et de la Commission de vérité créée en 2018, en particulier si elles avaient pu enquêter sur des cas de disparition forcée et quel rôle les victimes et leurs familles avaient joué.
Des rapports officiels montrent que des enlèvements, soustractions et adoptions forcées d’enfants roms ont été pratiqués dans le cadre de la politique antérieure d’assimilation, a par la suite fait remarquer l’experte, qui a demandé ce que le Gouvernement avait fait pour remédier à ces actes.
Mme Kolaković-Bojović a par ailleurs demandé si la Norvège disposait d’un mécanisme permettant d’impliquer systématiquement les organisations de la société civile dans le processus législatif.
Mme Kolaković-Bojović a ensuite regretté que les autorités norvégiennes continuent de renvoyer des réfugiés et des migrants dans leur pays d'origine, même s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’ils pourraient y être victimes de disparitions forcées et d'autres violations graves des droits de l'homme. Ainsi, en juin 2024, des ministres du Gouvernement ont indiqué que le pays chercherait bientôt à envoyer des réfugiés syriens en Fédération de Russie, et le Comité est aussi informé de la disparition puis du décès d’un Afghan renvoyé dans son pays, a indiqué l’experte. Elle a demandé si la procédure de « retour rapide » utilisée dans le cadre de la stratégie de retour s’accompagnait de l'obligation de vérifier le risque qu'une personne soit soumise à une disparition forcée dans le pays de destination ; elle a également souhaité savoir s’il était possible de faire recours contre une décision d’expulsion.
L’experte a ensuite demandé si les informations contenues dans les différents registres norvégiens de personnes disparues permettaient de faire la distinction entre disparition et disparition forcée.
L’article 23 de la Convention impose de mettre en place des formations à la Convention, indépendamment de la situation qui prévaut dans le pays au regard de la disparition forcée, a rappelé Mme Kolaković-Bojović. Il importe en effet que les fonctionnaires concernés soient en mesure de détecter les cas de disparition forcée, a-t-elle insisté.
L’experte a d’autre part voulu savoir si la Norvège coopérait avec d’autres pays dans la recherche des mineurs ayant quitté leurs centres d’accueil.
Un autre expert a regretté que les autorités norvégiennes aient abandonnés ces enfants à leur sort.
D’autres questions des membres du Comité ont porté sur le statut de l’institution norvégienne des droits de l’homme ; la participation des organisations de la société civile à la préparation du rapport ; la capacité du pays à poursuivre des crimes de disparition forcée commis dans des pays étrangers ; ou encore la compétence des tribunaux militaires en matière de disparition forcée.
Plusieurs experts ont voulu savoir comment la loi norvégienne définissait une victime de disparition forcée.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord expliqué que tout cas ou allégation de disparition forcée en Norvège serait, le cas échéant, notifié à l’institution nationale de droits de l’homme, qui n’en a reçu aucun à ce jour.
La délégation a ensuite donné la liste des organisations de la société civile consultée dans le cadre de la préparation du rapport ici examiné, citant en particulier le Comité Helsinki, qui chapeaute une quarantaine d’organisations non gouvernementales (ONG). Elle a par ailleurs décrit le processus de consultation qui est suivi dans le cadre législatif et auquel toute la société peut participer.
La Norvège n’entend pas modifier sa position concernant la compétence du Comité de recevoir des plaintes, a fait savoir la délégation. La Norvège observera la pratique du Comité avant de prendre toute décision dans ce domaine, a-t-elle ajouté.
Ni le principe de « nécessité constitutionnelle » ni la loi sur l’état d’urgence ne peuvent servir à justifier une disparition forcée, a indiqué la délégation. La nécessité constitutionnelle a été invoquée pour la dernière fois en 1940, face à l’invasion allemande ; ni les situations de catastrophe, ni même la pandémie de COVID-19 n’ont justifié depuis lors l’application de cette mesure, a insisté la délégation. Concrètement, il n’est pas possible en Norvège de déroger à l’interdiction de la disparition forcée, a assuré la délégation.
L’Observation générale du Comité concernant les disparitions forcées dans le contexte des migrations est très utile pour la Norvège, a affirmé la délégation. Le GRETA ayant confirmé que la Norvège est un pays de destination de la traite, les autorités ont pris des mesures pour protéger les étrangères victimes d’exploitation et de prostitution. Cette question est prioritaire pour la police, qui s’efforce entre autres de déterminer si les victimes ont été victimes de disparition forcée avant leur arrivée en Norvège. Les entretiens avec les requérants d’asile ont aussi pour objet de déterminer un cas de disparition forcée pendant leur parcours.
La délégation a fourni d’autres explications relatives à l’incrimination juridique des personnes qui prêtent leur concours à une privation illicite de liberté ou qui contribueraient à un acte de disparition forcée. Les autorités militaires ne sont pas compétentes pour enquêter sur des affaires de disparition forcée, a-t-il été précisé.
La délégation a par la suite indiqué que le Direction des migrations s’était dotée d’une structure administrative très solide et compétente, capable de procéder aux évaluations individuelles des demandes d’asile. La Norvège n’a aucun projet de renvoyer vers la Syrie ou la Fédération de Russie des demandeurs d’asile déboutés, a tenu à préciser la délégation.
Chaque décision de renvoi prononcée par la Direction des migrations tient compte de la situation dans les pays de retour, les allégations de violations des droits de l’homme étant examinées avec soin ; des erreurs ont pu être commises à cet égard, notamment parce que la situation sur le terrain a changé, a admis la délégation. Toute décision de renvoi peut faire l’objet d’un appel dans les trois semaines, a-t-elle précisé.
La police s’est penchée sur le problème des disparitions de mineurs ayant quitté des centres d’accueil, a poursuivi la délégation. Ce problème s’explique en partie par l’arrivée, en 2015 et 2016, de nombreux jeunes en provenance d’Afghanistan, notamment, dont la demande d’asile a été rejetée et qui auraient dû repartir à l’âge de 18 ans. Le lien entre des départs des centres d’accueil et des cas de disparition forcée n’a toutefois pas été établi, a précisé la délégation.
L’hébergement dans les centres d’accueil est volontaire, a d’autre part rappelé la délégation, expliquant que les enfants qui s’en vont ne sont plus, techniquement, sous la responsabilité des autorités norvégiennes. La disparition de l’un de ces mineurs donne toutefois lieu à une enquête, a-t-il été précisé.
Le Gouvernement a chargé un groupe de travail de préparer des procédures à suivre par les autorités concernées par la recherche de mineurs non accompagnés, a ajouté la délégation. La police a constaté, à cet égard, un manque de statistiques fiables et des lacunes en matière de procédure, a-t-elle indiqué.
La sanction minimale pour fait de disparition forcée est en effet de 14 jours, mais l’on s’efforce actuellement de supprimer les sanctions minimales (peines planchers) en raison de leurs effets indésirables, a indiqué la délégation. La disparition forcée étant considérée comme un crime extrêmement grave en Norvège, elle est sanctionnée de quinze ans de prison, voire vingt ans s’il existe des circonstances aggravantes et trente ans si elle est considérée comme un crime contre l’humanité, a-t-elle précisé.
La Norvège peut engager des poursuites pour des faits commis à l’étranger, a par ailleurs indiqué la délégation.
Le Code pénal n’interdit pas explicitement l’invocation de l’ ordre d’un supérieur pour justifier un délit pénal, a confirmé la délégation. Mais le Code pénal et le Code pénal militaire stipulent que le subordonné ne doit pas exécuter un ordre manifestement illégal. Dans tous les cas, la personne qui contribue à un acte de disparition forcée est punissable, a souligné la délégation.
Au chapitre de la formation et de la sensibilisation, la délégation a indiqué que la Norvège avait introduit des enseignements sur les « droits essentiels » dès la maternelle ; plus tard, les jeunes sont tenus de pouvoir expliquer comment lutter contre le racisme et la discrimination. Quant aux policiers et militaires, ils reçoivent des formations aux droits de l’homme en général et à la lutte contre la torture en particulier. Les éléments fondamentaux de toutes les conventions des droits de l’homme ratifiées par la Norvège font partie de la formation des agents, même s’il n’y a pas d’enseignement spécifique à tel ou tel instrument, a précisé la délégation.
La délégation a par ailleurs rappelé que la Commission vérité et réconciliation avait pour mandat de dresser un état des lieux des politiques antérieures d’assimilation et de « norvégisation », et de proposer des mesures de réconciliation. La Commission était composée de onze membres, dont des Sâmes et des Kvènes. Le rapport de la Commission, décrivant en 700 pages la politique d’assimilation menée par le passé, sera examiné par le Parlement cet automne, a indiqué la délégation. Cette politique d’assimilation est désormais entièrement révolue et les autorités actuelles s’efforcent d’en traiter les conséquences, a-t-elle souligné.
Des réparations ont été mises en place après des plaintes pour violations des droits des Sâmes dans le contexte de la politique d’assimilation, a poursuivi la délégation, avant de rappeler que les gouvernements norvégiens successifs ont présenté des excuses pour ces faits. Un rapport de l’État de 2015 indiquait par ailleurs que 1200 Roms ont obtenu des indemnisations. Le processus de remédiation et de réconciliation se poursuit à l’heure actuelle, avec la participation des personnes concernées ; il intègre des mesures telles que la construction de mémoriaux ou de musées, a-t-il été précisé.
Un autre rapport publié antérieurement a traité des persécutions subies pendant la Deuxième Guerre mondiale par les Juifs, auxquels des indemnisations ont aussi été versées, outre des mesures destinées à préserver la mémoire des faits, a aussi fait savoir la délégation.
Remarques de conclusion
M. ENDRESEN a assuré que la Norvège était pleinement attachée aux droits et obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, et qu’elle s’efforcerait de donner suite aux recommandations que le Comité lui adressera. Le Représentant permanent a ajouté que, familier des discussions politiques au Conseil des droits de l’homme, il se félicitait du rôle joué par les organes conventionnels, y compris le Comité des disparitions forcées, pour aider les États à appliquer concrètement les droits de l’homme.
M. OLIVIER DE FROUVILLE, Président du Comité, a souligné l’importance des dialogues en personne avec les délégations des pays, qui permettent notamment d’éviter des malentendus. Il a en outre mentionné les travaux en cours pour renforcer le Comité, s’agissant en particulier de sa procédure salvatrice d’action urgente.
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CED24.009F