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Examen du Pakistan au CERD : des experts font notamment part de préoccupations concernant des discriminations envers des minorités ethniques, des conversions et mariages forcés et la loi sur le blasphème
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Pakistan au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue qui s’est noué avec une délégation conduite par la sénatrice Samina Mumtaz Zehri, Présidente de la Commission permanente des droits de l’homme du Sénat pakistanais, une experte membre du Comité a fait part de la préoccupation du Comité devant la « ségrégation persistante des minorités ethniques » telles que les Ahmadis, les Hazaras et les dalits au Pakistan, et a fait état d’une « discrimination généralisée » envers les Siddis. L’experte a jugé préoccupante la nature discriminatoire de la loi électorale, qui exige une inscription séparée pour les Ahmadis et une déclaration selon laquelle ils sont non-musulmans – une situation qui a eu pour conséquence de priver une majorité d'Ahmadis de leur droit de vote, a indiqué l’experte.
La même experte s’est en outre inquiétée de l’existence officieuse d’un système de castes qui, a-t-elle mis en garde, perpétue la marginalisation des communautés minoritaires au Pakistan.
Un autre expert a regretté que le Pakistan considère qu’il n'existe pas de minorités ethniques ou linguistiques, lesquelles seraient englobées dans l’expression « minorités religieuses », et que la Constitution pakistanise de 1973 ne contienne pas d’interdiction de l'intouchabilité ni de la discrimination fondée sur la race, la caste, le sexe ou le lieu de naissance. Il a rappelé que le Comité avait déjà recommandé au Pakistan d’adopter une définition des minorités qui aille au-delà du critère religieux et qui protège tous les groupes minoritaires.
Le même expert a fait part d’un « sentiment général de malaise » alors que toutes les enquêtes constatent qu'il n'y a pas de cas avéré de conversion forcée ou de mariage forcé quand des jeunes filles appartenant à des minorités ethniques sont retirées de leur foyer par des hommes musulmans. Selon certaines informations, chaque année, un millier de jeunes filles sindhi subissent ce sort et les auteurs de ces actes restent impunis, a dit l’expert.
L’expert a en outre rappelé que le Comité avait déjà recommandé au Pakistan d'abroger les lois sur le blasphème qui, a-t-il souligné, vont à l'encontre de la liberté d'expression et de religion. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles des personnes appartenant à des groupes ethniques minoritaires ont été faussement accusées de blasphème ou ont été tuées ou agressées physiquement avant d'avoir bénéficié d'un procès équitable, a dit l’expert. Il a été demandé si des enquêtes avaient été menées au sujet de la destruction en 2023 de lieux de culte appartenant à des minorités ethnoreligieuses.
D’autres experts ont fait état d’une montée du profilage racial par la police et d’un sentiment hostile aux Pachtounes au Pakistan. Des précisions ont été demandées concernant les expulsions de réfugiés vers l’Afghanistan.
Présentant le rapport de son pays, Mme Zehri a souligné que la société pakistanaise était composée d'un ensemble diversifié de groupes ethniques, religieux et culturels. Le Pakistan s’est constitué au cours des siècles à partir de l'interaction entre des vagues successives de migration et les habitants locaux, a-t-elle rappelé. Dans ce cadre, les schémas transversaux des lignes linguistiques, ethniques et religieuses empêchent toute interprétation directe de la race et de la couleur, a-t-elle fait observer.
La sénatrice a ensuite fait état de progrès démontrant l’engagement du Pakistan à aligner son architecture juridique et politique et ses actions sur la Convention et les avis du Comité. Ainsi, le Gouvernement a-t-il mené à bien le recensement du pays en 2023, tandis que des progrès significatifs ont été accomplis en ce qui concerne la recommandation visant à renforcer l'institution nationale des droits de l'homme, qui a été accréditée en tant qu'institution dotée du statut A auprès de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme.
Mme Zehri a assuré que le Gouvernement était conscient des préoccupations de la communauté des droits de l'homme concernant des incidents épisodiques de violence contre des minorités religieuses. À cet égard, dans la seule province du Pendjab, le Gouvernement a déployé en permanence 364 agents de sécurité pour protéger les lieux de culte des non-musulmans, a-t-elle indiqué.
D’autre part, l'État s'est engagé à prévenir toute utilisation abusive de la loi sur le blasphème, a ajouté la sénatrice. Cette loi n'est pas discriminatoire car elle s'applique aussi bien aux musulmans qu'aux non-musulmans, a-t-elle précisé. Depuis six ans, 276 cas de blasphème ont été enregistrés, entraînant neuf condamnations, a indiqué Mme Zehri.
Outre Mme Zehri, la délégation pakistanaise était également composée, entre autres, de M. Bilal Ahmad, Représentant permanent du Pakistan auprès des Nations Unies à Genève, d’un autre membre du Sénat et de plusieurs représentants du Ministère des affaires étrangères.
Pendant le dialogue, la délégation a notamment indiqué que les autorités avaient lancé plusieurs initiatives au niveau des provinces pour favoriser l’harmonie et la tolérance entre les différentes confessions au Pakistan. Les minorités vivant au Pakistan sont protégées par la loi contre la discrimination, y compris s’agissant de la préservation de leurs langues et de leurs coutumes, a-t-elle souligné, avant d’ajouter que les quotas ont permis d’améliorer leur taux d’emploi dans le secteur public.
La délégation a par ailleurs précisé que l’enlèvement en vue du mariage était sanctionné par sept ans de prison et que les mariages forcés étaient interdits au Pakistan, où l’âge du mariage est désormais fixé à 18 ans pour toutes les communautés.
La majorité des personnes arrêtées dans le cadre des lois sur le blasphème sont musulmanes, a par ailleurs fait observer la délégation. Les autorités provinciales appliquent des protocoles d’enquête garantissant qu’aucune personne innocente ne sera incriminée, a-t-elle ajouté.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Pakistan et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 23 août.
Lundi 12 août, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Bélarus.
Examen du rapport du Pakistan
Le Comité est saisi du rapport valant vingt-quatrième à vingt-sixième rapports périodiques du Pakistan (CERD/C/PAK/24-26).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, la sénatrice SAMINA MUMTAZ ZEHRI, Présidente de la Commission permanente des droits de l’homme du Sénat du Pakistan, a souligné que la société pakistanaise était composée d'un ensemble diversifié de groupes ethniques, religieux et culturels. Le Pakistan s’est constitué au cours des siècles à partir de l'interaction entre des vagues successives de migration et les habitants locaux, a-t-elle rappelé. Dans ce cadre, les schémas transversaux des lignes linguistiques, ethniques et religieuses empêchent toute interprétation directe de la race et de la couleur, a-t-elle fait observer.
La sénatrice a fait état de progrès démontrant l’engagement du Pakistan à aligner son architecture juridique et politique et ses actions sur la Convention et les avis du Comité. Ainsi, le Gouvernement a-t-il mené à bien le recensement du pays en 2023, tandis que des progrès significatifs ont été accomplis en ce qui concerne la recommandation visant à renforcer l'institution nationale des droits de l'homme, qui a été accréditée en tant qu'institution dotée du statut A auprès de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme.
Le rapport fournit aussi des informations détaillées sur les actions du Gouvernement qui correspondent aux observations du Comité sur la nécessité d'agir contre le discours de haine, a poursuivi Mme Zehri. En 2023, a-t-elle précisé, l'Agence fédérale d'investigation a enregistré 85 cas de discours de haine ; la même année, l'autorité pakistanaise des télécommunications a adressé 4047 demandes à des sociétés internationales de médias sociaux pour qu'elles bloquent les contenus haineux dirigés contre les minorités.
Mme Zehri a assuré que le Gouvernement était conscient des préoccupations de la communauté des droits de l'homme concernant des incidents épisodiques de violence contre des minorités religieuses. À cet égard, dans la seule province du Pendjab, le Gouvernement a déployé en permanence 364 agents de sécurité pour protéger les lieux de culte des non-musulmans, a-t-elle indiqué.
D’autre part, l'État s'est engagé à prévenir toute utilisation abusive de la loi sur le blasphème, a ajouté la sénatrice. Cette loi n'est pas discriminatoire car elle s'applique aussi bien aux musulmans qu'aux non-musulmans, a-t-elle précisé. Depuis six ans, 276 cas de blasphème ont été enregistrés, entraînant neuf condamnations, a indiqué Mme Zehri.
En outre, la lutte contre la servitude pour dettes, ainsi que la protection des droits des travailleurs issus des minorités et d'autres groupes vulnérables sont prioritaires pour le Gouvernement et les provinces, a souligné la sénatrice. Ainsi, en 2023, plus de 50 000 inspections du travail ont été effectuées dans le pays et le Gouvernement a renforcé sa coopération avec l'Organisation internationale du Travail pour répondre aux préoccupations concernant les violations des droits des travailleurs issus de groupes minoritaires.
Des sièges sont réservés aux minorités religieuses dans les assemblées nationale et provinciales ainsi qu'au Sénat, les minorités religieuses bénéficiant en outre d'un quota réservé de 5% dans les emplois publics, a indiqué Mme Zehri.
La sénatrice a aussi fait savoir que le système de justice pénale pakistanais était vigilant en ce qui concerne les conversions et les mariages forcés. Si un cas individuel est signalé par les médias ou par des parties lésées, les mécanismes institutionnels et les tribunaux prennent l'affaire très au sérieux et mènent des enquêtes administratives et judiciaires appropriées. Seuls cinq cas ont été enregistrés dans la province du Sindh et les tribunaux ont pris des mesures strictes contre les mariages de mineurs.
Mme Zehri a par ailleurs rappelé que le Pakistan avait accueilli plus de quatre millions de ressortissants afghans dans l'honneur et la dignité depuis plus de quatre décennies. Mais, dans le même temps, le Pakistan est confronté à de graves problèmes économiques et de sécurité. Le plan du Gouvernement visant à rapatrier les étrangers en situation irrégulière est conforme au droit et aux pratiques internationales et constitue un exercice du droit souverain du Pakistan à réglementer ses frontières, a affirmé la sénatrice.
Le Gouvernement a aussi mis en place des mesures de grande envergure pour promouvoir l'harmonie interconfessionnelle et la coexistence pacifique dans le pays, y compris la construction de lieux de culte pour les sikhs et les bouddhistes, a ajouté Mme Zehri.
Questions et observations des membres du Comité
M. YEUNG KAM JOHN YEUNG SIK YUEN, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Pakistan, a rappelé des observations précédentes du Comité relatives à l’adoption d’une définition des minorités au Pakistan qui aille au-delà du critère religieux, tienne compte de toutes les distinctions énoncées dans la Convention, protège tous les groupes minoritaires et prenne en considération tous les motifs de discrimination visés à l'article premier de la Convention. Il semble, a relevé l’expert, que le Pakistan considère qu’il n'existe pas de minorités ethniques ou linguistiques, lesquelles seraient englobées dans l’expression « minorités religieuses ». M. Yeung Sik Yuen a regretté que la Constitution pakistanise de 1973 ne contienne pas d’interdiction de l'intouchabilité ni de la discrimination fondée sur la race, la caste, le sexe ou le lieu de naissance.
L’expert a fait état de problèmes de manque de coordination et de concertation, ainsi que de confusion des compétences, entre le Gouvernement fédéral et les autorités des quatre provinces, s’agissant en particulier de la protection des minorités. M. Yeung Sik Yuen a demandé pourquoi une initiative commune du corps législatif fédéral visant à enrayer le problème de l’intolérance religieuse à l'échelle nationale, ainsi que toutes les formes de discrimination, y compris celles fondées sur l'origine nationale, ne s’était pas encore concrétisée ; et où en était l'adoption d'une loi sur la tolérance interconfessionnelle réclamée par diverses communautés religieuses.
Un sentiment général de malaise persiste lorsque toutes les enquêtes constatent qu'il n'y a pas de cas avéré de conversion forcée ou de mariage forcé quand des jeunes filles appartenant à des minorités ethniques sont retirées de leur foyer par des hommes musulmans, a dit l’expert. Selon certaines informations, chaque année, un millier de jeunes filles sindhi subissent ce sort et les auteurs de ces actes restent impunis.
M. Yeung Sik Yuen a aussi rappelé que le Pakistan était tenu, en vertu de la Convention, d'interdire les organisations racistes et les institutions raciales publiques, nationales ou locales, qui promeuvent ou incitent à la discrimination raciale.
L’expert a également relevé que les lois sur le blasphème (insulte à la religion ou à des personnalités religieuses) étaient un sujet de grande préoccupation au Pakistan, et que le Comité avait déjà recommandé à l'État partie d'abroger ces lois qui vont à l'encontre de la liberté d'expression et de religion consacrée par la Constitution. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles des personnes appartenant à des groupes ethniques minoritaires ont été faussement accusées de blasphème ou ont été tuées ou agressées physiquement avant d'avoir bénéficié d'un procès équitable, a dit l’expert. Citant plusieurs cas survenus en 2023 et 2024 et ayant entraîné des exécutions extrajudiciaires, M. Yeung Sik Yuen a voulu savoir si des enquêtes avaient été menées et des poursuites engagées.
S’agissant des questions de justice, M. Yeung Sik Yuen a en outre constaté un arriéré d’environ 2,4 millions d’affaires devant les tribunaux pakistanais. Il a cité le cas d’une personne poursuivie pour blasphème en 2014, condamnée à mort en 2019, mais dont l’appel n’a toujours pas été entendu à ce jour. De plus, l’avocat de cette personne a été assassiné en 2014 et justice n’a pas encore été rendue dans cette affaire.
L’expert a demandé quels obstacles s’opposaient à l’accès à la justice par les victimes de discrimination raciale.
M. Yeung Sik Yuen s’est inquiété de la persistance des tribunaux traditionnels (jirgas), composés uniquement d’hommes et qui ordonnent parfois des assassinats de femmes accusées de transgressions morales. M. Yeung Sik Yuen a aussi fait état de pressions exercées par le pouvoir exécutif sur des magistrats de la Cour suprême et s’est interrogé sur les garanties données à l’indépendance des juges.
Le Comité est informé que les familles de onze Hazaras mineurs tués par des terroristes au Baloutchistan n’ont pas toutes reçu les indemnisations prévues par la loi, a ajouté l’expert.
M. Yeung Sik Yuen a posé plusieurs questions sur le financement et le fonctionnement de la Commission nationale [fédérale] des droits de l’homme créée en 2019. L’expert a salué le fait que cette institution se soit vu accorder le Statut A par l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme. Il a cité un rapport de la Commission selon lequel le nombre de personnes emprisonnées pour blasphème avait fortement augmenté depuis deux ans.
L’expert s’est par ailleurs enquis des résultats des démarches du Gouvernement pour renforcer la Commission nationale pour les minorités (NCM).
Il a par ailleurs fait remarquer que le Pakistan était le seul pays au monde à considérer que les Ahmadis ne sont pas musulmans.
MME PELA BOKER-WILSON, également rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Pakistan, a demandé si le Pakistan allait modifier sa loi afin de pouvoir poursuivre explicitement toutes les formes de discrimination.
Mme Boker-Wilson a demandé si le dernier recensement national de la population contenait des variables relatives à la composition raciale ou ethnique du pays ainsi qu’à l’auto-identification des Afro-descendants et des personnes à peaux brunes ou foncées (la communauté siddi, d’ascendance africaine). Le Comité observe que le recensement de 2019 n'inclut pas les minorités ethniques ou linguistiques (Pachtounes, Mohajirs, Hazaras et Deltis) qui étaient incluses dans les recensements et les enquêtes précédents, a-t-elle ajouté. D’autre part, l'enquête sur la mesure des niveaux de vie et des conditions sociales au Pakistan en 2019 ne comportait que des données ventilées par province et par zone urbaine ou rurale, a poursuivi l’experte. En raison de cette absence de données, il est difficile pour le Gouvernement d'identifier et de résoudre les difficultés rencontrées par les personnes appartenant à ces groupes minoritaires, a insisté l’experte.
Le Comité est préoccupé par la « ségrégation persistante des minorités ethniques » telles que les Ahmadis, les Hazaras et les dalits au Pakistan, de même que par la nature discriminatoire de la loi électorale, qui exige une inscription séparée pour les Ahmadis et une déclaration selon laquelle ils sont non-musulmans – une situation qui a eu pour conséquence de priver une majorité d'Ahmadis de leur droit de vote, a indiqué l’experte.
Mme Boker-Wilson a cité, d’autre part, un rapport daté de 2022 dans lequel la Commission nationale des droits de l'homme signale que le Pakistan possède officieusement un système de castes qui perpétue la marginalisation des communautés minoritaires. La Commission y précise que les minorités non musulmanes, et en particulier celles issues de la communauté chrétienne, se retrouvent à travailler dans l'assainissement en raison d'obstacles systémiques [à leur embauche] dans des emplois plus qualifiés et mieux payés. De plus, sur le quota de 5% de postes réservés aux minorités, seuls 2,8% sont utilisés, et plus de 80% de ces 2,8% correspondent à des emplois mal rémunérés.
L’experte a aussi voulu connaître le nombre actuel de cas de travail servile impliquant des membres de groupes minoritaires tels que les dalits. Mme Boker-Wilson a fait état d’une « discrimination généralisée » envers les Siddis au Pakistan. Elle a aussi mentionné la situation de la minorité baloutche, vivant dans la province du Baloutchistan qui est actuellement le théâtre de vastes manifestations et où plus de 10 000 cas de disparitions forcées ont été signalés depuis 2018.
Mme Boker-Wilson a par la suite cité des informations parvenues au Comité relatives à des discriminations envers la minorité religieuse ahmadi, en particulier l’interdiction faite de procéder à des abattages rituels d’animaux. Il semble aussi que plusieurs associations d’avocats au Pakistan aient adopté des résolutions visant à interdire aux Ahmadis d’exprimer leur foi, ce qui aurait donné lieu à des actes d’intimidation, voire à de violence, à leur encontre.
Le Comité, a ajouté l’experte, est particulièrement préoccupé par les informations concernant environ 1,7 million d'Afghans sans papiers qui ont élu domicile au Pakistan au cours des dernières décennies. Entre le 27 août et le 9 septembre 2021, les autorités pakistanaises auraient expulsé 230 ressortissants afghans sans papiers, tandis qu'environ 1800 Afghans ont été expulsés vers l'Afghanistan en septembre et octobre 2021.
L’experte a demandé quelles mesures le Gouvernement avait prises pour que le plan de rapatriement des étrangers en situation irrégulière, dans sa formulation actuelle, contienne des dispositions prévoyant des évaluations individualisées des risques associés au refoulement. Il semble, a-t-elle précisé, que depuis la promulgation de ce plan par le Ministère de l'intérieur en septembre 2023, de 9000 à 10 000 personnes originaires d'Afghanistan ont été renvoyées chaque jour.
Une autre experte a cité des études universitaires faisant état d’une montée du profilage racial par la police. Elle a en outre mentionné la progression d’un sentiment hostile aux Pachtounes au Pakistan, voire des meurtres les visant.
Une experte a relevé que seuls cinq cas de conversion et de mariage forcés de jeunes filles semblent avoir été jugés par les tribunaux. Or, le Comité est informé de cas plus nombreux, a-t-elle fait observer.
La grande majorité des dalits est illettrée et la communauté entière subit des discrimination au Pakistan, a déploré une experte.
Un expert a demandé si des enquêtes avaient été menées au sujet de la destruction en 2023 de lieux de culte appartenant à des minorités ethnoreligieuses.
D’autres questions des experts ont porté sur le contenu des enseignements scolaires, y compris ceux des écoles religieuses, consacrés aux droits de l’homme.
Une experte a demandé combien de jugements avaient été rendus pour enlèvement, conversion et mariage forcés d’une mineure.
Un expert a demandé si les Siddis et les membres d’autres minorités avaient facilement accès à la justice.
Des précisions ont été demandées sur les expulsions de réfugiés vers l’Afghanistan.
Une experte a relevé que, malgré des progrès, le Pakistan connaissait le taux le plus élevé de mortalité maternelle et infantile au niveau régional. Cette même experte a indiqué que le Comité préparait une observation générale concernant la discrimination raciale et l’exercice du droit à la santé. Elle a voulu savoir si l’État diffusait des informations de santé auprès des femmes rurales.
Réponses de la délégation
La non-discrimination et l’égalité devant la loi sont garanties par la Constitution, indépendamment de la religion, de l’ethnie ou de la couleur, a précisé la délégation. La définition de la discrimination couvre la discrimination pour raison religieuse mais aussi ethnique et liée à la couleur, a-t-il été indiqué.
La loi donne aussi une définition juridique des discours de haine , qui sont passibles de poursuites devant les tribunaux, a poursuivi la délégation. La loi antiterroriste de 1997 a permis d’interdire plusieurs dizaines d’organisations et d’individus convaincus de propager des discours de haine raciale, a-t-elle ajouté.
La majorité des personnes arrêtées dans le cadre des lois sur le blasphème sont musulmanes, a fait observer la délégation. Asia Bibi a été acquittée, a-t-elle en outre précisé. Pour garantir que la justice est bien rendue, les autorités provinciales appliquent des protocole d’enquête garantissant qu’aucune personne innocente ne sera incriminée, en particulier grâce au fait que la charge de la preuve incombe aux autorités de poursuites et que l’enquête doit être menée par un officier de police, a affirmé la délégation. Elle a cité plusieurs enquêtes ayant abouti à la mise hors de cause de personnes innocentes.
L’institution nationale de droits de l’homme a formulé un certain nombre de recommandations sur le déroulement de ces enquêtes, dont la Ministère de la justice est saisi, a poursuivi la délégation. Le Gouvernement est engagé à dédommager les membres de minorités religieuses dont les biens ont été endommagés dans des incidents récents, a-t-elle par ailleurs fait savoir.
La délégation a précisé que le Pakistan connaissait des minorités linguistiques, culturelles et religieuses. Elle a mentionné des initiatives de construction de lieux de culte pour les religions minoritaires et pour favoriser l’harmonie interconfessionnelle. Nul ne peut être forcé d’être éduqué dans une autre langue que la sienne, a ajouté la délégation. Depuis cinq ans, le Gouvernement a introduit des quotas de places pour les membres des minorités religieuses, a d’autre part fait valoir la délégation.
Les autorités ont lancé plusieurs initiatives au niveau des provinces pour favoriser l’harmonie et la tolérance entre les différentes confessions au Pakistan, a insisté la délégation.
Les minorités vivant au Pakistan sont protégées par la loi contre la discrimination, y compris s’agissant de la préservation de leurs langues et de leurs coutumes, a poursuivi la délégation. Les quotas ont permis d’améliorer leur taux d’emploi dans le secteur public, a-t-elle assuré, avant de préciser en outre que les chrétiens bénéficient de mesures destinées à leur permettre d’occuper des emplois dans d’autres secteurs que l’assainissement. La délégation a mentionné de très nombreuses autres mesures destinées à protéger la sécurité des minorités dans les provinces pakistanaises, y compris pour ce qui est de la protection de leurs lieux de culte.
Malgré les problèmes auxquels il est confronté, le Pakistan a réussi à augmenter son taux de croissance économique de même que le revenu par habitant, a ensuite indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que les membres de minorités avaient accès, en dehors des quotas, aux postes supérieurs par la voie des concours, lesquels sont ouverts à tout le monde.
Les Siddis vivent essentiellement dans le sud du pays, a précisé la délégation. Cette communauté vit au Pakistan depuis plus de 250 ans, parle hindi et est assimilée, a-t-elle indiqué. Le Gouvernement a pris des mesures pour rétablir les manifestations culturelles de cette communauté qui avaient fait l’objet d’attaques il y a quelques années, a fait observer la délégation.
Il n’existe aucune discrimination envers les dalits en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à l’emploi, a par ailleurs assuré la délégation.
La délégation a assuré que le Gouvernement était attaché à réduire les écarts entre le Baloutchistan et le reste du pays, de même qu’à protéger la population de cette province où des groupes séparatistes terroristes ciblent les fonctionnaires de l’État, les étrangers et les membres de minorités.
Le recensement a permis de recueillir des données sur les religions et a montré, en particulier, une progression du nombre de personnes membres des minorités, a indiqué la délégation.
La liberté d’expression est soumise à certaines restrictions, mais il est toujours possible de donner son opinion et de manifester dans le respect de la loi, a d’autre part déclaré la délégation.
Les mariages et conversions forcés ont été érigés en infractions pénales, a indiqué la délégation. Des initiatives ont été lancées contre les violences sexistes et des tribunaux spécialisés dans la violence familiale ont été ouverts, a-t-elle ajouté. Parallèlement, les forces de l’ordre et les dirigeants religieux font l’objet de mesures de sensibilisation contre ces phénomènes. La Commission nationale des droits de l’homme a ouvert une ligne téléphonique d’urgence réservée aux victimes de mariage forcé, a en outre indiqué la délégation.
L’enlèvement en vue du mariage est sanctionné par sept ans de prison ; les mariages forcés sont interdits au Pakistan, où l’âge du mariage est désormais fixé à 18 ans pour toutes les communautés, a précisé la délégation.
La Constitution interdit l’esclavage et le travail forcé, a poursuivi la délégation. Cette disposition est concrétisée par une loi contre le travail forcé qui est valable dans tout le pays. Des inspections du travail sont menées pour veiller à sa bonne application ; elles ont déjà entraîné des poursuites et des sanctions.
La délégation a aussi fait état d’une collaboration avec l’Organisation internationale du Travail pour la création d’emplois décents et pour protéger les travailleurs vulnérables membres de minorités, en particulier les travailleurs des secteurs de la fabrication de briques et de l’assainissement.
La délégation a cité plusieurs mesures, de nature administrative et financière, prises pour garantir l’indépendance des juges et de la justice en général. Les modalités de nomination des magistrats et de financement du système judiciaire sont inscrites dans la Constitution, a-t-elle précisé.
La délégation a donné d’autres précisions concernant la part des membres de minorités dans la composition du personnel judiciaire fédéral et des provinces. L’État est responsable, en vertu de la loi, d’offrir une aide juridictionnelle gratuite au profit, en particulier, des femmes et des enfants victimes de violence familiale, a-t-il été précisé.
Le Gouvernement s’efforce d’autre part de combler les retards dans le traitement des procès, a ajouté la délégation.
Les jirgas ont été déclarées illicites en 2019 par Cour suprême, a d’autre part précisé la délégation. Cette pratique, largement acceptée par les populations locales, existe depuis bien avant l’indépendance dans certaines provinces ayant développé leurs propres pratiques et codes culturels. Pour y remédier, le Gouvernement est en train d’élargir progressivement la compétence des tribunaux à l’ensemble du territoire, comme l’avait recommandé le Comité lors de l’examen du précédent rapport du pays. Cette pratique est, aujourd’hui, en recul, a indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs assuré qu’il existait des mécanismes de plaintes ouverts aux membres de minorités qui s’estiment victimes de discrimination.
La délégation s’est dite fière que la première médaille olympique remportée par le Pakistan depuis quarante ans l’ait été, le 8 août 2024, par une personne membre de la communauté siddi.
Le renforcement de la Commission nationale pour les minorités (NCM) est un objectif à long terme pour le Gouvernement, a poursuivi la délégation, avant de préciser que cette Commission compte douze membres représentant les diverses minorités du pays et œuvre pour l’harmonie entre les groupes cultuels.
Indépendante, la Commission nationale des droits de l’homme produit des rapports parfois critiques sur la discrimination ou encore sur la situation des travailleurs au Pakistan, a ajouté la délégation. La Commission compte des antennes dans toutes les provinces du pays.
La délégation a par ailleurs fait état de l’adoption d’un accord avec les écoles religieuses en vue de la modernisation de leurs enseignements et de leur alignement sur le système d’enseignement public. Des mesures sont en outre prises pour informer tous les écoliers de leurs droits.
La Constitution stipule que tout citoyen a le droit de pratiquer sa religion, a poursuivi la délégation. Les pratiques cultuelles des Ahmadis autour de l’Eid heurtent la très grande majorité de la population musulmane du Pakistan, mais il n’y a pas eu d’incident violent dernièrement, a-t-elle ensuite indiqué.
Le Pakistan respecte le principe de non-refoulement, a assuré la délégation. Le pays accueillant de très nombreux réfugiés afghans, le Gouvernement, en coopération avec les Nations Unies et des organisations non gouvernementales, met à leur disposition des services administratifs, sanitaires, éducatifs et autres leur permettant de vivre dans la dignité et de s’intégrer dans la société pakistanaise, a indiqué la délégation.
La délégation a précisé que le plan de rapatriement mentionné par un expert ne concernait pas uniquement les Afghans mais toutes les personnes, réfugiées ou non, séjournant de manière illégale au Pakistan.
Remarques de conclusion
MME ZEHRI a rappelé les effets délétères des idéologies de supériorité raciale et du colonialisme, et a insisté sur les difficultés que rencontre actuellement son pays, non seulement sur le plan économique mais aussi s’agissant des effets des changements climatiques. Le Pakistan, a-t-elle assuré, n’en est pas moins attaché à éliminer la discrimination raciale.
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CERD24.011F