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Examen de Malte au Comité des droits de l’homme : les experts saluent des progrès importants dans la dépolitisation du pouvoir judiciaire, mais s’inquiètent tout particulièrement de la situation des migrants, y compris ceux nécessitant un sauvetage en mer

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par Malte au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Selon la société civile, Malte ne coordonnerait pas les opérations de recherche et de sauvetage des bateaux ou autres embarcations en détresse, ce qui met en danger la vie des réfugiés, a souligné un expert membre du Comité au cours du dialogue noué avec la délégation maltaise venue soutenir le rapport du pays. Ainsi, a précisé cet expert, en septembre 2022, Malte n'aurait pas répondu aux appels de détresse d’organisations non gouvernementales de recherche et de sauvetage concernant un bateau transportant 63 personnes d'origines syrienne, libanaise et palestinienne ; malgré de nombreuses alertes, le bateau est resté à la dérive avant d'être secouru en Grèce, où il est apparu, notamment, qu’une fillette syrienne de 4 ans était morte de déshydratation. L’expert a en outre demandé si des mesures étaient prises pour que les ONG menant des opérations de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée ne soient pas sanctionnées pour ce fait. Un autre expert a regretté ce qu’il a qualifié de déni de responsabilité en ce qui concerne ce qu’il se passe dans les eaux territoriales maltaises. Il faut trouver une solution au problème alors que des personnes meurent en mer quasiment tous les jours, a-t-il insisté.

Selon certaines informations, les migrants privés de liberté à Malte sont enfermés dans des unités surpeuplées pendant des périodes prolongées, avec des régimes qui frisent la négligence institutionnelle et qui peuvent constituer un traitement inhumain et dégradant contraire à l'article 7 du Pacte, a pour sa part souligné un autre expert. Il a par ailleurs été regretté que Malte ait fréquemment recours à la détention de migrants et de demandeurs d'asile, souvent sans explorer les solutions alternatives disponibles. Plusieurs experts ont voulu savoir sur la base de quels critères Malte décidait qu’un pays, en particulier la Libye, était sûr pour le renvoi de migrants.

Un expert a par ailleurs cité des informations faisant état, à Malte, d’un racisme institutionnalisé, ainsi que de discours et de crimes de haine, en particulier à l'encontre des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile.

Il a par ailleurs été relevé au cours du dialogue que la société civile se plaignait de l'augmentation, à Malte, des « poursuites-bâillons » intentées par des entreprises ou des personnes afin de supprimer ou d’empêcher la mise au jour d'informations susceptibles d'affecter leurs intérêts. Concernant la liberté d’expression, un expert a regretté « un environnement de plus en plus hostile pour les journalistes » à Malte, avec des menaces contre les médias, des refus d'accès à l'information et une rhétorique toxique de la part de responsables gouvernementaux. S’agissant des enquêtes sur le meurtre de Daphne Caruana Galizia, cet expert a en outre relayé des inquiétudes face au manque de progrès réalisés dans les procédures judiciaires en cours, et des allégations d'ingérence politique dans les enquêtes. L’expert a d’autre part estimé que la Loi relative aux services de sécurité maltais avait une portée excessive et permettait de justifier la surveillance pour pratiquement tous les motifs.

Une experte a pour sa part indiqué que le Comité était informé que « la violence domestique à Malte est le deuxième crime le plus fréquent, après le vol » et que les commentaires et les discours misogynes et sexistes sont normalisés et tolérés dans ce pays. Elle a en outre voulu savoir pourquoi Malte n’acceptait pas l'interruption de grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste. Un expert a pour sa part pointé la sous-représentation préoccupante des femmes dans le secteur politique maltais et dans les postes de direction.

Au cours du dialogue, ont notamment été saluées les réformes constitutionnelles concernant la nomination et la révocation des membres de l'appareil judiciaire, une experte affirmant qu’il est évident que Malte a fait des progrès importants dans la dépolitisation du pouvoir judiciaire. Un autre membre du Comité a dit accueillir avec satisfaction le projet de loi n°96 de 2019 relatif à l’égalité, qui vise à regrouper toutes les lois sur l'égalité actuellement en vigueur à Malte en un seul cadre juridique de lutte contre la discrimination, et a demandé quand ce projet serait adopté.

Présentant le rapport de son pays, M. Jonathan Vassallo, Secrétaire permanent au Bureau du Premier Ministre de Malte, a évoqué les progrès de son pays pour parvenir à une société inclusive, citant en particulier le bilan du pays en matière de droits des personnes LGBTQIA+. Dans le cadre de l'examen systématique de ses obligations et de leur mise en œuvre, a-t-il par ailleurs indiqué, Malte en est au stade initial de la révision de ses réserves au Pacte et, le cas échéant, de leur levée.

Depuis le précédent rapport, Malte a en outre renforcé ses structures nationales de défense des droits de l'homme, a poursuivi M. Vassallo, indiquant que le pays est en train de créer une institution nationale de droits de l’homme conforme aux Principes de Paris et travaille à la rédaction du deuxième plan d'action national contre le racisme, qui se concentre sur le discours de haine, les crimes de haine et la discrimination raciale.

M. Vassallo a par ailleurs fait état de modifications considérables apportées aux lois pénales relatives à la violence à l'égard des femmes et des filles, notamment au travers d’une nouvelle loi sur la prévention de la violence domestique. Il a d’autre part indiqué que la lutte contre la traite des personnes restait une priorité pour son pays.

Le Secrétaire permanent a ensuite insisté sur la situation géographique de son pays, qui le place en première ligne des itinéraires de migration irrégulière. Malte reste vigilante dans la gestion des flux migratoires, en veillant à adopter une approche humaine et légale, a-t-il déclaré. Des investissements importants et des réformes législatives ont renforcé le système d'asile et de migration, ce qui a permis d'améliorer les conditions d'accueil, de réduire le nombre de demandes en attente et d'accroître les possibilités d'intégration, a-t-il souligné. Malte a aussi réformé ses procédures d'asile afin de rationaliser les processus et de garantir l'équité des procédures.

L'assassinat de Daphne Caruana Galizia, en 2017, a laissé une trace indélébile dans la société maltaise, a d’autre part souligné M. Vassallo, avant d’indiquer que deux personnes ont été reconnues coupables en octobre 2022 et condamnées à quarante ans d'emprisonnement chacune et que la condamnation distincte d'une troisième personne s’est traduite par une peine de quinze ans d’emprisonnement pour complicité. Ces condamnations, ainsi que d'autres enquêtes et poursuites en cours, démontrent l'engagement des autorités à enquêter de manière approfondie sur tous les aspects de cet homicide, a-t-il insisté.

Outre M. Vassallo et plusieurs de ses collaborateurs, la délégation maltaise était également composée de M. Christopher Grima, Représentant permanent de Malte auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de la justice, de la sécurité et de l’emploi, de la santé et du vieillissement actif, et de l’inclusion et du secteur bénévole.

Malte entend respecter ses obligations au titre du droit international en matière de recherche et de secours en mer, a assuré la délégation au cours du dialogue. Les allégations selon lesquelles Malte ne remplirait pas ses obligations sont sans fondement : plus de 27 000 migrants en détresse ont ainsi été sauvés depuis vingt ans, soit l’équivalent de 5% de la population locale, a-t-elle précisé. Malte plaide pour des efforts de prévention des migrations et de démantèlement des réseaux de trafic, a ajouté la délégation.

La détention de requérants d’asile est régie par la loi, avec en particulier le respect du principe selon lequel cette détention doit être une mesure de dernier recours, a d’autre part indiqué la délégation. Elle a rejeté les allégations selon lesquelles les migrants seraient « détenus en masse » à Malte. Chaque détention peut faire l’objet d’un appel et est soumise à un contrôle, a-t-elle précisé.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Malte et les publiera à l’issue de sa session, le 23 juillet.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l’examen du Honduras.

 

Examen du rapport de Malte

Le Comité est saisi du troisième rapport de Malte (CCPR/C/MLT/3), qui a été établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentation

Présentant ce rapport, M. JONATHAN VASSALLO, Secrétaire permanent au Bureau du Premier Ministre de Malte, a évoqué les progrès de son pays pour parvenir à une société inclusive, citant en particulier le bilan du pays en matière de droits des personnes LGBTQIA+, caractérisé par un arsenal de lois et politiques ayant transformé la société. Dans le cadre de l'examen systématique de ses obligations et de leur mise en œuvre, a-t-il par ailleurs indiqué, Malte en est au stade initial de la révision de ses réserves au Pacte et, le cas échéant, de leur levée.

Depuis le précédent rapport, Malte a en outre renforcé ses structures nationales de défense des droits de l'homme, a poursuivi M. Vassallo. Le pays est ainsi en train de créer une institution nationale de droits de l’homme conforme aux Principes de Paris et travaille à la rédaction du deuxième plan d'action national contre le racisme, qui se concentre sur le discours de haine, les crimes de haine et la discrimination raciale afin d'aborder les problèmes rencontrés par les groupes minoritaires et vulnérables.

M. Vassallo a ensuite mentionné le fait que son pays avait rejoint très récemment l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA) en tant que pays observateur. Le pays met également en œuvre une campagne de sensibilisation visant à promouvoir la tolérance et le respect de la diversité, en particulier dans la lutte contre les crimes et les discours de haine, a-t-il insisté.

Le Secrétaire permanent a par ailleurs fait état de modifications considérables apportées aux lois pénales relatives à la violence à l'égard des femmes et des filles. Une nouvelle loi sur la prévention de la violence domestique permet ainsi aux individus d'être informés des antécédents de leur partenaire en matière de condamnations liées à la violence fondée sur le genre et à la violence domestique, tandis qu’un projet de loi récent fait du féminicide un délit aggravant et exclut la possibilité d'utiliser la stratégie de défense du « crime passionnel », a précisé le chef de la délégation maltaise. Dans ce domaine, les mesures législatives sont complétées par de nombreuses initiatives ciblées qui permettent de s'attaquer aux causes profondes de la violence, a-t-il précisé.

M. Vassallo a d’autre part indiqué que le Gouvernement maltais était en train d’améliorer la formation des policiers pour mieux prévenir les mauvais traitements et l'usage excessif de la force, de même que de mettre en œuvre une procédure opérationnelle normalisée robuste pour assurer le bien-être des détenus.

M. Vassallo a ajouté que la lutte contre la traite des personnes restait une priorité pour son pays, Malte étant sur le point de lancer la première stratégie et le premier plan d'action national (2024-2030) de lutte dans ce domaine.

Le Secrétaire permanent a ensuite insisté sur la situation géographique de son pays, qui le place en première ligne des itinéraires de migration irrégulière. Malte reste vigilante dans la gestion des flux migratoires, en veillant à adopter une approche humaine et légale, a-t-il déclaré. Des investissements importants et des réformes législatives ont renforcé le système d'asile et de migration, ce qui a permis d'améliorer les conditions d'accueil, de réduire le nombre de demandes en attente et d'accroître les possibilités d'intégration, a-t-il souligné.

En particulier, a précisé M. Vassallo, les conditions d'accueil des migrants ont été considérablement améliorées grâce à la modernisation des infrastructures et à des réformes politiques. Malte a aussi réformé ses procédures d'asile afin de rationaliser les processus et de garantir l'équité des procédures. De plus, la gestion des retours a été améliorée grâce à une unité dédiée, l’accent portant sur le retour volontaire et dans des conditions humaines.

M. Vassallo a mentionné d’autres mesures prises par son Gouvernement en faveur de l’inclusion des personnes handicapées et de la participation des femmes à la vie politique, notamment.

L'assassinat de Daphne Caruana Galizia, en 2017, a laissé une trace indélébile dans la société maltaise, a d’autre part rappelé M. Vassallo. La brutalité de cet événement a choqué et consterné la nation, incitant le Gouvernement à redoubler d'efforts pour protéger les journalistes, a-t-il souligné. Une nouvelle législation a été introduite et le Gouvernement a collaboré étroitement avec des institutions internationales afin de garantir une action efficace en la matière, a-t-il indiqué. Dans ce contexte, a précisé M. Vassallo, deux personnes ont été reconnues coupables en octobre 2022 et condamnées à quarante ans d'emprisonnement chacune ; la condamnation distincte d'une troisième personne s’est traduite par une peine de quinze ans d’emprisonnement pour complicité. Ces condamnations, ainsi que d'autres enquêtes et poursuites en cours, démontrent l'engagement des autorités à enquêter de manière approfondie sur tous les aspects de cet homicide, a insisté le Secrétaire permanent.

Questions et observations des membres du Comité

M. RODRIGO A. CARAZO, rapporteur du groupe de travail du Comité chargé de l’examen de Malte, a d’abord prié la délégation de dire quelles mesures avaient été prises pour mieux faire connaître le Pacte aux juges et aux procureurs maltais, et de donner des exemples de procédures judiciaires récentes dans lesquelles des dispositions du Pacte ont été invoquées. L’expert a aussi voulu savoir pour quelles raisons l'État tardait à retirer ses réserves aux articles 13, 14, 19, 20 et 22 du Pacte.

M. Carazo a aussi demandé quand la loi portant création de l’institution nationale de droits de l’homme maltaise serait adoptée.

M. HERNÁN QUEZADA CABRERA, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen de Malte, s’est interrogé sur les mesures prises depuis la présentation du rapport en 2021 pour lutter contre la corruption au sein de la police et parmi les hauts fonctionnaires, y compris un ancien Premier Ministre. La question se pose aussi de savoir si des mesures concrètes ont été adoptées pour assurer une protection adéquate aux lanceurs d'alerte dénonçant des actes de corruption, a ajouté l’expert.

M. Quezada Cabrera a ensuite relevé que, selon la société civile, Malte ne coordonnerait pas les opérations de recherche et de sauvetage des bateaux ou autres embarcations en détresse, ce qui met en danger la vie des réfugiés. Ainsi, en septembre 2022, Malte n'aurait pas répondu aux appels de détresse d’organisations non gouvernementales (ONG) de recherche et de sauvetage concernant un bateau transportant 63 personnes d'origines syrienne, libanaise et palestinienne ; malgré de nombreuses alertes, le bateau est resté à la dérive avant d'être secouru en Grèce, où il est apparu, notamment, qu’une fillette syrienne de 4 ans était morte de déshydratation.

L’expert a demandé si des mesures étaient prises pour que les ONG menant des opérations de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée ne soient pas sanctionnées pour ce fait.

M. Quezada Cabrera a ensuite relevé que la société civile se plaignait de l'augmentation, à Malte, des « poursuites-bâillons » intentées par des entreprises ou des personnes afin de supprimer ou d’empêcher la mise au jour d'informations susceptibles d'affecter leurs intérêts.

M. IMERU TAMERAT YIGEZU, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen de Malte, a dit accueillir avec satisfaction le projet de loi n°96 de 2019 relatif à l’égalité, qui vise à regrouper toutes les lois sur l'égalité actuellement en vigueur à Malte en un seul cadre juridique de lutte contre la discrimination. Il a demandé quand ce projet serait adopté.

L’expert a cité des informations faisant état, à Malte, d’un racisme institutionnalisé, de discours de haine et de crimes de haine, en particulier à l'encontre des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile, y compris des migrants noirs et musulmans, en raison d’un discours raciste officiel et de politiques abusives, ainsi que de l'impunité de ceux qui encouragent les discours de haine et la discrimination raciale. Des préoccupations sont également exprimées quant à l'absence de poursuites judiciaires engagées contre les auteurs de discours et de crimes de haine, et à la sous-déclaration des discours de haine et des crimes de haine, a-t-il souligné.

M. Yigezu a demandé si Malte appliquait des critères clairs pour les agents des forces de l'ordre concernant le recours à la force, et si ce dernier répondait aux normes de nécessité et de proportionnalité.

L’expert a par ailleurs indiqué que, selon certaines informations, les migrants privés de liberté à Malte sont enfermés dans des unités surpeuplées pendant des périodes prolongées, avec des régimes qui frisent la négligence institutionnelle et qui peuvent constituer un traitement inhumain et dégradant contraire à l'article 7 du Pacte.

Plusieurs questions de M. CHANGROK SOHmembre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen de Malte, ont porté sur la sous-représentation des femmes, qu’il a jugée préoccupante, dans le secteur politique maltais et dans les postes de direction.

M. Soh a ensuite regretté que Malte ait fréquemment recours à la détention de migrants et de demandeurs d'asile, souvent sans explorer les solutions alternatives disponibles. Il a aussi fait état de préoccupations concernant la situation sanitaire des migrants mineurs présumés qui attendent une évaluation de leur âge.

Concernant la liberté d’expression, M. Soh a regretté « un environnement de plus en plus hostile pour les journalistes » à Malte, avec des menaces contre les médias, des refus d'accès à l'information et une rhétorique toxique de la part de responsables gouvernementaux. En ce qui concerne les enquêtes sur le meurtre de Daphne Caruana Galizia, l’expert a relayé des inquiétudes face au manque de progrès réalisés dans les procédures judiciaires en cours, et des allégations d'ingérence politique dans les enquêtes.

M. Soh a par ailleurs estimé que la Loi relative aux services de sécurité maltais avait une portée excessive et permettait de justifier la surveillance pour pratiquement tous les motifs.

MME TIJANA ŠURLAN, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen de Malte, a indiqué que le Comité était informé que « la violence domestique à Malte est le deuxième crime le plus fréquent, après le vol » et que les commentaires et les discours misogynes et sexistes sont normalisés et tolérés dans ce pays – bien que les discours haineux soient devenus une infraction –, sans qu'aucune action policière ne soit entreprise.

Mme Šurlan a ensuite relevé que, selon ce qu’indique le paragraphe 25 du rapport, « l’interprétation par Malte du droit à la santé sexuelle et procréative dans le contexte du droit à la santé n’inclut pas le droit à l’avortement, car celui-ci va à l’encontre du droit à la vie, qui est primordial ». De l’avis du Comité, a souligné l’experte, s’il n’existe pas de droit à l'avortement en tant que tel, l'avortement provoqué est acceptable dans certaines circonstances, qui relèvent des droits de l'homme de la mère et du fœtus. À cet égard, Mme Šurlan a demandé pourquoi Malte n’acceptait pas l'interruption de grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste.

Mme Šurlan a d’autre part salué les réformes constitutionnelles concernant la nomination et la révocation des membres de l'appareil judiciaire et a estimé évident que Malte avait fait des progrès importants dans la dépolitisation du pouvoir judiciaire. L’experte a voulu savoir si un juge révoqué pouvait faire appel devant la Cour constitutionnelle.

Plusieurs experts ont voulu savoir sur la base de quels critères Malte décidait qu’un pays, en particulier la Libye, était sûr pour le renvoi de migrants.

S’agissant du sauvetage de personnes en mer, un expert a regretté ce qu’il a qualifié de déni de responsabilité en ce qui concerne ce qu’il se passe dans les eaux territoriales maltaises. Il faut trouver une solution au problème alors que des personnes meurent en mer quasiment tous les jours, a-t-il insisté.

D’autres questions des experts du Comité ont porté sur la lutte contre la traite des êtres humains à Malte, sur le cadre législatif mis en place pour gérer les rassemblements pacifiques et sur l’accès à l’aide juridictionnelle gratuite.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord indiqué que Malte faisait tout son possible pour lever les réserves que le pays a apportées au Pacte, en particulier s’agissant de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 20 du Pacte.

Malte espère adopter en 2025 la loi portant création de l’institution nationale de droits de l’homme, a d’autre part fait savoir la délégation. L’institution n’aura pas pour vocation de remplacer les mécanismes déjà existants, telle l’institution du Médiateur ; elle contiendra plusieurs commissions chargées de droits spécifiques et sera indépendante des autorités, a précisé la délégation.

La délégation a ensuite mentionné l’existence d’une commission judiciaire chargée d’organiser la formation continue des fonctionnaires de justice. Des formations ont déjà porté sur l’obtention de preuves par des moyens électroniques, sur la coopération entre la justice et la police contre le terrorisme, sur la lutte contre la corruption, sur la dynamique de la violence domestique et la prise en compte de l’expérience des victimes, ou encore sur l’application du droit à un air sain, a-t-il été indiqué.

Malte ne ménage aucun effort pour lutter contre la corruption , avec en particulier la création d’un parquet spécialisé, la collaboration avec les procureurs européens et la mise à disposition de nouveaux moyens financiers, a poursuivi la délégation. Plusieurs cas de corruption au plus haut niveau ont secoué le pays ces dernières années : tous ces cas ont fait l’objet d’enquêtes criminelles dont les résultats seront connus dans les prochaines semaines, a indiqué la délégation.

D’autre part, la capacité humaine et technique des services spécialisés dans les enquêtes sur les crimes financiers a été considérablement renforcée, a ajouté la délégation. La protection des lanceurs d’alerte est prévue par la loi, a-t-elle également souligné.

Ces initiatives se traduisent par une forte hausse de la motivation parmi les agents de la fonction publique ainsi que de la confiance du public dans l’action de la police, a affirmé la délégation.

La délégation a ensuite présenté les mesures prises et services offerts pendant la pandémie de COVID-19 en faveur des personnes handicapées. Aucun décès de personne en détention n’a été déploré pendant cette pandémie, a-t-elle ajouté.

S’agissant des questions relatives à la représentation des femmes, la délégation a expliqué que l’augmentation par trop modeste de la participation des femmes à la vie politique avait incité les autorités à adopter les mesures temporaires spéciales recommandées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. On est ainsi passé de 15% de femmes au Parlement à 28%, a indiqué la délégation.

Par ailleurs, la proportion des femmes juges s’élève désormais à 46%, a ajouté la délégation, avant de faire état d’une progression de la place des femmes dans les postes de prise de décision dans les secteurs privé et public. La délégation a par ailleurs attiré l’attention sur les mesures incitatives qui ont été prises afin de favoriser le recrutement de femmes dans les entreprises et de réduire les écarts de salaire entre les sexes.

Une question d’un expert ayant porté sur la mentalité patriarcale à Malte, la délégation a confirmé l’existence d’attitudes encore très traditionnelles dans ce domaine. Les autorités mènent à ce propos des campagnes de sensibilisation contre les stéréotypes sexistes dans les médias et dans les écoles, a-t-elle indiqué.

La délégation a également informé le Comité des résultats de la troisième stratégie de lutte contre la violence domestique, concentrée sur les quatre piliers de la Convention d’Istanbul et contenant dix-huit mesures visant la prévention, la protection des victimes, y compris pour ce qui est des personnes LGBTI, et la collaboration avec la société civile, entre autres. La délégation a aussi cité l’ouverture de nouveaux refuges pour les victimes. Le féminicide est désormais considéré comme un délit aggravé, a-t-elle ajouté.

Les victimes de violence domestique sont soutenues conformément aux dispositions de la Convention d’Istanbul, a par la suite insisté la délégation. L’accès à l’aide juridictionnelle gratuite leur est garanti, de même qu’aux victimes de violences sexistes, a-t-elle souligné. On a recensé deux féminicides depuis l’entrée en vigueur de la loi sur cette question en juillet 2022, a d’autre part indiqué la délégation.

Une experte du Comité ayant demandé quel soutien était offert aux mères d’enfants issus d’un viol, la délégation a indiqué que le Gouvernement avait passé des accords avec des partenaires de la société civile pour la prise en charge des victimes d’atteintes sexuelles, y compris les femmes enceintes.

La délégation a en outre fait état de la dépénalisation de l’avortement en cas de danger pour la vie de la mère, ainsi que de la généralisation de l’accès à la pilule du lendemain.

Malte entend respecter ses obligations au titre du droit international en matière de recherche et de secours en mer, a assuré la délégation. Les allégations selon lesquelles Malte ne remplirait pas ses obligations sont sans fondement : plus de 27 000 migrants en détresse ont ainsi été sauvés depuis vingt ans, soit l’équivalent de 5% de la population locale. Malte plaide pour des efforts de prévention des migrations et de démantèlement des réseaux de trafic, a souligné la délégation.

Malte n’exerce pas de contrôle sur les bateaux qui se trouvent en eaux internationales et les activités des organisations non gouvernementales sont menées en haute mer de manière autonome, a poursuivi la délégation. Le débarquement des navires d’ONG n’est pas une obligation pour Malte exclusivement, mais relève aussi d’autres États, a-t-elle ajouté.

Un accord a été signé avec la Libye en 2020 en vue de renforcer la coopération contre la migration irrégulière, a d’autre part rappelé la délégation. Cet accord prévoit notamment que Malte aide la Libye à acquérir des moyens de lutter contre les migrations irrégulières et d’éviter les pertes de vie en mer. Cet accord a permis de réduire considérablement le nombre de décès en mer, a affirmé la délégation.

L’Agence maltaise de la protection internationale mène des entretiens personnels et une évaluation des besoins des migrants en matière de protection, a indiqué la délégation. Toute décision de renvoi peut faire l’objet d’un appel et la procédure d’asile prévoit [alors] un sursis au renvoi.

Tous les migrants qui arrivent dans les centres de réception subissent un examen médical d’entrée et sont informés de la procédure d’asile, a-t-il en outre été souligné.

Tout mineur non accompagné est accompagné par un tuteur nommé après l’évaluation de son âge, a poursuivi la délégation. Le mineur qui ne peut être renvoyé dans son pays d’origine est pris en charge à Malte, a-t-elle indiqué. Les personnes qui se prétendent mineures mais sont manifestement majeures peuvent être détenues, conformément aux règlements européens, a ajouté la délégation, avant de préciser que Malte ne mélange pas les détenus majeurs et mineurs.

La détention de requérants d’asile est régie par la loi, avec en particulier le respect du principe selon lequel cette détention doit être une mesure de dernier recours, a d’autre part indiqué la délégation. Elle a rejeté les allégations selon lesquelles les migrants seraient « détenus en masse » à Malte. Chaque détention peut faire l’objet d’un appel et est soumise à un contrôle, a-t-elle précisé.

La délégation a ensuite mentionné l’amélioration des conditions de détention depuis quelques années, avec en particulier le renforcement des services de santé mentale, la rénovation des locaux et l’installation de caméras de contrôle.

Le dernier cas d’allégation de mauvais traitement en prison remonte à 2020, a précisé la délégation en réponse une question.

La haine raciale est considérée comme circonstance aggravante dans la commission d’un crime, a d’autre part souligné la délégation. Quelque 33 personnes ont fait l’objet d’enquêtes en 2022 pour de tels faits, 19 en 2023 et 19 à ce jour en 2024 – dont dix ont été renvoyées devant un tribunal : il n’y a donc pas d’impunité dans ce domaine, a insisté la délégation.

Le Code pénal stipule que toute personne qui incite à la haine contre une personne ou un groupe de personnes sur la base de critères de religion, de genre ou d’appartenance ethnique, entre autres, risque une peine de six à 18 mois de prison, a-t-il par ailleurs été précisé.

Le Gouvernement a édicté des protocoles concernant le recours aux armes par la police, y compris pour ce qui est des armes non létales telles que le Taser. L’usage de la force doit être nécessaire, proportionné à la menace et documenté – les caméras embarquées par les policiers jouant ici un rôle important, a indiqué la délégation. L’Académie de police assure la formation de tous les agents aux droits humains fondamentaux, a-t-elle ajouté.

La délégation a ensuite indiqué que le rapport d’enquête sur le meurtre de Daphne Caruana Galizia avait montré qu’il fallait mieux protéger les journalistes. La police maltaise collabore pour ce faire avec des partenaires européens. Le Gouvernement s’efforce dans le même temps d’améliorer les relations de la police avec les médias et de la sensibiliser aux risques rencontrés par certaines personnes. Des mesures de protection sont prises pour toute personne qui court un risque, le degré de gravité de la menace étant évalué en fonction d’une grille normalisée.

La sentence prononcée à l’encontre des trois personnes condamnées dans l’affaire Caruana Galizia a été confirmée en appel, a-t-il été précisé.

Entre autres mesures pour mieux protéger les journalistes et renforcer le « quatrième pilier de la démocratie », la délégation a par ailleurs mentionné l’adoption de plusieurs lois garantissant l’indépendance des journalistes, la protection des lanceurs d’alerte et la liberté d’accès à l’information, ainsi que la création d’une commission d’experts des médias. La loi sur les médias sera modifiée cet été conformément aux recommandations de cette commission, a-t-il été précisé.

L’interception de communications doit être autorisée par un mandat, a ensuite souligné la délégation. La loi maltaise garantit que l’activité de surveillance remplit la condition de proportionnalité prévue par le Pacte au titre de la protection de la vie privée.

La tenue de réunions publiques pacifiques peut se faire de manière spontanée, sans autorisation préalable, a d’autre part précisé la délégation.

La révocation d’un magistrat peut faire l’objet d’un appel devant la Cour constitutionnelle, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a également évoqué la stratégie nationale et le plan d’action en matière de lutte contre la traite des êtres humains, axés en particulier sur l’identification et le soutien aux victimes, la mise en place d’une ligne téléphonique d’urgence de même que la sensibilisation des groupes vulnérables et du grand public. Trois personnes ont été poursuivies en 2024 pour traite impliquant deux victimes, a-t-il été indiqué.

 

 

 

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