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Examen du Rwanda devant le Comité CEDAW : tout en saluant les mesures adoptées pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, des expertes relèvent des écarts entre les sexes dans l'éducation, l'emploi ou encore le marché du travail

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW, selon l’acronyme en anglais) a examiné aujourd'hui le rapport présenté par le Rwanda sur les mesures prises par le pays pour appliquer les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Durant cette séance, une minute de silence a été observée en mémoire des victimes du génocide de 1994.

Au cours du dialogue noué entre les membres du Comité et la délégation nationale venue soutenir ce rapport, le Gouvernement et le peuple rwandais ont été félicités pour les grands progrès accomplis dans le rétablissement de la paix et de l'unité dans le pays, alors que le Rwanda a célébré le trentième anniversaire du génocide de 1994. Une experte a ainsi salué les réformes législatives adoptées pour interdire et éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans tous les domaines – réformes qui, a constaté l’experte, se sont traduites par des résultats positifs, notamment la participation des femmes au Parlement, dont elles représentent plus de la moitié des membres.

Le Rwanda est ainsi considéré comme un champion dans les efforts visant à atteindre l'égalité des sexes, a relevé la même experte. Cependant, elle a indiqué que les statistiques gouvernementales montraient aussi que les écarts et les disparités entre les sexes persistent dans la participation à l'emploi et le marché du travail, ainsi que dans la prise de décision en matière de changements climatiques. Une autre experte a relevé qu’en dépit de bons résultats, les structures sont dominées par les hommes et que les femmes occupent en majorité les postes dits « inférieurs ».

Une autre experte a constaté des écarts entre les sexes dans l'éducation. Les statistiques gouvernementales, a-t-elle relevé, montrent notamment que 16% des femmes et 12% des hommes dans les zones rurales n'ont pas d’instruction, contre 7% des femmes et 6% des hommes dans les zones urbaines. L’experte a aussi cité des chiffres de l'UNICEF selon lesquels les filles au Rwanda sont plus susceptibles que les garçons d'abandonner l'école. D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de la persistance d’inégalités dans les cadres macroéconomiques et dans la répartition des richesses au Rwanda.

Enfin, plusieurs expertes se sont inquiétées du nouveau partenariat d'asile entre le Rwanda et le Royaume-Uni. Ce partenariat, a-t-il été souligné, est critiqué par de nombreuses organisations internationales au motif que l'externalisation des obligations en matière d'asile pourrait poser de graves risques pour la sécurité des réfugiés. Le Comité, a dit une experte, craint que les réfugiés concernés ne soient une cible facile pour les trafiquants d’êtres humains et ne soient vulnérables à l'exploitation.

Présentant le rapport, Mme Valentine Uwamariya, Ministre de l'égalité des sexes et de la promotion de la famille du Rwanda, a déclaré que les efforts du Rwanda pour l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes avaient été déterminés par l’histoire dramatique du pays et ses engagements subséquents en faveur d’une société équitable. En effet, après le génocide de 1994, le Rwanda ne pouvait se permettre d’exclure à nouveau un groupe de sa population, et les femmes avaient largement contribué à la libération du pays, a poursuivi la Ministre. Dans son effort d’unité, le Rwanda attend donc que les femmes contribuent sur un pied d’égalité au développement du pays. La promotion de l’égalité de genre est non seulement une question de justice, mais aussi un impératif pour le développement durable, a insisté Mme Uwamariya.

C’est pour cette raison que le Rwanda a pris de différentes initiatives et politiques pour promouvoir l’égalité des sexes et encourager les femmes à occuper des postes clefs, a indiqué la Ministre. La nouvelle Constitution de 2003 impose ainsi un quota de 30% de femmes à des postes décisionnels, une mesure qui a permis d’accroître la participation des femmes aux affaires politiques et à la gouvernance. Actuellement, on compte 61,3% de femmes au Parlement rwandais, 42,5% de femmes au sein du Cabinet et 30% de femmes maires au sein des gouvernements locaux ; sur le plan économique, 92% des femmes sont intégrées financièrement, contre 93% des hommes, a notamment précisé la Ministre.

Mme Uwamariya a ensuite indiqué que son pays donnait la priorité à l'égalité des sexes dans les différents domaines couverts par la Convention, notamment l'éducation, l'emploi et les services financiers. Cet engagement se traduit par des améliorations substantielles du cadre constitutionnel et juridique, telles que l'extension du congé parental et la modification du Code pénal pour renforcer les protections contre les agressions sexuelles entre époux, a précisé Mme Uwamariya.

Mme Uwamariya a relevé qu’en dépit de ces avancées, les femmes continuent à être confrontées au chômage de manière disproportionnée, tandis que les hommes continuent à occuper de manière disproportionnée les postes à responsabilités. C’est pourquoi le Gouvernement a mis en place un programme (Gender Equality Seal Program) pour récompenser les entreprises ayant pris des initiatives importantes dans le domaine de l’égalité des sexes au travail.

La délégation était également composée de M. James Ngango, Représentant permanent du Rwanda auprès des Nations Unies à Genève, de deux Conseillers à la Mission permanente du Rwanda ainsi que de M. Edmond Tubanambazi, Procureur principal de l'État, chargé de la justice internationale et de la coopération dans le domaine judiciaire.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a précisé que l’accord avec le Royaume-Uni visait notamment à offrir une solution à celles et ceux qui ont pris des risques dans leur trajet de migration, et qu’il avait aussi pour objectif de s’attaquer à la traite et de protéger les femmes et les filles.

 

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Rwanda et les rendra publiques à l’issue de sa session, le vendredi 31 mai prochain aux alentours de 17 heures.

 

Examen du rapport du Rwanda

Le Comité est saisi du dixième rapport périodique du Rwanda (CEDAW/C/RWA/10), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport, MME Valentine UWAMARIYA, Ministre de l'égalité des sexes et de la promotion de la famille du Rwanda, a déclaré que les efforts du Rwanda pour l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes avaient été déterminés par l’histoire dramatique du pays et ses engagements subséquents en faveur d’une société équitable. En effet, après le génocide de 1994, le Rwanda ne pouvait se permettre d’exclure à nouveau un groupe de sa population, et les femmes avaient largement contribué à la libération du pays, a poursuivi la Ministre. Dans son effort d’unité, le Rwanda attend donc que les femmes contribuent sur un pied d’égalité au développement du pays. La promotion de l’égalité de genre est non seulement une question de justice, mais aussi un impératif pour le développement durable, a insisté Mme Uwamariya.

C’est pour cette raison que le Rwanda a pris de différentes initiatives et politiques pour promouvoir l’égalité des sexes et encourager les femmes à occuper des postes clefs, a indiqué la Ministre. La nouvelle Constitution de 2003 impose ainsi un quota de 30% de femmes à des postes décisionnels, une mesure qui a permis d’accroître la participation des femmes aux affaires politiques et à la gouvernance. Le Rwanda a aussi créé plusieurs institutions, notamment le Conseil national des femmes, pour conduire les progrès nécessaires et en garantir la pérennité, a fait valoir Mme Uwamariya.

Actuellement, on compte 61,3% de femmes au Parlement rwandais, 42,5% de femmes au sein du Cabinet et 30% de femmes maires au sein des gouvernements locaux ; sur le plan économique, 92% des femmes sont intégrées financièrement, contre 93% des hommes, a notamment précisé la Ministre.

La Ministre a ensuite indiqué que son pays donnait la priorité à l'égalité des sexes dans les différents domaines couverts par la Convention, notamment l'éducation, l'emploi et les services financiers. Cet engagement se traduit par des améliorations substantielles du cadre constitutionnel et juridique, telles que l'extension du congé parental et la modification du code pénal pour renforcer les protections contre les agressions sexuelles entre époux, a précisé Mme Uwamariya.

Dans l'agriculture, qui représente la principale source de revenus pour 77,7% des femmes, l'égalité des sexes est encouragée par des pratiques durables et des politiques de propriété foncière, a poursuivi la Ministre, dans un contexte où les femmes possèdent 19% des terres et les hommes 11%, 49% des terres étant détenues à la fois par des hommes et des femmes. Le Ministère de l'agriculture applique une stratégie d'intégration de la dimension de genre afin de renforcer le rôle des femmes et des jeunes filles dans ce secteur, a ajouté la Ministre.

Mme Uwamariya a précisé qu’en dépit de ces avancées, les femmes continuent à être confrontées au chômage de manière disproportionnée, tandis que les hommes continuent à occuper de manière disproportionnée les postes à responsabilités. C’est pourquoi le Gouvernement a mis en place un programme (Gender Equality Seal Program) pour récompenser les entreprises ayant pris des initiatives importantes dans le domaine de l’égalité des sexes au travail.

Il subsiste d’autre part un écart important entre les hommes et les femmes en matière de crédit, les hommes empruntant 3,5 fois plus que les femmes. Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a mis en place, entre autres, une « stratégie d'action financière positive pour les femmes en Afrique », afin de soutenir les femmes et les filles dans le domaine financier et de créer un environnement propice pour que les institutions financières travaillent en étroite collaboration avec les femmes. Le Gouvernement s’est aussi engagé a assuré l’égalité des sexes dans le domaine du numérique, a précisé la Ministre.

Mme Uwamariya a mentionné, par ailleurs, l’engagement du Rwanda à intégrer une approche sexospécifique dans le domaine de la paix et de la reconstruction. D’autre part, a indiqué la Ministre, de vastes programmes de sensibilisation des communautés – notamment des formations pour les chefs religieux – diffusent des messages transformateurs en matière d'égalité des sexes et de lutte contre la violence à l'égard des femmes et des filles. Le Gouvernement a adopté, de même, une stratégie destinée à impliquer les hommes et les garçons dans la promotion de l'égalité des sexes.

La Ministre a ensuite mentionné la politique du Rwanda en matière de lutte contre la traite des personnes, précisant que l'application de la législation et des politiques en la matière était solide et apportait des solutions durables aux causes profondes du problème. Mme Uwamariya a enfin fait état d’autres progrès au Rwanda s’agissant de l’accès à l’éducation, à la santé et à la justice, de même qu’à l’eau potable et à l’électricité.

Questions et observations des membres du Comité

Alors que le Rwanda a célébré le trentième anniversaire du génocide de 1994, a d’abord souligné une experte membre du Comité, le Comité félicite le Gouvernement et le peuple rwandais pour les grands progrès accomplis dans le rétablissement de la paix et de l'unité dans le pays. Elle a ensuite proposé d’observer une minute de silence pour honorer celles et ceux qui sont morts pendant le génocide.

L’experte a aussi repris les mots du Président Paul Kagame : « les femmes sont la pierre angulaire de la prospérité pour la société dans son ensemble, même dans les situations de conflit, elles sont en mesure d'apporter une contribution unique à la paix et à la stabilité, et il reste encore beaucoup à faire pour que les femmes se sentent en sécurité et bénéficient de l'égalité des chances ».

L’experte a par ailleurs félicité l'État partie pour les mesures progressives qu'il a prises depuis son dernier examen, y compris les réformes législatives adoptées pour interdire et éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans tous les domaines, qui se sont traduites par des résultats positifs, notamment la participation des femmes au Parlement, dont elles représentent plus de la moitié des membres.

Le Rwanda est considéré comme un champion dans les efforts visant à atteindre l'égalité des sexes, a relevé l’experte. Cependant, elle a indiqué que les statistiques gouvernementales montraient que les écarts et les disparités entre les sexes persistaient dans différents domaines, notamment l'éducation, la participation à l'emploi et au marché du travail, et la prise de décision en matière de changements climatiques.

L’experte a aussi relevé que le Plan d'action national du Rwanda sur les femmes, la paix et la sécurité reconnaît qu'en dépit du niveau élevé de représentation féminine du Rwanda et de son processus de relèvement post-conflit réussi après le génocide de 1994, les femmes rwandaises sont maintenues à un faible niveau dans les postes de direction décentralisés, et qu’elles étaient majoritaires dans les postes dits de faible importance dans d’autres entités.

Une autre experte a demandé quelle stratégie était mise en œuvre pour coordonner l’action des nombreuses institutions chargées de mettre en œuvre les dispositions de la Convention au Rwanda, et comment les organisations de femmes étaient consultées dans le cadre de l’élaboration de politiques pour les femmes.

Une experte a relevé qu’il y avait plus de femmes que d’hommes au sein du Parlement. Elle a souligné que l’imposition d’un quota de 30% de femmes aux postes à responsabilités avaient eu des effets probants dans différents domaines, notamment au sein du monde judiciaire. Cependant, en dépit de ces bons résultats, l’experte a souligné que les structures sont principalement dominées par les hommes et que les femmes occupent en majorité les postes dits « inférieurs ». Elle a demandé s’il n’était pas temps de changer de paradigme dans ce domaine, suggérant au Rwanda d’imposer une présence égale des hommes et des femmes sur les listes électorales.

Une experte a félicité le Rwanda pour ses initiatives dans le cadre de la Politique nationale en matière d’égalité des sexes 2021, en particulier l’organisation de formations intensives et transformatrices destinées aux chefs religieux au sujet de la promotion des principes d'égalité des sexes, de la lutte contre la violence basée sur le genre, des masculinités positives et de l'autonomisation des femmes, en vue de remettre en question les stéréotypes socioculturels et patriarcaux négatifs. L’experte demandé quels étaient la durée, la régularité, les objectifs spécifiques et les résultats attendus de la formation des chefs religieux.

L’experte a aussi demandé des informations sur le « manuel convivial sur l'égalité des sexes », destiné à lutter contre les normes et les mentalités culturelles négatives persistantes, les stéréotypes et les pratiques qui affectent les principes de l'égalité et de l'équité entre les sexes.

S’agissant de la violence à l'égard des femmes et des filles, l’experte a demandé pourquoi la loi sur la prévention et la répression de la violence sexisteétablissait une distinction entre le viol et le viol conjugal. Elle a prié la délégation de fournir des données ventilées par sexe sur les plaintes, poursuites, condamnations et sanctions pour violence familiale et sexuelle. L’experte a aussi demandé s’il existait au Rwanda une infraction spécifique de violence domestique qui englobe les dimensions physiques, psychologiques et économiques de cette forme de violence sexiste.

L’experte a par ailleurs félicité le pays d'avoir créé 44 centres à guichet unique Isange dont les actions englobent un soutien psychologique, médical, médico-légal et juridique, et d'avoir mis en œuvre un programme pilote « villes sûres » destiné à améliorer la sécurité des femmes et des filles dans les espaces publics. L’experte a demandé si le financement des 44 centres Isange était suffisant.

Une autre experte a relevé que, depuis le précédent dialogue constructif avec le Comité, le Rwanda avait consenti de nombreux efforts pour lutter contre la traite des êtres humains, notamment en adoptant la loi anti-traite de 2018. Elle a néanmoins relevé que la libre circulation des citoyens de la Communauté d'Afrique de l'Est permettait aux trafiquants de déplacer plus facilement les victimes à travers les frontières de la région vers des destinations finales dans des pays d'Afrique, d'Asie de l'Est et du Moyen-Orient.

L’experte s’est aussi inquiétée du nouveau partenariat d'asile entre le Rwanda et le Royaume-Uni, partenariat qui, a-t-elle souligné, est critiqué par de nombreuses organisations internationales au motif que l'externalisation des obligations en matière d'asile pourrait poser de graves risques pour la sécurité des réfugiés. Le Comité, a dit l’experte, craint que les réfugiés concernés ne soient une cible facile pour les trafiquants et ne soient vulnérables à l'exploitation.

La même experte a pointé des lacunes dans l’identification des victimes de traite, en particulier parmi les femmes employées dans le commerce du sexe, les femmes et les enfants sans abri et les enfants obligés de mendier. Elle a aussi relevé que, selon certains observateurs, la présence diplomatique relativement limitée du Rwanda à l’étranger rendait souvent difficile pour les fonctionnaires rwandais à l'étranger de fournir une assistance aux victimes de la traite. Enfin, a mis en garde l’experte, les trafiquants soumettent des adultes et des enfants rwandais à la traite sexuelle et au travail forcé dans les secteurs du travail domestique, de l'agriculture, de l'industrie et des services à l'étranger.

Une autre experte a félicité le Rwanda pour son modèle de gouvernance paritaire. S’agissant du plan « Paix, femmes et sécurité », elle a demandé si les femmes étaient présentes dans les négociations de paix et si leur voix y était entendue. L’experte a aussi demandé quelle était la place des femmes rwandaises dans les grandes enceintes internationales de négociation, en particulier s’agissant du climat.

Cette experte a jugé excellente l’initiative qui charge un comité représentant les personnes handicapées de désigner une femme handicapée au Parlement.

Une experte a par ailleurs félicité l'État partie pour les progrès qu'il a accomplis pour faire en sorte que les femmes et les hommes puissent transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leurs conjoints, sur la base de l'égalité, comme le prévoit la Constitution.

L’experte a aussi relevé qu’un plan d'action national 2020-2024 avait été élaboré dans le domaine de l’apatridie et qu'il était prévu de commencer, l'année prochaine, à identifier les apatrides vivant au Rwanda, avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). L’experte a demandé comment ce plan permettrait de remédier aux vulnérabilités particulières des femmes et des filles.

Une autre experte a relevé des écarts entre les sexes dans l'éducation au Rwanda. Les statistiques gouvernementales, a relevé cette experte, montrent que la plupart des Rwandais n'ont pas d'éducation formelle ou seulement une éducation primaire. Seize pour cent des femmes et 12% des hommes dans les zones rurales n'ont pas d’instruction, contre 7% des femmes et 6% des hommes dans les zones urbaines, a-t-elle notamment relevé. Par ailleurs, l’experte a cité des chiffres de l'UNICEF selon lesquels les filles au Rwanda sont plus susceptibles que les garçons d'abandonner l'école.

Une experte a félicité l'État partie pour le cadre juridique progressiste qu’il a adopté concernant les droits des femmes au travail, en particulier la ratification des conventions de l’Organisation internationale du Travail sur la violence et le harcèlement, sur l'âge minimum et sur les pires formes de travail des enfants. Cependant, malgré ces lois et programmes progressistes, d'importants écarts entre les sexes subsistent, a-t-elle relevé : les principales préoccupations concernent le travail de soins non rémunéré, qui entraîne de facto un écart de rémunération important entre les sexes.

L’experte a aussi souligné que malgré l'âge minimum légal pour travailler porté à 16 ans, le travail des enfants restait répandu au Rwanda. On estime ainsi que 150 000 enfants âgés de 6 à 14 ans sont en emploi : plus de la moitié d'entre eux, et principalement des filles, particulièrement vulnérables aux abus, sont employés comme domestiques, s’est inquiété l’experte.

Une autre experte a salué les efforts de l'État pour réduire la mortalité maternelle, notamment les initiatives ciblant les grossesses précoces et les avortements à risque, et l'expansion de l'éducation et des services de santé reproductive pour adolescents. Malgré ces efforts, des défis persistent pour les femmes et les filles au Rwanda, en particulier celles qui sont handicapées, qui rencontrent des difficultés à accéder aux services de santé sexuelle et reproductive en raison d’une discrimination généralisée et de l'inaccessibilité des établissements de santé, a dit l’experte. De même, si le Rwanda a élargi les bases légales de l'avortement, les avortements à risque continuent en raison de lois restrictives et de la stigmatisation sociale, a-t-elle relevé l’experte.

L’experte a aussi attiré l’attention de la délégation sur le fait que le Comité des droits de l'homme, dans ses observations finales de mai 2024 concernant le Royaume-Uni, avait estimé que la politique de renvoi de demandeurs d'asile vers le Rwanda violait le principe de non-refoulement.

Une experte s’est inquiétée de la persistance d’inégalités dans les cadres macroéconomiques et dans la répartition des richesses au Rwanda. Le potentiel des capacités humaines des femmes rwandaises reste ainsi sous-exploité et, par conséquent, la pauvreté des femmes et les pertes économiques alimentées par la discrimination et les inégalités persistent elles aussi, a fait remarquer cette experte.

Une experte a relevé que les femmes rurales au Rwanda avaient un accès restreint aux ressources, infrastructures et services, y compris s’agissant de l’accès à l'électricité. Elle a estimé préoccupant que les agricultrices possèdent de petites parcelles de moins de 0,3 hectare, en raison notamment de pratiques coutumières, et que les femmes et les filles fournissent un travail non rémunéré dans des exploitations commerciales appartenant à des hommes.

Il a été rappelé, d’autre part, que, lors du précédent examen du Rwanda, le Comité s’était déclaré préoccupé par les formes croisées de discrimination et de marginalisation subies par les femmes batwa, exposées à l'extrême pauvreté, à l'accès limité aux services de base, à l'analphabétisme, au chômage et à la violence sexiste. Tout en reconnaissant qu'après le génocide la priorité de l'État a été d'éviter toute forme de catégorisation fondée sur l'appartenance ethnique, le Comité, a dit une experte, craint que cette approche ne contribue à occulter les problèmes spécifiques des femmes et des filles batwa. L’experte a souligné que, selon certaines sources, des Batwa auraient été expulsés de leur écosystème forestier pour faire place à trois parcs nationaux visant à la conservation de la biodiversité.

Une autre experte a voulu savoir quels étaient les droits économiques des femmes vivant dans des relations non formalisées. Elle a demandé si l’État avait tenté de mettre fin à la polygamie et s’est inquiétée des mariages précoces forcés au Rwanda.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que le Gouvernement avait mis en place des cadres juridiques et institutionnels pour assurer l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes, et que le Gouvernement et ses partenaires faisaient en sorte que toutes les parties prenantes soient consultées dans le contexte de la mise en œuvre de la Convention. Des journées de redevabilité en matière d’égalité entre les hommes et femmes sont organisées avec la participation des autorités locales.

Il existe un programme pour intégrer l’approche sexospécifique à tous les secteurs, et non plus seulement au secteur public, afin d’accroître la participation des femmes aux postes à responsabilités, a ajouté la délégation. Les autorités organisent des forums de discussion pour encourager la participation des femmes et ont créé un réseau de femmes dirigeantes. La délégation a aussi indiqué que les autorités adoptaient des politiques pour augmenter la représentation des femmes dans des secteurs monopolisés par les hommes, notamment le secteur minier.

Les autorités ne se reposent pas uniquement sur le cadre juridique et institutionnel mais sont proactives dans ce domaine : les autorités ont, en particulier, pris des mesures incitatives afin que les hommes et les garçons participent au processus d’autonomisation des femmes, a insisté la délégation. Des programmes sont aussi appliqués pour que les hommes et les garçons comprennent les effets des stéréotypes négatifs relatifs aux femmes, de nombreuses campagnes étant organisées dans les écoles secondaires et à l’université sur les questions relatives aux stéréotypes et à l’égalité, a aussi indiqué la délégation.

S’agissant de la participation des femmes aux processus de paix et de sécurité, la délégation a assuré que son pays était en première ligne dans la région dans ce domaine et qu’il apportait sa contribution aux programmes de maintien de la paix auxquels de plus en plus de femmes participent. S’agissant des négociations de paix en cours, la délégation a souligné que les femmes étaient incluses dans ces processus et participaient aux différents dialogues.

La délégation a par ailleurs indiqué que le pays comptait plusieurs centres qui accueillent les victimes de violencesdomestiques et sexuelles, où les femmes ont accès à des services juridiques et à des conseils. Un manuel de procédure propre à tous ces centres Isange a été rédigé afin de pouvoir offrir un soutien global aux victimes. Tous les acteurs de ces centres sont formés à la prise en charge des victimes. L’objectif est qu’à terme, la victime puisse réintégrer son domicile en toute sécurité. La délégation a précisé que l’accès à ces centres et à leurs services était gratuit.

En outre, des initiatives sont prises afin de libérer la parole des femmes victimes et les inciter à déposer plainte devant la justice formelle. La délégation a en outre indiqué qu’il fallait davantage former les chefs traditionnels dans ce domaine afin qu’ils incitent les femmes à porter plainte. Elle a relevé que des formations étaient organisées en priorité aujourd’hui aux fonctionnaires sur les dispositions de la Convention, mais qu’il était aussi prévu de former les membres des organisations religieuses et traditionnelles.

S’agissant des mécanismes de coordination, la délégation a précisé que le Conseil national des femmes était chargé de mobiliser les femmes et de renforcer leur capacité dans différents domaines. Le Forum des femmes parlementaires veille, quant à lui, à ce que la question de genre soit intégrée dans tous les projets de loi.

Un fonds de relance a été créé après la pandémie de COVID-19 avec, notamment, la Banque Mondiale, a poursuivi la délégation. Ce fonds a été développé avec une approche sexospécifique qui a permis le soutien des activités économiques des femmes.

S’agissant des élections, la délégation a indiqué que la présence des femmes au Parlement était forte grâce aux quotas prévus dans la Constitution. À cela s’ajoute le fait que les partis politiques sont encouragés à promouvoir la participation des femmes, ce qui se traduit par des résultats électoraux qui vont bien au-delà des quotas prévus par la Constitution. En outre, des femmes ont été formées et mobilisées afin qu’elles participent davantage aux élections prévues en juillet prochain, grâce à l’action des mécanismes sur les questions de genre, a souligné la délégation.

S’agissant de la traite des êtres humains, le Rwanda est doté d’une loi pour lutter contre ce problème, a précisé la délégation. Dans de nombreux cas, il s’agit d’un problème transfrontalier, c’est pourquoi le Rwanda s’est attaché à instaurer un système de coopération transnational pour lutter contre la traite.

L’accord avec le Royaume-Uni vise à offrir une solution à celles et ceux qui ont pris des risques dans leur trajet de migration, a déclaré la délégation. L’objectif est de s’attaquer à la traite, avec comme objectif la protection des femmes et des filles. Le pays offre ainsi un environnement sécurisé à ces personnes, a insisté la délégation. Elle a aussi estimé que cet accord contribuait à relever les défis liés à la migration au niveau mondial, tout en aidant les migrants à retrouver une vie digne. Le Rwanda a aussi décidé de prêter une attention accrue aux migrants bloqués en Libye, plus particulièrement les femmes et les filles, a-t-il été précisé.

La délégation a indiqué que la stratégie de renforcement de la représentation des femmes s’appliquait également dans la désignation du corps diplomatique. La délégation a reconnu qu’il fallait mobiliser davantage les femmes afin qu’elles portent leurs compétences dans ce domaine au même niveau que les hommes. Elle a également présenté diverses initiatives afin de renforcer les capacités des femmes au niveau local.

Le Rwanda a pris de nombreuses initiatives pour lutter contre l’apatridie avec une attention toute particulière pour les femmes et les filles, a poursuivi la délégation. Le Rwanda a adopté le principe selon lequel toutes les personnes enregistrées doivent pouvoir accéder aux services publics, quel que soit leur statut. En outre, les réfugiés et demandeurs d’asile reçoivent toutes les informations nécessaires pour les aider à s’enregistrer.

La délégation a en outre indiqué que le Rwanda était très ambitieux dans le domaine de l’enregistrement des naissances. Dès qu’un enfant est né, il est enregistré ; les leaders locaux peuvent aussi enregistrer les naissances en ligne. La délégation a précisé que les personnes déplacées à l’intérieur du pays, si elles sont enregistrées, ont accès à leurs dossiers et tous les services, où qu’elles se trouvent, grâce au nouveau système d’enregistrement en ligne.

La délégation a également partagé avec les experts différentes stratégies pour renforcer l’accès à l’ éducation avec, notamment, la construction depuis 2021 de nouvelles salles de classe. Le Gouvernement, a-t-il été précisé, consacre des budgets conséquents afin de soutenir les adolescentes enceintes, et des mesures ont été prises afin que les filles aient accès à la santé génésique et sexuelle. Les budgets accordés à l’éducation ont augmenté, a fait savoir la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que son pays entendait donner aux femmes les moyens de passer de l’économie informelle à l’économie formelle. Les autorités veillent aussi à soutenir les femmes agricultrices afin qu’elles puissent subvenir à leurs besoins. Un des objectifs du Gouvernement est d’encourager les coopératives de femmes afin qu’elles puissent davantage revendiquer leurs droits. La délégation a aussi tenu à préciser qu’un très grand nombre de femmes rwandaises pouvaient administrer leurs terres comme bon leur semble.

La délégation a indiqué que le Rwanda avait lancé une stratégie pour les quatre prochaines années afin de former des professionnels de santé à pratiquer un avortement pour pallier le manque de ressources humaines dans ce domaine.

La délégation a présenté les mesures prises pour mettre en œuvre la transformation de l’économie rwandaise afin d’obtenir la parité entre les hommes et les femmes au niveau macroéconomique. Si, dans le secteur de l’emploi, le nombre de femmes au chômage est supérieur à celui des hommes, la présence des femmes dans de nombreux secteurs a été renforcée. L’octroi de prêts a été renforcé pour les femmes afin qu’elles puissent développer leurs activités.

La délégation a indiqué que les autorités allaient réfléchir à la mise en œuvre d’une stratégie afin de tenir compte de la contribution des femmes auprès de leur famille et du pays dans le cadre des activités non rémunérées.

Trente ans après le génocide contre les Tutsis, a poursuivi la délégation, le Rwanda a décidé d’adopter un processus inclusif. Le Gouvernement a, dans ce contexte, pour mandat pour prendre en charge les groupes vulnérables, notamment au sein de la communauté batwa, dont la délégation a indiqué qu’on ne pouvait pas dire aujourd’hui qu’elle était seule à se trouver dans une situation de grande vulnérabilité. Elle a insisté sur le fait que différents programmes visent les personnes vivant dans l’extrême pauvreté, programmes accessibles à toutes les catégories de la population, y compris les Batwa, le soutien étant apporté en fonction des ressources des personnes ou des familles. Les autorités ne comptent pas revenir sur leur décision de ne plus considérer les Batwa en tant que groupe spécifique, a souligné la délégation.

La délégation a indiqué que la Constitution définissait le mariage comme un contrat entre un homme et une femme. Elle a indiqué que la polygamie était encore présente dans le pays, mais qu’elle n’était pas reconnue officiellement.

Le Gouvernement tente par ailleurs d’encourager les couples non officiels à formaliser leur union pour permettre de régulariser certaines questions, notamment celles liées à la propriété. Les hommes et les femmes ont les mêmes droits en matière d’héritage, a enfin fait savoir la délégation.

 

 

 

 

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