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Colombie : le Comité des droits de l'homme salue les efforts menés pour surmonter le long conflit armé intérieur, mais s'inquiète de violations commises à l'encontre de défenseurs des droits de l'homme et de magistrats
Le Comité des droits de l'homme a examiné, lundi après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Colombie sur l'application des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le rapport a été présenté par la Vice-Ministre des relations extérieures de la Colombie chargée des affaires multilatérales, Mme Elizabeth Taylor Jay. Elle a assuré le Comité que son gouvernement œuvrait sans relâche au renforcement de la démocratie et pour garantir le plein exercice des droits de ses citoyens. Elle a attiré l'attention sur les mesures importantes prises par la Colombie pour surmonter les conséquences du conflit armé et construire la « paix totale », avec l'adoption de décisions fondamentales pour avancer dans la mise en œuvre de l'Accord de paix signé en 2016. Elle a cependant reconnu des difficultés persistantes tout en faisant valoir la création d'institutions chargées d'enquêter, de poursuivre et de punir les crimes commis pendant le conflit. Des mesures ont également été prises afin de garantir des réparations à toutes les victimes du conflit. Le Gouvernement estime important d'accélérer le processus de restitution des terres et de réparations pour les souffrances endurées par les victimes. À cet égard, la Vice-Ministre a annoncé la mise en place d'une juridiction spéciale qui sera chargée de garantir la résolution rapide et efficace des conflits fonciers.
L'importante délégation colombienne était également composée du Vice-Ministre chargé de la politique pénale et de la justice réparatrice, ainsi que de représentants des Ministères de la justice, de la défense et de l'intérieur, de magistrats et représentants du Parquet, et de hauts responsables des droits de l'homme et du système pénitentiaire. Elle a notamment répondu aux questions du Comité concernant l'augmentation des violences à l'encontre des femmes et les mesures prises en vue de leur autonomisation. Le Gouvernement œuvre sans relâche à la construction d'un plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité, conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité. La Colombie a par ailleurs déployé des efforts importants pour renforcer les droits des peuples autochtones, des populations d'ascendance africaine, et d'autres minorités. La délégation a apporté des compléments d'information sur la question des réparations, la poursuite des responsables de violations dans le contexte du conflit armé, le recrutement d'enfants par des groupes armés, les assassinats de défenseurs des droits de l'homme et de militants politiques. À cet égard, la délégation a assuré qu'une attention particulière est portée à la protection des défenseurs des droits de l'homme, des syndicalistes, des défenseurs de l'environnement et des journalistes.
Les membres du Comité ont observé que la Colombie avait subi, au cours des dernières décennies, une série de situations qui ont directement et profondément affecté le respect des droits reconnus par le Pacte, en particulier le long conflit armé intérieur, le paramilitarisme et le déplacement de populations en raison de la violence. Les membres du Comité ont reconnu les efforts de la Colombie pour surmonter ces situations, notamment dans le cadre de l'Accord de paix de 2016 signé avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP), et saluent les mesures de prise en charge, d'assistance et de réparations intégrales ordonnées en faveur des victimes de déplacements forcés. Les membres du Comité ont toutefois attiré l'attention sur les nombreuses violations commises à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme et des représentantes des femmes, ainsi qu'à l'encontre des différents acteurs du système judiciaire, notamment. Ils s'inquiètent aussi de la résurgence de groupes paramilitaires qui prennent le contrôle de vastes étendues du pays.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Colombie et les rendra publiques à l'issue de la session, le 26 juillet prochain.
Le Comité des droits de l'homme doit entamer, cet après-midi, l'examen du rapport du Lesotho (CCPR/C/LSO/2), qui se poursuivra demain matin.
Rapport de la Colombie
Le Comité était saisi du rapport initial de la Colombie (CCPR/C/COL/8), ainsi que de ses réponses à une liste des points à traiter que lui avait adressé le Comité.
Présentation du rapport
MME ELIZABETH TAYLOR JAY, Vice-Ministre des relations extérieures de la Colombie, chargée des affaires multilatérales, a réaffirmé l'attachement de son pays aux questions des droits de l'homme. Le gouvernement actuel œuvre avec détermination pour renforcer ses institutions, légiférer en faveur des droits fondamentaux et garantir la mise en œuvre effective du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sur l'ensemble du territoire national. La Vice-Ministre a par ailleurs annoncé que son pays posait sa candidature comme membre du Conseil des droits de l'homme.
Dans le domaine des droits politiques et de la participation citoyenne, le Gouvernement colombien a œuvré sans relâche pour renforcer la démocratie et garantir le plein exercice des droits de ses citoyens. Ainsi, des élections libres, fiables et transparentes ont eu lieu, à différents niveaux, y compris des élections présidentielles et législatives. En outre, des mécanismes inclusifs de consultation et de dialogue ont été mis en place afin de garantir la participation active de la société civile et des différents acteurs de la société colombienne à l'élaboration des politiques publiques. Une série de dialogues a également été menée avec les citoyens en vue de l'élaboration du Plan national de développement, feuille de route pour la formulation des politiques publiques nationales.
La Vice-Ministre colombienne a attiré l'attention sur les mesures importantes prises par la Colombie pour surmonter les conséquences du conflit armé et construire la « paix totale », avec l'adoption de décisions fondamentales pour avancer dans la mise en œuvre de l'Accord de paix signé en 2016. Toutefois, des défis persistent, a reconnu la représentante du Gouvernement, qui a fait valoir que des institutions chargées d'enquêter, de poursuivre et de punir les crimes commis pendant le conflit ont été créées. En outre, la réintégration des ex-combattants dans la vie civile a été largement encouragée, et un accès à l'éducation, à l'emploi et à la participation politique est proposé.
Des mesures ont également été prises afin de garantir des réparations à toutes les victimes du conflit. Le Gouvernement estime qu'il est important d'accélérer le processus de restitution des terres, ce qui implique non seulement la restitution des biens matériels, mais aussi la reconnaissance des souffrances des victimes, de même que des réparations. À cet égard, une juridiction agraire et rurale spéciale sera chargée de garantir la résolution rapide et efficace des conflits fonciers.
L'accent a d'autre part été mis sur la volonté du Gouvernement de parvenir à l'égalité entre les sexes et à l'autonomisation des femmes, qui passe notamment par une meilleure représentation des femmes en politique, l'accès à l'éducation et aux soins de santé. Mme Taylor Jay a reconnu la situation préoccupante s'agissant de la violence à l'égard des femmes en Colombie et a souligné les mesures prises par le pays pour prévenir ce phénomène et reconnaître l'importance de promouvoir l'égalité des sexes dans toutes les sphères de la société. La Colombie est convaincue que l'autonomisation des femmes, leur indépendance économique et leur participation à la vie publique et aux processus de résolution des conflits garantiront la vie démocratique du pays. Ainsi, le Gouvernement œuvre sans relâche à la construction d'un plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité, conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité.
La Colombie souffre depuis des décennies du fléau de la violence et des conflits armés, mais aussi de l'exclusion sociale, a déclaré Mme Taylor-Jay. Des progrès ont toutefois été enregistrés dans la reconnaissance et la protection des droits humains des personnes ayant des orientations sexuelles, des identités et des expressions diverses de genre. Ainsi, sept articles du Plan national de développement (2022-2026) attestent que le Gouvernement reconnaît directement la population LGBTQI+.
Le respect de la diversité exige également la reconnaissance et l'autonomisation des communautés et des peuples ethniques, a poursuivi Mme Taylor-Jay. Elle a fait savoir que la Colombie avait déployé des efforts importants pour renforcer les droits des peuples autochtones et des populations d'ascendance africaine, des Raizales, des Palenqueros et des Roms. Dès les premiers mois du gouvernement actuel a été créé le Ministère de l'égalité, chargé d'éliminer les inégalités économiques, politiques et sociales des groupes qui font l'objet de discrimination ou sont marginalisés, et afin de protéger les populations exclues, telles que les migrants, les personnes vivant dans la rue, dans la pauvreté et dans les territoires marginalisés. Le Gouvernement a enregistré des progrès significatifs dans la reconnaissance et la protection des droits des communautés autochtones, des personnes d'ascendance africaine et des Raizales. En outre, des lois et réglementations ont été promulguées visant à sauvegarder la diversité culturelle et linguistique de ces communautés et leur garantir l'accès aux services de base, à l'éducation interculturelle et à la santé.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un membre du Comité a fait observer que la Colombie avait subi, au cours des dernières décennies, une série de situations qui ont directement et profondément affecté le respect des droits reconnus dans le Pacte, en particulier le long conflit armé intérieur, le paramilitarisme et le déplacement de populations en raison de la violence. Le Comité reconnaît les efforts de la Colombie pour surmonter ces situations, notamment dans le cadre de l'Accord de paix de 2016 signé avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP). La délégation a été invitée à décrire les procédures prévues par la loi 288 de 1998 pour traiter au niveau interne la question des réparations, l'expert rappelant les constatations adoptées par le Comité dans lesquelles il avait conclu à une violation des dispositions du Pacte visant à garantir un recours utile aux familles de personnes disparues.
Le Comité a réitéré sa demande d'informations sur les mécanismes existants pour recevoir et enquêter sur les cas de torture. Existe-t-il des données sur le nombre de plaintes, d'enquêtes, de poursuites et de condamnations, ainsi que sur les réparations accordées aux victimes, a-t-il été demandé. Un expert a également souhaité savoir si les entités étatiques compétentes appliquaient le Protocole d'Istanbul dans les enquêtes sur les allégations de torture et autres peines ou traitements cruels. Par ailleurs, les cours de formation pour les agents du système pénitentiaire qui ont débuté en 2015 se sont-ils poursuivis et qu'en est-il de la mise en œuvre du mécanisme de plainte indépendant dans les établissements pénitentiaires, ont demandé plusieurs experts. Un expert a également demandé à la délégation de détailler les mesures prises par la Colombie pour résoudre le problème important de la surpopulation carcérale.
Dans le cadre d'une série de questions complémentaires, plusieurs membres du Comité ont insisté sur le traitement des personnes privées de liberté et les conditions de détention. Il a été demandé à la délégation de détailler les avancées législatives afin de réformer le système pénitentiaire et de fournir des informations sur les enquêtes menées sur l'émeute de la prison modèle de Bogotá, en mars 2020. Par ailleurs, une question a porté sur les mesures prises pour fournir aux détenus des services de santé adéquats, notamment pendant la pandémie de COVID-19, et pour les protéger contre les maladies contagieuses.
Plusieurs membres du Comité sont revenus sur les décennies de violence qui ont frappé le pays. La Colombie a fourni de nombreuses données relatives aux actions menées par différentes organisations pour mettre fin au conflit et construire une paix durable. Toutefois, certaines données sont toujours manquantes et ne permettent pas d'apprécier le degré de mise en œuvre réelle de l'Accord de paix de 2016, a fait remarquer un expert. Allant plus loin, il a été demandé à la délégation de fournir davantage de données chiffrées sur le nombre de bénéficiaires des programmes d'accompagnement et des compensations administratives versées.
S'agissant des processus de retour, de relocalisation ou d'intégration locale des populations déplacées, le Comité a demandé à la délégation de fournir davantage de précisions et de données chiffrées, y compris sur les résultats des programmes pour les enfants victimes de recrutement dans les forces ou les groupes armés. Par ailleurs, un expert a relevé que la Cellule de restitution des terres présentait quelques lacunes opérationnelles. Il a en outre relevé le taux élevé de refus des demandes présentées par les victimes, qui dépasse 64%, ou encore le non-respect des condamnations judiciaires par les entités gouvernementales en charge. Ainsi, a-t-il ajouté, seuls 538 212 hectares sur les 6,6 millions d'hectares spoliés pendant le conflit armé ont été restitués. Les membres du Comité ont pris note, suite aux réponses de la délégation, des mesures de prise en charge, d'assistance et de réparations intégrales ordonnées en faveur des victimes de déplacements forcés.
Le Comité a également fait part de ses préoccupations quant à la résurgence de groupes paramilitaires qui s'étendent peu à peu dans le pays et qui prennent le contrôle territorial de vastes zones précédemment occupés par les FARC, provoquant une augmentation de la violence dans 27 des 32 départements du pays. La délégation a été interrogée sur les mesures prises pour empêcher que les violations des droits de l'homme commises par les membres des groupes paramilitaires démobilisés ne restent impunies.
Le Comité a reçu des informations selon lesquelles, entre 2017 et 2020, il y a eu 1 760 cas de violences physiques, 3 cas de violences sexuelles et 45 cas d'homicides qui auraient été commis par des agents des forces de l'ordre contre des personnes d'ascendance africaine. De plus, les informations que le Comité a reçues indiquent qu'entre 2016 et 2021, il y a eu un total de 2 257 actes de violence contre les personnes LGBTQI+, dont 863 homicides. Ces chiffres sont en contradiction avec le fait que la Colombie signale que très peu de victimes de violences dans le pays sont des personnes qui se considèrent comme appartenant à une catégorie du groupe LGBTQI+. Il a, en outre, rappelé que les personnes d'ascendance africaine représentent 20% de la population totale et les personnes autochtones 5%. Un expert a souhaité connaître les mesures prises pour lutter contre le racisme systémique qui sévit en Colombie et qui est souvent à l'origine d'une violence.
S'agissant de la violence à l'égard des femmes, plusieurs expertes se sont félicitées que le Gouvernement colombien ait promu un certain nombre de mesures pour prévenir et combattre de manière globale la violence à l'égard des femmes et des filles. Mais cette violence continue d'augmenter fortement et le taux de condamnation reste extrêmement faible, à environ 7%, a déploré une experte, qui a demandé à la délégation les mesures prises sur le plan judiciaire pour inverser ces chiffres. En ce qui concerne les cas de violences sexuelles contre les femmes et les filles en tant que mécanisme d'intimidation perpétré par des groupes armés non étatiques, des informations indiquent que les victimes continuent de se heurter à des obstacles pour bénéficier de protection, accéder à la justice et obtenir des réparations intégrales. Il serait important de savoir si la Juridiction spéciale pour la paix a ouvert un dossier pour enquêter sur les violences sexuelles dans le contexte du conflit armé interne, a fait observer une experte.
Une experte a relevé que les violences domestiques avaient augmenté de façon exponentielle à la suite de la pandémie de COVID-19. D'ailleurs, le rapport de la Colombie mentionne que la Direction des politiques et de la stratégie a enregistré 82 772 avis de poursuites pour délits liés aux violences sexuelles et 187 876 cas de violences intrafamiliales sur la période allant du 1er janvier 2020 au 30 novembre 2022. Il a été demandé à la délégation de fournir des informations actualisées, notamment en ce qui concerne les poursuites pénales, la condamnation des responsables et une réparation intégrale pour les victimes.
Une experte a demandé des précisions sur la situation s'agissant de la lutte contre la traite des personnes, en particulier s'agissant de la définition de la traite en Colombie, se demandant en particulier si elle incluait les cas de recrutement forcé par les groupes armés, l'exploitation dans la mendicité, le mariage d'enfants et le mariage forcé ou encore l'exploitation sexuelle.
Une experte a mis l'accent sur les mesures prises par la Colombie pour mettre en œuvre le programme de protection en faveur des représentantes des femmes et des défenseuses des droits humains, mais a relevé que les garanties de sécurité sont toujours insuffisantes et ces femmes sont encore victimes de meurtres et d'intimidations. Dans quelle mesure les femmes peuvent-elles exercer librement leurs activités sur le territoire national, a-t-il été demandé.
Plusieurs experts du Comité ont aussi fait état d'allégations selon lesquelles les violations à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme se poursuivent dans le pays. Par ailleurs, si le Comité a pris note des initiatives de l'État pour améliorer la liberté de réunion, la réalité sur le terrain semble différente. La délégation a été invitée à décrire les mesures prises par son gouvernement pour garantir des manifestations pacifiques, notamment depuis les événements de 2021.
Plusieurs membres du Comité ont souhaité obtenir des renseignements complémentaires sur l'indépendance du pouvoir judiciaire et sur les garanties permettant aux différents acteurs judiciaires (juges, procureurs et autres professionnels de la justice) d'exercer leurs fonctions en toute sécurité, sans crainte de menaces, d'intimidations, de représailles ou de harcèlement. Des sources ont fait état de meurtres et de menaces contre des avocats, ainsi que des contrôles exercés par l'intermédiaire de la nomination de personnes proches du pouvoir politique pour occuper certains postes.
Il a en outre été demandé à la délégation de fournir davantage de précisions sur les rapports entre la juridiction ordinaire et la juridiction spéciale pour la paix, ainsi que de détailler davantage le rôle et la composition des juridictions spéciales pour la paix et la justice. Est-il possible pour les victimes de porter plainte à titre individuel, sont-elles représentées par le parquet et y a-t-il une couverture médiatique des procès, a-t-il encore été demandé.
Un expert a également mis l'accent sur les droits des personnes d'ascendance africaine et le racisme systémique à leur encontre. Le conflit armé interne a eu un impact disproportionné sur la jouissance des droits des populations autochtones et d'ascendance africaine.
La délégation a également été interrogée sur l'utilisation par le gouvernement Colombien de l'herbicide glyphosate pour éradiquer les cultures déclarées illicites par pulvérisation aérienne dans les zones rurales particulièrement touchées par le conflit armé.
Enfin, un expert a salué le programme ambitieux mis en place par le Gouvernement pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Il reste encore trois ans et un mois à l'actuel gouvernement pour achever ce programme et le Comité souligne l'urgence de sa mise en œuvre, en s'appuyant notamment sur les recommandations formulées par les membres du Comité. L'expert s'est félicité de la loi établissant le Service social pour la paix. En effet, « si tu veux la paix, prépare la paix », et l'expert a estimé que cette institution devrait permettre des « bonds en avant » dans le renforcement de la paix.
Réponses de la délégation
Répondant aux questions des membres du Comité sur le cadre d'application de la mise en œuvre du Pacte, la délégation a notamment indiqué que, depuis le 7 février 2023, le Gouvernement, le Ministre des affaires étrangères et le Vice-Ministre de la justice ont lancé un projet de loi qui permettra de ratifier ultérieurement le Protocole facultatif (prévoyant une procédure d'examen de plaintes). La délégation a aussi attiré l'attention sur la création du Groupe de suivi pour les recommandations du Comité des droits de l'homme, un organe indépendant placé composé de quatre conseillers qui mènent un travail de coordination inter-institutionnelle. L'objectif de cet organe est de mettre en place des activités pour assurer le suivi, l'application des résolutions émises par le Comité, ainsi que des décisions de la Cour des droits de l'homme. La délégation a reconnu certains problèmes de fonctionnement et a assuré que le Gouvernement était parvenu à reprendre le cap et à mener des actions visant à mettre en œuvre les recommandations du Comité restées en suspens.
Priée de fournir davantage de précisions sur les efforts de protection et de promotion des droits de l'homme, la délégation a indiqué que le budget prévu pour 2023 était de 280 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de 35% par rapport à 2022. Entre 2021 et 2022, le budget avait d'ores et déjà augmenté de 16%. Le Gouvernement actuel s'est efforcé de doubler le budget, notamment en faveur de l'Organe des droits de l'homme, chargé du système d'alerte précoce sur les risques imminents et les risques structurels. La délégation a reconnu que des décrets adoptés par le précédent gouvernement doivent encore être modifiés. Le Gouvernement est en train de rationaliser les efforts pour renforcer les programmes dans le domaine des droits de l'homme, avec la participation de la société civile et des budgets adéquats. La première phase de concertation va prochainement s'achever et devra se poursuivre avec une collaboration et une concertation étroites de la société civile.
S'agissant de la question des réparations et des constatations dans lesquelles le Comité a conclu à une violation des dispositions du Pacte visant à garantir un recours utile, la délégation a expliqué que les procédures prévues par la loi n°288 de 1996 permettent de traiter ces questions au niveau interne, ajoutant que le Gouvernement souhaitait éviter que le Comité ne se transforme en une nouvelle instance de litiges. À ce jour, le Ministre de la justice a modifié un certain nombre de textes liés notamment à la recherche des personnes disparues, adoptant une approche transnationale. Répondant à d'autres questions, la délégation a fait savoir qu'une indemnisation de 240 millions de dollars a été octroyée au Fonds de réparations, qui implique non seulement la restitution des biens matériels et des terres, mais également la reconnaissance des souffrances endurées par les victimes.
La délégation a également abordé le point relatif aux victimes et mesures adoptées dans le cadre de la mise en œuvre de l'Accord final de 2016 visant à mettre fin au conflit armé interne. La Commission vérité, coexistence et non-répétition a conclu que le Gouvernement devait poursuivre ses efforts. Ainsi, un Comité de suivi, composé de sept experts des droits de l'homme, a été créé et placé sous la houlette de la Direction générale pour la paix. Avant son investiture, le Président de la République avait été invité à la présentation du rapport final – qui n'a toutefois pas encore été publié – et il s'est formellement engagé à donner suite aux recommandations émises. Un projet de loi a été élaboré mais certains membres du Parlement font obstacle à certaines des 167 recommandations formulées. Un nouveau de projet de résolution est en cours d'examen, avec l'appui et le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. La délégation a par ailleurs rappelé que la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie a reconnu qu'un certain nombre d'obstacles persistent dans le processus de paix. La délégation a demandé au Haut-Commissariat de nommer un expert des droits de l'homme pour qu'il puisse identifier les obstacles et formuler des recommandations.
La délégation a en outre indiqué que ses juridictions spéciales pour la justice et la paix sont chargées de juger les hauts responsables de violations dans le contexte du conflit armé. Des enquêtes ont été menées contre les responsables d'exécutions extrajudiciaires et il est important de souligner que tous ces progrès n'auraient pas été possibles sans la participation des organisations de victimes. Les juridictions doivent juger et sanctionner plus de 13 700 personnes, dont 9 000 FARC et 3 000 membres des forces publiques. La délégation a indiqué que, dans l'un des procès qui s'est tenu dans ce contexte, dix membres du commando central des FARC ont été mis en accusation pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, y compris des enlèvements. Les violences sexistes font également l'objet d'enquêtes. Quant aux exécutions extrajudiciaires, les juridictions ont jusqu'à présent été en mesure d'identifier 6 402 personnes concernées. Et la responsabilité de plusieurs membres de la force publique a été établie.
La délégation a ajouté que les juridictions spéciales ont également identifié environ 18 000 enfants recrutés.
Enfin, des dossiers sur les violences sexuelles et autres violences perpétrées dans le cadre du conflit armé ont également été ouverts. À ce stade, plus de 30 000 femmes et 12 000 mineurs ont été victimes de violences sexuelles, utilisée comme un «outil de contrôle du territoire ».
La délégation a par ailleurs indiqué que plus de 8 000 personnes sont toujours portées disparues.
La Juridiction spéciale pour la paix est composée de 38 magistrats, dont 18 dits de salle, a précisé la délégation, ajoutant que 54% des magistrats sont des femmes, comme il est prévu dans l'Accord de paix. Les audiences sont retransmises sur les chaînes publiques. La grande majorité des personnes inculpées – souvent des anciens des FARC – sont en liberté conditionnelle afin de leur permettre d'apporter les éléments demandés.
La délégation a souligné que le Gouvernement ne niait aucunement sa responsabilité s'agissant des violations des droits de l'homme commises dans le contexte du conflit armé interne. Son objectif est de veiller à mettre fin au préjudice subi par les victimes qui attendent des réparations depuis des décennies, et surtout à garantir les conditions de la non-répétition de ces violations. Par le passé, dans de nombreuses affaires, les Ministères de la justice et de la défense ont adopté une approche négationniste. Mais la délégation a assuré le Comité de la volonté du nouveau Gouvernement de passer à une étape ultérieure et de plus se permettre de laisser mourir les victimes sans leur rendre justice. C'est pourquoi les juridictions ont redoublé d'efforts, en particulier pour mettre un terme à des affaires datant de plus de 25 ans.
Interrogée sur la situation de surpopulation carcérale en Colombie, la délégation a reconnu que le nombre de détenus dépasse de 31% le taux d'occupation des institutions pénitentiaires et que le problème existe également au niveau des cellules des commissariats de police. Le Gouvernement n'a pour l'instant pas été en mesure de régler cette crise des prisons. De nombreux efforts ont été déployés pour mettre en place un mécanisme financier afin de permettre de rénover des infrastructures obsolètes. La délégation a reconnu que la création de nouvelles prisons ne réglait pas toujours les problèmes car plus il y a de prisons, plus il y a de personnes incarcérées.
La délégation a reconnu une forte augmentation des violences faites aux femmes pendant la pandémie de COVID-19. De nombreuses mesures ont été prises afin de mieux coordonner les réponses apportées, notamment la création d'un Conseil d'enregistrement. Il est également important d'assurer une meilleure coordination avec la police, c'est pourquoi le système d'alerte, les mécanismes de coordination et d'accompagnement social ont été renforcés. L'accent du Gouvernement a également porté sur l'autonomisation des femmes et, en 2023, plus de 15 000 femmes ont pu bénéficier d'un accès à la terre, leur permettant de développer des petites unités de production.
Le Ministère de l'agriculture a également connu une augmentation importante de son budget et 1,5 milliards de pesos ont été investis pour permettre aux femmes de disposer de leur propre terre. L'objectif du Gouvernement, a-t-il été dit, est de faire de la réforme agraire une réalité. Il est vrai que cela est passé par l'éradication manuelle de plantations de coca et des fonds importants ont été consacrés au Programme national de lutte contre les cultures illicites.
La délégation a reconnu que la situation relative aux assassinats de défenseurs des droits de l'homme et de militants politiques restait préoccupante : plus de 2 000 personnes ont été assassinées en lien avec leurs engagements politiques. La « directive 08 » a pour objectif de définir 23 types de défenseurs des droits de l'homme. Dans certaines régions du pays, certains dirigeants sociaux ont fait l'objet de plus de 300 menaces. La délégation a assuré qu'une attention particulière est portée à la protection des défenseurs des droits de l'homme, des syndicalistes, des défenseurs de l'environnement et des journalistes. Un budget de plus d'un million de dollars a été octroyé en 2022, qui vu une augmentation de 39% en 2023. Actuellement, plus de 9 000 personnes font l'objet d'une protection rapprochée et plus de mille signataires des Accords de paix.
La délégation a souligné qu'il était important que tous les procureurs puissent agir sur tout le territoire, mais a indiqué que des procureurs avaient été enlevés. Le Procureur général de la nation a fait le choix de ne pas céder à la pression. La délégation a souligné que les enlèvements, intimidations et assassinats sont le fait d'organisations criminelles, notamment le « Clan del Golfo ». La délégation a aussi fait état de propagation de fausses informations sur les réseaux sociaux, ajoutant que certains tweets attaquent le Procureur général et menacent les défenseurs des droits de l'homme. Par ailleurs, les fonctionnaires des juridictions spéciales de la paix et de la justice ont également été menacés.
En réponse aux questions des membres du Comité, la délégation a expliqué que la Juridiction spéciale pour la paix couvrait des cas spécifiques qui ne relèvent pas de la juridiction ordinaire. Les sanctions prononcées le sont selon un modèle de justice transitionnelle et qui permettent d'offrir des réparations pour favoriser la réconciliation. La justice est importante pour les victimes, mais les responsables doivent également assumer les faits. Les sanctions et les travaux doivent toujours se faire au profit des victimes, a souligné la délégation.
S'agissant des droits des personnes LGBTQI+ et les autres identités de genre, la délégation a reconnu qu'il existait auparavant des problèmes de coordination des politiques publiques, qui ne prenaient pas toujours en compte les besoins spécifiques dans les zones rurales par rapport aux grandes villes. Beaucoup de réformes doivent encore être menées. Quant à l'accès à la justice des personnes LGBTQI+, le Gouvernement envisage la création d'un observatoire d'enregistrement des violences destiné à mener à bien des actions ponctuelles à cet égard.
En ce qui concerne l'application du Protocole d'Istanbul pour évaluer les victimes présumées d’actes de torture et de mauvais traitements et enquêter sur les allégations de torture, des cours sont dispensés pour le personnel pénitentiaire, y compris lorsque ces actes ont lieu à l'encontre des personnes LGBTQI+.
Concernant la traite des personnes, une politique publique a fait l'objet d'un décret qui a permis d'organiser plus de 300 journées de formation au niveau national et régional. Par ailleurs, un registre national indique qu'entre novembre 2020 et décembre 2022, une procédure d'assistance a été mise en place pour 346 personnes victimes de traite, dont 68% de Colombiens et le reste sont des ressortissants Vénézuéliens. Parmi ces personnes, plus de 80% ont reçu une assistance. Concernant le recrutement de mineurs, l'ELN (Armée de libération nationale) continue de sévir, et une affaire est en cours devant la justice s'agissant du recrutement de 110 mineurs. Une méthodologie renforcée a également été mise en place pour juger les auteurs, mais il est également important d'impacter les sources de financement des recruteurs.
Outre la résolution 1190 sur la liberté de réunion, actuellement en vigueur, un décret adopté en 2021 est en train d'être mis en œuvre en concertation avec la société civile. Quant aux manifestations d'avril 2021 à mai 2023, la délégation a indiqué que 25 civils et 3 policiers ont perdu la vie. À ce stade, 52% des affaires ont été réglées, dont 60% sont le fait de la police nationale. Des membres de l'Armée de libération nationale (ELN) et des anciennes Forces armées FARC ont été arrêtés dans le cadre de ces manifestations.
S'agissant de l'Accord final de paix, le Gouvernement a mis en place une politique publique de démantèlement des groupes armés, a rappelé la délégation.
Une police spécialisée fait partie de la police nationale et est composée de cinq unités, dont une appuie le Procureur dans son travail et une autre assure la protection des territoires. Une unité a été créée dans le cadre de l'Accord de paix et privilégie le dialogue avec l'ELN et la dissidence des FARC. La Direction nationale de lutte contre les enlèvements émane également de l'Accord de paix et aide le pouvoir judiciaire dans les cas de violations des droits des défenseurs des droits de l'homme. Cette unité de police a permis l'arrestation de plus de 500 personnes avec l'aide du procureur et doit encore capturer 800 fugitifs. Enfin, la dernière unité concerne le service militaire.
Conclusions
La cheffe de la délégation colombienne, MME TAYLOR JAY, a indiqué que ce dialogue avait été extrêmement important pour la Colombie. La délégation a pu partager une analyse exhaustive de la situation dans son pays, à la fois des progrès réalisés et des défis qui l'attendent. Les situations ont été présentées de manière transparente. La Colombie est consciente des avancées concernant les questions des droits de l'homme, ainsi que des domaines dans lesquels elle doit encore redoubler d'efforts et qui parfois exigent des années. Le chemin emprunté n'est pas facile et « des forces en Colombie continuent de promouvoir le racisme ». C'est pourquoi le Président et son équipe continueront de lutter contre les inégalités. Grâce aux dialogues constructifs et la coopération internationale, la Colombie pourra alors édifier une société plus juste et plus inclusive.
MME TANIA MARÍA ABDO ROCHOLL, Présidente du Comité, a salué le dynamisme de la délégation et de la société civile colombienne qui collabore à la paix. La Présidente a énuméré tous les points abordés au cours des deux sessions, notamment la mise en œuvre des accords de paix, l'approche structurelle pour lutter contre les situations de violences, les mesures prises pour lutter contre la torture, la surpopulation carcérale, et les violations à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
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CCPR23.017F