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Le Conseil entend un plaidoyer pour une économie féministe, fondée sur les droits humains, qui permette de construire une égalité réelle, la solidarité et la justice socioéconomique et environnementale
L'inégalité et la pauvreté des femmes et des filles sont le résultat de choix historiques en matière de politique économique aux niveaux mondial et régional, et les priorités politiques ne sont pas neutres du point de vue du genre car elles ont été élaborées dans le cadre de systèmes patriarcaux qui ignorent les expériences et les droits spécifiques des filles et des femmes, a expliqué ce matin, devant le Conseil des droits de l’homme, Mme Dorothy Estrada-Tanck, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles.
Une approche de la pauvreté et de l'inégalité fondée sur les droits humains souligne que l'égalité et la non-discrimination, la participation, la responsabilité, l'autonomisation et la mise en œuvre de cadres normatifs équitables sont des principes fondamentaux qui doivent être respectés par les États et les autres détenteurs d'obligations, a par ailleurs indiqué Mme Estrada-Tanck en présentant le rapport du Groupe de travail intitulé « Inégalités de genre et pauvreté : pour des approches féministes et fondées sur les droits humains ». L’approche féministe ajoute à cette conception une analyse critique de la manière dont les institutions et les structures patriarcales contribuent à maintenir la discrimination à l'égard des femmes et des filles, a-t-elle ajouté.
Mme Estrada-Tanck a indiqué que le rapport du Groupe de travail qu’elle préside appelle à une économie féministe fondée sur les droits humains, qui permette de construire une égalité réelle, la solidarité et la justice socioéconomique et environnementale. Cette démarche doit aussi se traduire par la redistribution des richesses et des ressources au profit de tous et toutes, et par l'abandon de la consommation, de la production et de l'extraction excessives pour aller vers un ordre commercial mondial équitable, a-t-elle complété.
Mme Estrada-Tanck a ensuite rendu compte des deux visites réalisées par le Groupe de travail au Kirghizistan, en avril 2022, et aux Maldives, en septembre de la même année. Après des déclarations de ces deux États en tant que pays concernés, de très nombreuses délégations* ont pris part au dialogue avec la Présidente du Groupe de travail.
Le Groupe de travail a été félicité d'avoir pointé les inégalités structurelles qui perpétuent et aggravent les inégalités entre les sexes et menacent la réalisation des droits des femmes et des filles à jouir pleinement d'un niveau de vie adéquat et d'autres droits économiques, sociaux et culturels. Il a été affirmé que les États devaient mettre en œuvre des mesures globales, fondées sur les principes de l'égalité réelle, de la non-discrimination et de la justice socioéconomique et environnementale, pour mieux lutter contre la féminisation de la pauvreté.
Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Conseil examinera le rapport de la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.
Dialogue avec le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles
Le Conseil est saisi du rapport thématique du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, intitulé « Inégalités de genre et pauvreté : pour des approches féministes et fondées sur les droits humains » (A/HRC/53/39), et des additifs au rapport rendant compte des visites du Groupe de travail au Kirghizistan et aux Maldives (A/HRC/53/39/Add.1 et A/HRC/53/39/Add.2 respectivement).
Présentation du rapport
Présentant d’abord le rapport thématique, MME DOROTHY ESTRADA-TANCK, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles, a notamment affirmé que « l'inégalité et la pauvreté des femmes et des filles » étaient le résultat de choix historiques en matière de politique économique aux niveaux mondial et régional. Les priorités politiques ne sont pas neutres du point de vue du genre, car elles ont été élaborées dans le cadre de systèmes patriarcaux qui ignorent les expériences et les droits spécifiques des filles et des femmes, tout en privilégiant les formes dominantes de pouvoir des hommes et des entreprises qui perpétuent les hiérarchies existantes, a-t-elle expliqué.
Mme Estrada-Tanck a ensuite souligné que la crise de la COVID-19 avait suscité une réévaluation des idéologies économiques dominantes, avec la reconnaissance du rôle central des soins dans nos sociétés, ainsi qu'une réévaluation de la position de l'État. Le moment est venu de revoir les concepts liés à la croissance économique illimitée, souvent fondés sur des formes de discrimination profondément ancrées, a-t-elle déclaré.
Une approche de la pauvreté et de l'inégalité fondée sur les droits humains souligne que l'égalité et la non-discrimination, la participation, la responsabilité, l'autonomisation et la mise en œuvre de cadres normatifs équitables sont des principes fondamentaux qui doivent être respectés par les États et les autres détenteurs d'obligations, a poursuivi la Présidente du Groupe de travail. L’approche féministe ajoute à cette conception une analyse critique de la manière dont les institutions et les structures patriarcales contribuent à maintenir la discrimination à l'égard des femmes et des filles, a-t-elle précisé.
Le rapport appelle donc à une économie féministe fondée sur les droits humains, qui permette de construire une égalité réelle, la solidarité et la justice socioéconomique et environnementale. Cela implique la mise en œuvre de processus et de principes fondés sur les droits de l'homme, une participation démocratique inclusive à la gouvernance économique mondiale, des approches intersectionnelles et le soutien à la création d'alliances féministes et de mouvements croisés avec divers groupes sociaux. Cette démarche doit aussi se traduire par la redistribution des richesses et des ressources au profit de tous et toutes, et par l'abandon de la consommation, de la production et de l'extraction excessives pour aller vers un ordre commercial mondial équitable, a plaidé Mme Estrada-Tanck. La participation de groupes de femmes et de filles à la mise en œuvre de stratégies socioéconomiques est un élément essentiel de ce processus, a-t-elle ajouté. Le droit à l'égalité réelle exige également la mobilisation et la redistribution des ressources à l'intérieur des pays et entre eux, a-t-elle indiqué.
Le rapport, a précisé Mme Estrada-Tanck, contient des recommandations à l'intention des États, des institutions économiques internationales et des entreprises, afin qu'ils s'attaquent aux inégalités qui se chevauchent et qui sont à l'origine des crises, et qu'ils orientent les politiques d'éradication de la pauvreté vers la transformation des relations de pouvoir inégales par la négociation d'un nouveau consensus écosocial féministe, fondé sur les droits humains.
S’agissant de la visite menée par le Groupe de travail au Kirghizistan en avril 2022, Mme Estrada-Tanck a d’abord constaté que si la nomination d'une femme Ministre de la santé était à saluer, la représentation des femmes au Parlement et dans le système judiciaire kirghize n’était pas encore conforme à l'idéal de parité entre les sexes. Au cours de la visite, le Groupe de travail a fait part de ses préoccupations concernant l'environnement hostile aux organisations de la société civile, aux militantes et aux défenseurs des droits humains et le mois dernier, le Groupe s’est dit préoccupé par le licenciement anticipé de la Médiatrice (Ombudsperson), qui semble être un acte de représailles pour son travail dans le domaine des droits humains.
Le Groupe de travail salue cependant les efforts déployés au Kirghizistan pour lutter contre les attitudes patriarcales et les images stéréotypées des femmes et des filles, qui sont évidentes dans les programmes de l'enseignement primaire et secondaire, a dit Mme Estrada-Tanck.
Concernant enfin la visite effectuée par le Groupe de travail aux Maldives en septembre 2022, Mme Estrada-Tanck a indiqué que ce pays faisait preuve d'un leadership exceptionnel en attirant l'attention de la communauté internationale sur les menaces existentielles posées par les changements climatiques, qui créent des risques spécifiques pour les femmes et les filles. Le Groupe de travail demande que ces dernières soient associées à la prise de décision, à la gestion des ressources naturelles et aux programmes de reconstruction et de redressement après une catastrophe.
Le Groupe de travail a par ailleurs observé une montée du fondamentalisme religieux dans l’archipel et des efforts délibérés visant à saper la participation des femmes à la démocratie maldivienne, a poursuivi Mme Estrada-Tanck. Aussi, a-t-elle indiqué, le Groupe recommande-t-il aux Maldives d'exploiter le potentiel des femmes et des filles plutôt que de se laisser influencer par les perceptions et les règles sociétales qui relèguent les femmes à des rôles subalternes.
Pays concernés
Après avoir mentionné l’héritage soviétique et l’utopie qu’il avait portée, y compris en matière d’égalité entre les sexes, la délégation du Kirghizistan a salué le rapport du Groupe de travail, relevant qu’il mentionnait tant les réalisations du pays que les problèmes existants dans la promotion de l'égalité des sexes, l'autonomisation des femmes et leur participation à la vie économique, sociale, politique et publique. La délégation a reconnu qu'il restait des défis à relever pour garantir les droits des femmes et des filles, mais elle a assuré que le Kirghizistan était déterminé à les relever.
Les Maldives ont indiqué qu’en 2022, le Gouvernement maldivien avait lancé le plan d'action national pour l'égalité entre les hommes et les femmes – un cadre décrivant les stratégies qui guideront la réalisation des engagements pris par le Gouvernement en matière d'égalité entre les hommes et les femmes jusqu’en 2026. Le Gouvernement reconnaît par ailleurs la nécessité cruciale de renforcer les cadres législatifs et de les aligner sur les obligations internationales du pays, raison pour laquelle les Maldives ont retiré toutes leurs réserves à l'article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
La délégation maldivienne a ensuite souligné les efforts considérables déployés par le pays pour accroître la représentation des femmes dans les postes de décision et de direction aux niveaux national et local, avant d’attirer l'attention du Conseil sur les vulnérabilités inhérentes des Maldives en tant que petit État insulaire en développement confronté à la crise climatique, aux contraintes en matière de ressources et aux défis associés à sa géographie unique. Ces crises affectent de manière disproportionnée les femmes et les filles de tous horizons, ce que le Groupe de travail reconnaît à juste titre dans son rapport, a fait observer la délégation.
Aperçu du dialogue
Le Groupe de travail a été félicité d'avoir pointé les inégalités structurelles qui perpétuent et aggravent les inégalités entre les sexes et menacent la réalisation des droits des femmes et des filles à jouir pleinement d'un niveau de vie adéquat et d'autres droits économiques, sociaux et culturels. De même, le constat du Groupe de travail selon lequel les femmes et les filles sont représentées de manière disproportionnée parmi les pauvres du monde a été largement partagé pendant le débat, et il a été relevé que des politiques machistes systématiques associées au racisme maintiennent les femmes dans la pauvreté, y compris dans les pays développés.
Nombre de délégations ont aussi rejoint le Groupe de travail pour constater que la persistance des stéréotypes de genre et des normes discriminatoires contribuait au maintien et à l'aggravation des inégalités entre les sexes. Les effets sur les droits des femmes des mesures coercitives unilatérales, des guerres d’agression et de l’oppression de minorités ethniques ont aussi été mentionnés.
Il a été affirmé que les États devaient mettre en œuvre des mesures globales, fondées sur les principes de l'égalité réelle, de la non-discrimination et de la justice socioéconomique et environnementale, pour mieux lutter contre la féminisation de la pauvreté. Plusieurs intervenants ont jugé urgent d’apporter des changements structurels pour que les femmes, les adolescentes et les filles vivent à l'abri de la pauvreté, de même que de s'attaquer aux facteurs systémiques qui entravent la jouissance effective par les femmes de leurs droits humains, notamment en ce qui concerne les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Les États, a-t-il aussi été souligné, ont l'obligation de rendre la santé sexuelle et génésique disponible.
Des délégations ont décrit les mesures prises dans leurs pays pour valoriser le travail de soin non rémunéré assumé par les femmes, rendre plus abordable la santé sexuelle et procréative ou encore, plus généralement, renforcer les cadres juridiques destinés à parvenir à l’égalité entre les sexes dans les domaines social, économique, politique, de l’éducation et de l’emploi. Il a été suggéré à ce propos que les Nations Unies désignent un émissaire pour accélérer les progrès en matière de participation des femmes à la vie politique et aux processus de décisions.
D’aucuns ont déploré la mention, dans le rapport du Groupe de travail, de termes et de concepts dont les définitions ne font pas l’objet de consensus au niveau international et ont critiqué l’interprétation large que donne, selon eux, le Groupe de travail des obligations qui incombent aux États s’agissant du droit à la santé sexuelle et procréative.
Constatant que le rapport montre comment la pauvreté et l'inégalité des femmes découlent des choix de politique économique aux niveaux mondial, régional et national, des orateurs ont prié le Groupe de travail de dire comment le Conseil pourrait, dans ce contexte, soutenir la réalisation de l'égalité des sexes et la pleine autonomisation des femmes et des filles. Des intervenants ont aussi demandé au Groupe de travail de formuler des recommandations pour lutter contre le chômage parmi les femmes pendant des situations de crise et pour rendre les systèmes de protection sociale plus accessibles et plus équitables en matière de genre.
* Liste des intervenants : Mexique (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Estonie (au nom d’un groupe de pays), Türkiye (au nom d’un groupe de pays), ONU Femmes, Burkina Faso, Portugal, Bahreïn, Pérou, Arménie, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Costa Rica, Luxembourg, Japon, Belgique, Slovénie, Israël, Équateur, Paraguay, Espagne, Timor-Leste, Émirats arabes unis, États-Unis, Maurice, Australie, Organisation internationale de droit du développement, Iraq, Colombie, Maroc, Malaisie, Malte, Royaume-Uni, Venezuela, Cameroun, Irlande, Afrique du Sud, Pakistan, Togo, Gabon, Namibie, Kazakhstan, Inde, Grèce, Bangladesh, Malawi, République-Unie de Tanzanie, Chine, Iran, Chili, Sénégal, Mauritanie, Soudan, Albanie, Géorgie, Bénin, Cuba, Fédération de Russie, Roumanie, Algérie, Yémen, Botswana, Bolivie, Thaïlande, Népal, Tunisie, Azerbaïdjan, Arabie saoudite, Ukraine, Panama, Croatie, Ouganda, Ghana, Syrie, Allemagne et Gambie.
Ont aussi pris part au débat les institutions nationales de droits de l’homme du Burundi et du Mexique ainsi les organisations non gouvernementales suivantes : Center for Reproductive Rights, Inc., TheSikh Human Rights Group, Action Canada pour la population et le développement, International Lesbian and Gay Association, CHOICE for Youth and Sexuality, FIAN International e.V., Society for Threatened Peoples, Asian-Pacific Resource and Research Centre for Women, Asociacion HazteOir.org et Organization for Defending Victims of Violence.
Réponses et remarques de conclusion de la Présidente du Groupe de travail
Pour mieux défendre l’égalité entre les sexes, MME ESTRADA-TANCK a conseillé aux États de ratifier les principaux traités relatifs aux droits de l'homme, en particulier la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ce qui permettra aux femmes d'accéder plus facilement au marché du travail, à la protection sociale, aux soins de santé sexuelle et procréative et à la contraception, entre autres.
D’autre part, a-t-elle ajouté, s’il est important de tenir pleinement compte des opinions les femmes et des filles, il faut aussi travailler avec les hommes et les chefs religieux et communautaires pour modifier les stéréotypes sexistes. Les États peuvent aussi prendre des mesures pro-féministes très concrètes, comme supprimer les taxes sur les produits d’hygiène féminine ou encore encourager la participation des hommes dans la vie privée et domestique, a-t-elle indiqué.
Le rapport fait le lien entre l’inégalité de genre et les inégalités sociales et économiques, et pointe les conséquences de la non-prise en compte des besoins de femmes et de filles dans la lutte contre la pauvreté, a rappelé la Présidente du Groupe de travail. La nouveauté de l’approche du rapport réside dans la prise en compte des effets, pour les droits humains des femmes, des politiques macro-économiques des institutions financières internationales. La démarche doit aussi porter sur la manière de briser les obstacles structurels qui s’opposent à la réalisation des droits des femmes en faisant fond sur les droits humains, a dit Mme Estrada-Tanck.
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