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Examen de l’Argentine : la situation des peuples autochtones et des Afrodescendants est au cœur des préoccupations des experts du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l’Argentine au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Un expert membre du Comité a d’emblée relayé des inquiétudes exprimées par des organisations de la société civile face à une discrimination structurelle persistante et face au racisme dont seraient victimes les peuples autochtones, les Afrodescendants et les migrants en Argentine, alors que dans une étude réalisée en 2019, 89% des personnes appartenant à un peuple autochtone et 83% des personnes d’ascendance africaine indiquaient avoir vécu une expérience de discrimination.

Le Comité est aussi informé de la persistance du profilage racial par la police à l'encontre des personnes d'ascendance africaine, des peuples autochtones, des migrants et d'autres minorités, a-t-il été souligné.

D’autres allégations ont été reçues concernant des violations du droit des peuples autochtones à la consultation et au consentement préalables, en particulier dans le cadre d'activités extractives, a-t-il également été indiqué. Des expulsions violentes de peuples autochtones auraient été commises par la police et d'autres forces de sécurité depuis 2017, et ce malgré la loi imposant la suspension des expulsions, a souligné un membre du Comité. Il a aussi été regretté qu’en mars dernier, la Chambre des députés de la province de Mendoza ait adopté un projet de loi stipulant que les Mapuches ne devraient pas être considérés comme un peuple autochtone en Argentine.

Il a été recommandé que l’Argentine prenne des initiatives pour rendre plus visibles les contributions des personnes d’ascendance africaine à la société argentine.

Les discours et insultes racistes lors de matches de football, en particulier à l’encontre de joueurs ou de supporteurs rivaux d’ascendance africaine, ont en outre été jugés préoccupants.

D’une manière générale, a estimé un expert, l’État argentin devrait faire davantage pour que les autorités provinciales appliquent systématiquement les initiatives prises au niveau fédéral en faveur des minorités, et envisager de moderniser la loi relative à la criminalisation des actes discriminatoires, qui remonte aux années 1980, afin de pouvoir apporter des réponses aux problèmes que rencontrent aujourd’hui les minorités.

Présentant le rapport de son pays, Mme Greta Marisa Pena, Directrice de l'Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), a indiqué qu’en Argentine, les actions de lutte contre le racisme impliquaient non seulement de rendre visibles les personnes et les voix des communautés qui ont été structurellement privées de leur présence en tant que minorités afro-descendante, afro-argentine ou autochtone dans la construction de l'identité nationale, mais aussi de reconnaître la présence et l'existence d'un racisme structurel et systémique qui se manifeste dans diverses sphères de la société.

Mme Pena a ensuite fait part de l’action menée en vue d’adapter la réglementation argentine, précisant notamment que le Congrès de la nation travaille ainsi à la ratification de la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d'intolérance. En outre, le pouvoir exécutif a présenté plusieurs projets visant à modifier la loi relative à la criminalisation des actes discriminatoires, ainsi que des projets de loi spécifiques visant à reconnaître l'orientation sexuelle et l'identité de genre comme motifs de discrimination, afin de disposer de nouveaux outils pour lutter contre les discours de haine.

D’autre part, a poursuivi Mme Pena, le « Plan national afro » (2021-2024) contient une feuille de route pour l'inclusion et l'amélioration des conditions de vie des populations afro-argentines, afro-descendantes et africaines. En ce qui concerne les peuples autochtones, l'Institut national des affaires autochtones (INAI) a adopté une nouvelle approche depuis le début de l'administration gouvernementale actuelle, qui implique le renforcement de la défense juridique des peuples autochtones et l’intervention active de l’INAI dans la résolution pacifique des conflits territoriaux qui surviennent entre les communautés et d'autres acteurs.

Enfin, a fait savoir Mme Pena, la Direction nationale des migrations applique de nouveaux programmes de régularisation pour des personnes de nationalité sénégalaise et pour des personnes en provenance des pays membres de la Communauté des Caraïbes, de la République dominicaine et de Cuba. Un régime spécial de régularisation a aussi été approuvé pour les enfants et adolescents migrants vénézuéliens.

La délégation argentine était également composée, entre autres, de M. Federico Villegas, Représentant permanent de l’Argentine auprès des Nations Unies à Genève ; de plusieurs représentants de l’Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme ; de l’Institut national des affaires autochtones ; du Secrétariat aux droits humains de la Nation ; ainsi que du Ministère des relations extérieures, du commerce international et du culte de l’Argentine.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Argentine et les publiera à l’issue de sa session, le 28 avril.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Portugal.

 

Examen du rapport de l’Argentine

Le Comité est saisi du rapport valant vingt-quatrième à vingt-sixième rapports périodiques de l’Argentine (CERD/C/ARG/24-26).

Présentation du rapport

M. FEDERICO VILLEGAS, Représentant permanent de l’Argentine auprès des Nations Unies à Genève, a présenté les membres de la délégation de son pays.

Présentant le rapport, MME GRETA MARISA PENA, Directrice de l'Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) de l’Argentine et cheffe de la délégation, a indiqué qu’en Argentine, les actions de lutte contre le racisme impliquaient non seulement de rendre visibles les personnes et les voix des communautés qui ont été structurellement privées de leur présence en tant que minorités afro-descendante, afro-argentine ou autochtone dans la construction de l'identité nationale, mais aussi de reconnaître la présence et l'existence d'un racisme structurel et systémique qui se manifeste dans diverses sphères de la société. Le Gouvernement argentin travaille en coordination avec les États provinciaux et municipaux, la société civile, le monde universitaire et le secteur privé à la recherche d'actions concrètes pour protéger les droits humains des groupes traditionnellement touchés par les inégalités sociales et le racisme structurel, a-t-elle ajouté.

Mme Pena a ensuite fait savoir que le onzième recensement national [de la population] de 2022 avait introduit de nouveaux processus destinés à refléter les caractéristiques de la société argentine et les changements qui s'y sont produits. Ainsi, de nouvelles catégories ont été introduites pour tenir compte – entre autres – de l'auto-identification ethnique et raciale des personnes appartenant aux peuples autochtones et afro-descendantes, conformément aux observations faites par le Comité à l'État argentin en 2017.

Une action est aussi menée en vue d’adapter la réglementation argentine, a poursuivi Mme Pena. Le Congrès de la nation travaille ainsi à la ratification de la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d'intolérance. En outre, le pouvoir exécutif a présenté plusieurs projets visant à modifier la loi relative à la criminalisation des actes discriminatoires, ainsi que des projets de loi spécifiques visant à reconnaître l'orientation sexuelle et l'identité de genre comme motifs de discrimination, afin de disposer de nouveaux outils pour lutter contre les discours de haine.

D’autre part, le « Plan national afro » (2021-2024), élaboré dans le cadre de la Décennie internationale pour les personnes d'ascendance africaine, contient une feuille de route pour l'inclusion et l'amélioration des conditions de vie des populations afro-argentines, afro-descendantes et africaines. De même, en 2022, le « programme national pour les Afrodescendants et les droits de l'homme » a été lancé par le Ministère de la justice et des droits de l'homme, afin notamment de faciliter l'accès aux droits et aux politiques publiques par les populations afro-argentines, afro-descendantes et africaines.

En ce qui concerne les peuples autochtones, l'Institut national des affaires autochtones (INAI) a adopté une nouvelle approche depuis le début de l'administration gouvernementale actuelle, qui implique le renforcement de la défense juridique des peuples autochtones et l’intervention active de l’INAI dans la résolution pacifique des conflits territoriaux qui surviennent entre les communautés et d'autres acteurs. Entre autres mesures, a fait savoir Mme Pena, l'exécution de sentences et actes administratifs visant l'expulsion ou la libération de terres traditionnellement occupées par les communautés autochtones du pays a été suspendue jusqu’en 2025.

Par ailleurs, l'INAI et le Ministère de la femme, du genre et de la diversité organisent depuis 2021 des ateliers de déconstruction des stéréotypes de genre ainsi que de détection des signes précoces de violence sexiste à l'encontre des femmes et des personnes autochtones LGBTI+.

Mme Pena a ensuite souligné que son pays était le seul en Amérique latine à participer à l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA). Dans ce cadre, la « Carte de la mémoire de l'Holocauste en Argentine » a été présentée en janvier 2023 : il s’agit d’un outil de géolocalisation et d’obtention d’informations concernant les archives et les lieux de mémoire dédiés à l'Holocauste. Le Gouvernement travaille, de plus, avec les représentants des Roms en Argentine pour rendre hommage aux victimes du génocide de cette population.

Enfin, a fait savoir Mme Pena, la Direction nationale des migrations applique de nouveaux programmes de régularisation pour des personnes de nationalité sénégalaise et pour des personnes en provenance des pays membres de la Communauté des Caraïbes, de la République dominicaine et de Cuba. Un régime spécial de régularisation a aussi été approuvé pour les enfants et adolescents migrants vénézuéliens. Le droit de demander l'asile en Argentine est garanti par la loi générale sur la reconnaissance et la protection des réfugiés, et par les instruments internationaux applicables en la matière. Les requérants dont la demande a été rejetée peuvent faire appel des décisions les concernant, ce qui garantit une approche fondée sur les droits, a souligné Mme Pena.

Questions et observations des membres du Comité

M. EDUARDO ERNESTO VEGA LUNA, rapporteur du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport de l’Argentine, a d’abord salué le fait que le dernier recensement national contenait des questions sur l'auto-identification des Afrodescendants et des autochtones. Cependant, a relevé l’expert, les résultats définitifs de ce recensement ne sont pas encore disponibles, ce qui rend difficile – étant donné que les dernières informations officielles datent de 2010 – d'analyser la composition démographique de la population, l’effet des politiques publiques et la situation socioéconomique des peuples autochtones, des personnes d'ascendance africaine, des Roms, des migrants, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des apatrides, notamment.

M. Vega Luna a ensuite demandé si les dispositions de la Convention étaient directement applicables dans le système juridique argentin et si la Loi relative à la criminalisation des actes discriminatoires (loi n°23.592) reprenait la définition de la discrimination donnée par la Convention, en particulier les motifs de discrimination interdits, à savoir la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, ainsi que la discrimination directe et indirecte. Il a fait remarquer que la Loi n°23.592 remontait aux années 1980 et a voulu savoir si l’État argentin entendait adopter une nouvelle législation complète contre la discrimination, y compris la discrimination raciale.

M. Vega Luna a ensuite fait état d’une augmentation des discours discriminatoires et stigmatisants en Argentine, touchant principalement les femmes, les personnes LGBTIQ, les peuples autochtones, les migrants et les Afrodescendants, entre autres. Il a demandé quelles mesures concrètes l'État avait prises pour prévenir et sanctionner les discours de haine raciale et l'incitation à la discrimination raciale, en particulier dans les médias, sur Internet et sur les plates-formes sociales, et pour simplifier la dénonciation de tels discours.

En février dernier, cinq des responsables du meurtre de Fernando Báez Sosa ont été reconnus coupables d’homicide aggravé avec préméditation, mais sans que la circonstance aggravante de racisme n’ait été retenue, a regretté M. Vega Luna.

M. Vega Luna a par ailleurs relevé avec préoccupation que la nomination du Défenseur du peuple se faisait attendre depuis treize ans et que la présence de l'Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) était lacunaire dans les provinces. Il a prié la délégation de donner des informations sur la composition ethnique du personnel de l'INADI. M. Vega Luna a en outre fait remarquer que l'Institut national des affaires autochtones (INAI) n’avait jamais été dirigé par un membre des peuples autochtones.

M. Vega Luna a par la suite estimé que l’État argentin avait devant lui une grande tâche à accomplir en matière de « visibilisation » des minorités ainsi que de formation et d’éducation de la société argentine, y compris pour les fonctionnaires de l’État, les juges et les policiers. Il faudrait aussi en faire davantage pour que les autorités provinciales appliquent systématiquement les initiatives prises au niveau fédéral en faveur des minorités, a-t-il ajouté. Le Gouvernement devrait enfin envisager de moderniser la loi contre la discrimination, afin de pouvoir apporter des réponses aux problèmes que rencontrent aujourd’hui les minorités, a recommandé l’expert.

M. Vega Luna a par ailleurs fait état d’inquiétudes exprimées par des organisations de la société civile face à une discrimination structurelle persistante et face au racisme structurel dont sont victimes les peuples autochtones, les Afrodescendants et les migrants en Argentine. D’autre part, a-t-il souligné, la participation et la représentation des personnes d'ascendance africaine, des membres des peuples autochtones, des Roms et d'autres minorités à tous les niveaux de gouvernement, aux postes de décision dans les secteurs public et privé, ainsi que dans les médias, sont encore insuffisantes en raison d'années d'exclusion [de ces personnes] de la société, a regretté M. Vega Luna.

En mars dernier, la Chambre des députés de la province de Mendoza a adopté un projet de loi stipulant que « les Mapuches ne doivent pas être considérés comme des peuples natifs argentins », a par ailleurs relevé M. Vega Luna. Le Comité a également reçu des allégations concernant la détention par les forces de sécurité de sept femmes et six enfants de la communauté mapuche Lafken Winkul Mapu, à Villa Mascardi, dans le cadre d’une expulsion : les femmes ont été détenues au secret, sans connaître la raison de leur détention pendant au moins 72 heures, et quatre d'entre elles seraient toujours en détention. De plus, Le Comité a reçu des allégations d'activités illégales de renseignement contre des membres du peuple Mapuche en Patagonie, a ajouté l’expert.

Le Comité a reçu d’autres allégations de violations du droit des peuples autochtones à la consultation et au consentement préalables, en particulier dans le cadre d'activités extractives, d'infrastructures et autres, a fait savoir M. Vega Luna. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles il y a eu peu de progrès dans la cartographie des terres des peuples autochtones, a-t-il poursuivi. Le Comité a également reçu plusieurs allégations d'expulsions violentes de peuples autochtones par la police et d'autres forces de sécurité depuis 2017, et ce malgré la loi imposant la suspension des expulsions.

M. Vega Luna a par ailleurs voulu savoir si le Plan argentin contre la faim bénéficiait aussi aux peuples autochtones, aux personnes d'ascendance africaine et aux migrants en situation irrégulière. Il s’est ensuite enquis de ce qui était fait pour que les enfants appartenant aux peuples autochtones et à d’autres minorités aient accès à l’éducation. Les personnes d'ascendance africaine et les populations autochtones sont confinées dans l'emploi informel, ce qui les rend vulnérables à l'exploitation, a aussi fait remarquer l’expert.

M. BAKARI SIDIKI DIABY, lui aussi membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport de l’Argentine, a fait remarquer que les programmes scolaires argentins ne proposent pas d’enseignements sur la contribution des personnes d'ascendance africaine à l'histoire nationale. Selon certaines informations, a ajouté l’expert, la société argentine se fait « une représentation folklorique et stéréotypée » des Afro-argentins, des personnes d'ascendance africaine et des personnes africaines. D’autres informations font état de discours et insultes racistes lors de matches de football, en particulier à l’encontre de joueurs ou de supporteurs rivaux d’ascendance africaine. M. Diaby a demandé quelles mesures concrètes étaient prises pour sanctionner ces faits et pour empêcher l'utilisation d'images ou d'un langage racistes dans les médias.

M. Diaby a ensuite relevé que, dans une étude menée par l’INADI en 2019, « 89% des personnes appartenant à un peuple autochtone et 83% des personnes d’ascendance africaine ont manifesté avoir vécu une expérience de discrimination, tandis que 64% des personnes appartenant à un peuple autochtone et 57% des personnes d’ascendance africaine ont souffert une discrimination ».

À ce propos, a dit l’expert, il est préoccupant que le nombre de plaintes pour actes de discrimination raciale formalisées devant l’Institut national contre la discrimination (INADI) ne soit pas connu. M. Diaby a demandé où en était la réforme de la loi contre la discrimination, afin de renverser la charge de la preuve en faveur des victimes de discrimination.

Le Comité est aussi informé de la persistance du profilage racial par la police à l'encontre des personnes d'ascendance africaine, des peuples autochtones, des migrants et d'autres minorités, qui implique à de nombreuses reprises des violences policières et peut même entraîner la mort de la victime, a poursuivi M. Diaby. Il a demandé si l’État allait créer, d’une part un mécanisme d'enregistrement des plaintes des personnes alléguant avoir été détenues arbitrairement sur la base du profilage racial et, d’autre part, un système d'enregistrement et de statistiques sur la population d'ascendance africaine.

M. Diaby a par la suite indiqué que, selon certaines informations, les immigrants d'origine haïtienne se heurteraient à des difficultés matérielles pour obtenir leur régularisation. Le Comité a aussi reçu des allégations selon lesquelles les tribunaux font des interprétations très restrictives de la loi sur l'immigration : en 2021 et 2022, la Cour suprême de justice de la nation a confirmé plus de 110 expulsions décidées par l'autorité des migrations sous le seul argument d'entrée irrégulière sur le territoire argentin, a regretté M. Diaby.

D’autre part, a poursuivi l’expert, les vendeurs ambulants ( manteros) venant du Sénégal ou d’Haïti seraient victimes de fouilles violentes et injustifiées, d’intimidations et d’épisodes répétés de violence physique et verbale. Les arrestations dans la ville de Buenos Aires seraient nettement plus violentes lorsqu'elles concernent la population sénégalaise : ainsi, en 2019, 85% des affaires pénales impliquant des ressortissants sénégalais présentaient des signes de violence policière, contre 31% pour d'autres ressortissants étrangers.

M. Diaby a constaté d’autres lacunes dans l'intégration des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés, et dans leur accès aux mécanismes de protection sociale. Le Comité est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles le droit d'asile aux frontières ne serait pas toujours pleinement respecté, et par des retards importants dans le traitement des demandes d’asile, a indiqué M. Diaby.

M. GUN KUT, rapporteur chargé du suivi des recommandations du Comité, a constaté avec satisfaction que le rapport de suivi de l’Argentine concernant les observations finales du Comité en 2017 avait été reçu à temps. Ledit rapport traite des questions jugées prioritaires par le Comité, à savoir la nomination du Défenseur du peuple ; la protection des communautés autochtones contre les expulsions forcées et la sécurité des personnes autochtones victimes d’actes de violence ; et la situation des défenseurs des droits de l’homme, a-t-il relevé.

Dans un contexte où l’Argentine semble se considérer comme un « pays blanc », la question se pose de savoir si la Constitution reconnaît que le pays est pluriculturel et pluriethnique, a pour sa part souligné une experte du Comité

Plusieurs experts ont recommandé que le Gouvernement en fasse davantage pour limiter les discours de haine et les discours discriminatoires en ligne. Les États, a-t-il été rappelé, sont autorisés par le droit international à vérifier les contenus en ligne, à en demander le cas échéant la suppression et à engager des poursuites.

Il a par ailleurs été recommandé que l’Argentine prenne des initiatives pour interdire toute manifestation de racisme parmi les magistrats et pour rendre plus visibles les contributions des personnes d’ascendance africaine à la société argentine.

Une experte a demandé si l’Argentine adopterait une stratégie innovante pour faire face à la discrimination à l’égard des peuples autochtones, qui augmente de jour en jour.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord indiqué que l’Argentine appliquait, s’agissant des Afro-argentins et des peuples autochtones, une approche différente de celle des autres pays voisins en Amérique latine. Alors même que les peuples autochtones ont été victimes en Argentine d’un véritable génocide, il y a plus de 200 ans, le métissage est réel mais caché dans ce pays, dont nombre d’habitants ne connaissent pas la part autochtone ou africaine qui est en eux, a déclaré la délégation. C’est pourquoi le Gouvernement met l’accent, en particulier dans le recensement, sur l’auto-identification des autochtones et des Afro-argentins, et sur la sensibilisation – par le biais de sa campagne « Je m’identifie » – à la diversité des origines de la population actuelle du pays. Le 8 novembre a été décrété Journée nationale des Afro-argentins, a rappelé la délégation.

Les dispositions de la Convention sont directement invocables dans les procédures judiciaires argentines, a ensuite fait valoir la délégation.

Les juges n’appliquent pas toujours la circonstance aggravante de racisme car il est parfois difficile de la prouver, a d’autre part expliqué la délégation.

L’affaire Fernando Báez Sosa mentionnée par un expert a ému toute la société : au-delà de la peine prononcée, certaines choses ont été dites publiquement qui ont encouragé les autorités à mettre en avant le problème du racisme structurel dans leurs activités de sensibilisation de la population, a indiqué la délégation.

La Loi relative à la criminalisation des actes discriminatoires sanctionne déjà les actes fondés sur la haine raciale et ethnique et sur la couleur de la peau, a-t-il ensuite été précisé. Dans le cadre de la procédure de révision de ce texte de loi, le Gouvernement argentin a intégré des groupes qui n’étaient pas jusqu’ici considérés comme exposés à la discrimination ; la question du renversement de la charge de la preuve est aussi traitée ; et la définition de la discrimination est complétée pour tenir compte de ses formes directe et indirecte. Le projet [de révision de la Loi relative à la criminalisation des actes discriminatoires] est actuellement devant le Sénat, a précisé la délégation.

Le Gouvernement argentin entend œuvrer pour prévenir les discours racistes et discriminatoires sur Internet, ainsi que le négationnisme de l’Holocauste et de l’identité des peuples originels, tout en tenant compte de la liberté d’expression, a d’autre part souligné la délégation, estimant que le Comité et le Conseil des droits de l’homme jouaient un rôle utile dans le traitement de ce problème.

Le plan national contre la discrimination de 2005 est régulièrement mis à jour et renforcé, a par ailleurs indiqué la délégation.

La nomination du Défenseur du peuple dépend d’un consensus politique qu’il n’a pas encore été possible de recueillir au Parlement, a ensuite expliqué la délégation, avant de souligner que l’institution en elle-même est néanmoins très active.

La délégation a d’autre part précisé que l' Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), qui est très vigilant et bien connu en Argentine, recevait chaque année environ 2500 plaintes pour des faits de racisme ou de discrimination raciale. L’Institut a pour objectif de donner suite rapidement aux plaintes dont elle est saisie et d’apporter, dans le cadre de son mandat, des réparations aux victimes. Elle peut aussi assister des victimes dans leurs démarches en justice.

L’INADI a par ailleurs lancé une vaste campagne nationale de lutte contre le racisme dans le monde du sport, en particulier en ce qui concerne le football : les arbitres peuvent interrompre un match si des messages racistes sont diffusés, a précisé la délégation.

L'Institut national des affaires autochtones (INAI) accorde une assistance juridique aux communautés autochtones qui éprouvent souvent des difficultés à faite valoir leurs droits devant la justice, pour des affaires liées en grande majorité à leurs droits fonciers, a en outre indiqué la délégation, avant de décrire le processus en cours de démarcation des terres des communautés autochtones.

Tous les programmes créés par l’INAI pour défendre les droits des minorités sont dirigés par des représentants des communautés concernées, a par ailleurs fait savoir la délégation, soulignant que le Vice-Président de l’Institut lui-même est autochtone.

La délégation a déploré que le Gouvernement argentin précédent ait mené une offensive contre les droits des peuples autochtones, contre les droits des femmes et contre celles et ceux qui défendent les droits des « peuples premiers en Argentine », ce dont témoigne par exemple le déni par une autorité provinciale de l’appartenance des Mapuches à la nation argentine. Tout cela a alimenté un climat de violence politique et sociale face auquel les autorités s’efforcent de contrer les discours de haine et les fausses nouvelles, tout en mettant en valeur la diversité de la nation, a expliqué la délégation. Le Gouvernement fédéral a exprimé publiquement sa préoccupation devant la décision du Congrès de Mendoza de ne pas reconnaître le peuple mapuche comme un peuple autochtone en Argentine, a ensuite souligné la délégation.

L’application de la loi fédérale qui suspend les expulsions de communautés autochtones rencontre parfois des difficultés dans son application au niveau des provinces, l’Argentine étant un État fédéral, a d’autre part indiqué la délégation.

Le programme de recensement national a aussi pour objectif de cartographier l’occupation du territoire par les communautés afin de permettre à l’INAI de procéder ensuite aux délimitations de terres ; la titularisation de ces territoires est une étape distincte, a par ailleurs précisé la délégation. L’État sait qu’il doit, par des mesures concrètes et progressives plus que par l’adoption de lois, reconstruire la confiance avec les communautés autochtones qui estiment que leurs droits fonciers ne sont pas respectés, a-t-elle ajouté. Les terres autochtones qui font l’objet de conflits sont aussi celles qui contiennent le plus de ressources précieuses, notamment le lithium, a-t-elle fait remarquer.

L’INAI a été créée peu après le retour de la démocratie en 1985 aux termes d’une loi qui a été élaborée en tenant compte des revendications de la société civile, a en outre rappelé la délégation.

La délégation a fait état de plusieurs initiatives du Ministère des affaires sociales en faveur de l’alimentation des familles autochtones ; du programme national de santé en faveur des autochtones ; ou encore de l’adoption de directives nationales concernant la lutte contre la discrimination envers les peuples autochtones dans les médias. Les enfants autochtones, de même que les enfants d’ascendance africaine, bénéficient de bourses d’étude spéciales, a ajouté la délégation.

Le Gouvernement lutte résolument contre le problème de la violence institutionnelle contre les peuples autochtones et leurs représentants, a aussi indiqué la délégation. Il privilégie ce faisant la médiation active et le règlement pacifique des conflits, a-t-elle précisé, avant de faire savoir qu’un projet de loi contre la violence institutionnelle est à l’étude.

La délégation a ensuite présenté les mesures de soutien qui ont été prises pendant la pandémie de COVID-19 à l’intention des catégories vulnérables de la population, y compris les peuples autochtones.

La nouvelle loi sur la politique migratoire consacre une approche des migrations centrée sur les droits de l’homme et s’accompagne d’une politique active de régularisation, a déclaré la délégation, précisant qu’un pourcentage élevé des demandes est résolu dans un délai de trente jours.

Le Gouvernement déploie en outre plusieurs programmes spécifiques pour favoriser la reconnaissance des contributions des Afrodescendants à la société argentine, a indiqué la délégation, avant de faire état d’autres démarches, y compris des mesures d’action affirmative, en faveur de l’intégration des Afro-argentins dans l’enseignement et, plus généralement, de la prise en compte de la « variable ethnico-raciale » par les ministères chargés de l’action sociale.

 

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