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Le Conseil des droits de l’homme se penche sur le droit au développement, sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales et sur les formes contemporaines d’esclavage
Le Conseil des droits de l’homme a tenu ce matin son débat biennal sur le droit au développement avant de clore son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales, Mme Alena F. Douhan, et d’engager son dialogue avec le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, M. Tomoya Obokota.
Dans le contexte du trente-cinquième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement de 1986, le débat biennal sur le droit au développement portait cette année sur le thème « 35 ans après : moyens politiques pour rendre effectif le droit au développement ».
Introduisant ce débat, Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire aux droits de l’homme par intérim, a notamment rappelé qu’en 1986 déjà, la Déclaration sur le droit au développement définissait ce droit comme un processus économique, social, culturel et politique global, visant à l'amélioration constante du bien-être de tous les individus, et appelait également à la création d'un environnement favorable par le biais de relations internationales équitables.
Dans une déclaration liminaire, le Secrétaire général de l'Union interparlementaire, M. Martin Chungong, a, pour sa part, rappelé que la Déclaration de 1986 affirmait que la personne humaine étant au cœur de toute activité – non seulement économique mais aussi sociale, politique et culturelle – tout processus de développement sérieux devrait donc être fondé sur la participation active des personnes. M. Saad Alfarargi, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a pour sa part dit attendre du présent débat qu’il identifie les défis que les pays doivent encore relever pour intégrer le droit au développement dans leurs plans et politiques.
La discussion a compté avec les contributions des panélistes ci-après : Mme Sakiko Fukuda-Parr, Vice-Présidente du Comité des politiques de développement des Nations Unies et professeure de relations internationales à la New School ; M. Mihir Kanade, Président du Mécanisme d'experts sur le droit au développement ; Mme Attiya Waris, Experte indépendante chargée d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme ; et M. Ordukhan Gahramanzade, Président désigné de l'Organisation de la jeunesse du Mouvement des pays non alignés.
De nombreuses délégations* ont pris part à ce débat. Il a notamment été recommandé de réorienter le financement du développement vers des processus de transformation et des réformes axés sur les personnes et fondés sur les droits de l'homme. L'aide publique au développement devrait être guidée par les principes de participation et d'appropriation locale, en évitant toute conditionnalité cachée, tandis que le système économique et financier mondial devrait faire l'objet de réformes radicales afin de le rendre plus juste et équitable, a-t-il en outre été affirmé.
Plusieurs organisations non gouvernementales** ont ensuite achevé le débat entamé hier avec la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme.
Enfin, le Conseil a entendu ce matin la présentation du rapport de M. Tomoya Obokata, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, avec lequel il a engagé un dialogue en entendant les déclarations de plusieurs délégations***. Le rapport de M. Tomoya est consacré à l’esclavage touchant les personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et linguistiques. Le Rapporteur spécial a indiqué avoir constaté que les minorités continuaient d’être soumises à des formes contemporaines d’esclavage, partout dans le monde, une situation due à une discrimination profondément enracinée résultant d’héritages historiques tels que l’esclavage, la colonisation et la discrimination formalisée et parrainée par l’État. Des « mesures temporaires spéciales » conçues pour améliorer l’accès à l’éducation, au travail décent et aux services publics parmi les minorités, y compris les travailleurs migrants, pourraient être mises en oeuvre dans toutes les régions du monde, a notamment suggéré le Rapporteur spécial.
M. Obokata a ensuite rendu compte des résultats de sa visite à Sri Lanka, après quoi Sri Lanka a fait une déclaration à titre de pays concerné. Plusieurs délégations*** ont ensuite engagé le dialogue avec le Rapporteur spécial.
Le Conseil poursuivra cet après-midi, à 15 heures, son dialogue avec M. Obokata.
Réunion-débat biennale sur le droit au développement
Dans le contexte du trente-cinquième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement de 1986, le Conseil tient cette réunion-débat sur le thème « 35 ans après : moyens politiques pour rendre effectif le droit au développement ».
Déclarations liminaires
La réunion-débat a été ouverte par M. FEDERICO VILLEGAS, Président du Conseil des droits de l’homme.
MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire aux droits de l’homme par intérim, a d’abord souligné que la discussion de ce jour était une bonne occasion de réfléchir à la centralité des droits de l'homme pour le développement dans un contexte international marqué par de nombreux problèmes – la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine, l’inflation et la remontée de la pauvreté, en particulier, dont les répercussions mondiales ne sont pas ressenties de la même manière partout et par tout le monde, les femmes et les filles subissant ces effets de manière disproportionnée. Ces crises entraînent des effets dérivés sur l'alimentation et la nutrition, la santé et l'éducation, l'environnement, la paix et la sécurité, ce qui compromet la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et met en péril le redressement durable après la pandémie, a mis en garde Mme Al-Nashif.
En 1986 déjà, la Déclaration des Nations Unies définissait le droit au développement comme un processus économique, social, culturel et politique global, visant à l'amélioration constante du bien-être de tous les individus. Cette conception va au-delà du PIB comme mesure du développement : elle exige des approches intégrées de la paix et du désarmement, des droits de l'homme et du développement. Fondée sur le principe de la coopération, la Déclaration appelait également à la création d'un environnement favorable par le biais de relations internationales équitables.
Mme Al-Nashif a ensuite évoqué plusieurs initiatives du Haut-Commissariat pour intégrer le droit au développement aux niveaux national, régional et international, notamment par le biais de la commande d’études et la réalisation de documents d'orientation consacrés à la réalisation du droit au développement en relation avec les accords d'investissement et l'industrialisation, les flux financiers illicites, les énergies renouvelables et les technologies respectueuses de l'environnement.
Enfin, la Haute-Commissaire par intérim a rappelé que dans son Appel à l'action pour les droits de l'homme et dans son rapport sur Notre programme commun, le Secrétaire général des Nations Unies avait plaidé pour un contrat social renouvelé, fondé sur l'égalité des droits et des chances pour tous.
M. MARTIN CHUNGONG, Secrétaire général de l'Union interparlementaire (UIP), a rappelé que la Déclaration de 1986 sur le droit au développement affirmait que la personne humaine – individuellement et surtout collectivement – était au cœur de toute activité non seulement économique mais aussi sociale, politique et culturelle. Tout processus de développement sérieux devrait donc être fondé sur la participation active des personnes, a insisté M. Chungong. Grâce à leurs prérogatives constitutionnelles, les parlements peuvent contribuer de manière substantielle à la réalisation du droit au développement, a-t-il poursuivi: ils peuvent le faire en particulier en s'appuyant sur les droits de l'homme pour soutenir la réalisation des Objectifs de développement durable à l'horizon 2030 dont l’objectif est de « ne laisser personne de côté ».
Pour faire du droit au développement une réalité, tant au Nord qu'au Sud, a plaidé M. Chungong, le meilleur moyen consiste à redoubler d'efforts pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux, culturels qui concernent le développement durable. Pour réussir, il faut d’une part veiller à ce que tous les efforts de développement soient conformes aux principes des droits de l'homme ; et, d’autre part, profiter des innombrables synergies qui existent entre les droits de l'homme et les objectifs de développement durable.
Le Secrétaire général de l’UIP a donné plusieurs exemples du rôle crucial que les parlements peuvent jouer à cet égard, citant l’exemple du Rwanda où le réexamen par le Parlement, avec le soutien de l'UIP, de la législation en vigueur sur les droits sexuels et génésiques afin d’améliorer l'accès des adolescents aux services de santé a permis de rompre le cycle des abandons scolaires.
M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a déclaré que, face à la crise climatique mondiale, au nombre croissant de catastrophes naturelles et aux nouvelles pandémies mondiales, qui ont toutes le potentiel de défaire des décennies de développement, il était plus important que jamais d'examiner de près la manière dont nous abordons la reprise économique et les efforts de développement, afin de proposer une réponse qui tienne les promesses de « reconstruire en mieux » et de « ne laisser personne de côté ».
Le Rapporteur spécial a dit vouloir entendre, pendant ce débat, quelles sont, en particulier du point de vue des pays du Sud, les réalisations les plus importantes liées à la mise en œuvre du droit au développement au cours des dernières années, et quels défis les pays doivent encore relever pour intégrer le droit au développement dans leurs plans et politiques afin de faire de la mise en œuvre de ce droit une réalité.
Exposés des panélistes
MME SAKIKO FUKUDA-PARR, Vice-Présidente du Comité des politiques de développement des Nations Unies et professeure de relations internationales à The New School, a évoqué les inégalités induites et aggravées par la pandémie de COVID-19, de même que les problèmes structurels sous-jacents que la pandémie a mis au jour, en particulier l'inégalité dans l'accès aux soins.
Mme Fukuda-Parr a relevé, à la suite de Mme Al-Nashif, que les conséquences socioéconomiques de la pandémie avaient été inégales. En particulier, les disparités entre les sexes ont été aggravées par le fait que les femmes ont perdu leur travail ou ont quitté leur emploi dans une plus grande mesure que les hommes.
Mais la pandémie a aussi inversé des décennies de progrès dans la lutte contre la pandémie et a jeté quelque 100 millions de personnes supplémentaires dans l'extrême pauvreté, alors même que les très riches sont devenus encore plus riches. Les 252 hommes les plus riches possèdent plus de richesses qu'un milliard de femmes et de filles en Afrique et en Amérique latine réunies, a précisé Mme Fukuda-Parr citant un rapport d’Oxfam.
Le problème fondamental est l’inégalité, a-t-elle souligné. Les problèmes d’accès aux vaccins illustrent la manière dont la pandémie a creusé les inégalités, a-t-elle ajouté.
Tous ces exemples mettent en lumière l'importance de la mise en œuvre du droit au développement à ce moment déterminant pour le développement durable, a affirmé Mme Fukuda-Parr. Le droit au développement est important dans le cadre international des droits de l'homme car il énonce l'obligation de coopérer au niveau international et de prendre des mesures collectives pour résoudre des problèmes qui ne peuvent être résolus par les pays isolément, a-t-elle conclu.
M. MIHIR KANADE, Président du Mécanisme d'experts sur le droit au développement, Chef du département de droit international et Directeur du Centre des droits de l’homme de l’Université pour la paix, a regretté que la concrétisation du droit au développement soit compromise par cinq « mythes normatifs » ; en particulier, le mythe selon lequel les obligations relatives à la réalisation du droit au développement ne devraient être remplies que par les États au niveau interne et qu'il n'existerait pas d'obligations extraterritoriales ou collectives pour les États – ou, à l’inverse, que les obligations seraient uniquement extraterritoriales ou collectives, mais pas internes. Ces arguments faux sont grandement responsables de la non-opérationnalisation du droit au développement, a déclaré M. Kanade.
En réalité, les États ont posé, dans la Déclaration de 1986, des obligations pour la réalisation du droit au développement à trois niveaux : interne, externe et collectif, et ce droit ne peut être réalisé que moyennant une attention égale portée à ces trois niveaux d'obligations, a indiqué M. Kanade. Il a cité à titre d’exemple les politiques nationalistes en matière de vaccins adoptées par de nombreux pays riches pendant la pandémie, qui ont limité l'espace de gouvernance dont avaient besoin les pays plus pauvres pour garantir l'accès de leurs populations aux vaccins.
Les autres mythes normatifs relatifs au droit au développement sont que ce droit tolérerait les violations d'autres droits de l'homme sous prétexte de développement ; qu'il n'existerait aucune obligation pour les États en matière de coopération internationale ; que le droit au développement ne serait pas vraiment un droit de l'homme puisqu'il est souvent revendiqué par les États ; et que le devoir de coopérer associé au droit au développement rendrait juridiquement contraignant l'engagement de nombreux pays développés à contribuer à hauteur de 0,7% de leur RNB à l'aide au développement. M. Kanade s’est employé à démontrer la fausseté de ces idées et a conclu son intervention en estimant que la meilleure manière de « rendre opérationnel » le droit au développement serait d’appliquer l'instrument juridiquement contraignant qui fait actuellement l'objet de délibérations au sein du Mécanisme.
MME ATTIYA WARIS, Experte indépendante chargée d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a fait part de son point de vue d’ancienne juriste fiscaliste intéressée par la manière d’adapter les systèmes fiscaux aux besoins des populations vulnérables ainsi que par la « répartition équitable des avantages » découlant de « politiques de développement national appropriées » (article 2.3 de la Déclaration).
L’Experte indépendante a notamment constaté que de nombreux pays doivent renforcer leurs systèmes fiscaux car ils sont confrontés aux problèmes cumulés d’un endettement élevé, des flux financiers illicites, des effets socioéconomiques de la pandémie, de l'augmentation des urgences liées au climat et des guerres.
D’autre part, une réforme des systèmes mondiaux de financement, de fiscalité et de développement devrait permettre d’avancer dans la réalisation des Objectifs de développement durable. Une telle réforme devrait être ancrée non seulement dans la coopération et l'assistance internationales, mais aussi dans les normes internationales en matière de droits de l'homme qui obligent les États à allouer le maximum de ressources disponibles à la réalisation progressive des droits de l'homme. Cela signifie également, a fait remarquer l’Experte, qu'il faut protéger la capacité souveraine des États à formuler des politiques de développement national appropriées, conformément à l'article 2.3 de la Déclaration.
Pour M. ORDUKHAN GAHRAMANZADE, Président désigné de l'Organisation de la jeunesse du Mouvement des pays non alignés, le droit au développement englobe les principes d'égalité, de non-discrimination, de participation, de transparence, de responsabilité, ainsi que la coopération internationale de manière intégrée, et enfin le droit de chaque être humain à l'amélioration constante de son bien-être.
La mise en œuvre du droit au développement est un cycle continu de participation, de contribution et de jouissance de la réalisation de ce droit, avec les jeunes au centre de celui-ci. Le monde a besoin de la participation des jeunes pour conduire les pays vers le progrès en atteignant les objectifs liés à la réalisation du droit au développement.
Par conséquent, a indiqué M. Gahramanzade, les nations du monde développé et du monde en développement devraient unir leurs efforts pour donner du pouvoir aux jeunes, qui sont les acteurs actuels du changement et les futurs dirigeants, en leur offrant des plateformes pour discuter et échanger des idées sur les problèmes actuels et proposer des solutions innovantes et efficaces.
Aperçu du débat
Nombre d’intervenants ont estimé que l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement de 1986 avait marqué une étape très importante. L’influence de cette Déclaration sur le programme mondial de développement – notamment la Déclaration du Millénaire, les Objectifs de développement durable, le Programme d'action d'Addis-Abeba et l'Accord de Paris sur le changement climatique – a été soulignée.
L’attention des États a été attirée sur l'article 4 de la Déclaration, qui souligne qu'une coopération internationale efficace au profit des pays en développement est « essentielle pour donner à ces pays les moyens de soutenir un développement global ». La manière dont la fortune mondiale sera dépensée sera déterminante à cet égard, a dit une oratrice.
Une organisation non gouvernementale (ONG) a recommandé de réorienter le financement du développement vers des processus de transformation et des réformes axés sur les personnes et fondés sur les droits de l'homme. Les obligations en matière de droits de l'homme devraient être privilégiées par rapport aux conditionnalités financières, fiscales et commerciales, notamment grâce à des mécanismes plus équitables de règlement de la dette, a-t-il été affirmé. Quant à l'aide publique au développement, elle devrait être guidée par les principes de participation et d'appropriation locale, en évitant toute conditionnalité cachée, a ajouté cette ONG.
Il a été recommandé à plusieurs reprises que le système économique et financier international fasse l'objet de réformes radicales afin de le rendre plus juste et équitable.
Des intervenants ont mentionné les stratégies que leurs pays ou groupes de pays ont appliquées pour assurer leur propre développement ainsi que le développement global et à long terme. Une délégation a insisté sur le fait qu’outre l'autonomisation économique, le droit au développement devait également impliquer le développement social, culturel et politique pour tous, sur la base des principes d'amélioration du bien-être humain et de vie décente.
Des délégations ont espéré que le Mécanisme d’experts sur le droit au développement parviendrait à un accord sur son projet d’instrument juridique contraignant dans ce domaine. Le traité envisagé devrait mentionner, entre autres choses, la nécessité d’interdire les mesures coercitives unilatérales et de défendre les droits des femmes, ont demandé différentes délégations.
La réalisation d'un développement durable et inclusif, a insisté une délégation, passe par la réalisation intégrale de tous les droits de l'homme, qu'ils soient civils, culturels, économiques, politiques ou sociaux ; sont aussi essentiels le respect des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que des structures de responsabilité et des mécanismes de transparence à tous les niveaux et dans toutes les sphères.
*Liste des intervenants : Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, Kazakhstan (au nom d'un groupe de pays), Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Azerbaïdjan (au nom du Mouvement des pays non-alignés), Côte d'Ivoire (au nom du Groupe des États africains), Arabie saoudite (au nom d’un groupe de pays), Maldives (au nom d'un groupe de pays), Bahamas (au nom d'un groupe de pays), Union européenne, Qatar, Programme des Nations Unies pour le développement, Venezuela, Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII, International Youth and Student Movement for the United Nations, Association pour les droits de la femme dans le développement, Iran, Maroc, Mauritanie, Cuba, Éthiopie, Afrique du Sud, Malaisie, Bangladesh, République démocratique populaire lao, République-Unie de Tanzanie, Bahreïn, Thaïlande, iuventum e.V. et Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme.
Réponses des panélistes
MME FUKUDA-PARR a notamment constaté l’échec de la communauté internationale face à la pandémie – un problème mondial qui exige des réponses plus fortes au niveau mondial s’agissant des vaccins et des diagnostics, a-t-elle estimé. Elle a plaidé pour une approche politique cohérente au niveau international, sur la base des principes consacrés du droit au développement.
M. KANADE a insisté sur l’importance de changer la situation sur la base de modèles de développement fondés non plus sur la charité, mais sur le droit au développement et sur le devoir de coopération entre États dans ce domaine.
MME WARIS a plaidé pour un financement du développement qui soit axé sur l’avenir. Elle a aussi plaidé pour une meilleure coordination et une plus grande coopération au niveau international dans l’application du droit au développement.
Enfin, M. GAHRAMANZADE a recommandé d’investir dans la jeunesse, qui doit pouvoir jouir pleinement de ses droits et libertés fondamentaux et participer de manière sérieuse à l’élaboration des projets pour l’avenir.
Enfin, M. VILLEGAS a rappelé que l’année prochaine marquerait le trentième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne. Le Président a espéré que le prochain débat sur le droit au développement au Conseil compterait avec une participation plus équilibrée d’un point de vue géographique.
Fin du dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales
Plusieurs organisations non gouvernementales ont dénoncé les conséquences néfastes des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l’homme des populations. Les restrictions imposées dans ce contexte ont un impact grave, notamment dans le domaine de l’accès à la santé et au travail, ainsi que pour ce qui est de la jouissance du droit au développement.
Une ONG a critiqué les conclusions du rapport de la Rapporteuse spéciale sur sa visite en Iran qui, selon cette ONG, fournit une excuse aux autorités iraniennes pour poursuivre leurs violations des droits de l’homme.
**Liste des intervenants : Association pour la défense des droits de l'homme et des revendications démocratiques/culturelles du peuple Azerbaidjanais-Iran - « ARC » ; China Foundation for Human Rights Development ; China Society for Human Rights Studies ; et Pars Non Trading Development Activists Co.
Remarques de conclusion
MME ALENA F. DOUHAN, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a indiqué que les questions relatives à l’impact humanitaire des mesures coercitives unilatérales ne sont pas assez étudiées. Elle a rappelé qu’elle était prête à discuter avec les États qui ont recours à de telles mesures, notamment pour aborder la question de la fourniture de l’aide humanitaire et celle des conséquences des mesures unilatérales sur les droits de l’homme.
Mme Douhan a regretté que les États-Unis n’aient pas réagi à ses demandes de communication, pas plus qu’à sa demande de visite dans le pays. Elle a appelé les États à travailler avec elle pour s’engager à élaborer des principes directeurs sur les menaces et les sanctions secondaires suite à la mise en place de mesures coercitives unilatérales. Elle a rappelé que ces menaces étaient contraires au droit international des droits de l’homme et au droit international humanitaire. Les punitions collectives sont aveugles et contraire à la déontologie, a-t-elle insisté, invitant tous les États à lever leurs sanctions et mesures coercitives unilatérales.
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, intitulé « Formes contemporaines d’esclavage touchant les personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et linguistiques » (A/HRC/51/26) ainsi que de son rapport de visite à Sri Lanka (A/HRC/51/26/Add.1).
Présentant son rapport, M. Tomoya Obokata,Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, a indiqué d’emblée que cette semaine, l’Organisation internationale du Travail (OIT), Walk Free et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont publié les nouvelles estimations mondiales, indiquant qu’il y a 50 millions de personnes maintenues dans des formes contemporaines d’esclavage. C’est alarmant, en particulier à la lumière de l’engagement de la communauté internationale à mettre fin à ces pratiques d’ici à 2030, conformément à l’Objectif de développement durable 8.7, a souligné l’expert.
Dans ce contexte, M. Obokata a expliqué avoir suivi de près l’évolution de la situation liée à l’esclavage aux niveaux national et mondial au cours de l’année écoulée, y compris lors d’une visite de pays effectuée à Sri Lanka.
S’agissant de cette visite, il a relevé, sur une « note positive », que Sri Lanka a rejoint l’Alliance 8.7 en tant que pays pionnier en 2018 et a pris des mesures importantes pour lutter contre le travail des enfants dans le cadre de cet engagement.
Néanmoins, M. Obokata a souligné que l’une des principales préoccupations s’agissant de ce pays concerne les conditions de travail et de vie des travailleurs. Il s’est dit troublé d’avoir appris, par exemple, que dans les plantations de thé, les femmes doivent généralement travailler deux fois plus longtemps que les hommes pour gagner le même salaire. De nombreux travailleurs des plantations sont des Tamouls malayaha qui continuent de faire face à de multiples formes de discrimination fondée sur leur origine, y compris à un accès limité à la terre, à la santé et aux services sociaux. Le Rapporteur spécial a également constaté que la discrimination fondée sur la caste persiste dans certaines régions du pays où les travailleurs rencontrent des obstacles similaires.
En outre, M. Obokata a indiqué avoir identifié des indicateurs de travail forcé dans l’industrie du vêtement et le travail domestique, entre autres. Un sujet de préoccupation majeur est le harcèlement sexuel et la violence à l’égard des travailleuses, qui ne sont pas souvent signalés par crainte de représailles et par manque de confiance dans les mécanismes de plainte existants.
Le Rapporteur spécial a d’autre part indiqué qu’il présenterait l’an prochain son rapport sur la visite qu’il a effectuée en Mauritanie en mai dernier.
S’agissant de son rapport thématique, M. Obokata a relevé que cette année marque le trentième anniversaire de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques. Dans toutes les régions du monde, a-t-il observé, les minorités continuent d’être soumises à des formes contemporaines d’esclavage. Cela est principalement dû à une discrimination profondément enracinée et systématique résultant souvent d’héritages historiques tels que l’esclavage, la colonisation, les systèmes de statut hérité et la discrimination formalisée et parrainée par l’État, a indiqué l’expert. Il a expliqué avoir découvert que les minorités, y compris les communautés discriminées sur la base du travail et de l’ascendance en Afrique et en Asie du Sud, ainsi que les populations roms et les personnes d’ascendance africaine en Europe et en Amérique, ne sont pas en mesure d’accéder à une éducation de haute qualité, à un travail décent, à la terre et aux services publics en raison de formes croisées de discrimination. Les travailleurs migrants de toutes les régions du monde sont également victimes de discrimination dans leur pays de destination.
Ces formes croisées de discrimination les poussent encore plus loin dans la pauvreté et beaucoup n’ont pas d’autre choix que d’accepter des emplois qui peuvent entraîner des formes contemporaines d’esclavage, a expliqué M. Obokata. À cet égard, les minorités sont représentées de manière disproportionnée dans l’économie informelle, qui présente souvent des déficits en matière de travail décent.
Le Rapporteur spécial a ensuite donné certains exemples de situations où les minorités sont victimes de formes contemporaines d’esclavage. Ainsi, a-t-il notamment relevé que des cas de travail forcé dans des secteurs tels que l’agriculture, la foresterie et la fabrication ont été observés parmi les minorités ouïghoure, kazakhe et tibétaine en Chine, ainsi que chez les personnes d’ascendance africaine et les travailleurs migrants en Amérique latine, notamment au Brésil et au Guatemala. Le travail servile ou la servitude pour dettes, où les gens doivent travailler pour rembourser leurs dettes, affecte également les Dalits au Bangladesh, en Inde et au Népal.
Malgré ces récits sur les formes contemporaines d’esclavage parmi les minorités, M. Obokata a indiqué avoir identifié des développements positifs qui pourraient être partagés par les parties prenantes concernées. Des « mesures temporaires spéciales » conçues pour améliorer l’accès à l’éducation, au travail décent et aux services publics parmi les minorités, y compris les travailleurs migrants, pourraient être mises en oeuvre dans toutes les régions du monde, a-t-il notamment suggéré.
Pays concerné
Sri Lanka a relevé l’appréciation du Rapporteur spécial pour l’invitation et la coopération qu’il a reçues des diverses parties prenantes dans le cadre de sa visite sur l’île. Sri Lanka a également relevé que le rapport de M. Obokata mentionnait un certain nombre de mesures positives prises dans le pays pour protéger les personnes les plus vulnérables, notamment les enfants par la mise en œuvre de procédures d’alerte précoce dans les écoles. Le pays a également pris des mesures pour lutter contre la traite des personnes et protéger les victimes, a ajouté la délégation sri-lankaise. Plusieurs mesures ont aussi été prises pour alléger la pauvreté des femmes rurales, notamment en réformant le système de microcrédits. D’autres mesures ont en outre été prises pour améliorer la vie des communautés autochtones et des femmes. Il existe par ailleurs un mécanisme de plainte accessible aux travailleurs migrants pour dénoncer toute violation à leur encontre, a souligné la délégation.
Aperçu du débat
Les délégations ont déclaré recevoir positivement le rapport du Rapporteur spécial qui met l’accent sur les formes contemporaines d’esclavage qui touchent particulièrement les personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et linguistiques.
L’esclavage n’est pas seulement un souvenir odieux du passé, mais malheureusement aussi une réalité contemporaine dans de nombreuses régions du monde, a souligné une délégation.
Comme le rapport l’indique, l’esclavage de nos jours peut prendre plusieurs formes, allant du travail forcé et de la servitude pour dettes jusqu’à l’esclavage sexuel : le mariage d’enfants et le mariage forcé en sont également des formes, a souligné une délégation, relevant que l’un des points communs de tous ces phénomènes est la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les victimes et qui est souvent accentuée par leur appartenance à une minorité. Ainsi, dans certains pays, les personnes appartenant à des groupes minoritaires souffrent encore d’une discrimination croisée profondément enracinée. Dans certains cas, la discrimination est parrainée par l’État voire institutionnalisée dans la législation nationale, a regretté une délégation.
Au cours de ce dialogue, il a en outre été rappelé qu’il y a 65 ans, la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage interdisait toute forme de servitude. Pourtant selon les dernières estimations de l’OIT, 50 millions d’hommes, de femmes et d’enfants seraient toujours victimes d’esclavage ou de travail forcé en 2021, a relevé une délégation.
A également été relevée la situation préoccupante des femmes dans ce contexte, lesquelles représentent 60% des victimes, notamment à travers l’esclavage sexuel ou le mariage forcé. Certaines délégations ont relevé le lien de causalité entre précarité et risque d’exploitation.
Il a par ailleurs été observé avec préoccupation que pour la première fois depuis 20 ans, les chiffres du travail des enfants sont en augmentation ; ce phénomène affecterait désormais 160 millions de mineurs.
Une délégation a rappelé que l’esclavage, lorsqu’il est répandu et systématique, peut constituer un crime contre l’humanité.
***Liste des intervenants : Union européenne, Côte d’Ivoire (au nom du groupe des États africains), Norvège (au nom d’un groupe de pays), Libye, Mauritanie, Israël, France, Ordre souverain de Malte, Inde et Luxembourg.
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