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Le Conseil des droits de l’homme se penche sur les situations en Ukraine et en République centrafricaine
Depuis mars dernier, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), dirigée par l’ancien Président centrafricain, M. François Bozizé, a poursuivi ses menaces et attaques contre les populations civiles en République centrafricaine. Pour la seule période allant de décembre 2020 au 30 juin 2021, des éléments de la CPC ont été auteurs d’au moins 372 violations des droits de l’homme. D’autre part, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) a compté que les Force armées centrafricaine (FACA) et leur alliés russes sont auteurs d’au moins 207 violations des droits de l’homme, durant la même période.
Telles sont quelques-unes des informations fournies par l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, M. Yao Agbetse, dans la mise à jour orale qu’il a présentée cet après-midi au Conseil des droits de l’homme.
Compte tenu du fait que la plupart des leaders des membres de la CPC sont inscrits sur la liste de sanctions du Comité du Conseil de sécurité concernant la République centrafricaine, ce dernier et la communauté internationale dans son ensemble doivent prendre les dispositions nécessaires pour que ces personnes, dont l’ancien Président, puissent répondre de leurs actes, a plaidé l’Expert indépendant. Les autorités centrafricaines doivent quant à elles mener promptement, de manière indépendante et impartiale, les investigations nécessaires pour situer les responsabilités de leur côté, a-t-il en outre demandé.
La République centrafricaine, en tant que pays concerné, ainsi que de nombreuses délégations** ont pris part au dialogue qui a suivi cette mise à jour orale.
En milieu de journée, Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a présenté au Conseil le rapport thématique de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur « la détention arbitraire, la torture et les mauvais traitements dans le contexte du conflit armé à l’est de l’Ukraine de 2014 à 2021 » et le rapport du Secrétaire général sur la « situation des droits de l’homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine) » couvrant la période du 1er juillet au 31 décembre 2020. Ces deux rapports sont basés sur le travail de la mission de surveillance du Haut-Commissariat, a-t-elle précisé.
Mme Al-Nashif a notamment indiqué que selon les estimations du Haut-Commissariat, environ 4000 détenus liés au conflit ont été soumis à la torture ou à des mauvais traitements en Ukraine depuis 2014, à la fois dans le territoire contrôlé par le Gouvernement et dans le territoire contrôlé par les groupes armés. La prévalence de la torture et des mauvais traitements était plus élevée au début du conflit et a diminué au fil du temps, a-t-elle ajouté.
Le rapport du Secrétaire général souligne que la Fédération de Russie continue de ne pas s’acquitter de ses obligations en tant que puissance occupante en Crimée en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire. Le suivi continu du Haut-Commissariat depuis la fin de la période considérée montre que la situation des droits de l’homme en Crimée ne s’est pas améliorée, a indiqué Mme Al-Nashif.
L’Ukraine, en tant que pays concerné, ainsi que plusieurs délégations* ont pris part au dialogue qui a suivi cette présentation des rapports.
Le Conseil va poursuivre ses travaux cet après-midi en tenant un dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés.
Dialogue sur l’Ukraine
Le Conseil des droits de l’homme est saisi du rapport thématique de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur « la détention arbitraire, la torture et les mauvais traitements dans le contexte du conflit armé à l’est de l’Ukraine de 2014 à 2021 » et du rapport du Secrétaire général sur la « Situation des droits de l’homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine) » couvrant la période du 1er juillet au 31 décembre 2020 (A/HRC/47/58).
Présentation de rapports
Présentant ces deux rapports, MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a expliqué qu’ils sont basés sur le travail de la mission de surveillance du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Ukraine.
S’agissant du rapport thématique du Haut-Commissariat, Mme Al-Nashif, a indiqué qu’il était basé sur l’analyse de plus de 1300 cas individuels liés au conflit documentés par la mission depuis 2014, ce qui a permis d’estimer la portée globale et la prévalence des violations des droits de l’homme. Selon les estimations du Haut-Commissariat, environ 4000 détenus liés au conflit ont été soumis à la torture ou à des mauvais traitements en Ukraine depuis 2014, à la fois dans le territoire contrôlé par le Gouvernement et dans le territoire contrôlé par les groupes armés. La prévalence de la torture et des mauvais traitements était plus élevée au début du conflit et a diminué au fil du temps, a indiqué la Haute-Commissaire adjointe.
Dans le territoire contrôlé par le Gouvernement, au début du conflit, les cas de détention arbitraire comprenaient des disparitions forcées, des détentions sans mandat judiciaire et des détentions dans des lieux de détention non officiels, souvent secrets. À partir de la fin de 2016, l’utilisation de lieux de détention non officiels a considérablement diminué. Le Haut-Commissariat continue toutefois de documenter des cas de détention arbitraire de détenus liés au conflit pour des périodes plus courtes, pouvant aller jusqu’à plusieurs jours.
Dans le territoire contrôlé par des groupes armés, les détentions ont été officialisées par l’introduction de ce qui est appelé l' «arrestation administrative » dans le territoire contrôlé par la « république populaire de Donetsk » autoproclamée, et de la « détention préventive » dans le territoire contrôlé par la « république populaire de Lougansk » autoproclamée. Le Haut-Commissariat a constaté qu’une grande majorité des détentions liées au conflit équivalaient à des détentions arbitraires. Cette situation perdure aujourd’hui, a regretté la Haute-Commissaire adjointe.
Mme Al-Nashif s’est en outre dite préoccupée par le fait que des cas flagrants de torture et de mauvais traitements étaient documentés dans le centre « Izoliatsiia » de Donetsk, ainsi que dans d’autres lieux de détention sur le territoire contrôlé par les « républiques » autoproclamées. Elle a appelé à la cessation de ces violations et à un accès confidentiel et sans entrave du Haut-Commissariat et d’autres observateurs internationaux indépendants aux lieux de détention et aux détenus dans le territoire contrôlé par les « républiques » autoproclamées.
S’agissant du rapport intermédiaire du Secrétaire général sur la Crimée, Mme Al-Nashif a expliqué que le Haut-Commissariat n’a pas été en mesure de trouver les modalités appropriées pour mener une mission en Crimée conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale sur la Crimée. Par conséquent, le rapport est fondé sur les renseignements recueillis dans le cadre de la surveillance à distance effectuée par le Haut-Commissariat dans le cadre de sa mission de surveillance des droits de la personne en Ukraine.
Le rapport souligne que la Fédération de Russie continue de ne pas s’acquitter de ses obligations en tant que puissance occupante en Crimée en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire, a poursuivi la Haute-Commissaire adjointe.
Dans le système d’administration de la justice, a-t-elle ajouté, le Bureau a documenté des cas d’entrave délibérée et de harcèlement d’avocats qui défendaient les droits de leurs clients dans des affaires très médiatisées sur lesquelles le Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie avait enquêté en Crimée. En outre, les tribunaux ont continué de prononcer des verdicts de culpabilité dans le cadre de procédures au cours desquelles les garanties d’un procès équitable n’ont pas été pleinement respectées.
Le Bureau a reçu de nouvelles allégations de torture et de mauvais traitements commis par des membres du Service fédéral de sécurité russe et d’autres forces de l’ordre à l’encontre de personnes placées sous leur garde, en particulier pour les contraindre à s’autodénoncer ou à témoigner contre d’autres personnes.
Des détenus de Crimée se sont plaints des mauvaises conditions de détention dans les établissements pénitentiaires de Crimée et de la Fédération de Russie, ce qui pourrait constituer des mauvais traitements, a également indiqué Mme Al-Nashif.
Le Haut-Commissariat a en outre enregistré les arrestations arbitraires de 19 personnes en Crimée, dont 11 Tatars de Crimée. La majorité de ces personnes étaient soupçonnées de terrorisme, de possession illégale d’explosifs et d’appartenance à des groupes religieux interdits par la Fédération de Russie mais licites en vertu de la loi ukrainienne.
Pour conclure, Mme Al-Nashif a expliqué que le suivi continu du Haut-Commissariat depuis la fin de la période considérée montre que la situation des droits de l’homme en Crimée ne s’est pas améliorée.
Pays concerné
L’Ukraine a fait observer que les rapports qui viennent d’être présentés montraient la situation terrible des droits de l’homme dans les territoires occupés et les cas de torture dans les centres de détention, qui peuvent s’apparenter à des centres de concentration. La responsabilité doit être imputée aux intermédiaires qui servent à Moscou à se dédouaner, a ajouté la délégation ukrainienne. La Fédération de Russie continue de déformer la vérité et d’imposer ses propres justifications à la situation au Donbass et en Crimée. Plus de 100 citoyens ukrainiens, dont de nombreux Tatars de Crimée, sont détenus illégalement en Crimée. L’absence des soins médicaux dans les lieux de détention est flagrante.
Les citoyens ukrainiens continuent de fuir la Crimée et viennent s’ajouter aux milliers de personnes déplacées, a poursuivi la délégation ukrainienne. La Fédération de Russie veille à éliminer toute référence ukrainienne dans les zones occupées, a-t-elle souligné. Il faut accroître la pression politique et économique et intensifier les sanctions ; il s’agit en effet d’outils efficaces pour que la Fédération de Russie mette fin aux occupations et aux violations des droits de l’homme, a conclu la délégation ukrainienne.
Aperçu du débat
Plusieurs délégations ont condamné ce qu’elles ont qualifié d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et d’annexion illégale de la Crimée, annexion qu’elles ont précisé ne pas reconnaître. La nécessité a été soulignée d'appliquer pleinement les accords de Minsk, conformément au droit international et dans le plein respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues, y compris ses eaux territoriales.
Plusieurs intervenants, insistant sur la responsabilité de la Fédération de Russie à l’égard du processus de Minsk, ont fait observer que ce pays était partie au conflit dans l'est de l'Ukraine, et non un médiateur de ce conflit. Ils ont regretté le renforcement militaire russe ce printemps le long de la frontière ukrainienne et en Crimée, ainsi que les pertes continues dans l'est de l'Ukraine.
La détérioration continue des droits de l'homme en Crimée et dans la ville de Sébastopol depuis leur annexion illégale par la Fédération de Russie a été jugée très préoccupante, notamment en ce qui concerne la restriction des libertés fondamentales et la discrimination à l'encontre des Tatars de Crimée de la part des autorités russes. L’interdiction de l’organe représentatif légitime des Tatars de Crimée, le Mejlis, a été dénoncée.
Les détentions liées au conflit restent l'un des principaux défis humanitaires et en matière de droits de l'homme dans les zones touchées par le conflit, en particulier dans les zones non contrôlées par le Gouvernement de l’Ukraine, a-t-il été souligné. Des préoccupations ont été exprimées face à l’augmentation des violations du cessez-le-feu et au fait, selon un intervenant, que la Fédération de Russie cible des civils ukrainiens au moyen d’armes lourdes, de mines et de munitions non explosées.
Plusieurs intervenants ont exprimé le soutien de leurs pays à la mission de surveillance des droits de l'homme du Haut-Commissariat en Ukraine. Ils ont demandé que la mission se voie accorder un plein accès à tout le territoire de l’Ukraine.
Répondant à ces critiques, la Fédération de Russie a estimé que le rapport ici soumis au Conseil était contraire à la vérité et contraire à l'objectif du Conseil. L'Ukraine s'efforce d'éviter de parler de la situation aiguë et dégradante des droits de l'homme sur son propre territoire, a affirmé la Fédération de Russie : des institutions entières de défense des droits de l'homme y sont détruites et la « langue maternelle historique » a été éradiquée, avec le consentement tacite de l'Occident. L'Ukraine devrait protéger les langues des minorités nationales, a insisté la délégation russe.
Par ailleurs, une délégation a salué l’adoption d’une nouvelle stratégie sur les droits de l’homme par l’Ukraine. La situation dans le pays reste néanmoins inquiétante et, face aux attaques contre des défenseuses et défenseurs des droits de l’homme et contre des journalistes, les autorités restent trop souvent inactives, ont regretté des délégations. D’autres intervenants ont demandé au Gouvernement ukrainien de rétablir les droits acquis des minorités hongroises et de mettre fin à tous les actes d'intimidation à leur encontre ; et de mieux protéger les enfants en ligne, de même que les victimes de violence domestique et sexuelle.
*Liste des intervenants : Islande (au nom d'un groupe de pays), Slovénie, Canada, Allemagne, Union européenne, Finlande, République tchèque, Australie, France, Suisse, Japon, Estonie, Monténégro, Norvège, République de Moldova, États-Unis, Slovaquie, Danemark, Roumanie, Lettonie, Autriche, Irlande, Belgique, Géorgie, Royaume-Uni, Turquie, Croatie, Macédoine du Nord, Fédération de Russie, Hongrie, Pologne, Bulgarie, Albanie, Bélarus, Pays-Bas, Azerbaïdjan, Commission des droits de l’homme du Parlement ukrainien, Mouvement international de la réconciliation , Baptist World Alliance, Bureau international catholique de l'enfance , Human Rights House Foundation, Advocates for Human Rights, Commission internationale de juristes et International Council of Russian Compatriots.
L’Ukraine est intervenue sur motion d’ordre pendant ce débat .
Réponses et remarques de conclusion de la Haute-Commissaire adjointe
MME AL-NASHIF a indiqué que le Haut-Commissariat dialoguait toujours avec les autorités concernées russes et ukrainiennes, conformément aux résolutions de l’Assemblée générale, pour pouvoir se rendre en Ukraine et y assurer le suivi des droits de l’homme. Elle a recommandé que la communauté internationale reste informée du sort de militants des droits des Tatars détenus, afin que les voix des victimes soient entendues au-delà de leurs cellules.
Le Haut-Commissariat a reçu des allégations crédibles de mauvais traitements commis dans les républiques autoproclamées, a ensuite rappelé Mme Al-Nashif. La communauté internationale pourrait souligner auprès des parties l’importance pour le Haut-Commissariat d’accéder au terrain, a-t-elle ajouté.
L’Ukraine a envoyé une invitation permanente aux titulaires de mandat et a déjà reçu la visite de douze titulaires, a d’autre part rappelé la Haute-Commissaire.
Mme Al-Nashif a suggéré que la communauté internationale rappelle à la Fédération de Russie ses obligations envers la population de la Crimée en tant que puissance occupante. La Fédération de Russie pourrait ainsi ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, a-t-elle suggéré, avant de regretter que la Fédération de Russie n’ait pas lancé d’invitation aux procédures spéciales.
Le rapport indique que les lacunes de la justice pénale en Ukraine – s’agissant notamment du manque de juges – aboutissent, dans certains cas, à un défaut d’enquête face à certaines violations des droits de l’homme, a poursuivi la Haute-Commissaire adjointe. Elle a appelé la communauté internationale à aider l’Ukraine à assurer la sécurité physique des journalistes et blogueurs, pour éviter que de nouvelles agressions ne se produisent.
Enfin, Mme Al-Nashif a fait état d’une bonne collaboration avec les autorités ukrainiennes, le Haut-Commissariat étant par exemple autorisé à visiter des centres de détention.
Dialogue avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine
Le Conseil est saisi d’une mise à jour orale de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine.
Mise à jour orale
M. YAO AGBETSE, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, a commencé par indiquer qu’en raison de la crise sanitaire et des mesures de quarantaine imposées à tout voyageur à l’arrivée en République centrafricaine, il n’a pas pu effectuer de visite sur le terrain. Il a précisé avoir compensé l’absence de visite par des consultations régulières avec les acteurs et institutions opérant sur le terrain. Il a ensuite annoncé aux membres du Conseil trois « bonnes nouvelles » : un nouveau Gouvernement a été formé, avec à sa tête M. Henri-Marie Dondra ; les onze Commissaires de la Commission Vérité Justice Réconciliation et Réparation (CVJRR), parmi lesquels cinq femmes, ont prêté serment le 2 juillet dernier devant la Cour d’Appel de Bangui ; et enfin, le Président centrafricain, M. Faustin-Archange Touadéra, a annoncé le 9 juin dernier l’ouverture d’un dialogue national républicain qui devrait impulser une nouvelle dynamique pour l’application de l’Accord de paix en impliquant tous les partis politiques et la société civile.
L’Expert indépendant a ensuite indiqué que depuis mars dernier, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), dirigée par l’ancien Président centrafricain, M. François Bozizé, a poursuivi ses menaces et attaques contre les populations civiles. Pour la seule période allant de décembre 2020 au 30 juin 2021, des éléments de la CPC ont été auteurs d’au moins 372 violations ou abus des droits de l’homme sur au moins 641 victimes. La CPC a en outre déstabilisé l’organisation de l’élection présidentielle et des législatives, obligeant les autorités à réorganiser en mai dernier des élections législatives dans les circonscriptions n’ayant pas pu accomplir leur exercice démocratique à cause des velléités guerrières de cette Coalition. Compte tenu du fait que la plupart des leaders des membres de la CPC sont inscrits sur la liste de sanctions du Comité du Conseil de sécurité concernant la République centrafricaine, ce dernier et la communauté internationale dans son ensemble doivent prendre les dispositions nécessaires pour que ces personnes, dont l’ancien Président, puissent répondre de leurs actes, a plaidé l’Expert indépendant.
M. Agbetse a également déclaré avoir été informé par des acteurs de terrain, mais aussi par le rapport de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), de multiples violations des droits de l’homme qui ont été perpétrées lors des opérations visant à libérer les localités occupées ou tenues par les groupes armés, notamment à Bouar, Kaga Bandoro, Bambari, Bangassou, Nzacko, Bakouma, Koui, Bocaranga, Yaloké, Bossemptele, Boda, Bossembélé et Ndélé. La MINUSCA a compté que les Force armées centrafricaine (FACA) et leur alliés russes sont auteurs d’au moins 207 violations ou abus des droits de l’homme, notamment de meurtres et exécutions extrajudiciaires, de menaces de mort, de viols, de tortures, de traitements cruels et inhumains, d’atteintes à l’intégrité physique, d’occupation d’écoles, de pillages et confiscations, ainsi que d’arrestations et de détentions arbitraires, durant la période allant de décembre 2020 au 30 juin 2021. Les autorités centrafricaines doivent mener promptement, de manière indépendante et impartiale, les investigations nécessaires pour situer les responsabilités, a demandé l’Expert indépendant.
M. Agbetse a par ailleurs déploré et condamné les critiques et les protestations d’une partie de la population contre la MINUSCA. Cette situation appelle la communauté internationale à engager une réflexion sur la nature du mandat dont ladite Mission devrait être investie dans un contexte aussi complexe que celui de la République centrafricaine. La conformité des forces de la MINUSCA au mandat confié par les résolutions du Conseil de sécurité est souvent considérée, perçue ou interprétée au sein de la population comme une passivité devant l’adversité sur le terrain, a fait observer l’Expert indépendant. Il existe par ailleurs des allégations préoccupantes de violences sexuelles perpétrées par des Casques bleus de la MUNISCA, a-t-il ajouté. Depuis le début de l'année, douze allégations d'exploitation et d'abus sexuels impliquant du personnel en uniforme de différents pays ont été rapportées. J’appelle donc la MINUSCA à mettre pleinement en œuvre sa politique de tolérance zéro et les États à former leurs militaires sur les questions de violences sexuelles avant leur déploiement et à prendre les sanctions exemplaires en cas de commission d’actes délictueux, a plaidé l’Expert.
M. Agbetse a par ailleurs estimé que le renforcement et la consolidation des institutions nationales ayant dans leur mandat la protection des droits de l’homme, la bonne gouvernance démocratique, économique et sociale, ainsi que la lutte contre l’impunité et la corruption devraient davantage recevoir les services d’appui technique des Nations Unies. La MINUSCA devrait davantage associer, et surtout responsabiliser, les acteurs de ces institutions nationales, a-t-il insisté. La communauté internationale devrait de son côté passer des considérations géopolitiques à des préoccupations portant sur la lutte contre l’impunité, le sort des victimes des violations de droits de l’homme, la restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, le renforcement des opérations de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR) et le travail de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation, a conclu l’Expert.
Pays concerné
M. ARNAUD DJOUBAYE-ABAZENE, Ministre d’Etat de la justice, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance et Garde des sceaux de la République centrafricaine, a souhaité présenter au Conseil les avancées « remarquables » survenues dans son pays en matière de droits de l’homme. Ainsi, a-t-il souligné, le Président centrafricain, M. Faustin-Archange Touadéra, a-t-il placé la justice et la lutte contre l’impunité à « l’épicentre » de sa vision politique. La semaine dernière, les membres de la Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation ont prêté serment, dans le but d’accélérer la justice transitionnelle et le processus de réconciliation entre Centrafricains, gage d’une paix durable. Sur l’ensemble du territoire, les juridictions ordinaires fonctionnent et rendent des jugements correctionnels. Les cours d’appel de Bangui, Bouar et Bambari préparent leurs prochaines sessions criminelles. La justice militaire entend elle aussi organiser des sessions correctionnelles et criminelles pour sanctionner les violations des droits humains et des règlements commis par les militaires. La Cour pénale spéciale, juridiction dédiée à sanctionner des violations graves des droits de l’homme, notamment les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, va entrer dans sa phase opérationnelle ; les premières audiences publiques auront lieu d’ici la fin d’année, a indiqué le Ministre d’Etat.
Dans le même temps, a poursuivi le Ministre, le Gouvernement reste « vivement préoccupé » par les rapports faisant état de graves violations et abus des droits de l’homme qui auraient été commis par les forces armées centrafricaines (FACA) et leurs alliés russes engagés dans la contre-offensive, en réponse aux dernières attaques perpétrées par les groupes armés coalisés. Suite à ces dénonciations, le Gouvernement, conformément aux dispositions des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels, a pris des mesures pour sanctionner et faire cesser ces présumés violations des droits humains. La commission d’enquête spéciale destinée à faire la lumière sur les faits allégués contre les forces armées et leurs alliés qui a été mise sur pied est d’ores-et-déjà à pied d’œuvre et dispose de trois mois pour rendre public son rapport qui établira les responsabilités en vue de poursuites judiciaires.
Le Gouvernement déplore cependant que toutes les exactions perpétrées par la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), bien que documentées par certaines ONG et par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), entre autres, n’aient pas fait l’objet d’autant de publicité. Pourtant la CPC a commis et continue de commettre depuis décembre 2020 des crimes parmi les plus graves, dont des enlèvements, séquestrations, viols collectifs de femmes, pillages de locaux de plusieurs organisations humanitaires, pillages, vols de bétail, assassinats, prises d’otage ou recrutement d’enfants. Face à la cruauté de ces actes, les juridictions nationales sont à pied d’œuvre pour sanctionner les auteurs et complices de ces nombreuses violations des droits humains, a indiqué le Ministre, assurant une fois de plus de la détermination de son Gouvernement à poursuivre ses efforts en matière de de lutte contre l’impunité et de justice transitionnelle.
Aperçu du débat
Nombre de délégations ont déploré la poursuite des violences, abus et autres violations des droits de l'homme commises en République centrafricaine par les groupes armés, mais aussi par l’armée centrafricaine et les forces alliées russes – ces dernières [les forces alliées russes] étant qualifiées par certaines délégations de « mercenaires ».
Les enfants sont les premières victimes de ces violences, s’est alarmée ue délégation, estimant que les trois quarts des cas vérifiés d’abus en 2020 concernent les enfants.
La pacification du pays doit se faire dans le strict respect du droit international et du droit international humanitaire, ont insisté plusieurs délégations, appelant à des enquêtes pour faire la lumière sur les cas de « ciblages illégitimes ». Que peuvent faire les États pour promouvoir l’obligation redditionnelle, a demandé une délégation ?
Plusieurs délégations se sont néanmoins réjouies des avancées enregistrées, notamment en matière de justice transitionnelle avec l’opérationnalisation de la Cour spéciale et de la Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation. Sans justice, la paix ne sera pas réalisable, a-t-il été souligné.
Dans ce contexte et pour aider le peuple centrafricain à retrouver paix et prospérité, l’assistance technique et le renforcement des capacités sont plus que jamais nécessaires, a-t-on affirmé.
Plusieurs intervenants ont insisté sur l’importance de l’ouverture du couloir Douala-Bangui.
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) reste primordiale pour protéger la population et pour documenter sur le terrain les actions qui portent atteinte aux bien-être des citoyens, a-t-il en outre été rappelé.
Il faut éviter l’ingérence dans les affaires internes des États et, dans le cas présent, dans celles de la République centrafricaine ; il faut des solutions africaines aux problèmes africains et tenir compte des initiatives de l’Union africaine, ont souligné certains États.
**Liste des intervenants : Belgique (au nom du BENELUX), Islande (au nom des pays nordiques et baltes), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Portugal, Espagne, République tchèque, Angola, France, Sénégal, Chine, Maroc, Venezuela, États-Unis, Égypte, Irlande, Mali, Royaume-Uni, Mauritanie, Niger, Fédération de Russie, Malawi, Tchad, Ensemble contre la peine de mort, World Evangelical Alliance, Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL), Fédération internationale de l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) , Elizka Relief Foundation, Geo Expertise Association, Caritas Internationalis (International Confederation of Catholic Charities), Christian Solidarity Worldwide, Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Réponses et remarques de conclusion de l’Expert indépendant
M. AGBETSE a déploré que les forces armées centrafricaines (FACA) et leurs alliés aient commis des violations des droits de l’homme. Les opérations réalisées par les alliés doivent s’inscrire dans le respect du droit international, a-t-il rappelé. La pacification et la conquête des zones détenues par les rebelles doivent se faire dans le respect des droits de l’homme et les auteurs de violations doivent rendre des comptes. La Commission d’enquête (spéciale) doit faire la lumière sur ces violations, a-t-il insisté.
Il est important que la MINUSCA redouble d’efforts et renforce les mécanismes en son sein pour lutter contre les violences sexuelles, a par ailleurs souligné M. Agbetse. Les Etats qui ont déployé des soldats doivent aussi prendre les dispositions nécessaires pour sanctionner les auteurs de violences avérées, a-t-il ajouté.
L’Expert indépendant a par ailleurs condamné les attaques de la CPC contre le personnel humanitaire, soulignant que ces attaques avaient aggravé les déplacements de population ainsi que les besoins de la société civile en matière humanitaire. Il a également regretté l’occupation des écoles par les groupes armés, aussi bien des FACA que du CPC.
Le dialogue inclusif n’est pas une option mais une obligation, a affirmé M. Agbetse. La société civile doit être associée pour faire échec aux forces qui nuisent au dialogue de paix, a-t-il conclu.
HRC21.093F